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Cyberthéorie

Couvrir et penser – une découverte photographique de Peter Gnass

Principe de couvrir 

Le problème auquel s’attache l’ensemble da la pensée préhistorique et historique du bâtisseur, depuis Urhütte jusqu’à Gebäudeest celui de couvrir, car la couverture est un élément structurel indispensable à chaque action de construire et elle entoure l’occupant de la bâtisse des conditions favorisant sa maturation intellectuelle. Le problème de l’opération de couvrir est celui de laisser se dérouler les processus de mûrissement et de mutation, c’est-à-dire de gestation larvaire de la pensée (Denken). La dialectique heideggérienne est ainsi faite. Seule la dialectique, c’est-à-dire l’ontologie contradictoire, au sens juridique du terme, est capable de mettre en phase le concept et son œuvre. 

« L’entraînement inerte des masses minérales », comme disait Roger Chambon, ainsi que l’émergence des êtres « pelliculaires » du Lebenswelt, font que la nature, morte et animée, est toujours une matière enveloppée. La couverture et la membrane sont les formations naturelles ayant pour finalité de ne produire sur la Terre que des choses ceintes d’un film autoprotecteur. Par contre, les transformations que le vivant inflige aux objets de son environnement, en découvrent le dedanshachuré et écorné. L’aporie fondatrice de l’homo faber est le déshabillement versus l’habillement des matériaux. Depuis le premier geste de chopper que l’humain a accompli, il lui a été donné de connaître l’intérieur nu des corps. La vulnérabilité qui s’était alors fait sentir dans cette percussion a obligé l’homme à entreprendre des manœuvres réparatrices afin de conserver son outil et son logis. Depuis la pratique de recouvrement des surfaces par l’ocre rouge, puis l’invention de la peinture et du polissage, la création technique anthropienne a ceci d’exceptionnel dans les échelles évolutionnistes qu’elle est soucieuse de la reconstitution du revêtement des choses. La propulsion, à la fois rationnelle et pratique, de l’homme est d’envelopper le dedans par l’apposition d’un dehors, qui à son tour, pour poursuivre la dialectique, devient le gardien et le consignateurartificiel de l’aboutissement de l’intériorité. L’épaisseur protégée de l’objet, permet, par l’effet de couveuse, aux entités du sentir et du penser de se déposer effectivement en lui. D’une manière universelle, pour que l’être inerte ou animé puisse imploser à l’intérieur de sa propre profondeur, pour qu’il puisse être dépositaire des traces des sensations et des pensées ou pour qu’il puisse sentir et penser par lui-même, il faut qu’il se retrouve dans sa paroi qui en ferme ou semi-ferme les limites.

Tout ce qui nous entoure est fait selon ce principe double du corps et du parement. Les surfaces des choses sont soit naturellement couvertes, soit artificiellement traitées. Les surfaces du monde, la peau du monde, assurent par le réfléchissement de la lumière et par l’arrêt du geste de palpation, ainsi que par la formation spontanée des effets thermiques et chimiques, sa donation visuelle, tactile et olfactive. Cette couche dermique du monde réel et perceptible se constitue, à son tour, en être, qui acquiert sa propre force par le truchement d’une ontologie connexe de contact. La condition nécessaire de l’intériorité est aussi, organiquement, la condition de la donation.