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Les réseaux sociaux et l'Exposition de Soi

Raconter notre vie paraît une des choses les plus ordinaires qui soient. Une expression de l’unique, dans le fait où chacun révèle son intime à sa manière. Par-delà nos différentes manières de travailler, nous considérons tous (peut-être à tort) que notre rôle se limite fondamentalement à dévoiler, recueillir et enregistrer des traces supposées être autant de bribes visibles d’une vérité cachée ou inaccessible de nos réels. Les circonstances de la réalisation de ces figures de révélation varient d’un spectateur à l’autre, d’un moment à un autre. Ces travaux personnels accompagnent les moments de crises de l’adolescence, ou encore des évènements mémorables. Cette pratique est ambivalente tant elle est une manière de confession ou d’exhibition, questionnement de Soi par Soi, dans une visée morale et thérapeutique.

Essayer de comprendre et rassembler la vie. Exprimer une colère, une faiblesse, une passion. Cela peut aussi être une intention de témoignage du quotidien. Comme objet d’étude, l’intime intéresse autant le sociologue, le psychologue, l’historien en littérature que celui des coutumes, et dernièrement beaucoup d’artistes, en raison de cet intérêt croissant pour la recherche à forme historique sur la vie quotidienne et ses représentations. Plusieurs formes existent au dévoilement de l’intime. Or, dans tous les aspects, la photographie-document n’enregistre jamais sans que les photographes ne construisent par une suite de choix, conscient ou non, cette réalité et cette vérité qu’ils croient devoir seulement capter. J’en reviens à Martin Parr qui, en tant que photographe, n’enregistre ni le réel ni sa vérité mais la construction qu’il en a esthétiquement, faite avec ses propres moyens photographiques : le cadrage, la distance, le point de vue, l’instant de la saisie, la vitesse. Photographie documentaliste. Si la photographie est une vraie machine à enregistrer, le cliché ne prend jamais que des constructions des fictions du réel.

Martin Parr, autoportrait
Martin Parr, autoportrait
Martin Parr, autoportrait
Martin Parr, autoportrait

D’abord, sous la forme d’un journal intime, l’écriture se fait au fil du temps. Ce n’est rien d’autre qu’un cahier de quelques pages, renouvelées si besoin est, instruisant l’œuvre de toute une vie. Œuvre de toute une vie ; un brouillon ou encore une manœuvre ordonnée suivie par une écriture cherchant la perfection. Les appellations peuvent changer selon les contenus. Nous pouvons parler de journal de voyage, de journal de bord, de spiritualité et de journal énonçant les gratitudes quotidiennes. L’expression française « journal intime » est arrivée pour ne pas être confondue avec journal quotidien, celui de la presse quotidienne : « L’intimité n’est venue au journal que tard dans son histoire, elle n’est qu’une modalité secondaire…» (Lejeune et Bogaert, 2006, p. 23) Les journaux intimes comportent des sujets différents même si les auteurs diaristes sont uniques, proposant à chaque journal des intentions distinctes. Les causes d’écriture peuvent être consacrées à la vie amoureuse, aux fantasmes et aux rêves, d’autres servent à raconter le quotidien, le mal-être ou la parole qui manque et qui ne saurait être dite à l’entourage, à l’aimée, à l’ami. Forme de guérison et employant des tournures distinctes d’un auteur à l’autre, d’une personne à l’autre, artifice chez les uns, réalités concrètes chez d’autres, catalogue de possibilités infinies. La rédaction du contenu dépend toujours de celui qui se répand avec son écriture dans sa banalité, avantage avancé, simplicité ne risquant pas d’ennuyer certains lecteurs. Un élément primordial apparaît en la transcription isolée de la date, formant ainsi l’image immédiate du journal intime. Sans ce précepte, il s’agira d’un carnet de notes.

Bref historique

Les premiers journaux intimes nous font remonter à la fin du 10ème, début du 11ème siècle et viennent du Japon. A cette époque, les courtisanes japonaises notaient dans de petits carnets, livres de chevet d’où le nom de « Pillows Books1 » :

Les Notes de chevet se composent de nombreuses notes, impressions sur le vif de l’auteur, abordant tour à tour les choses qu’il aime ou déteste voir, écouter, manger et boire, ainsi que d’historiettes au sein de la cour impériale, des poésies et quelques avis sur ses contemporains. Alors que c’est surtout un travail personnel, l’écriture et les compétences poétiques de Shōnagon le rendent intéressant comme œuvre littéraire, et il s’agit d’un précieux document historique. Une partie a été révélée à la Cour, par accident, du vivant de Shōnagon2. Ces carnets sont plus précis qu’un simple enregistrement d’évènements, les premières diaristes ajoutaient des parcelles de sentiments, des parcelles de fiction au journal, des rêveries, des émotions…. Les rédacteurs de journaux intimes sont le plus souvent des êtres qui ont des problèmes psychologiques, des notions de rapport aux autres différentes et des moments intenses de timidité pour ne pas pouvoir exposer verbalement, quelque soit le sujet.

Ces personnes peuvent aussi être dans un mal-être constant vis-à-vis de leur entourage, de la société, d’une façon inventée ou réelle, d’une manière de penser fictive ou abordant le fantasme. Leur appartenance à toutes les couches sociales ne peut nous aider à déterminer des status de chacun des auteurs. La majorité féminine se définit historiquement par les contrats sociaux de chaque époque, montrant des femmes mises à l’écart de la vie sociale publique, pourvoyant chaque femme de la liberté d’action à écrire sa vie dans cet espace qu’elle avait le « loisir » de se créer. Certains des journaux intimes écrits par des femmes ou des jeunes filles sont devenus célèbres, comme ceux de Marie Bashkirtseff, Catherine Bogaert, Anaïs Nin, Virginia Woolf… Tenir un journal, pour ces femmes, est devenu une manière de vivre (libre), d’accompagner leur vie, moyen excellent afin de garder en mémoire les instants de leur vie, les moments, image sans image, d’un passé revenu à la surface de la lecture, d’avoir une certaine idée de SOI : « Une fois qu’on s’est projeté sur le papier, on peut prendre le recul du regard… » (Lejeune et Bogaert, 2006, p. 29)

Depuis une vingtaine d’années, le mode « journal intime » a pris un essor important dans la librairie et chez les éditeurs. Les textes d’inspiration autobiographique ont largement contribué à ce développement des réseaux sociaux faisant changer les statuts : la pratique est sortie de sa clandestinité pour devenir un objet, non seulement d’études mais en complément des rencontres, colloques, chroniques, ou simplement des amateurs. Philippe Lejeune est un auteur qui enquête sur les journaux personnels et intimes voire très intimes lus sur les ordinateurs, y compris les espaces sociaux où sont inventées de nouvelles intimités conviviales (deux mots qui ne devraient pas cohabiter) au fil des échanges entre diffuseurs plus ou moins anonymes. L’intimité cesse d’être une image du retrait pour devenir un terrain de partages et d’échanges. La pratique du cyberjournal sur Internet s’est développée depuis le milieu des années 1990, quand cet espace de vie est entre jeunes et adultes, tenus sous des pseudonymes et cette façon de se cacher permet des écritures comme dans les cahiers ou les carnets cadenassés. Le commentaire comprend que la sécurité virtuelle de ces cahiers intimes est aussi la représentation du cadenas auquel est adjoint un mot de passe, sophistication du modèle. L’internet permet d’éloigner la solitude ressentie en écrivant un cahier. La destination pour soi devient la destination pour quelqu’un d’autre ou quelques autres. : « C’est un milieu où on peut se faire des amis. » (Lejeune et Bogaert, 2006, p. 226)

Ce mode d’écriture et de réception des fantasmes ou des réalités, tenu sur le Web, est une pratique devenue difficile à entretenir car contraignante et addictive. Cette façon demande une régularité dans la forme d’écriture, dans la mise à jour régulière du texte quand il faut plaire, savoir attirer les lecteurs, conserver l’esprit à fournir aux lecteurs. Mais, nous pouvons dire que l’écriture sur internet appartient à des gens ayant le besoin de se présenter aux autres, profitant de l’anonymat, pour exécuter un dévoilement, pratique animée du désir de vivre « caché-montré », jeu de regard, jeu de double personnalité. On peut penser que « parler », écrire sur l’espace virtuel, même créer, c’est, en premier, parler de soi comme le font pratiquement tous les auteurs et artistes dans leurs premiers opus ; « bloc note », « blog note », formule idéale dans chaque cerveau permettant de s’exprimer, d’être lu potentiellement par des internautes du monde entier, présence de lecteurs immédiats, réactions souvent abruptes et non-révisables puisque aussitôt nées aussitôt disparues. Installation d’une forme de dépendance aux autres malgré le sentiment d’intimité poursuivi dans ce qui est écrit3. J’en déduis que la communication gêne et modifie très certainement l’authenticité du verbe et de l’expression par l’appartenance aux réseaux sociaux.

Internet ne fait que particulariser ce qui devrait rester personnel. Public et intimité sont contradictoires et pourtant ne sont compris que dans ce sens du mélange des genres. La majorité des cyber-diaristes écrivent pour se concevoir eux-mêmes et entre eux dans une forme élémentaire. Ils veulent témoigner, proposer à l’extérieur quelque chose de personnel en vue de se confondre avec l’intériorité d’autrui. Mais, cette apparente simplicité se heurte à la capacité à supporter le regard de celui qui va lire. Il faut bien reconnaître qu’écrire en ou pour du public, est une mise en danger, façon d’aider à comprendre des points de faiblesse. « Cependant, le diariste a conscience que la divulgation de carnets implique une certaine prudence : il ne s’agit pas de devenir « incolore » ou « inodore » mais il faut apprendre à « travestir ». Le site est régulièrement visité : s’amorcent des correspondances avec des lecteurs, parfois un peu plus…» (Simonet-Tenant, 2004, p. 170) Cette auto-analyse s’apparente à de l’autofictionpublique et fait partie intégrante d’une thérapie qui peut obliger à la présence de « tiers écoutant ». Cette exposition de l’intimité, cette mise à nu fragilise ou rend son auteur plus fort L’affrontement des évènements, des réalités perçues, rend la personne moins vulnérable.

L’intimité et l’intime deviennent de moins en moins intimes, représentation du MOI dans la sphère publique. Nous pouvons examiner les diverses modalités de la fictionnalisation de SOI dans les variantes de l’autofiction pour un but peut-être thérapeutique, dans un roman autobiographique ou photo biographique. Ainsi le Journal-thérapie4, différent du journal intime traditionnel quand on se contente d’écrire sa vie, les évènements qui la composent, lucidité de SOI, même non apparente.

En somme, le journal intime a bien changé depuis quelques années. Au fil des ans, il est maintenant publié, lu et relu, tenu par une variété croissante de diaristes d’un peu partout. Nous lui reconnaissons des vertus thérapeutiques, il est étudié dans les cours de littérature, il est un outil pédagogique et les internautes se font plaisir dans leurs publications en ligne. Initialement et exclusivement écrit sur papier, aujourd’hui le support ne s’arrête plus à cela. L’évasion du monde du papier par les diaristes apporte des solutions, telle la photographie (reportage du quotidien ou journal intime), c’est le compte-rendu du quotidien, résidu du processus créateur, prétexte à l’exploration des limites.

Tout dire, tout.

Tout est une reconstruction : écrit personnel, devenant journal sans même que je puisse m’en rendre compte sur le champ. Des années de correspondances conservées sans jamais être communiquées aux principaux intéressés, piles d’albums photos dont certains sont annotés sur leur arrière, des citations favorites écrites au fil des jours dans les agendas, des nota, des mots par-ci par-là sur des morceaux de calendrier, des bouteilles, des billets. Le journal intime prend dorénavant tant de formes à l’image de notre temps, de notre propre personnalité. C’est sous la forme de boîtes contenant des feuillets cartonnés sur lesquels sont collés des dessins qu’Ilya Kabakov5 présente ses tableaux. En feuilletant ses planches, ce geste est ici compris comme celui du temps et dans cet agencement, un texte vient s’inscrire en marge ou à l’intérieur des dessins6. Des dessins de personnages, des caractères avec leurs affections, leurs obsessions, théâtre intime, ils nous invitent à regarder notre propre théâtre intime. Le rapport de l’artiste au journal intime est un rapport critique, il nous montre que « l’exposition de soi, ce jeu de « je » ne peut générer que l’ennui » (Simonet-Tenant, 2004, p. 34).

Ces artistes cités, leurs œuvres sont placées sous le signe d’une écriture du temps et de son analyse puisqu’il s’agit d’une manière de dévoilement du vécu, de soi, de moi, de l’autre dans le regard de soi, dévoilement dans la durée par delà le temps. Il s’agit pour ces auteurs des mêmes travaux que le diariste puisse effectuer ces recherches « qui tissent temps, dessin et existence en un seul fil…» (Simonet-Tenant, 2004, p. 28) La spécificité du journal tient essentiellement à sa dimension temporelle. Il n’est pas question d’atteindre une construction d’un MOI possible, seulement pour une synthèse du temps. C’est donc une écriture au jour le jour se faisant et devenant une reconstitution du « JE » sur le mode de la fragmentation, de l’éparpillement. Les évènements de la vie sont déposés sans une logique nécessaire, mais sur l’écoulement du temps bergsonien, par les jours qui se succèdent. Le journal devient alors l’emplacement du temps de l’écriture et celui des évènements, lieu du temps de l’écriture de ce qui n’est plus, cessant d’être.

La forme d’intimité, de nos jours, ne se pose plus en configuration close, changement de statut : sortant de son cercle habituel « forme propre de l’intime » (Simonet-Tenant, 2004, p. 56) s’ouvrant à la communication, aux multitudes interférences publiques. J’ai à considérer l’intimité comme une interface d’interactions avec l’apparition des réseaux électroniques, numériques, infiltration de l’internet, des téléphones cellulaires sophistiqués, la télévision et les talk-shows…. La communication actuelle trouve son terrain sur les réseaux numériques, dans la distribution des informations ; tous les journaux intimes, forme de blog numérique, existent, se mettent en place et ne cessent de se multiplier. J’ai aperçu pendant cette recherche qu’un développement allait perturber les diaristes et les « secouer » en tant que cyber-diaristes : il s’agit du dispositif appelé « Webcam ». Avec cet étrange dispositif, ayant agité et modifié les conduites de chacun, les images vues ne sont plus fixes comme des graffitis ou dessins, mais, sont des « images vivantes » aussitôt capturées aussitôt diffusées, voyages incontrôlables et autonomes ; prises de vue du quotidien se mettant en interface avec l’image principale, captation au jour le jour et sous l’emprise du réseau à des heures déterminées, empruntant les chemins virtuels sur lesquels nos propres ordinateurs sont reliés en oubliant notre responsabilité quant au fait que le branchement existe. Nous n’avons aucun effort esthétique à produire, la réalité des choses sert à la mise en place de l’image directe. La seule image ayant un contrôle évolutif revient à la page d’accueil d’ouverture sur le web, page d’appel qui se veut et se doit d’être attractive pour offrir l’envie d’ouvrir le site.

La première personne à saisir les possibilités offertes par la Webcam est cette jeune américaine, Jennifer Ringley, devenue modèle à suivre pour les futurs « webcamés ». Sa vie peut y être consultée quotidiennement. Le couple Ricket et Corrie et le couple Ashley et Chris dont le site Cute Couples montre, étale, expose toute leur vie. Shannon crée son site Shancam où elle est présente et se fait voir 24 heures sur 24 dans ses espaces comprenant chambre à coucher, salle de bain, cuisine et salon. Elle écrit : « j’ai deux métiers, ingénieur domestique et propriétaire/gérante d’une aventure sur internet. » Toutes ces créatrices de sites racontent leurs journées, leurs joies et leurs désarrois en continu, alors que l’espace temps du regardeur est bien différent dans la mesure où celui-ci est dans l’obligation de mettre des temps d’arrêt variables dans ses occupations et prendre la position de voyeur. La solution que nous apercevons là, qui vaut pour toutes les solutions de journaux intimes, qu’elles soient par le virtuel ou le réel, est un sauvetage de la personnalité de cette personne (blogeuse) qui s’enfuie en demeurant devant des tierces personnes et en illustrant une certaine difficulté à s’exprimer clairement.

Jennycam, Jennifer Ringley

Une autre américaine JEN a lancé son site en 2000 sous un nom de code Jen’Ex retransmet son univers quotidien, expliquant que le site présente sa page de manière anonyme, afin de montrer à quoi les ressources de cette technologie peuvent être utilisées. Le site ne fait pas l’inventaire de sa vie telle qu’il y paraît, seules quelques caméras sont réellement pointées sur elle et uniquement dans des lieux choisis. Ces caméras ne diffusent pas la vidéo et le son en temps réel, les images sont capturées selon un planning préétabli. Quand on regarde avec la webcam, on ne peut percevoir le mouvement puisque les images diffusées se « rafraîchissent » toutes les quinze secondes : ce qui veut dire que toutes les 15 secondes une nouvelle image se présente. L’internaute ne perçoit de cette façon que le changement, pourtant la prise de vue est continue. Ce qui confère au regardeur, l’internaute, une attente d’image « intéressante » et le plonge dans cette expectative en permanence. Quand je dis « image intéressante », il est question d’une image où le sentiment de lassitude, épuisement qui se produit après avoir contemplé une ou deux images successives et semblables et dont l’action est placide, s’interrompt. L’absence de personne physiquement présente dans le cliché provoque une attente complémentaire de l’action à venir qui subsiste jusqu’au moment de l’arrivée de la personne filmée ou du départ de l’internaute. « La Webcam se présente comme une machine à photographier qui en livre parfois de belles (photographies) mais également beaucoup d’inintéressantes. » (Thely, 2002, p. 33)

La Webcam est une machine à images, des images, une infinité d’images. On ne peut pas s’arrêter de regarder avec le mode webcam parce qu’elle diffuse continuellement de nouvelles représentations. La projection de la vie de personnes filmées ne s’arrête pas, sauf dans des cas extrême d’une catastrophe ou d’un renoncement à cette aventure, ce qui est rare. Par contre, la présence d’une image, fixe pendant un bon moment, accompagnée d’un petit texte inscrit dans des endroits précis de l’écran, annonce l’absence de la personne. Pour l’internaute, aucun intérêt à attendre pour ce genre de photographie un retour qui peut durer une ou deux heures et parfois plus… De temps à autres, la présence d’une image fixe fausse la compréhension de l’internaute puisqu’elle est présente comme un « dédoublement de la réalité. On ne voit que ce que l’on veut nous montrer. Ici, dans ce contexte, cette image opère comme une image écran » (Thely, 2002, p. 39). En comparaison, Corrie, contrairement à ShanCam et au Cute Couples, montre toujours ce qu’elle veut montrer. Grâce à son petit écran LCD et à sa caméra vidéo, elle a un retour de ce qu’elle filme, ne présentant jamais une proposition quelconque. L’image de la Webcam est une image silencieuse, comme une photographie. Le spectateur qui est devant une image muette ne peut savoir ce qui se dit à ce moment-là et doit juste deviner. Nécessairement deviner.

Le journal intime appartient à la catégorie des écrits personnels (au même titre que l’autobiographie ou que les mémoires), mais qu’il ne s’adresse qu’à l’auteur lui-même, il est exempt de tout souci de représentation. Le diariste, l’auteur du journal intime, se dévoile dans la plus grande sincérité. L’écriture n’est plus un masque mais un révélateur. Dans l’intimité de la rédaction quotidienne de son journal, l’écrivain ne cherche ni à se mentir, ni à mentir aux autres : toute forme de fiction tend à être abolie. Il existe, toutefois, de « faux diariste » : c’est-à-dire des écrivains qui publient leurs journaux, les retouchent et font disparaître cette spontanéité, si touchante par exemple, dans le journal d’Anne Franck7. »

Dire et écrire en son carnet, son journal ou son blog devient cette facilité réparatrice, salvatrice. Il existe des cas de suicide où les conséquences du bégaiement (devant une personne, devant la page blanche ou devant son écran) sont un facteur avéré, reconnu comme un handicap alors que la solution reste dans le pouvoir des mots. Certaines personnes concernées, refusant au contraire les termes de maladie ou de handicap, vont « se trouver des portes de sortie » en se reconstruisant sur des allers et retours, au sens trajectif, déjà évoqués, pour changer leurs positions psychiques ou psychologiques ; la « solitude » devant l’écran leur sera un bienfait tant que la présence de lecteurs assidus sera ressentie.

Notes

[1] Pillow Book japonais : Les Notes de chevet (枕草子, Makura no sōshi) est une œuvre majeure de la littérature japonaise du xie siècle, attribuée à Sei Shōnagon dame de compagnie de l’impératrice consort Teishi (定子) durant les années 990 et au début du xie siècle de l’ époque de Heian. Le livre est achevé en 1002.

[2] Pillow Book japonais : Les Notes de chevet

[3] Les blogueurs les plus fréquemment cités en tant qu’auteurs de journaux ayant l’aspect de l’intime nous trouvons : Pierre Assouline, Françpois Bon, Alain Mabankou, Chloë Delaume…

[4] Jean Louis MONESTES, M. VILLATTE, G. LOAS, Introduction à la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), Journal de thérapie comportementale et cognitive (2009)

[5] Ilya IOSSIFOVITCH KABAKOV (en russe : Илья Иосифович Кабаков), né le 30 septembre 1933 à Dnipropetrovsk (RSS d’Ukraine) est un artiste conceptuel russe. Il a travaillé pendant trente ans à Moscou, des années 1950 jusqu’à la fin des années 1980. Il vit et travaille maintenant à Long Island. Il a été classé par Art News comme un des « dix plus grands artistes vivants » en 2000. Tout au long de ses quarante années de carrière, Kabakov a produit un grand nombre de peintures, de dessins, d’installations, et de textes théoriques. Ces dernières années, il a créé des installations qui évoquent la culture de l’Union soviétique, bien que ce thème n’ait jamais été le seul intérêt de son travail. À la différence d’artistes soviétiques dissidents, Kabakov se rapproche de l’Union des artistes soviétiques, en 1959, et en devient membre en 1965. C’est une position prestigieuse en URSS et cela lui apporte des avantages matériels substantiels. Kabakov illustre tous les ans, pendant 3-6 mois, des livres pour enfants et passe le reste de son temps sur ses propres projets. Source :Wikipedia

[6] Dans le même registre, il faut citer pour l’écriture ALECHINSKY qui a écrit sur tous les supports du plus petits aux plus grands et pour les alignements ou amoncellements Boltanski qui a aussi, dans son œuvre, installé des cartes ou des lettres ou des marques écrites.

[7] Hugo39437, Journal intime, https://www.devoir-de-philosophie.com/dictionnaire/journal-intime-2

Bibliographie

– Lejeune, Philippe, Catherine Bogaert, Le Journal intime histoire et anthologie, Paris, Edition textuelles, 2006, 512 p.

– Simonet-Tenant, Françoise, Le Journal intime, genre littéraire et écriture ordinaire, Paris, Edition Tétraèdre, 2004, 191 p.

– Thely, Nicolas, Vu à la webcam (essai sur la web intimité), Paris, Edition Les presses du réel, 2002.