Après l’informatique, la génétique est-elle le nouveau médium artistique à la mode? Avec l’essor de l’art biotechnologique, on peut se demander pourquoi certains artistes manipulent le vivant par le biais de la génétique? Quel est le statut de ces oeuvres, notamment de celles qui utilisent l’animal? Que signifie ce passage des animaux peints et sculptés à ces animaux vivants et manipulés?
L’art biotechnologique est un art qui entre dans les laboratoires tel que l’institut Cochin, le MIT ou l’INRA. Des lieux où l’animal est perçu comme un cousin de l’homme. Prenant aussi pour appellation « art génétique », « art transgénique », « art biotech » ou « bio art », cet art a pour chef de file l’artiste brésilien Eduardo Kac et annonce la couleur : il utilise le vivant. Nous sommes loin ici de ces oeuvres pseudo futuristes qui pensent offrir une réflexion sur la manipulation du vivant en utilisant des images virtuelles. Avec l’art biotechnologique, la biochimie se trouve au confluent de l’art, amplifiant la chimérisation par une rencontre entre les manipulations génétiques et l’art contemporain. Dans une sorte de manifeste, E. Kac revendique cette manipulation et cette utilisation du vivant : il « suggère que l’art transgénique soit une nouvelle forme d’art basée sur le recours aux techniques de l’ingénierie génétique afin de transférer des gènes synthétiques aux organismes, ou de transférer du matériel génétique d’une espèce à une autre, le tout dans le but de créer des êtres vivants inédits (…), je suggère que les artistes puissent contribuer à accroître la biodiversité globale en inventant de nouvelles formes de vies » 1. Entre le chien Puppy de Jeff Koons et la lapine « Alba » d’Eduardo Kac, un écart faramineux s’est produit.
Artistes démiurges, savants fous, la presse est plutôt assassine avec cet art, car la manipulation des animaux n’a jamais été du coté de l’art : dès lors est-ce que l’art peut se servir de tout? Pourquoi assistons-nous à la présence de la biotechnologie dans l’art? Que peut signifier ce passage de l’imaginaire vers le réel, ce passage de ces animaux peints ou sculptés vers ces animaux vivants et manipulés comme ceux que l’on trouve dans les laboratoires? Quel est le statut de ces oeuvres et à qui en attribuer la paternité? Faut-il voir dans la manipulation de l’animal, l’annonce des manipulations humaines? Le passage d’une réflexion sur ce que la science peut faire de nous? Afin de comprendre toute la portée et les enjeux liées à ces notions, nous allons prendre comme cas d’étude trois utilisations de l’animal dans l’art biotechnologique : l’animal chimérique « Alba » d’E. Kac, les steaks de grenouilles de SymbioticA et l’animal cobaye d’Art Orienté objet (AOo).