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Critiques

« Damn It Feels Good to Be a Gangster », narrativité et interactivité dans Grand Theft Auto : San Andreas

L’étude des jeux vidéo a été marquée depuis ses premiers balbutiements par un débat entre ludologie et narratologie1. En proposant et en définissant le terme « ludologie », Gonzalo Frasca a affirmé la tendance formaliste que l’on devinait déjà dans les travaux du « père fondateur » Espen J. Aarseth : « En tant que discipline formaliste, [la ludologie] doit se concentrer sur la compréhension des structures et éléments du jeu — et plus particulièrement de ses règles — de même que sur la création de typologies et de modèles susceptibles d’expliquer la mécanique des jeux. » (Frasca, 2003b : 222. Nous traduisons) Un peu comme l’hypertexte a reposé, il y a quelques années, la question du texte, les jeux vidéo reposent à la pensée critique contemporaine la question du jeu. Je ne doute pas un instant que la réponse se trouve dans la ludologie, en tant que logique formelle. Les jeux vidéo posent cependant une autre question : celle de la place qu’ils sont susceptibles d’occuper à l’intérieur de disciplines déjà existantes, et plus spécifiquement, à l’intérieur du paradigme élargi de texte. Contrairement aux tenants de l’approche narratologique, je ne crois pas que les jeux vidéo constituent, de plain-pied, des récits, et il m’importe assez peu qu’ils en soient ou non. Ce qui m’intéresse, c’est la possibilité de les étudier et de les interpréter en tant que textes. 

Dans l’histoire longue du concept de texte, la constante la plus ancienne a consisté à faire de lui un objet tensionnel. À l’origine, le texte, objet de la philologie et de l’herméneutique, s’articule sur des tensions : tension entre la parole vivante et son inscription mécanisée, par exemple, ou entre la construction d’un tout du texte et l’interprétation de ses parties, dans l’idée de cercle herméneutique. En retenant cette constante, on peut observer comment le jeu vidéo Grand Theft Auto : San Andreas se construit en tant que texte sur plusieurs tensions, dont l’une m’intéressera plus particulièrement ici : celle qui s’y déploie entre narrativité et interactivité2.