Dans cet ouvrage audacieux, Pierre Lévy occupe le réel. Un réel encapsulé dans l’esprit de la lignée humaine et de l’expansion de la conscience. L’essence de l’être n’est plus le centre de la réflexion philosophique, s’y substitue l’ascension de l’humanité vers son interconnexion globale.
Le livre se divise en quatre parties: «Manifeste des planétaires», «L’économie virtuelle», «La montée vers la noosphère» et «L’expansion de la conscience».
La première partie, le «Manifeste des planétaires», présente un panorama (sur le mode du travelling) des allées et venues d’une strate active de la population pour qui l’intelligence collective se manifeste dans un style de vie mouvant et branché. En somme, il s’agit plus d’un constat optimiste sur le monde occidentalisé actuel, que d’un véritable manifeste malgré l’appel implicite lié au genre «manifeste». Un optimisme qui porte le flanc à la critique, mais auquel les âmes sensibles (la mienne entre autres) adhèreront avec un enthousiasme renouvelé. D’ailleurs, on peut considérer le livre en son entier comme un manifeste, la première partie n’ayant d’autres buts que de nous convaincre de la sagacité des arguments proposés par Lévy et de leurs inscriptions dans le réel.
Une nuance fondamentale nous aide à bien recevoir ces arguments et cette vision. Une nuance de l’ordre de l’éveil et donc de la conscience et de son élargissement, voir à la lumière de la conscience. Un point sur lequel Pierre Lévy reviendra constamment tout au long du livre. Certes, la conscience est l’acte philosophique par excellence, mais Lévy lui donne un nouveau souffle en y ajoutant une dimension de générosité proactive, entièrement dévouée à la scientificité de la réalité et à ses potentialités spirituelles.
Après des siècles de tergiversations dualistes sur les liens et les rapports plus ou moins heureux entre le corps et l’esprit, Dieu, l’éther et la métaphysique, Pierre Lévy aborde courageusement ici une synthèse évolutive de l’humanité dont l’expression futuriste dérange par son applicabilité. Un futur se manifestant et s’exprimant plus singulièrement par et dans le cyberespace. De ce point de vue, le cyberespace est non seulement la concrétisation d’une conscience globale au sommet de son évolution actuelle (une position que d’autres contestent), mais aussi le symbole vivant de notre avancée vers une «World Philosophie» dont les actes manifestes s’avèrent indéniables, tant sur un plan social, culturel, académique qu’économique.
La convergence de ces dimensions dans la créativité humaine, affichant des frontières de plus en plus floues entre les savoirs et leurs applications, structurant des porosités d’échanges, constitue en fait l’intelligence collective en marche, l’humanité sur le pas d’une conscience unitaire sans précédent, une conscience dynamique. «Bienvenue sur la planète» nous dit-il d’emblée.