Depuis 1998, le Net art distingue les créations interactives conçues par, pour et avec le réseau Internet, vis-à-vis des formes d’art plus traditionnelles simplement transférées sur des sites-galeries et autres musées virtuels. Au terme de dix années d’existence (1997-2007), on note en effet que le vocable Net art s’est aujourd’hui très largement imposé au détriment de qualifications antérieures et concurrentes comme « art Internet », « art réseau », « cyberart » ou encore « web art » qui manquaient à clairement distinguer l’art sur le réseau de l’art en réseau. Pour le monde des arts, l’originalité d’Internet tient moins à ce qu’il propose aux artistes un énième support de création, qu’à ce qu’il constitue dans le même temps un outil et un environnement de création inédit. On peut entendre par support, le fait qu’Internet offre un moyen renouvelé de diffusion du travail artistique. Mais Internet est également un outil en se sens qu’il endosse une fonction d’instrument de production : on peut alors émettre l’hypothèse que les créations spécifiques qui en résultent porteront la marque de son usage. Internet est enfin un environnement communicationnel très rapidement investi par les artistes qui s’associent pour faciliter leur « hébergement » et partager des serveurs, des accès, des adresses communes. Cette configuration donne lieu à la formation de modes relationnels et de circulation des œuvres assez inédits. Le réseau y est investi aussi bien comme un atelier en ligne que comme un lieu d’exposition, c’est-à-dire simultanément comme l’espace de création, de communication et d’implémentation de la pratique artistique qui s’y développe. Les œuvresdu Net art sont par conséquent multiformes : il peut s’agir d’environnements navigables, de programmes exécutables ou de formes altérables qui vont parfois jusqu’à inclure une possibilité d’apport ou de transformation du matériau artistique initial. En conjuguant une esthétique du code, un design d’interface et un art de l’archive, l’œuvre Net art met en effet en scène un art dirigé vers l’action du public. C’est pourquoi, les modalités de l’implication de ce public peuvent être approchées de différentes manières : par l’examen des conditions potentielles de la participation du visiteur mises en scène par le dispositif informatique (figures de l’interactivité) : par l’étude détaillée de la participation effective, des interactions et de l’implication sociale du participant (modes d’interaction entre l’artiste, l’œuvre et son public) : et enfin, par l’observation, en amont de la participation, de stratégies artistiques de captation et de fidélisation du public (contrats de réception et aménagement de prises sur l’œuvre)1.
À partir d’une série d’exemples, ce texte vise la compréhension de ces re-configurations du travail artistique aux prises avec les technologies de l’information et de la communication. L’objectif est ici de confronter les stratégies artistiques aux tactiques de réception, techniques et sociales2, mobilisées pour concevoir, véhiculer et agir une œuvre dont la carrière idéale suppose précisément que certains de ses fragments puissent demeurer potentiels ou à faire3. Il s’agira, d’une part, de saisir les modalités d’agencement de ces contenus artistiques conçus en vue d’un usage collectif, et, d’autre part, de qualifier les processus de réception initiés par les acteurs de l’expérience, en faisant l’hypothèse que ces deux volets de l’analyse, des produits et des usages, ne peuvent ici être dissociés