Christian Boltanski représente la France à cette 54ème édition de la Biennale de Venise avec Chance. Les jeux sont faits,installation qu’il fait coïncider avec un jeu qu’il a conçu sur un site Internet et qui consiste à « tenter sa chance » comme au casino. Il décline, de la sorte, sur d’autres supports, ce qu’il met en scène à Venise, c’est-à-dire une méditation sur la notion de chance, de hasard et de destin dans une version qu’il qualifie « d’optimiste ». Dans le pavillon français, une presse d’imprimerie de taille démesurée s’étend à travers plusieurs pièces. Elle fait défiler six cents visages de nourrissons d’un jour, dont les clichés ont été empruntés à un journal polonais, tandis que, dans deux salles connexes, un grand compteur donne en temps réel sur écran géant le nombre de gens qui naissent et qui meurent dans le monde. Constater que le nombre de naissances est plus important que celui des décès rend Boltanski optimiste. Par moments une sonnerie retentit : un visage composé de trois fragments horizontaux s’affiche. Cet arrêt sur image se veut à l’exemple d’un jeu dont les règles seraient déterminées par la chance ou la malchance. Donc Chance : si un visage unifié apparaît (une vie alors peut commencer à s’écrire). Manque de chance : si les trois fragments du visage recomposé n’appartiennent pas à la même personne. Par l’entremise d’un dispositif interactif, le spectateur est aussi convié à arrêter le défilement des images, en appuyant sur un bouton, comme au casino où il actionne la manette des machines à sous. Mais cette fois, les visages des nourrissons alternent avec ceux d’adultes – des Suisses morts faisant écho à l’œuvre du même nom de 1990 – crée un effet que Boltanski considère « comique ». Le spectateur interactif a donc une chance sur 14 500 de gagner l’œuvre – un nourrisson polonais ou un Suisse mort – correspondant à ce visage reconstitué. En fait, la grande loterie de Boltanski se prête à différents jeux, dont celui de filmer cette installation qui mise sur la vitesse, dans une esthétique ouvrière : les nombreuses vidéos d’amateurs et de professionnels disponibles sur Internet le prouvent.
Plasticien français membre du Narrative Art, Christian Boltanski (1944-) enseigne aussi à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Grand défenseur de la valeur de l’idée contre la valeur marchande de l’objet, Boltanski se présente comme un collectionneur d’images fasciné par Internet, un artiste qui vit pour l’émotion, la vitesse et le souvenir, et dont chaque travail est impulsé par un même sujet. Ses premières œuvres datent des années 1960 (La chambre ovale en 1967 ; L’homme qui tousse en 1969). Au long de sa carrière, Boltanski interroge la disparition et la mort, comme l’atteste par exemple sa célèbre Maison manquante (Berlin, 1990). Il reçoit le prix Adenauer-De Gaulle en 2009, avec Anselm Kiefer à qui il succède d’ailleurs quand il investit quatre ans après lui l’immense nef du Grand palais dans le cadre de MONUMENTA, avec Personnes (2010), installation constituée par une montagne de vêtements de plusieurs mètres de haut, et par l’étendue, sur soixante-neuf mètres carrés, de manteaux disposés au sol. Œuvre qui fait écho à l’absence et la disparition des êtres. La notion de hasard exprimée dans cette œuvre se trouve cette fois développée dans une version plus optimiste, toujours sous le concept du « croire » dans Chance.