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Bioart : acte écosophique, acte bleu

Depuis longtemps certains artistes préoccupés par les questions écologiques ont dénoncés dans leur art l’irresponsabilité de l’industrialisation sauvage (ou économie rouge) qui mène le monde à sa perte, comme par exemple, l’œuvre de Thomas Hirschhorn constituée d’une centaine de globes terrestres bleus affublés de protubérances pansées par du ruban adhésif beige en guise de pansements. Cette installation était accompagnée de photos témoignant de l’état de déclin de la planète du point de vue politique, économique et écologique.

Thomas Hirschhorn, Outhgrow
Thomas Hirschhorn, Outhgrow

Si on remonte plus loin dans le temps, l’utilisation de ready-made par Marcel Duchamp serait un geste écologique dit Pierre Restany, car« il fait basculer, d’un seul coup, l’art, de l’esthétique à l’éthique ». Préconisant de la sorte un art d’attitude, soit de faire de son emploi du temps un art, il dit : « J’espère qu’un jour, on arrivera à vivre sans être obligé de travailler ». Il s’oppose à la soumission au temps et au travail de la société industrielle, à la mécanisation des individus. Avec lui l’artiste devient un modèle de comportement : une éthique de la résistance.

Joseph Beuys, quant à lui, crée le concept d’une sculpture sociale ; pour lui « le seul acte plastique véritable, consiste dans le développement de la conscience humaine ». Pour Beuys l’art c’est la vie. L’acte, l’art en action est plus important que l’oeuvre d’art. Il s’impliquera dans la fondation du parti vert en Allemagne et son projet de plantation de 7000 chênes, commencé en 1982, se poursuit, même après sa mort survenue en 1986. 

Son intention était de « sonner l’alarme contre toutes les forces qui détruisent la nature et la vie et de montrer la transformation de toute la vie, de toute la société, de tout l’espace écologique ».

Par ailleurs, Yves Klein avec ses monochromes et sculptures en éponge pigmentés de bleu dit : « Le ciel bleu est ma première œuvre d’art ». Il élargit ainsi le concept du ready-made pour en faire un acte de présence au monde, à la planète tout entière dans une une conscience cosmique, englobant l’univers » écrit Stephan Barron. (Barron, 2003)

Bill Vazan, tente lui aussi d’englober l’espace géographique du monde avec « Soundings » de la planète bleue, il dit que ses œuvres, composées d’éléments naturels, intègrent non seulement la terre, mais aussi l’eau, agent utilisé dans son travail comme élément générateur ».

Bill Vazan, Soundings

Cécile Massart, toujours dans ce souci de tenir en éveil les consciences a pour objectif de rendre lisible par des marqueurs des lieux enterrés de déchets nucléaires hautement radioactifs par des archisculptures en matériaux durables.

Cécile Massart, Sites d’Archives
Cécile Massart, Sites d’Archives

Gregory Chatonsky avec Télofossils œuvre multi-media, tente d’archiver le futur qu’il anticipe en imaginant ce que les civilisations actuelles, qui tendent vers une dématérialisation, sinon une disparition à force de surproduction, suraccumulation et surconsommation, pourraient laisser comme traces. Entre technologies de pointe (vidéos, bande son, numérisations 3D, dispositif interactif neuro-robotique) et traditionnelles (sculpture, plaques d’objets techniques fossilisés…), il compose, une véritable archéologie du futur en lui donnant une dimension plus sensible.

Gregory Chatonsky, Télofossils
Gregory Chatonsky, Télofossils
Gregory Chatonsky, Télofossils

Le Bioart

BIOART

Les artistes qui touchent de plus près à la matière sont certainement les artistes du bioart, ils manipulent directement la matière vivante, veulent faire prendre conscience, faire réfléchir, provoquer des débats, certains croient en une portée éthique de leurs gestes et pensent pouvoirs apporter des solutions en alimentant l’imagination des scientifiques.

Ainsi l’art biotech, le Wet Art ou le On Life, sous toutes leurs formes, In vivo, In vitro, Semi-living ou Near-life, hybride sont nés à l’intérieur et à l’extérieur des laboratoires de sciences génétique, transgénique, moléculaire ou bactériologiste. En effet, certains artistes, dans un travail de multiplication et de manipulation des cellules humaines, animales et végétales, par des cultures de tissus vivants, des modifications génétiques et morphologiques, des implantations de construction bio-mécaniques, redonnent une vie semi-organique à l’art. Ils inventent non plus de nouvelles fictions mais de possibles réalités jusque-là fantasmées, depuis que les avancées de la science ont donné lieu à la cartographie de l’ADN d’organismes vivants, donnant à l’encodage du vivant une plasticité inconnue dans le passé. Ils travaillent dans et par la matière elle-même vivante, dans un souci de protection, d’extension, d’élargissement, d’augmentation et d’amélioration des potentialités vitales, intellectuelles et sociales de l’humain ainsi que des qualités de son environnement.

Henri Atlan ne dit-il pas :

« Il existe solidement enraciné dans l’être le désir de dominer la nature y compris la nature humaine. On le retrouve sous une forme ou sous une autre, dans chaque civilisation. Il exprime, au fond, le désir universel de vouloir échapper à la mort1 ».

Ainsi  Paul Perry, quant à lui, n’hésite pas à greffer un de ses globules blancs sur une cellule cancéreuse de souris pour former une nouvelle cellule immortelle, telle un hybridome. En intervenant sur les mécanismes habituels de développement des papillons, Marta de Menezès modifie les motifs de leurs ailes, créant ainsi une asymétrie jamais observée dans la nature.

Marta de Menezès, Butterfly
Nathalie Jeremijenko, OneTree

À l’inverse, Nathalie Jeremijenko prouve par ses clonages d’arbres qu’il est impossible de recréer de l’identique. Dépasser la nature pour mieux la restituer, c’est ce que le projet Pangéa2 de Louis Bec expérimente avec ses recherches sur la cognition chez les animaux, notamment les poissons africains (gnathonémus pelersü) qui émettent des décharges électriques en mettant en place des dispositifs technozoosémiotiques , visant à rendre possible la communication entre les mormydées africains et les gymnotidès d’Amazonie, éloignés par le glissement de la techtonique des plaques. On observe que la communication demeure un point topique de la majorité de ces productions sur le vivant ; déjà Alba, GFP bunny, lapine augmenté transgénétiquement d’une protéine verte fluorescente, que faisait découvrir Eduardo Kac < www.ekac.org> en 2000 avait pour objet l’observation de son intégration sociale et le phénomène médiatique l’entourant ainsi que le débat sur l’utilisation humaine des animaux.

Louis Bec, Pangea
Louis Bec, Pangea

C’est aussi l’objet des expériences de Symbiotica et TC & A avec leurs cultures tissulaires réalisés au moyen de bio-réacteurs qui produisent des steaks de grenouilles pour que cesse l’abattage des animaux voués à nos besoins de nutrition. En contre partie, les réalisations du duo, qui comprennent aussi des sculptures semi-vivantes composées de polymère biodégradable et de cellules vivantes de tissus épidermique, osseux et musculaire, les obligent à assumer la responsabilité de leur durée de vie, soit en les alimentant ou en les laissant mourir. 

Symbiotica et TC & A, Flesh Experience
Symbiotica et TC & A, Flesh Experience

À l’inverse, c’est par le biais d’une fiction romanesque que le duo Art Orienté Objet fait le récit de ses expériences en laboratoire en révélant les actes de méfiance des biologistes à leur égard. Il faut dire que Marion Laval-Jeantet a dû contourner les lois françaises pour réaliser une performance inédite qui s’intitule « Que le cheval vive en moi ».

Art Orienté Objet, Que le cheval vive en moi
Art Orienté Objet, Que le cheval vive en moi
Art Orienté Objet, Que le cheval vive en moi

Devant le public, elle se fait transfuser du sang de cheval. Puis ce sang ainsi mélangé est prélevé et lyophilisé, à partir duquel une collection de huit reliquaires est réalisée. La rencontre du sang des deux espèces produit ce qu’elle nomme le sang de centaure. Son corps, lieu de toutes les expérimentations, fait œuvre. La barrière entre les espèces est levée par l’abolition des catégories de la nature.

Une méfiance règne devant ces productions qui a conduit Steve Kurtz devant les tribunaux suite à des accusations d’actions bio-terroristes, alors ses projets visaient à dénoncer l’utilisation d’armes biochimiques en présentant sous forme de labos de démonstration des cultures d’organismes innofensifs comme la bactérie serratia marescens dans des événements artistiques.

Steve Kurtz, Serratia marescens
Steve Kurtz, Serratia marescens

Avec Kurtz, nous faisons face entre autres à la fragile réalité du corps humain devant des éventuelles menaces biochimiques. Pour parer à ces faiblesses, certains futurologues entrevoient la possibilité d’utiliser les avancées des nanosciences dans une propension à augmenter les capacités physiques et intellectuelles des êtres humains. Dans un même ordre d’idée le projet de  SubRosa, interroge le concept de posthumain ou de cyborg tel que présenté par Donna Harraway mais en laissant entrevoir les motivations politiques sous-jacentes.

Œuvre de Sha Xin Way
Œuvre de Thecla Schiphorst
Œuvre de Suzan Kozel

Ce désir d’augmenter les potentialités du corps ont amené certains artistes a développer une membrane artificielle, un vêtement muni de réseaux électroniques qui permet d’outrepasser les limites de l’agir corporel et communicationnel, c’est le cas des œuvres de Sha Xin Way, Thecla Schiphorst et  Suzan Kozel. Cette utilisation des potentialités du corps au service de la production de robots se retrouve dans Le huitième jour, œuvre d’Eduardo Kac qui met en relation la biodiversité des espèces avec des biobots pour en observer les effets et réactions comportementales. Eduardo Kac utilise dans une même œuvre des technologies de l’ingénierie génétique et de l’intelligence artificielle dans une dimension globalisante3, esthétique et symbolique, sinon spirituelle, tout au moins poétique4.

Eduardo Kac
Eduardo Kac, Le huitième jour

L’inquiétude que soulève de nombreux projets scientifiques c’est le fait qu’ils ne sont plus utopiques et c’est justement ce que nous prouvent les productions bioart mais en même temps elles démontrent que l’on peut agir sur la nature et peut-être rétablir des conditions propices à la survivance et la régénération. Notamment le travail de Nathalie Jeremijenko avec son clonage d’arbre. En tant qu’activiste et face au secret des labos privés, elle dit :

« Le bioart devrait assumer seul le devoir d’éveiller le sens critique. La grosse différence entre l’art et la science, c’est que les chercheurs ne sont jamais directement responsables devant le public, alors que les artistes sont beaucoup plus exposés. »

Mais par ailleurs, elle entend mettre en perspective, en les complexifiant, les enjeux politiques et sociaux du réchauffement climatique, des modifications de la qualité de l’air et de l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés en révélant et en défiant les mécanismes de pouvoir de l’information scientifique. 

Ainsi en épousant la biotechnologie, les artistes en deviennent solidairement responsables et se doivent, dans leur pratique d’amener des réponses aux questions éthiques qu’ils soulèvent. D’ailleurs les artistes du bioart gardent tous un contact par e-mail et fréquentent les mêmes ateliers, notamment ceux de Kac ou de Symbiotica. Joe Davis compare la communauté des artistes bioart à celle des biologistes moléculaires il y voit la naissance d’un mouvement mondial et multidisciplinaire. Mais cela ne semble pas se produire même si les artistes continuent leur expérimentation.

Ainsi s’opposant à la décorporalisation de la matière, provoquées par les arts virtuels et les arts du web, à cette même époque d’expérimentation de nature plus scientifique, certains artistes privilégient la manipulation des gènes plutôt que des octets, dans l’objectif de conscientiser le monde.

Cependant certains artistes comme Patricia Piccinini s’interrogeant sur notre avenir en tant qu’humains réalise des œuvres sculpturales aux dimensions humaines.

Patricia Piccinini
Patricia Piccinini

Son travail nous rappelle à quel point la vie échappe de plus en plus aux contraintes de la nature grâce aux implants, à la fécondation in vitro, au clonage, à la biotechnologie, aux mutations… en somme, grâce au bricolage génétique.

Elle parodie la monstruosité et la monstration, qu’elle présente comme des antichambres de l’apocalypse. 

Une autre vie traduit la fascination et l’horreur du monstrueux lorsque ce dernier s’installe dans le quotidien, reflétant ainsi l’inquiétante étrangeté freudienne.

Elle semble vouloir montrer à quoi ressembleraient certains êtres humains au naturel ou au contraire les dangers des nouvelles technologies.

Regroupements

On observe aussi de nombreux regroupements se forment plus spécifiquement autour de questions écologiques, liés à l’environnement naturel. C’est le cas de la coalition pour l’art et le développement durable COAL mais aussi des groupes, centres et agences tels que :

RSA ARTS &ECOLOGY, The Center for Art+Environment, P3, CC ANW, Centre pour l’art contemporain et le monde naturel, La Pommerie, la  Verbeke Foundation, Dédale, Grizedale Art, La fondation NMAC, Art contemporain dans la nature, Le Vent des Forêts, Le Domaine départemental de Chamarande, Solar One, (NY)…

Leur rôle étant, entre autre, de regrouper, faire connaître, publier, soutenir et encourager les artistes à relever les défis environnementaux contemporains. Mais aussi soutenir l’étude, la sensibilisation et la mise en place d’interactions créatrices entre les individus et leur environnement naturel, construit ou virtuel. Etc.

On observe que si les arts biotechnologiques proposent une augmentation et une amélioration des potentialités du corps humain, ils proposent aussi une hybridation entre le vivant et la machine (soit la technologie) mais aussi entre les espèces humaine-animale et végétale dans une communion symbiotique des éléments démontrant que l’on fait partie d’un tout écologiquement et que l’avenir peut s’imaginer dans l’imbrication de l’organique et de l’artificiel.

Ébauche d’un projet utopique

La citation qui suit, de Jean Gabriel Ganascia, permet de résumer l’ébauche d’une idée de projet que j’ai eu il y a quelques années, provoqué par une banale vision qui m’a inspirée des réflexions en rapport avec notre sujet.

« Il se pourrait qu’un jour des automates biologiques fondés sur l’emploi de macromolécules recombinantes ou sur la greffe de neurones animaux sur des supports de silicium, viennent supplanter les machines actuelles ; on parle aussi d’ordinateurs quantiques et du développement des nanotechnologies qui bouleverseraient la conception des calculateurs. Dans toutes ces éventualités, les principes matériels différeraient tant de ceux sur lesquels reposent les ordinateurs électroniques actuels que l’on ne peut se prononcer. En effet, il se pourrait que la diminution de la consommation énergétique et son changement de nature procurent une autonomie de fonctionnement totale aux nouvelles machines susceptibles, par exemple, de s’alimenter d’elles-mêmes en ingérant des herbes ou des racines. » (Ganascia, 2007)

Cette vision c’est ce que l’on voit ici une algue accrochée à un débris de béton. Le mouvement de ses longs filaments me fascine et m’intrigue. J’y vois une entité vivante ou encore un cerveau laissant voir ses dentrites en action.

Cladophora glomerata

J’assistais, en fait, à une hybridation naturelle entre une entité vivante organique et un résidu de construit humain. Chacune des deux parties devenant la prothèse de l’autre. Le végétal nomade enfin devenu sédentaire pour s’assurer une vie plus longue et la roche synthétique devenant mobile dans une sorte de chaine de causalité intentionnelle naturelle.

Cladophora glomerata

L’algue, la Cladophora glomerata, est aussi un produit de l’humain puisque modifiée et amplifiées par eutrophisation du milieu aquatique où se déversent les nitrates et l’azote provenant des engrais chimiques et le béton, composite de granulats agglomérés par un liant : On a affaire ici à une multiplicité combinatoire entre des intelligences naturelles et artificielles. N’oublions pas que le terme intelligence vient du mot « rassembler », « lier ensemble ».

Cladophora glomerata

Dans les mouvements des filaments, à l’image des dentrites du cerveau, je vois la fulgurance du vivant, d’un cerveau qui pense, dans une fureur comparable à celle d’Antunez Roca dans son accouplement avec la machine mais aussi ces micro-organismes ou extêmophiles qui bravent les conditions physico-chimiques pour vivre au cœur des roches des profondeurs.

Antunez Roca
Micro-organisme, Icefishshuck
Micro-organisme, Antartic scalp

Je suis fascinée par ce comportement de la nature comme s’il y avait une intentionnalité flottante dans les ondes électromagnétiques qui guident les éléments, comme si la nature se prothéséifier elle-même.

Je n’ai toujours pas réalisé ce projet mais déjà les artistes, Peter Cook et Gavin Robotham, réalisent des sculpture semi-vivantes avec des algues.

Peter Cook et Gavin Robotham, sculpture semi-vivante avec algues

En conclusion deux questions émergent devant la nature que nos technologies abusives meurtrissent de plus en plus allant jusqu’à un point de non-retour. C’est le cas de certaines espèces animales et végétales qui disparaissent chaque jour, ou des animaux marins, par exemple, qui avalent des pastilles de styrofoam et de polystyrène et deviennent trop fertiles ou souffrent de maladies étranges. Est-ce que les actes artistiques comme vu précédemment ont un pouvoir ou du moins un impact sur la société et les politiques ? Devrait-on envisager l’imbrication hybride entre la nature et les déchets industriels ?

Comme l’explique Rancière, « le propre de l’art est d’opérer un redécoupage de l’espace matériel et symbolique. Et c’est par là que l’art touche à la politique. » (Rancière, 2004) C’est donc dans la « re-disposition » des objets communs, « parfois à peine décalée de la vie ordinaire », dans la création de situations propres à modifier nos regards, dans la manière d’investir le temps que l’art contemporain est politique. Et Rancière d’ajouter : 

« La politique, en effet, ce n’est pas l’exercice du pouvoir et la lutte pour le pouvoir. C’est la configuration d’un espace spécifique, le découpage d’une sphère particulière d’expérience, d’objets posés comme communs et relevant d’une décision commune, de sujets reconnus capables de désigner ces objets et d’argumenter à leur sujet ».

Par ailleurs l’Économie Bleue s’attache à la régénération, au delà donc de la préservation et de la conservation ; elle ne recycle pas, elle régénère.

Elle consiste à s’assurer qu’un écosystème maintient ses règles évolutives afin que tous puissent bénéficier du flux infini de la Nature en matière de créativité, d’adaptabilité et d’abondance.

Proche des idées de  Gunter Pauli, Felix Guattari, à la fin des années 1980, fondait le concept d’ « écosophie » et s’exprima ainsi :

« Il n’y aura de réponse véritable à la crise écologique qu’à l’échelle planétaire et à la condition que s’opère une authentique révolution politique, sociale et culturelle réorientant les objectifs de la production des biens matériels et immatériels.» (Gattari, 1989)

Aussi, remarque-t-il, « la seule gestion des problèmes de nuisances industrielles demeure largement insuffisante à l’édification d’une véritable culture de développement durable. Celle-ci dépend non seulement de solutions techniques d’assainissement de lieux contaminés ou de programmes sectoriels de gestion, mais aussi d’un remaniement profond de nos manières de vivre en société touchant l’éthique, la politique et la définition de la subjectivité humaine ».

Son concept d’« écosophie » désigne alors l’articulation éthico-politique de trois registres de l’écologie, soit : l’environnement, les rapports sociaux et la subjectivité. 

Cependant, Edith-Anne Pageot dit « qu’il serait naïf de postuler que les nouvelles technologies auraient la capacité de mener à des changements existentiels allant dans le sens d’une écosophie telle que la revendique Guattari car ce nouveau « système des objets » ne s’inscrit pas en rupture avec le passé et répond toujours aux exigences du capitalisme et de l’industrie même s’il s’ajuste à leurs formes les plus contemporaines. » (Pageot, 2010) Ainsi, la nature sera-t-elle vouée à apprivoiser les détritus industriels comme cette algue nomade devenue sédentaire et à devenir hybride ? Côtoirons-nous des identités semi-vivantes comme les poupées du souci de Symbiotica ? Si ce n’est déjà fait…

Notes

[1] Henri Atlan, entrevue in Actualité Médicale, 4 avril 2001.

[2] Ce projet et bien d’autres concernant les arts biotech peuvent être vu sur le DVD Rom qui accompagne le livre Art et Biotechnologie (sous la direction de Louise Poissant et Ernestine Daubner, 2005, Presses de l’Université du Québec, Montréal).

[3] Il utilise la Téléprésence qu’il définit comme étant la fusion entre la télérobotique et des médias de communication, la Biotélématique qui est pensée comme un art faisant intervenir un processus biologique lié de façon intrinsèque à des moyens de télécommunications informatisés et l’Art transgénique qui fait appel au génie génétique pour transférer soit des gènes synthétiques à un organisme, soit du matériel génétique naturel entre espèces en vue de créer des hybrides vivants uniques.

[4] Ainsi Kac crée en 1983 le concept « d’Holopoésie » pour décrire ses textes flottants tridimensionnels marquant ainsi le début d’une relation intense entre pratique artistique et technologie. On citera Holo/Olho (Holo/Eye) de 1983 et Chaos de 1986.

Bibliographie

– Barron, Stéphan, Technoromantisme, Paris, L’Harmattan, coll. «Esthétiques», 2003, 253 p.

– Ganascia, Jean-Gabriel, Idées reçues sur l’intelligence artificielle, Paris, Le cavalier bleu, 2007, 128 p.

– Gattari, Félix, Les trois écologies, Paris, Galilée, 1989, 80 p.

– Pageot, Edith-Anne, Art et nouvelles technologies : Pour un recadrage de la subjectivité humaine par rapport à l’idée de paysage, dans RACAR, Revue d’art Canadienne | Canadian Art Review, vol. 35, no 1, 2010, p. 42-53.

– Rancière, Jacques, Malaise dans l’esthétique, Paris, Galilée, 2004, 192 p.