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Cyberculture

Tableau 4: Étude empirique sur les pratiques d'usage de dix musées virtuels

Le quatrième et dernier tableau de cette série sur les musées virtuels se veut un extrait succinct de l’étude qualitative “ Pratiques et représentations des utilisateurs de sites-musées sur Internet ”. Ce rapport d’une quarantaine de pages, effectués par Alexandra Vol1 et moi-même en 1999 pour la Direction des musées de France – DMF2 – au Ministère français de la Culture et de la Communication, étaye une description des usages actuels ou envisagés auprès de “ vrais utilisateurs ” afin de démythifier les représentations des musées en ligne, car les conservateurs ne font jusqu’à ce jour que spéculer sur les pratiques d’usage. En réalisant cette recherche sur la thématique d’Internet, la DMF questionne par là même l’apport d’un tel dispositif technique pour acquérir des connaissances en art, elle tentera de joindre des publics plus larges que ceux des musées physiques (les amateurs d’art) mais aussi ceux friands de l’informatique (les internautes).

Les musées choisis et la méthodologie

Un vaste repérage sur 300 sites Web culturels a été entrepris par A. Vol à l’automne 1997. Parmi ceux-ci, 10 sites-musées furent choisis3 (voir le tableau ci-dessous) en fonction de la langue de diffusion (français/anglais), de l’origine géographique (Amérique du Nord/Europe )4, de l’approche communicationnelle (didactique, historique, ludique, …), du domaine de collections (arts, civilisation, histoire naturelle, etc.)et de la conception graphique (la page d’accueil en particulier).

Musées virtuels sélectionnés:

  1. Musée des Beaux-Arts de Bordeaux
  2. Metropolitan Museum of New York
  3. National Art Gallery of Washington
  4. Peinture médiévale dans le Midi de la France
  5. Musée Canadien des Civilisations à Hull
  6. Museum of Natural History of London
  7. Musée virtuel de la Nouvelle France5
  8. Le Mémorial de Caen6
  9. Musée de la Lausanne Antique
  10. Fondation Jacques-Édouard Berger de Lausanne

L’étude a été réalisée auprès d’une quarantaine d’utilisateurs (21 hommes et 16 femmes) de la région parisienne, âgés entre 15 et 68 ans, possédant une scolarité universitaire et étant plus ou moins familiers d’Internet (de niveau intermédiaire). Nous avons demandé aux participants d’examiner, à l’aide d’une grille-questionnaire des éléments spécifiques de 5 sites-musées afin qu’ils puissent donner leurs appréciations sur : la page d’accueil, la navigation, les contenus, la présentation graphique, les outils technologiques, et ainsi de suite; un corpus ayant principalement trait à la technicalité du site. Comme pour le tableau 3, cette figure des pratiques d’usage des utilisateurs est de nature descriptive plutôt que théorique, elle révèle néanmoins des voies intéressantes pour des conceptions ultérieures de Web musées.

Résultats de l’étude

D’entrée de jeu, mettons en exergue que les utilisateurs français n’ont aucune idée préconçue des musées sur Internet, puisqu’ils n’avaient pas connaissance de leur existence et, par conséquent, sur ce qu’ils peuvent acquérir en termes de contenus artistiques. Ils ont d’ailleurs la forte intention de retourner sur les musées virtuels car l’expérience s’est avérée enrichissante. De manière plus générale, les visiteurs s’attendent à recevoir des renseignements pratico-pratiques sur le musée (expositions en cours et temporaires, heures d’ouverture, prix d’entrée, réservations en ligne, visites guidées, conférences, événements spéciaux, etc.). Certains utilisateurs aimeraient par ailleurs être en mesure de communiquer directement avec un Webmestre pour des questions ponctuelles.

Nous apprenons suite à leurs commentaires que le musée virtuel évoque principalement le musée d’art mais aussi les galeries d’art ainsi que les sites personnels sur des artistes. Les musées les plus appréciés sont donc des musées d’arts. Les visiteurs apprécient tout particulièrement les expositions ‘Tours’ de la National Art Gallery of Washington et ‘Les 100 chefs d’œuvre’ du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux pour leurs collections qui contiennent une abondante série de tableaux. Nos répondants aspirent également à une mise en exposition axée sur l’émotion esthétique présentant d’images d’œuvres d’excellente qualité qui ne prennent pas trop de temps à télécharger. 

En matière de consultation, la majorité des utilisateurs opte pour une méthode de recherche de type classique, le ‘lien hypertexte’ parce qu’il apporte un côté magique et inattendu des contenus, en plus d’offrir de nouvelles pistes d’apprentissage sur des collections ou des artistes. À l’image des dictionnaires informatisés, plusieurs visiteurs réclament des quizz interrogeant leurs connaissances, pour ne citer : ‘Quels artistes ont peint les mêmes scènes ?’ ou ‘Qui emploie telles techniques de gravure ?’.Aussi avons-nous mis en lumière que des modes de navigabilité restreints engendrent de la lassitude chez les visiteurs. Nous ajouterons que le principal obstacle rencontré est la ‘signalétique’, surtout lorsque l’utilisateur ne devine pas l’étendue des sites (i.e., plan du musée), et qui est à toute fin pratique absente par rapport au musée physique. Ils aiment à être surpris à l’aide de parcours novateurs. La ‘table des matières’ est aussi très recherchée par de nombreux utilisateurs qui ne maîtrisent pas encore très bien les commandes d’Internet (précédent, aller, signet, etc.). D’autre part, les utilisateurs réclament un ‘sommaire permanent’ en bas de page afin de restituerleur visite, à savoir les œuvres qu’ils ont regardé antérieurement, ou encore un ‘signet individualisé’ pour faciliter les retours vers les consultations précédentes. 

En outre, les représentations que se font les utilisateurs du musée en ligne sont parfois complémentaires au lieu physique, car certains d’entre eux désirent des ‘informations plus fouillées’ que celles déjà offertes au musée réel, d’autre fois diamétralement opposées, puisqu’ils y recherchent aussi des outils technologiques comme une ‘loupe’ qui amplifierait une partie d’une œuvre. Leurs représentations peuvent être également parfaitement symétriques au musée réel, en ce qu’ils désirent une ‘métaphore spatiale’ rappelant ainsi la déambulation réelle dans une salle d’exposition. Le Musée Virtuel du Musée Canadien des Civilisations à Hull avec son kiosque d’information1 est fidèle à cette image, a été apprécié par plusieurs visiteurs. La cartographie d’un musée en ligne ressort comme un enjeu capital, en effet les visiteurs rapportent qu’une attention particulière à l’ergonomiefait ressortir judicieusement l’aspect novateur d’un site.