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Entretiens

Actions Réseaux Numériques Gestion des Stocks

C’est à la Galerie d’art Pierre Tal Coat d’Hennebont (France), que le groupe d’artistes Actions Réseaux Numériques réalisait, le samedi 07 avril 2001, l’oeuvre Web de téléprésence participative Gestion des Stocks. Sur place, une installation se composait d’un dépôt d’objets fragmenté en quatre zones selon la topométrie archéologique d’un champ de fouilles, d’une chaîne de postes d’observation, d’un dispositif de webcaméras faisant office de relais entre l’espace physique et l’espace virtuel, et d’une plate-forme logicielle, réalisée spécifiquement pour l’occasion, qui permettait non seulement d’interagir avec l’ensemble du dispositif, mais de communiquer aussi avec les organes de contrôle opérants sur le site.

La logique de Gestion des Stocks reposait sur une procédure d’identification collective et partagée, par téléprésence, d’un stock initial d’objets que le public était invité à manipuler par étapes: physiquement d’abord, puis sémantiquement. Connecté au site d’ARN, l’internaute accédait à une vue globale du stock qu’il pouvait resserrer par transmissions de commandes; c’est dans cette seconde image zoomée qu’un objet pouvait être extrait, puis dirigé vers le poste d’observation afin d’y être successivement mesuré, photographié et inventorié comme n’importe quel élément faisant l’objet d’une spéculation ou d’une transaction future. Arrivant en fin de chaîne, l’objet était ensuite dirigé vers l’ultime poste d’exposition et de conditionnement qui rendait possible l’identification par description et par micro-récit.

Le recours a un tel procédé économique et scientifique de la prospection et de l’observation conduisait forcément à la production d’une base de données archivistiques contenant autant de fiches signalétiques produites qu’il y eut d’objets traités. Le stock initial, composé d’objets et d’assemblages produits antérieurement par une pratique plastique de recyclage (1), évoquait un espace-temps différé alors que toute l’infrastructure utilisée convoquait plutôt un présent segmenté. C’est que les technologies de l’information et de la communication étaient ici mises au service d’un dispositif destiné à sonder un processus individuel et collectif, processus au sein duquel l’implication du langage permettait d’entreprendre une relation conversationnelle avec les différentes strates de la réalité. Même si Gestion des Stocks renvoyait, par ailleurs, à la dimension économique et à ses modèles d’organisation, l’installation soulevait aussi l’ambiguité d’une réalité médiatisée à distance avec un mode d’image propre à la télésurveillance, interrogeait les dualités qui se confrontent et se confortent entre monde actuel et monde virtuel, et faisait mesurer, inévitablement, combien l’émergence des réactions de l’espace virtuel peut être opérante sur l’espace physique. C’est d’ailleurs comme figure de relais entre ces deux espaces qu’il faudra sûrement reconsidérer une partie de la communication d’aujourd’hui… comme révélateur d’une « conscience du réel ».