Quand et comment naît le projet Téléférique ?
Sonia Marques : Téléférique commence en mars 1999, lorsque que nous ouvrons un site en FTP sur le serveur de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (491.org). Etienne Cliquet et moi-même ressentions alors la nécessité de construire un réseau autonome et une indépendance artistique situés au-delà des réseaux institutionnels qui nous avaient formés, les trois années passées. Le mode de transfert de fichiers correspondant à la métaphore du téléférique, le site s’est donc tout simplement nommé Téléférique : « premier site d’art expérimental ». Il m’est difficile de dissocier la naissance de ce projet collectif de nos parcours artistiques individuels, à tel point que je peux aussi parler de parcours et de rencontres pour relater la naissance et le développement de Téléférique.
Etienne Cliquet : Le FTP semblait un devenir d’espaces possibles, et l’idée de créer une arborescence de dossiers m’enthousiasmait. Avec l’accord de Torsten Westphal et Paul Devautour, j’ai donc demandé que soit ouvert un serveur FTP sur le serveur de l’ENSBA. Souhaitant travailler collectivement, les rencontres avec Makoto Yoshihara et Robin Fercoq sont donc naturellement venues peu après.
Comment s’est porté votre choix sur l’utilisation presque exclusive du protocole FTP?
S.M. : Ce protocole de transfert de fichiers est le squelette du fonctionnement de Téléférique. Le fichier est un objet, il a un poids, il doit être téléchargé pour être vu et manipulé, il ne peut s’acquérir que sur son propre ordinateur. En FTP, on fait des allers-retours dans la machine, cela demande d’être un peu comme une tête chercheuse. L’absence de graphisme Web, au sens où on l’entend habituellement, vient d’une réaction au « tout communiquant ». Le minimalisme de l’interface n’a pas facilité la médiatisation du site, et toujours encore. Le FTP est idéal en cela que l’esthétique s’y manifeste par défaut.
E.C. : Le graphisme est dicté par le serveur qui affiche automatiquement les répertoires et les fichiers contenus. Ce type d’architecture est courant à tous les ordinateurs individuels, sur toutes les plates-formes. Il n’y a rien de plus commun, de repérable ou d’habituel comme interface. On peut aisément s’y reconnaître, c’est ce qu’il y a de plus ergonomique pour travailler collectivement en ligne. L’esthétique par défaut1 correspond à l’éthique du collectif qui est que nos propositions artistiques ne doivent pas être subordonnées à un design.
Robin Fercoq : Peut-être que la vocation du site à héberger des créateurs d’horizons divers favorise le choix d’un espace le plus simple possible, comme une galerie aux murs blancs (version liste HTML minimale) ou comme un hangar industriel (version FTP). Je suppose que cet environnement a une influence sur la manière dont sont accueillis les travaux. Il y a une connotation Underground-Hacker qui ne nous déplaît pas, qui permet aussi de nous concentrer sur le contenu plutôt que sur le format. Mais les questions de format ne sont pas évacuées et sont l’objet de nombreux échanges entre nous ; même pour choisir l’apparence d’une arborescence FTP, il y a encore beaucoup de possibilités…