« Our body, à corps ouvert » une première en France, retour sur l’exposition.
Du 28 mai au 26 octobre 2008 se tenait à la sucrière de Lyon, l’exposition « Our body, à corps ouvert »1. Cette exposition est une « exposition scientifique et didactique sur le corps humain »2, nous pouvons nous demander alors dans quelle mesure une telle présentation peut à voir avec l’art ? En effet, il s’agit de la présentation de corps humains plastinés, et non de fac-similés, dans des postures variées. Or, cette exposition revendique, outre un aspect pédagogique, un aspect artistique. C’est ce dernier critère qui a retenu notre attention.
Si nous avons rédigé cet article aussi tardivement, c’est pour avoir récolté un certain nombre d’articles et de réactions face à cette exposition. En effet, première exposition de ce genre en France, « Our body, à corps ouvert » a le scandale présent mais modeste. Si la Cité des sciences de la Villette de Paris a émis un avis défavorable pour recevoir cette exposition3, la Sucrière de Lyon l’a acceptée car l’exposition devient une exposition organisée par le secteur privé. L’argument majeur du refus de la Cité des sciences fut une priorité de programmation différente qui devait « mieux coller à la réalité ». Ce qui est surtout reproché à cette exposition c’est d’exposer d’authentiques corps humains.
Les corps de « Our body, à corps ouvert » viennent de l’« Anatomical sciences and technologies Foundations » de Hong Kong. Son président Dr Enhua Yu assure que les corps sont d’origine légale. Les corps ont été donnés à des fins anatomiques et d’exposition. On se souvient du scandale soulevé par la provenance douteuse de certains corps lors de l’exposition « Körperwelten » organisée par Gunther Von Hagens. Nous reviendrons sur son parcours et celui de son exposition ultérieurement .
L’organisateur Pascal Bernardin, président d’Encore Production, en est le metteur en scène, dès les années 70, il produit des groupes de musique. Son palmarès est prestigieux de Bob Marley à U2. Non seulement, Pascal Bernardin est un homme de spectacle, mais encore plus un homme de spectacles à succès puisqu’il est à l’origine du spectacle Lord of the Dance en France et de la comédie musicale tirée du film Bagdad café4. Nouveau défi ou recette garantie pour « Our Body, à corps ouvert » ? L’idée d’importer cette exposition en France lui serait venue de la visite qu’il a fait de cette dernière à Orlando. De l’intérêt de l’organisateur pour le sujet nous ne savons rien, en revanche il semble que l’exposition fait recette puisqu’elle est largement prolongée (initialement elle devait se terminer à la fin de l’été) et que les prix sont d’ailleurs élevés pour une exposition qui se veut ouverte au plus grand nombre en vulgarisant l’anatomie (15,50 euros pour un adulte, 42 euros pour le forfait famille deux adultes, deux enfants et 13,50 euros pour un étudiant). Ironie de l’organisateur, l’entrée est gratuite pour les moins de trois ans. Sans aller plus avant, le côté « grand public » se limite déjà à la caisse et l’on a l’impression qu’il gère cette exposition comme n’importe quel spectacle à succès.
Le dossier de presse met pourtant l’accent sur le projet pédagogique. L’anatomie n’est plus alors réservée aux seuls étudiants en médecine. Des plaquettes et vidéos présentent le fonctionnement sain et pathologique du corps humain. L’exposition s’organise en six salles, chacune d’elle illustre un des systèmes du corps humain comme le fonctionnement neuronal, le système musculo-squelettique ou bien le système digestif. Un plastinat sur un vélo illustre le fonctionnement des membres inférieurs, un autre tirant à l’arc celui des membres supérieurs. Si nous n’avions pas pris connaissance du dossier de presse, nous n’aurions pas perçu la dimension « artistique » de cette belle exposition. En effet, la mise en scène des plastinats sobre et élégante nous plonge dans une atmosphère de quiétude. Les lumières douces effleurent les plastinats et des vidéos telles les diapositives du PCEM5 ponctuent une douce obscurité favorable à la concentration. Les visiteurs déambulent entre les plaquettes et les plastinats mettant ainsi à l’épreuve leurs connaissances nouvelles sur la place de tel ou tel organe. Ce qui faisait polémique, il y a 13 ans, avec la première exposition « Körperwelten » de Gunther von Hagens ne semble plus d’actualité6. Des plastinats emblématiques seul Le joueur d’échec est encore là et encore sans que le nom de von Hagens apparaisse. Fi des plantes vertes, du Joueur de basket, du Cavalier et sa monture ou de l’écorché qui tenait sa peau comme dans le traité d’anatomie d’André Vesale7. Nous nous demandons alors où réside la fameuse ambiguïté artistique qui fit le succès de « Körperwelten » et même ou se trouve l’aspect artistique mentionné dans le dossier de presse. Serait-ce la scénographie ? Pas selon nous, elle est tellement réussie qu’elle se fait oublier au profit des objets présentés, ce qui nous semble être par ailleurs un critère de réussite pour une exposition. Comme nous l’avons déjà dit, cette exposition tourne depuis plus de dix ans. Si le nom de son créateur n’apparaît plus aujourd’hui dans certaines expositions de plastinats, il n’en n’était pas de même quand le « show des plastinats » a commencé.