Aller au contenu
Cyberthéorie

Contextes de l’e-narratif

Introduction

Deux textes produits dans le cadre du séminaire « L’action sur l’image » mettaient en avant les notions de « signes e-mouvants »1 pour l’un et quelques figures de « l’écran agi »2 pour l’autre. Dans le premier, il s’agissait de montrer la singularité des signes à l’œuvre dans de nombreux dispositifs hypermedia : électroniques [ numériques ] et mouvants [ dotés de comportements ]. Dans le second, il s’agissait de montrer que plus que la nature des signes eux-mêmes, c’est leur mode d’apparition et d’existence qui sont déterminant. Ces deux approches sémio-pragmatiques quant au champ et phénoménologiques quant à la méthode poursuivaient une réflexion sur les changements en cours dans les écritures/lectures/manipulations multimodales des dispositifs numériques.

Une analyse de moments choisis dans « Postales3 » et « Ceremony of Innocence4 » devra permettre de mettre en perspective les figures évoquées plus haut et de les articuler avec un troisième terme : le temps de la praxis, acceptée comme « activité en vue d’un résultat et opposée à la connaissance d’une part et à l’être d’autre part »5. Dans cette proposition dessinée en trigramme, l’opérabilité numérique [computation] de l’environnement processuel de l’écran, triangule avec les axes hérités du arts du récit [temps] et des arts de l’image [espace]. Cette figure esquisse un nouvel espace pour la praxis hypermedia et permet de dégager un régime temporel spécifique et singulier. Spécifique parce qu’en rupture avec le temps linéaire [durée], singulier parce qu’adhérent au temps de l’action [instant] mais nous y reviendrons.

Ainsi « l’action exercée par l’objet […] et l’action subie par l’objet […] ont altéré sa forme sinon sa nature, irréversiblement selon la flèche du temps ; le concept de processus implique cette dialectique dans la représentation de l’objet. Il ne nous intéresse plus d’abord par ce qu’il est mais par ce qu’il fait et ce qu’il subit, donc par ce qu’il devient ; nous le connaissons par les processus qu’il affecte ou qui l’affectent ; nous le représentons de l’extérieur, par ses comportements, dans son contexte ; nous dirons bientôt : dans son environnement. »6

Cette proposition de Jean-Louis Le Moigne autorise à penser que le temps de la praxis hypermedia est d’un type inédit. Temps suspendu aux actions d’un opérateur qui semble contrôler, mais qui plus encore, fait émerger une configuration nouvelle des signes « e-mouvants », ceci dans un processus réglé/réglable côté auteur comme côté lecteur. Ces signes ne sont plus tant attachés à une valeur symbolique définie comme c’était le cas avec les icônes et images re-présentées des médias pré-numériques, mais deviennent par la computation une sorte d’états potentiels à éveiller par une action sur eux (ex. survol, proximité, clic). Une image fixe est de ce point de vue une re-présentation, sa finalité est « d’être vue », alors qu’une image « e-mouvante » a été faite pour être agie, elle possède plusieurs états non finis7 et dont la finitude s’accomplit par le geste dans une gamme de graduations et de finesses infinies.