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Le processus de création comme système cognitif*

En tant qu’entreprise de mise en forme du monde, l’œuvre d’art procède davantage d’un dispositif d’appréhension cognitive de la nature que d’un constat contemplatif de ses merveilles, y compris avec la dimension téléologique que cela peut supposer à travers l’idée d’un grand architecte, d’un super démiurge. Mais cette entreprise de mise en forme formalisation du monde n’a pas pour seul objectif d’en faire l’inventaire. En tant que technê, la création artistique s’inscrit dans une perspective de transformation du monde, et donc de soi, qui, de ce fait, n’est pas qu’un donné, mais aussi un à-venir. L’artiste créateur, dans la maîtrise de son art et les techniques qu’il convoque, construit des possibles qui s’actualiseront plus ou moins directement (plutôt moins que plus d’ailleurs) dans les paradigmes émergents. C’est la raison pour laquelle la création artistique s’est souvent associée aux évolutions technologiques. Non pas par esprit de mode, ce serait mésestimer à la fois le caractère récurrent du phénomène à travers l’histoire de l’art et le fait que leur rapport au monde se définit pour l’un comme pour l’autre, et conjointement, dans une très grande implication à la société qui les porte. L’œuvre d’art induit des schémas mentaux, autant du point de vue du créateur que du récepteur, qui instaurent des ruptures paradigmatiques dans les représentations du monde dans un rapport qui procède d’une construction analogue au rapport technesthésique que Couchot (Couchot, 1998) définit comme étant le fait que toute nouvelle technique induit un nouveau rapport sensible au monde. 

L’art, comme la technique, est un dispositif d’artificialisation de la nature, du monde plus largement, intrinsèque à la condition même de l’humain, même s’il semble de plus en plus évident qu’il n’en a pas l’exclusivité. On peut même émettre l’hypothèse que le vivant ne peut se développer sans un minimum d’artificialisation de la nature en fonction du principe d’énaction proposé par Varela (Varela, Thompson, Rosch, 1993) qui veut que tout organisme co-évolue dialectiquement avec son milieu, induisant donc l’évolution de son milieu par sa propre évolution, étant entendu que cette artificialisation n’implique pas nécessairement un dispositif technique. Si, dans ce cadre là, on accepte le postulat de l’émergence de la complexité, art et technique constitueraient alors une forme particulièrement évoluée de la complexité émergente. Significativement, ce sont les espèces les plus évoluées du règne animal, humain compris, qui artificialisent leur réel par la technique d’une part, mais aussi par l’art comme en témoigne les constructions savantes des oiseaux-berceaux1.

Ce schéma est opérationnel lorsque l’artificialisation s’effectue dans le cadre d’un projet de transformation, délibéré ou non, de la nature dans le but de l’adapter aux nécessités de l’individu, du groupe, de la société qui doit se colleter avec le réel produit par la nature. Mais ce qui se dessine depuis quelques années est d’un tout autre ordre. Il ne s’agit plus tant d’accompagner la nature pour la transformer comme un judoka accompagne le corps de son adversaire par la prise qui le fera choir. Il s’agit de produire de la nature. Et non pas au sens agricole du terme c’est-à-dire par reproduction d’espèces animales ou végétales à partir des semences que produisent ces espèces, mais par l’utilisation des processus génésiques fondamentaux soit en les modélisant, soit en les modifiant. 

L’être humain est capable depuis fort longtemps d’intervenir sur les processus génétiques par croisement d’espèces pour des raisons économiques d’abord, créer des espèces plus productives par exemple, puis pour des raisons ludiques ensuite, comme certaines plantes décoratives ou certaines espèces d’animaux de compagnie. Si on maîtrisait les processus, il a fallu attendre Mendel pour en comprendre l’explication scientifique. Or les technologies contemporaines, que ce soient les technologies du numérique ou les biotechnologies, ont introduit une donne complètement nouvelle. 

Si l’on prend les technologies du numérique dans un premier temps, à partir notamment de ce qu’on appelle la seconde cybernétique, la puissance de computation grandissante des machines permet de réaliser des programmes qui construisent du vivant de synthèse, autrement dit de la vie artificielle. Basés sur un principe d’évolution darwinienne de sélection, récompense, reproduction, ces programmes sont constitués d’agents logiciels qui, de génération en génération vont, par apprentissages successifs, développer des comportements proches de ceux du vivant. Basés sur des algorithmes évolutifs ou génétiques, ou sur des modèles auto-organisateurs, ces programmes fonctionnent sur un principe bottom-up de complexité émergente. C’est ce que Marvin Minsky (Minsky, 1988) a théorisé sous le concept de Société de l’esprit  selon lequel un système vivant ou artificiel constitué d’un très grand nombre d’agents destinés à une fonction minimale ne nécessitant aucune forme d’intelligence, est intelligent en tant que système par le produit des interactions multiples de ses agents entre eux, indépendamment de ce qui constitue la singularité, ou l’absence de singularité, de chacun d’entre eux. C’est le principe de la fourmilière.   

Ces algorithmes génératifs, utilisés comme outils dans le champ de la création artistique, induisent de facto une redéfinition des rapports entre l’art et la nature. Une des données déterminantes qui émergent de cette nouvelle situation est le fait que l’art n’a plus un rôle de ré-présentation de la nature contrairement à celui qu’il avait dans la culture occidentale notamment. Il ne s’agit plus à proprement parler d’artificialiser la nature à travers les représentations qu’on en fait puisque ce qui est en jeu est la création modélisée de processus naturels eux-mêmes. Nous sommes donc, et c’est ceci qui est foncièrement nouveau, dans une présentation, c’est-à-dire dans l’actualisation d’un processus qui se génère en temps réel. 

La question de l’art comme espace de présentation plutôt que de représentation n’est pas nouvelle en soi puisque l’émergence de l’art de l’instant dans les années soixante (happeningeventperformance…) inscrivait déjà le processus de création dans l’actualité de la monstration, avec ce que ça suppose d’unique et d’aléatoire. Mais nous sommes plus ici dans un déplacement que dans une rupture. Nous restons malgré tout dans le schéma d’artificialisation de la vie. Or, la vie artificielle n’est pas l’artificialisation de la vie. On est dans un tout autre registre conceptuel. C’est tout ce qui fait la différence entre les automates du XVIIIe siècle, par exemple, comme le fameux canard de Vaucanson, et les créatures de Karl Sims. Dans un cas nous sommes face à un dispositif fermé, fini et non évolutif, dans l’autre cas, nous sommes face à un système ouvert, qui évolue par lui-même à partir des conditions génésiques qui ont été mises en place programmatiquement. Le canard ne fait que répéter mécaniquement, dans tous les sens du terme, les actions pour lesquelles il a été conçu, aussi complexes fussent-elles. Les créatures de Karl Sims évoluent par apprentissage autonome sans que rien ne leur ait été attribué initialement d’un point de vue comportemental, si ce n’est la nécessité intrinsèque à chaque organisme vivant de résoudre les difficultés résultant de sa confrontation au réel, fût-il virtuel en l’occurrence. 

Les systèmes auto-organisateurs

Il va de soi que, du point de vue de la création artistique elle-même, cela va avoir des enjeux importants dont nous commençons peut-être à percevoir les premières manifestations, notamment au regard du débat actuel sur la question du post humain qu’on ne peut pas résumer à un effet de mode malgré le caractère particulièrement exotique que peut parfois prendre ce débat. On peut en voir l’expression à partir de mouvements comme les extropiens qui envisagent le remplacement complet du corps biologique par l’ordinateur, avec, donc, la possibilité de télécharger entièrement le contenu de son cerveau sur support numérique. Depuis les débuts de la modernité occidentale, l’art, en tant que dispositif d’artificialisation de la nature, c’est-à-dire avec tous les enjeux cognitifs que cela suppose, était considéré comme une activité intrinsèque à l’humanité, voire à l’espèce humaine. On peut considérer l’œuvre d’art comme un artefact esthétique résultant d’un certain nombre de processus mentaux,  sensibles, émotionnels, généralement non verbaux, qui, par l’approche singulière sur le monde dont il témoigne, permet d’enrichir le champ cognitif, mais aussi le champ émotionnel, le champ des résonnances intersubjectives, le champs des artefacts constituant un des fonds essentiels de la culture, etc., de l’humain par rupture de ses habitus perceptifs.C’est ce qui permet de différencier l’œuvre d’art d’autres objets esthétiques comme ceux produits par la nature, étant entendu que la nature ne produit pas d’objets esthétiques en soi, mais que c’est le regard de l’humain, avec tout ce que ça suppose de culture, qui leur confère ce caractère esthétique. On sait, par exemple, que la beauté d’un paysage est un jugement esthétique construit par la représentation picturale à partir, en occident, de la Renaissance en particulier. S’il est vrai que le rapport esthétique à certains objets produits par la nature traverse les cultures au point qu’on le retrouve chez les paléanthropiens, et même chez certaines espèces animales, il reste néanmoins d’ordre cognitif, en tout cas, si ce n’est d’ordre culturel2.

Dès lors, comment analyser des œuvres comme Evolved Virtual Creatures  dont j’ai parlé plus haut,  ou Ant Swarm  de Leonel Moura ? S’il est généralement admis que pour faire œuvre d’art, les artéfacts dont je viens de parler doivent être produits par l’être humain, ce qui n’est pas si simple comme on l’a vu par exemple avec les oiseaux-berceaux, dans le cadre d’une démarche plus ou moins consciente de faire œuvre, qu’en est-il lorsque l’œuvre est produite par la machine, par exemple ? Non pas que la machine serve d’outil à la production humaine, les dispositifs machiniques sont utilisés depuis longtemps dans la poïèse de l’œuvre, comme par exemple les « machines de vision » qu’utilisaient à partir de la Renaissance les peintres pour la perspective. Mais des machines qui produisent des objets esthétiques en tant que tels dans une situation de relatif découplage au corps de l’artiste, au moins dans le temps de l’effectuation, il faut attendre les machines à peindre ou à dessiner de Tinguely (comme Métamatics, 1959), ou, un peu plus tard des œuvres comme Zen for film  (1962-1964) de Nam June Paik, par exemple. Zen for film est une œuvre composée d’un projecteur film sur lequel tourne en boucle un morceau de pellicule de film transparente. Le principe de l’œuvre est que le rectangle blanc défini par la projection va petit à petit faire apparaître une image du fait de l’usure mécanique du film passant dans l’objectif du projecteur (rayures) et de l’accumulation de poussière du fait de l’électricité statique.

Mais dans un cas comme dans l’autre, l’objet esthétique produit, même quand c’est le résultat d’un dispositif processuel, comme c’est le cas chez Paik, est attendu dans la forme qu’il prendra, le processus n’ayant pour objet que de permettre la mise en forme de cette attente. Nous sommes ici dans des processus complètement déterministes où le résultat est le produit quasiment inévitable, hors la dimension aléatoire, des éléments mis en œuvre par le dispositif.

Chez Karl Sims et Leonel Moura, pour ne citer qu’eux, nous sommes dans une configuration très différente. Chez l’un ni chez l’autre, le résultat n’est prévu autrement que sous la forme d’une hypothèse très générale. Si Sims donne les moyens programmatiques de l’évolution de ses créatures, il ne sait dès le départ quelle évolution singulière elles vont suivre, ni même si elles vont évoluer. Il met en place les conditions programmatiques de l’évolution au même titre que n’importe quel organisme vivant est génétiquement programmé pour vivre, sachant que cette programmation génétique ne préjuge en aucune façon du mode de vie singulier de chaque individu. L’évolution est le résultat de la production des variations (aléatoires) de formes par le programme et de la sélection par l’interacteur des configurations qui lui plaisent. 

En ce qui concerne Leonel Moura, particulièrement les œuvres de la série Ant Swarm Paintings (2001), le système est différent. Bien que fondé aussi sur des algorithmes génératifs, le propos n’est pas de donner vie à des créatures virtuelles, mais d’utiliser des comportements animaux modélisés pour faire œuvre. Ant Swarm Paintings signifie Peintures d’essaimsde Fourmis. Il a été établi que les trajets parcourus par les fourmis à la recherche de nourriture se font selon un processus qui va successivement du hasard le plus total à une organisation méthodique sur des trajets communs. Nous sommes typiquement dans un processus d’action, élimination, récompense. Aucune des fourmis ne sait a priori où se situe la nourriture. La seule chose qu’elles savent, c’est comment rejoindre la fourmilière à partir de l’endroit où elles se trouvent, par un moyen bien simple, celui du dépôt de phéromones au fur et à mesure du parcours sur le principe du Petit Poucet. Lorsqu’une fourmi trouve de la nourriture, elle rejoint directement à la fourmilière pour en rapporter un morceau, puis elle va retourner sur le lieu de la nourriture, laissant à chaque fois un peu plus de phéromones sur itinéraire. Petit à petits d’autres fourmis, attirées par la quantité de phéromones déposée, finissent par suivre le même itinéraire jusqu’à ce que, bon an mal an, toutes les fourmis se retrouvent à la queue leu-leu sur le même chemin. Nous sommes ici caractéristiquement devant un système auto-organisateur de type fort.

Leonel Moura utilise ce système pour faire apparaître des formes graphiques à partir des trajets des fourmis virtuelles. Il connecte une machine CAD (Computer Aided Design, Dessin Assisté par Ordinateur) qui est une sorte de table traçante dont le bras est prolongé par un pinceau et obtient des ‘tableaux’. Moura3 définit le processus de la manière suivante :

« […] ces travaux émergent de fourmis artificielles, par un processus de déposition/évaporation de phéromone. Quelques-uns dessinent des traces (plus de phéromone, égal plus de peinture), d’autres définissent des taches ou organisent des objets 3d. […] Une colonie de fourmis capable d’enregistrer son activité existentielle, dans un environnement délimité et pendant un certain période de temps. Le produit d’un comportement global fait de différents comportements multiples et simples. Une approche ascendante. »

Ce qui est intéressant dans les œuvres de Moura comme de Sims, mais rappelons que ce ne sont que des exemples, c’est que l’œuvre d’art change de statut. D’objet artificiel dont l’objectif est de ré-présenter la nature, elle devient ‘artéfact naturel’. Cette expression qui relève de l’oxymore, signifie que l’objet est de l’ordre de l’artéfact, puisque produit par l’humain, mais que les processus qu’il convoque pour sa réalisation sont des processus naturels, modélisés dans le cadre des œuvres que je viens de décrire, ou non quand nous sommes dans le domaine de l’art biotech’. Il y a donc une rupture paradigmatique importante quant au statut de l’œuvre. Leonel Moura parle d’art non-humain en ce qui concerne ses Ant Swarm Paintings. Il nous explique :

« […] dans cette première étape tous les travaux de l’essaim artificiel sont aidés par des humains. Mais bientôt ils cesseront de l’être. Quoi qu’il en soit, on peut déjà affirmer que ces ‘peintures’ ont très peu de caractéristiques humaines. Elles n’en partagent pratiquement aucune des conditions de la qualité d’auteur (d’humain). Elles ne se réfèrent pas à une représentation pré-commise, n’assument aucune prétention sentimentale ou n’expriment pas une sensibilité particulière, et d’ailleurs ne s’attendent pas ni à une identification esthétique ou morale. Également elles n’affirment un goût, ni une tendance et aucun message. Les similitudes avec des œuvres d’art reconnues sont dues au contexte de production. C’est-à-dire, elles sont des défauts et pas des qualités, inévitables à cette phase initiale où mon ingérence est encore considérable. Moins d’ingérence, plus l’autonomie se développera. Demain nous pourrons ‘donner naissance’ à une vie artificielle entièrement consacrée à son ‘art’.4 »

L’art cesse-t-il d’être humain parce que l’objet esthétique est, non pas produit par la machine, on le fait depuis longtemps comme on l’a vu précédemment, mais conçu par la machine ? C’est une question qui ne peut pas amener une réponse simple. Duchamp nous avait déjà avertis, avec le Ready Made, que l’œuvre d’art pouvait exister sans qu’elle soit le résultat d’une activité de fabrication de l’artiste, en tout cas pas au sens artisanal du terme. Mais c’est quand même l’artiste qui produit l’œuvre du fait du geste artistique qui fait démarche, même si par ailleurs Duchamp introduit une dimension systémique dans son œuvre (au masculin) par le recours au hasard en tant qu’élément de production de l’œuvre. Incontestablement, dans l’œuvre de Moura, c’est le dispositif programmatique qui fait œuvre du point de vue de son effectuation. D’un point de vue strictement matériel, évidemment, mais aussi d’un point de vue conceptuel puisque c’est ce dispositif qui va générer l’organisation plastique de l’œuvre. Reste que ni la machine, ni même les fourmis qu’elle modélise, n’ont projet de faire œuvre et que si Moura n’avait pas organisé l’ensemble du dispositif, aussi bien programmatiquement que techniquement, même en se revendiquant d’un niveau d’intervention zéro comme il le fait, l’œuvre n’existerait pas. Des millions de fourmis arpentent quotidiennement le sol en créant des figures invisibles sans qu’il y ait œuvre pour autant.

S’il y a œuvre, c’est donc bien parce que Moura à décidé que les images produites autant que le processus de leur production procédait de l’artistique, et que nous mêmes dans un contexte culturel donné, avec un savoir sur l’art, acceptons le fait qu’il y ait œuvre. Comme on le voit, rien que de très humain dans tout cela. Mais l’enjeu de cette artificialité-là ne réside peut être pas tant dans la volonté d’écarter l’humain des processus de création, ni même, peut-être, de prétendre que la machine peut créer, dans un niveau d’artificialité total, mais de permettre de s’interroger plutôt les conditions phylogénétiques de la création animale. Ce que modélisent les fourmis de Moura, tout compte fait, serait davantage les protomécanismes de la création humaine dans son processus d’artificialisation de la nature. Pierre-Yves Oudeyer tente de retrouver les formations archaïques du langage en programmant ses chiens électrocybernétiques de telle sorte qu’ils construisent à partir de rien un véritable langage, certes rudimentaire, mais suffisamment efficace pour qu’ils puissent être communicants entre eux, même si le chercheur ne peut que constater cette efficacité communicante sans pouvoir accéder au contenu des cette communication5. Là encore, nous sommes dans un dispositif génératif où les chiens, dotés d’un réseau neuronal artificiel, développent ce réseau par une série d’input et d’output comme le ferait n’importe quel organisme vivant à l’évolution suffisamment complexe. Les peintures d’essaim de Moura comme les créatures de Sims pourraient ainsi fournir les pistes de ce qui pourrait être une approche cognitiviste des processus de création. Ainsi, cette méta-artificialité que constituent les dispositifs numériques génératifs, par le fait qu’ils ne reproduisent pas la nature mais les processus qui lui sont intrinsèques, pour reprendre la pensée de Paul Ricœur disputant sur La Physique d’Aristote dans La métaphore vive6, permet de mieux comprendre en quoi l’humain fait partie de la nature ce qui, à la fois l’exalte et le relativise. L’exalte, car il côtoie les dieux. Contrairement à Pygmalion, il n’a pas besoin de leur secours pour donner vie autrement que par l’accouplement. Le relativise, car dans le même temps il se trouve subsumé dans un méta-système, dilué en tant que système lui-même parmi d’autres systèmes. Situation que ne vont pas arranger des sciences comme la génétique ou l’éthologie, ou plus globalement, la cybernétique prise comme science des systèmes.

L’œuvre comme système

Mais si on peut admettre que l’humain peut s’appréhender de façon systémique, on doit pouvoir considérer qu’a fortiori l’œuvre d’art, notamment dans sa phase poïétique, est elle aussi de l’ordre du système. Les sciences de la cognition doivent nous permettre d’appréhender cette dimension systémique à travers l’analyse des processus de création, la poïèse de l’œuvre.

Dans sa phase instauratrice, l’œuvre procède d’une confrontation singulière de l’artiste au réel qui, à travers notamment l’articulation percepts/affects et la façon dont ils s’articulent à son imaginaire, l’oblige à se départir des routines pour tenter d’appréhender ce qui lui pose problème. C’est parce que les opérations cognitives qu’il met en œuvre ne trouvent pas de réponses satisfaisantes, dans le substrat que construisent les routines, à la prégnance inédite du réel qu’il se trouve en situation d’opérer des connexions extraordinaires, au sens premier du terme. 

Henri Atlan définit le processus de création scientifique de la manière suivante :

« Toute hypothèse scientifique vraiment nouvelle est en fait de l’ordre du délire du point de vue de son contenu, en ce qu’il s’agit d’une projection de l’imaginaire sur le réel. Ce n’est que parce qu’elle accepte à priori la possibilité d’être transformée ou même abandonnée sous l’effet de confrontations avec de nouvelles observations et expériences qu’elle s’en sépare finalement. » (Atlan, 1979, p. 147)

Je pense que cette définition s’accorde tout à fait à la création artistique. C’est parce que l’artiste a cette capacité à imaginer le réel, à transformer les perceptions qu’il en a en des images mentales inédites, qu’il instaure l’œuvre qui émerge de ce procès. Mais ce qui fait à la fois la force et la difficulté de ce procès, c’est l’articulation dialectique qu’il exige entre la nécessité d’aller au-delà, voire en deçà des strates accumulées par les routines, qui l’ont construit en tant qu’individu, et celle d’instaurer son dessein dans un parcours relativement balisé sur lequel il est malgré tout obligé de s’appuyer pour faire œuvre (la pérennité de ses  choix esthétiques, techniques, etc., même si son dépassement n’est pas exceptionnel).

La déssaissement de soi est une donnée constituante du dispositif computationnel qui permet d’imaginer (au sens, aussi, de mettre en image) le réel. Si nous admettons, comme le font les psychanalystes par exemple, que le réel est de l’ordre de ce qui advient, il ressortit donc à l’indicible, à ce pour quoi il n’y a pas de mots qui puissent en faire la description. Toute tentative de sa description ne peut être que parcellaire, a fortiori si on admet que son apperception s’instaure a priori dans des strates qui ne sont pas encore médiatisées par le langage articulé.

Le premier outil d’apperception du réel est très probablement l’émotion. Loin de se limiter à une réaction affective qui va de soi à soi, l’émotion est avant tout un outil cognitif. Alain Berthoz et Jean-Luc Petit nous l’expliquent bien : « […] l’émotion est un outil découvert par l’évolution pour préparer le futur, pour organiser l’action en fonction de l’expérience passée7. » L’émotion est donc l’outil dont dispose le corps, le cerveau, plus précisément, et tout l’appareil neurovégétatif et thymique, pour appréhender la complexité du réel tel qu’il se manifeste dans la confrontation. Mais c’est aussi un outil instaurateur des processus cognitifs qui vont permettre au cerveau de construire la réponse la mieux adaptée à la situation problématique.

De ce constat, je tirerai deux hypothèses du point de vue de l’artistique. La première est que le langage articulé du discours n’est qu’une solution pour mettre en forme ce processus. Et une solution nécessairement réductrice puisque nommer, c’est forcément réduire le champ de la complexité. De ce point de vue, le champ des arts, et singulièrement des arts plastiques en ce qui nous concerne, est un domaine où la mise en forme du réel est au moins complémentaire à celle du discours articulé. La plurivocité de l’image (physique, sonore, poétique…) est certainement beaucoup moins réductrice que l’univocité de la nomination.

La deuxième est que l’émotion est par définition du domaine de l’intime. Même s’il y a nécessairement des constantes liées aux données ontogénétiques et phylogénétiques de l’évolution de chaque individu, il n’y a pour autant pas de grille de référence aux manifestations de l’émotion. C’est donc à chaque fois une expérience singulière qui convoque ce qu’il y a de plus profond chez chacun de nous. Mais, remarque le physiologiste Marc Jeannerod, les émotions « jouent aussi un rôle capital dans la communication interindividuelle » (Jeannerod, 2002, p. 106), car elles nous permettent d’accéder aux émotions des autres. « L’émotion est l’extériorisation d’un état mental interne par des stimuli visuels (expression du visage, attitudes corporelles) ou sonores (flexions de la voix, cris, exclamations, onomatopées, bruits divers) commun à toute l’espèce humaine. L’organisation du cerveau est ainsi faite que percevoir une émotion sur le visage de quelqu’un d’autre (ou dans son comportement corporel) nous fait entrer en communication avec lui et ressentir à notre tour l’émotion de celui que nous observons. » (Jeannerod, 2002, p. 106) L’émotion est un vecteur puissant d’intersubjectivité.

Par la capacité intrinsèque à s’extraire des routines que suppose l’acte de création, l’artiste est peut-être parmi ceux qui ont une réceptivité émotionnelle élevée, c’est-à-dire non seulement du fait de ses connexions avec le réel, mais surtout des projection à partir de ces connexions. Comme le remarquent encore Alain Berthoz et Jean-Luc Petit : « […] le pouvoir de l’abstraction […] permet d’échapper au flux du vécu pour inventer de nouvelles solutions. » (Jeannerod, 2002, p. 108) L’artiste, en tant que créateur, s’inscrit donc dans un procès qui va du plus intime à l’abstraction de cette intimité émotionnelle pour la mise en œuvre d’une représentation formalisée de ce qu’il aura su extraire des opérations computationnelles instaurées par le rapport au réel.

Mais ce procès inscrit un autre niveau d’intimité, celui de la matière informée par le geste artistique (pictural, graphique…) et du rapport nécessairement singulier que l’artiste entretient avec elle.  Le travail de colletage de l’artiste avec la matière dans ce qu’elle a de plus intime (ses caractéristiques physiques, chimiques, notamment ce que Passeron appelle « l’endogenèse picturale » (Passeron, 1989) …) reproduit à un autre niveau, et pour des raisons similaires, l’intimité émotionnelle de la phase instauratrice.

Reste que les pratiques actuelles,  dans le champ des arts plastiques notamment, relèvent de plus en plus de dispositifs processuels, qu’ils soient numériques ou biotechnologiques. Les technologies contemporaines, en particulier les technologies du numérique et les biotechnologies, interrogent de façon spécifique les processus poïétiques de l’œuvre d’art. La dimension systémique et processuelle qu’elles induisent par nécessité obligent l’artiste à mettre en place de nouvelles stratégies face à l’œuvre en train de se faire. L’artiste n’intervient plus sur de la matière, qu’il transforme, ou de l’énergie, qu’il canalise (Couchot) mais sur du code, qu’il soit numérique ou génétique. La science et les technologies ont permis, depuis le XIXe siècle notamment et l’émergence de la photographie, un principe de découpage conceptuel systématique du réel en entités discrètes jusqu’à l’intimité la plus profonde de ses constituants, on pense au microscope électronique par exemple, ou, plus récemment, le séquençage du génome. C’est dans cet esprit qu’on pourrait situer certaines pratiques artistiques contemporaines comme Corps étranger (1994) de Mona Hatoum. 

Cette œuvre procède d’une recomposition du corps en un territoire virtuel par le découvrement de l’intimité la plus profonde du corps de l’artiste. La caméra endoscopique, en révélant le corps à travers une succession continue de très très gros plans à une échelle quasiment micrométrique, supprime toute référence topographique. À travers la succession ininterrompue du grain de la peau, du système pileux individué, de la texture des muqueuses …, c’est un corps infini qui apparaît, tel un anneau de Mœbius. Un corps qui, malgré les attaches organiques des parcelles découvertes procède davantage d‘une organisation paramétrable, programmable par la manipulation de ses composants dans l’espace, que d’une entité finie et situable idéologiquement et symboliquement du fait même de sa finitude.

Cette œuvre, contemporaine des premières recherches sur les cultures tissulaires, évoque de façon prémonitoire les pratiques artistiques liées à la culture de cellules dermiques de TC&A ou de Art Orienté objet. Le principe du codage autopoïétique des cellules dermiques fait qu’elles peuvent se développer d’elles-mêmes jusqu’à couvrir des surfaces théoriquement infinies.

Mais les œuvres de TC&A et de Art Orienté objet relèvent d’une autre logique poïétique. L’œuvre de Mona Hatoum résulte d’un corps à corps, non pas avec la matière, ici, puisqu’il s’agit de vidéo, mais avec l’outil, la caméra endoscopique. Elle n’est donc pas dans un processus de transformation de la matière, mais d’utilisation du rapport lumière/énergie où la lumière réfléchie par le corps est encodée en un signal électronique. Néanmoins, c’est elle qui dirige la caméra et c’est l’incidence de son geste qui va déterminer la nature de l’encodage.

Le code de l’œuvre

En ce qui concerne TC&A par exemple, que ce soit pour Cuir sans victime ou Les poupées du souci semi-vivantes, nous sommes dans une délégation complète de l’effectuation concrète de l’œuvre à un codage biologique. Si, dans un cas comme dans l’autre, la forme de l’objet obtenu (le vêtement ou la poupée) est déterminée par la structure en polymère biodégradable qu’ils on fabriquée, le processus de développement des tissus dermiques est totalement indépendant de leur action. Il obéit à des lois propres déterminées par le code génétique des cellules.

Dans les pratiques artistiques liées aux technologies contemporaines, le code devient l’élément le plus intime de l’œuvre d’art. Il représente la base même de tous les processus mis en œuvre. C’est lui qui va constituer le point de départ informationnel de l’œuvre en train de se faire, y compris dans son actualisation par interaction avec le spectateur. Lorsque, dans le cadre du projet Edunia, d’Eduardo Kac, les bio-ingénieurs manipulent le code génétique du pétunia en introduisant dans la séquence génomique de la plante un gène extrait d’une séquence ADN de l’artiste, ils sont dans une manipulation biotechnologique du plus intime de la matière biologique, dans sa dimension essentielle, même. Et c’est cet encodage primordial qui va déterminer l’évolution de la « matière biologique » en fonction des processus qui sont normalement ceux du vivant. Ils ne sont donc pas dans la transformation d’une matière constituée, mais dans celle d’une matière virtuelle, à venir, car leur intervention ne porte finalement pas sur la matière elle-même, tout au plus sur ses prémices.

Le processus est comparable en ce qui concerne les pratiques artistiques liées au numérique, et particulièrement celles qui utilisent  des dispositifs programmatiques auto-organisateurs L’artiste intervient non pas sur de la matière, même virtuelle au sens où je l’ai défini précédemment, mais sur du langage symbolique, le langage algorithmique. C’est ce langage qui va lui permettre  d’entrer dans une relation dialogique avec ce qui constitue le plus intime de la machine numérique, le code. Le colletage que j’ai évoqué précédemment n’a de ce fait pas la même réalité. L’artiste n’est plus confronté à l’autonomie de l’« endogenèse picturale » mais à la logique d’une syntaxe dans laquelle la moindre erreur rend le programme inopérant.

Exit, donc, la question du corps à corps avec l’œuvre en train de se faire. Exit, donc aussi le repentir comme trace, témoignage du combat de l’artiste avec l’œuvre en train de se faire. Olivier Auber, en énonçant le concept de « code de fuite8 » à partir de son œuvre Générateur Poïétique, met clairement en évidence le rôle central du code dans l’émergence de l’œuvre. Certes, ce concept est énoncé dans le cadre très précis d’une œuvre participative par l’Internet. Le « code de fuite » renvoie ici à la déterritorialisation géographique puisque chaque intervenant n’est plus identifié à partir d’une adresse géographique, mais à partir de l’adresse IP (Internet Protocol) de son ordinateur, même si ce code IP permet de spatialiser géographiquement l’ordinateur connecté. Comme il l’explique lui-même : «  ce code de fuite est simplement le seul point commun entre tous les membres d’un groupe livré à une forme ou une autre d’interaction collective9. »

Mais je pense qu’on peut élargir l’acception de ce concept. Le rapport au code que dégagent les pratiques liées aux technologies du numérique autant qu’aux biotechnologies déplace territorialement le rapport de l’artiste à l’œuvre dans sa poïèse. Il le déplace temporellement, bien sûr, puisque l’intervention de l’artiste ne se situe que dans la puissance de l’œuvre, avant, donc, son avènement (que celui-ci soit le fait d’un processus biologique ou d’une interaction avec spectateur).  Mais il le déplace aussi du point de vue de l’artistique puisque l’intervention de l’artiste ne relève plus d’un geste, d’un ensemble d’actions spécifiques exigeant une technique, voire une dextérité, intrinsèquement liée à la singularité de l’artiste lui-même et à son rapport intime avec l’œuvre.

Ce n’est ni nouveau ni spécifique en tant que tel, Duchamp l’avait déjà introduit avec les Ready Made, pour lesquels il s’appuyait  sur un système processuel indépendant du domaine de l’art, la production industrielle. Mais ce qui diffère peut-être, c’est qu’ici, l’artiste est initiateur du processus, que ce processus ne peut se mettre en œuvre qu’à partir d’éléments symboliques formalisés, et que ces éléments symboliques formalisés, la structure syntaxique du code, deviennent la matrice même de l’œuvre. 

Ce n’est ni nouveau ni spécifique en tant que tel, Duchamp l’avait déjà introduit avec les Ready Made, pour lesquels il s’appuyait  sur un système processuel indépendant du domaine de l’art, la production industrielle. Mais ce qui diffère peut-être, c’est qu’ici, l’artiste est initiateur du processus, que ce processus ne peut se mettre en œuvre qu’à partir d’éléments symboliques formalisés, et que ces éléments symboliques formalisés, la structure syntaxique du code, deviennent la matrice même de l’œuvre. 

L’artiste n’est plus dans la logique du point de fuite où il se situe en tant qu’élément central unique dans la poïèse de l’œuvre, mais dans un dispositif où c’est le code, en tant que matrice à la fois technique et symbolique, qui devient cet élément central. Et ce qui caractérise aussi le code, et qui le renvoie également à la question de l’intime, c’est qu’il représente la partie cachée du dispositif, celle à laquelle seuls l’artiste et/ou le programmeur ont accès dans l’élaboration informationnelle du processus. Et il s’agit finalement d’une intimité irréductible, car même dans le cas où le spectateur est auteur de l’actualisation de l’œuvre (voir le concept d’auteur-amont chez Couchot), il n’a pas accès à cette intimité, n’ayant pas accès au code. Et c’est peut-être là aussi que réside la différence avec  les pratiques relevant du corps à corps avec la matière. Autant ce corps à corps laisse des traces, des témoignages, par la présence de la touche, par exemple, qui raconte au spectateur combine ce combat fut épique. Autant le code, contraint dans son intimité inaccessible, ne laisse rien paraître d’un combat qui n’a pas eu lieu. Cela n’enlève rien aux qualia de l’œuvre et Passeron note opportunément que : « Le XXe siècle a créé des arts nouveaux, dont les qualiasensibles restent certes différents, mais dont les instruments sont pratiquement identiques, au niveau électronique et cybernétique. » (Passeron, 1989, p. 34) Notons toutefois que le combat de l’artiste avec le numérique n’est pas pour autant un combat désincarné et encore moins virtuel. Si l’artiste ne se collette pas avec la matière physique, il se collette avec le code, ce qui n’est pas non plus chose simple quand on sait, d’une part, que la moindre erreur de syntaxe peut tout bloquer, mais aussi qu’il y a en permanence nécessité d’allers et retours entre ce qui est attendu des opérations programmées et ce qui ressort effectivement de la mise en œuvre de ces programmations.

L’analyse que je propose s’appuie sur une production personnelle qui revisite le principe du dessin automatique. Cette production porte le nom de Tentative de lecture cristalline et est constituée de dessins en noir et blanc.Le propos consiste à m’interroger dans une approche à la première personne, sur les processus de création mis en œuvre dans ce contexte partant de l’hypothèse que ce type de pratique ne suppose pas de dessein initial mais que la figure se construit par émergence à partir de ce qui peut être considéré comme un chaos initial. La figure se précise au fur et à mesure à partir de processus de choix qui procèdent autant de la logique interne du dessin que d’une interprétation des formes émergentes à partir des codes du dessin (modelé, dégradé…). 

*Les processus de réception et de création des œuvres d’art.
Approches à la première et à la troisième personne (partie 3)

Notes

[1] Ces oiseaux ont la particularité de construire des structures architecturales complexes. Pendant la saison de la reproduction, les mâles construisent une espèce de passage couvert en arceaux avec des brindilles. Les brindilles sont peintes en bleu à l’aide d’un mélange de salive et de jus de baies. Le passage débouche sur une sorte de scène circulaire pavée de cailloux plats ou de petits objets (tessons de bouteilles, capsules) récupérés. Le pavage a ceci de particulier que les matériaux sont disposé dans un ordre précis et progressif où les plus petits sont devant et les plus grands derrière afin d’obtenir depuis l’entrée l’impression d’une taille homogène, ce qui a pour effet de rabattre l’arrière-plan. Le dispositif, et sa complexité, a pour objectif de mettre en valeur la parade nuptiale du mâle qui se met véritablement en scène en imitant toute une variété de chants d’oiseaux allant jusqu’à se parodier lui-même. La femelle assiste au spectacle depuis l’entrée du dispositif et fait son choix en fonction de la qualité esthétique de l’ensemble, aussi bien du point de vue de l’architecture que de la performance. Les études semblent montrer que nous ne sommes pas dans la simple reproduction d’un comportement acquis génétiquement mais qu’il y a un certain libre-arbitre.

[2] Si la nature n’est pas une artiste, certaines formes rencontrées dans la nature (symétrie, rythmes sonores, certaines courbes et lignes) ont un retentissement d’ordre esthétique sur l’espèce humaine et certaines espèces animales. En revanche, l’appréciation d’un beau paysage pourrait être d’ordre culturel.

[3] Leonel Moura, http://www.lxxl.pt/aswarm/fr_aswarm.html, consulté le 10/07/2012.

[4] Leonel Moura, op. cit..

[5] http://www.pyoudeyer.com/ouest-france.pdf, consulté le 30/06/2013. 

[6] Paul Ricœur, « … c’est de la nature que l’art tire d’avoir une fin. De cela même l’art reçoit son autonomie, car ce qui est imitable dans la nature ce ne sont pas les choses produites que l’on aurait à copier, mais la production même et son ordre téléologique… », La métaphore vive, Paris, Seuil Points-Essais, 1975,  p. 60 (note de bas de page). À souligner toutefois que nous ne suivons absolument pas Ricœur dans la dimension téléologique qu’il prête à l’art. L’art, en tant qu’il repose sur des conduites héritées de la phylogénèse de notre espèce n’a pas de finalité « naturelle », mais il a des effets. C’est notre culture occidentale qui lui attribue des finalités. 

[7] Alain Berthoz, Jean-Luc Petit, Phénoménologie et physiologie de l’actionop. cit., p.15.

[8] Olivier Auber, « Perspective numérique et cartographie sémantique #2 », 
http://perspective-numerique.net/wakka.php?wiki=CodeDeFuite consulté le 4/02/10.

[9] Ibid.

Bibliographie

– Atlan, Henri, Entre le cristal et la fumée, Essai sur l’organisation du vivant, Paris, Seuil, 1979, 288 p.

– Couchot, Edmond, La technologie dans l’art, de la photographie à la réalité virtuelle, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1998, 271 p.

– Jeannerod, Marc, La nature de l’esprit, Odile Jacob, 2002, 256 p.   

– Minsky, Marvin, La société de l’esprit, Paris, InterEditions, 1988, 653 p.

– Passeron, René, Pour une philosophie de la création, Paris, Klincksieck, 1989, 264 p.

– Varela, Francisco, Evan Thompson et Eleanor Rosch, L’inscription corporelle de l’espritSciences cognitives et expérience humaine, Paris, Seuil, 1993, 464 p.