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Cyberthéorie

L'art virtuel. dé_ :coder_ :crypter_ :mystifier

La notion d’art n’a jamais été facile à définir; elle l’est encore moins lorsqu’on l’intègre au monde des nouvelles technologies. L’idée d’art est inéluctablement nouée à celle d’esthétique. Traditionnellement, l’étude de l’esthétique est liée à l’étude des formes stables. Ainsi, les discours sur l’art se sont concentrés sur l’objet concret : la peinture, la sculpture et l’architecture. L’avènement de l’informatique et des ordinateurs a déstabilisé cette organisation en rendant floues les frontières entre ces catégories. C’est à ce niveau que plusieurs commettent, en général, la principale erreur de la critique des productions techno-culturelles : l’esthétique propre à l’objet statique est appliquée aux arts dynamiques.

Une organisation en mouvement doit constamment être réévaluée, et peut-être encore plus dans ses principes fondateurs. Ainsi, lorsque nous parlons d’art virtuel, à quoi faisons-nous réellement référence ? L’art virtuel habite les couloirs obscurs et méconnus de l’hyper-réalité, ses œuvres réinventent l’art tous les jours, inlassablement. Un peu comme les peintres impressionnistes de la fin du XIXe siècle, que l’invention de la photographie avait forcés à explorer et à repousser les limites de la représentation picturale. L’univers des artistes, entraînant du coup celui du public, chamboule la définition apprise et figée de l’art et nous oblige à réfléchir sur le sujet. Il faut se poser des questions sur la place qu’occupe l’art virtuel dans le monde des arts, sa fonction sa nécessité… Le cyberart est parfois contesté, parfois encensé, et dans la masse d’informations, dans le cours fluide de la navigation Internet, la première question qui surgit est celle de sa définition. On en parle, on en voit, mais les « cadres » en sont encore bien indistincts et il est important de les saisir afin de pousser plus avant la réflexion. Quelle place l’art virtuel occupe-t-il au sein du monde des arts ? Quel impact aura-t-il – ou a-t-il déjà eu – sur les arts traditionnels ?

La définition la plus simple que l’on puisse donner de l’art virtuel le décrit comme un art destiné à être vu sur support numérique, via Internet ou non. Cette définition n’englobe pas les œuvres d’art traditionnelles dont les images seraient présentées sur un site Web. Elle classe une catégorie unique de création particulière aux technologies. De manière très schématisée, on pourrait avancer qu’il s’agit de conceptions achevées à partir de moyens techniques, soit de logiciels de mise en images (comme Flash ou VRML). Dans les faits, par contre, les arts numériques se caractérisent par l’hybridation de moyens technologiques. « Il n’est pas vraiment possible de faire une classification complètement tranchée entre les méthodes variées de la création dite « numérique », leur seul dénominateur étant l’intervention, à un moment ou l’autre de la chaîne de la création artistique ou bien au contraire en totalité (image de synthèse tridimensionnelle par exemple), d’un moyen de digitalisation des données iconiques ou sonores, en deux ou trois dimensions. » (Chirollet, 10/2001). En effet, comme le remarque Jean-Claude Chirollet, le monde de l’art virtuel ne se limite pas à la création visuelle. Les œuvres sont rarement monolithiques : elles intègrent fréquemment des sphères sonores ou littéraires complémentaires à la dimension graphique. L’expérience du cyberart démontre hors de doute que celui-ci est particulier à lui-même. Devant une œuvre (ou dans une œuvre ? – c’est selon!), le spectateur peut se sentir désarçonné, ne pas savoir comment réagir, ne pas savoir où regarder, où trouver le cœur de la création. Nous sommes encore peu familiers avec de telles manipulations et peut-être n’osons-nous pas nous lancer les yeux fermés dans l’épreuve de l’étranger, de l’inconnu. À partir d’une telle réflexion, il est possible de distinguer deux particularités des arts numériques : la déterritorialisation et la décorporalisation.