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Cyberculture

Le bilan de la Veille thématique du Musée d'art contemporain de Montréal

Une rencontre conférence (tenue le 4 novembre 1998) qui regroupait Pierrette Bergeron, professeure adjointe à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal, Pierre B. Landry, chef du Studio Nouveaux Médias au Musée des beaux-arts du Canada, Charles Perraton, professeur au département des communications de l’Université du Québec à Montréal, Jean-Philippe Uzel, enseignant au département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal et Anne-Marie Morice, directrice de la revue électronique Synesthésie (France).

Qu’est-ce que La Veille thématique ?

« L’expérience vise à explorer les possibilités d’un concept utilisé en sciences depuis le début des années 70 : celui de la veille technologique. Il existe des méthodes et un vocabulaire très variés pour définir ce genre d’activité dans une entreprise, mais d’une formule à l’autre, l’essentiel se résume à repérer l’information et à la signaler rapidement et efficacement. Une équipe d’experts filtre systématiquement un domaine de connaissance, recueille les données de pointe, les organise et les communique aux décideurs. L’information, dans ce contexte hautement compétitif, peut faire la différence entre le succès et l’échec. Évidemment, le secteur culturel présente d’autres caractéristiques, mais l’idée de base a été retenue et adaptée au milieu muséal. »

La Veille est alimentée en articles par deux ressources principales : les veilleurs internes et les veilleurs externes, soit les personnes travaillant au Musée d’art contemporain (conservateurs, etc.) et celles qui proviennent de l’extérieur (professeurs, critiques, etc.). Ces collaborateurs externes se voient offrir, en échange de leur contribution bénévole, une visibilité dans un site important consacré à l’art contemporain.

Le compte rendu de cette soirée consacrée au bilan

Pierrette Bergeron présentait les résultats d’une recherche de maîtrise effectuée par un de ses étudiants. Une recherche qui portait spécifiquement sur la  » culture  » de la Veille. Alors qu’on demande des textes courts, les textes s’avèrent en moyenne plus longs, un constat plus criant dans le cas des universitaires mais la course en longueur est gagnée étonnamment par la direction du musée. D’ailleurs ces deux derniers groupes cumulent 59 % des textes produits dans la Veille. On y apprend aussi qu’il y a une baisse graduelle des interventions. En clair, ça décline constamment. On s’intéresse plus aux comptes rendus d’articles de périodiques que l’on s’attarde aux événements artistiques (peu couverts). L’analyse de l’art contemporain et sa diffusion sont privilégiées au dépens des collections, de la création et des études.

Les Veilleurs n’identifient pas leur rôle à l’animation mais à celui de fournisseurs d’informations (malheureusement pour la dynamique du Web). Ils se disent par ailleurs privilégiés d’obtenir des informations (des lectures) avant les autres (le public en général). Les veilleurs fréquentent la Veille une fois par mois ou une fois par semaine tout au plus. L’information y est considérée comme assez bonne et, en regard de la pertinence, c’est le neutre. Est-ce utile dans le cadre de leur travail? Les veilleurs internes disent rarement, les veilleurs externes s’y réfèrent régulièrement. Comment expliquer l’inutilité de la Veille pour ceux qui en sont les représentants? Quelques mots sont avancés : désengagement, résistance passive, participation imposée, manque de temps. Ce manque de participation à l’interne indique la nécessité d’un virage, d’un changement de culture (tiens donc!). 

La conclusion insiste sur l’importance de la culture informationnelle et sur les changements majeurs qu’elle amène. Ce qui veut dire, selon moi, que certains refusent d’emboîter le pas, par habitude, par retraite anticipée, par…

Jean-Philippe Uzel, relatant son expérience de veilleur externe, insistait sur le fait que le Web permettait d’intervenir directement dans un débat, citant l’exemple du débat sur l’art contemporain en France, il pouvait lire et répondre (s’il le voulait) dans la même journée. Une souplesse que les anciens médias ne permettent pas.

Pierre B. Landry a été le seul à brandir un ordinateur pour se faire entendre. Avec Marcel Brisebois au premier rang, la démonstration de l’inefficacité criante de la conception du site, dans la perspective de l’internaute moyen, percutait aux moindres clics. Il avouait candidement mais avec insistance avoir dénombré 11 000 mots sur une seule page! Deux ou trois pages plus loin, il n’avait qu’une pensée  » Sauve qui peut! « . La Veille est-elle un intranet ou un site ouvert, demandait-il? Textes trop longs, sans réponse interactive possible, rédaction lourde et mal évaluée. Faire la distinction entre l’intelligence collective (Lévy) et le culte d’une société fétichisée, voilà le message courageusement lancé à la face de ce bilan de mi-parcours. Selon Pierre B. Landry, le temps joue contre la Veille si elle ne prend pas immédiatement un virage radical.

L’intervention de Charles Perraton n’apportait aucune eau au moulin.