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Cyberculture

Savoirs et pouvoirs autonomes dans une société sans affects

Savoirs autonomes et potentialités

En marchant dans les villes connectées aux réseaux de distributions mondiaux, nous passons d’un imaginaire à l’autre, de Monoprix ™ à la Fnac ™, d’UGC ™ à Friskie’s ™, de la Fondation Pinault ™ ou Guggenheim ™ à Mac Do ™, activant à chaque fois des champs de possibilités relationnelles, communicationnelles ou sensationnelles, équivalentes et interchangeables. Ces possibilités-marchandises (c) proposées par la culture mondiale du supermarché naissent de désirs et de besoins suscités par la publicité et par les médias. Elles ne peuvent être actualisées qu’à travers l’argent dont nous disposons par notre travail et nos crédits bancaires. Le plus riche a le plus de chance d’avoir raison parce qu’il dispose des moyens pour cela. Il peut créer ses propres possibilités-marchandises (c) et les imposer à d’autres. Une équation associant vérité, argent, technique et pouvoir se dessine, de sorte que l’on travaille à son propre endoctrinement, à son propre assujettissement. Foucault parle de « régime de vérité » entendant par ce terme la dynamique circulatoire par laquelle l’assujettissement des individus et la production des vérités assujettissantes se renforcent l’un l’autre.

Dans ce contexte émergent des formes d’autonomies. Elles se manifestent dans la montée en puissance d’une intellectualité, d’une créativité et d’une résistance diffuse, d’individus et de collectifs créant des formes de vie (expressives, alimentaires, passionnelles, urbaines), mettant en oeuvre des formes de désobéissance sociale ou de désobéissance civile, développant leurs compétences et sécrétant du sens de façon autonome et critique. Ces manifestations de savoirs/pouvoirs autonomes mettent en crise le monopole d’accès détenu par les organisations productives de la société de consommation sur les possibles.

À la différence d’un régime de vérité assujettissant, un savoir autonome agit par résonance, intensifiant les potentiels de l’être et déconstruisant les machines complexes, les totalités unipolaires constituant notre environnement : pouvoir technologique et pouvoir économique, pouvoir bureaucratique, pouvoir culturel, pouvoir sexuel. L’être mettant en oeuvre des savoirs/pouvoirs autonomes est un être potentiel. Il n’est pas là, figé dans un rôle ou dressé à vouloir ou à désirer telle ou telle possibilité normalisée ou à choisir parmi elles. Ses possibilités ne sont pas des possibilités-marchandises contrôlées et rationalisées par le système capitaliste, mais bien des chances, des destins possibles mis en oeuvre par l’activité de l’être.