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Cyberculture

Colloque « L'art a-t-il besoin du numérique »

Quel lieu de recherche peut intéresser un universitaire français ? Rio, New-York, Montréal, San-Francisco? Oui, bien entendu. Mais avant ça, le Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle, dans le Cotentin, est un passage obligé pour chacun des universitaires des sciences humaines, toutes disciplines confondues. C’est dans ce haut lieu de rencontres – qui a acceuilli Sartre, Oppenheimer, Malraux, Valéry, Bachelard ou encore Gide – que se sont réunis de nombreux théoriciens et praticiens de l’art numérique du 20 au 30 juillet dernier, pour exprimer leur idées, leurs expériences, leurs enthousiasmes et leurs doutes autour de la question posée par Jean-Pierre Balpe et Manuela de Barros : « L’art a-t-il besoin du numérique? »1

Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle

Le cadre influe sur la pensée. A Cerisy, il est omniprésent : un château du 17ème siècle, dont l’élégance massive des tours et des douves se prolonge dans le parc, la serre, l’orangerie et les écuries, n’est pas un lieu neutre. Cette architecture concrète, chargée d’histoire et dont la mémoire est affichée sur les murs, se télescope avec le thème du colloque, qui sous-tend la vitesse et le temps réel. Ainsi, le temps de réflexion (1H) et de discussion (1H) sortait du cadre universitaire habituel et les intervenants étaient souvent entraînés à dévier de leur propos initial, voire du thème du colloque. Pendant ces 10 journées se sont succédés les théoriciens Sven Spieker, Philippe Codognet, Françoise Gaillard, Philippe Bootz, Loss Pequeno Glazier, Roberto Simanovski, Jean-louis Boissier, Timothy Murray, Luc Steels, Annick Bureaud, Jean-Louis Weissberg et Norbert Hillaire, qui ont vu leurs propos illustrés, complétés et parfois enrichis par les présentations des praticiens de l’art numérique sous toutes ses formes : Maurice Benayoun, Miguel Chevalier, Eduardo Kac, George Legrady, Hervé Nisic, Katerina Thomadaki et Maria Klonaris, groupe Numeris Causa, Atau Tanaka, Jacopo Baboni-Schilingi, Gérard Assayag, Wilton Azevedo, Jean-Pierre Balpe, Philippe Bootz, Judd Morrissey et Laurie Talley.

Archée : Manuela de Barros, Jean-Pierre Balpe, vous avez organisé un colloque intitulé « L’art a-t-il besoin du numérique ». Pourquoi cette question, et pourquoi ici à Cerisy ?

Jean-Pierre Balpe : Parce que nous assistons à une extension de la création numérique. Parce que le numérique n’est qu’une technologie parmi d’autres, comme les bio-technologies, et que nous nous apercevons que cette technique particulière permet de créer de l’art, alors que d’autres techniques n’ont pas la même incidence. La mécanique, par exemple, n’a jamais créé – ou très peu – un art à part entière. Donc la question est de savoir en quoi le numérique interroge-t-il plus les artistes que la mécanique ou la chimie.

Manuela de Barros : Nous avons choisi Cerisy parce que son mode de fonctionnement sur un long terme –10 jours – permet d’aborder tous les aspects de l’art numérique, qui est tout à fait multiforme. Ici, nous pouvons les confronter au long court et sous la forme de présentations classiques qui présentent l’avantage d’être poursuivies dans de longues discussions, et complétées hors de la salle, puisque les participants vivent ensemble, dans le meilleur des cas, pendant toute cette période. 

Pouvez-vous me dire ce qu’est l’art numérique actuellement ?

M. de B. : C’était un des enjeux du colloque que de montrer à quel point il touche à l’art visuel, à la littérature, mais aussi à de nouvelles entrées, ce que j’appelle la deuxième et la troisième génération du numérique : des biotechnologies à l’art spatial. C’est un domaine très vaste.

J.-P. B. : Pour ma part, j’en donnerai une définition beaucoup plus technique. Il s’agit de l’art dans lequel le numérique est au centre du matériau. Le numérique est un matériau et est traité comme tel. 

Mais n’est-ce pas réducteur de qualifier un art par sa technicité ?

J.-P. B. : Non, on parle bien de peinture, de sculpture. C’est généralement par ce moyen que l’on caractérise l’art.

M. de B. : C’est un faux débat. La définition par la technicité d’un artiste contemporain – qu’il fasse de la peinture ou des installations – est dans le même ordre d’idées.