1er PARTIE DU DOSSIER
La pulsation organique du son : une logique de composition pour la scène actuelle
Prélude
La scène actuelle vit un passage déterminant concernant un déplacement du point de vue sur les arts, en particulier les arts vivants, qui met en jeu de nouveaux modèles (ou stratégies) au niveau de la composition du dispositif scénique. Cette rupture investit la relation que les formes performatives entretiennent avec les technologies. En partant de cette considération, on discutera ici un aspect particulier en interrogeant la définition de soundscape et la manière dont elle se profile sur la scène contemporaine1, en mettant en évidence les points d’interrelation avec le domaine des installations visuelles.
De ces observations découlent les fils de mon argumentation qui sont au centre de la réflexion sur la notion de corps sonore. Mes considérations s’articulent en deux axes : d’un côté le corps comme son, c’est-à-dire le corps considéré dans sa matérialité et sur laquelle on peut intervenir en la manipulant. De l’autre côté la dimension du corps comme producteur du son, une dimension très particulière de la scène contemporaine qui considère le plateau comme un instrument où se définit la manifestation audible de la relation que le mouvement et, à la limite, la voix instituent avec les systèmes de captation technologique à tous les niveaux. Dans ce cadre, bien entendu, il n’y a aucun renvoi à la dimension anthropomorphique : il n’est pas question de reconstruire, sous forme sonore, le corps du performeur, mais plutôt de définir un soundscape – un paysage acoustique – à partir de son déplacement dans l’espace scénique.
À ces niveaux, interroger la notion de corps sonore signifie pénétrer dans la matière du son et, en même temps, dans celle du corps. On parle alors d’une forme moléculaire du corps et du son qui sont en résonance entre eux. Il y a là une sorte de tension interne aux matériaux, qui permet à la forme du corps et du son d’être en changement. Ces aspects s’entrelacent sur la scène actuelle en permettant quelques considérations préliminaires :
• L’attention portée à la composition sonore de la scène a contribué à remettre au centre de la discussion la puissance dramaturgique du son. Cela correspond à affirmer que les arts vivants et la composition chorégraphique en majeure partie – dans leurs manifestations les plus différentes – ont élaboré une pensée sonore autonome qui déborde le cadre de la musique pour la scène, en traçant une histoire possible – encore toute à écrire – qui postule une scène sonore du corps2.
• Ce processus a conduit le performeur à considérer le potentiel sonore du corps comme une matière de travail et de composition. Dès là, une nouvelle sensibilité s’organise, en mettant en jeu des sonorités organiques qui répondent à un processus d’écoute de soi. L’anatomie devient alors un instrument de composition sonore de la scène : la respiration, le battement cardiaque en tant qu’unité rythmique de base ;
• Cette attention a déterminé une réorganisation de la perception du performeur et, en corrélat, de la composition du geste. Avec cette considération, j’affirme que l’intervention des technologies – à tous les niveaux où elles se manifestent sur la scène chorégraphique – implique une redéfinition de la géographie sensoriale du corps en mouvement étendant, grâce au feedback sonore, la conscience des processus physiologiques d’organisation interne du mouvement par rapport à la composition du geste. Cela signifie que le corps contrôle le dispositif de la scène, organise et dispose les architectures visuelles et sonores ;
• Ces considérations, dans le cadre plus large de mes réflexions, sont à inscrire dans un contexte qui met en relief plusieurs formes d’intersections entre les arts. Plus précisément, je renvoie à un croisement des modèles entre les installations audiovisuelles et la scène, en menant – dans les les meilleurs des cas – à une véritable hybridation. À titre d’exemple, je citerai la formation française Cellule d’intervention Metamkine ou la collaboration entre Cindy Van Acker et Mika Vainio/Pan Sonic, celle de Ryoji Ikeda et Dumb Type, de Ginette Laurin avec Martin Messier ou de Myriam Gourfink avec Kasper T. Toeplitz3. Ces collaborations se focalisent sur un point : une nouvelle composition du dispositif l’assure d’être immersif, en véhiculant une esthétique inédite que j’appelle provisoirement une logique de la latence, capable d’induire des sensations déterminées aux spectateurs.
• Cette considération a un corrélat : l’émergence d’une tension entre la vision et l’écoute. Cela signifie qu’il y a sur scène la définition d’une image acoustique qui, en la définissant, entre en relation avec le régime optique de l’image. En d’autres termes, le son contribue de plus en plus à définir l’atmosphère de la scène, ses tensions – donc sa température – sur lesquelles s’appuie le visuel qui en est le contrepoint.
• Cela me conduit à délinéer une logique de la situation fondée sur l’atmosphère comme notion esthétique sous laquelle englober les expériences de la scène contemporaine qui ont en commun une certaine puissance tactile du son. Cette dimension contribue aussi à discuter la notion d’écoute telle que nous la connaissons4. Ainsi, la réception devient une stratégie d’individuation5: l’environnement du dispositif est parcouru à la recherche d’indices qui signalent les frontières des environnements scéniques, les traces du corps et de l’activité d’un sujet et l’existence de l’autre. L’expérience esthétique devient une enquête face aux énigmes du son et du corps, face à l’altérité. L’écoute devient une sismographie de la présence.
• L’observation de la scène, ainsi que la réflexion sur les aspects jusqu’ici considérés, nous amène à formuler une interprétation radicale autour de l’intervention des technologies dans le domaine des arts vivants. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas la possibilité d’explorer une potentielle technologie, mais plutôt de comprendre comment et à quel niveau les dispositifs technologiques peuvent contribuer à étendre – voir à réorganiser d’une façon efficace – le potentiel sonore du corps. Cela signifie, d’un point de vue analytique, que le plan technique – le développement des technologies – est subordonné au plan esthétique de la composition. C’est seulement dans cette direction que le développement des technologies devient une véritable logique de la technique et non une simple application spectaculaire6.
Toutefois, pour pouvoir argumenter avec précision le parcours jusqu’ici tracé, il devient nécessaire de partir du corps et plus précisément d’une réorientation du fonctionnement de la physiologie – voire de la perception – imbriqué dans la composition du mouvement, aspect sur lequel interviennent les technologies dont je parle dans le texte et qui seront, à différents niveaux, protagonistes des conversations au cours des prochaines publications du dossier.
I. Du corps : la mémoire qui agit
En introduisant la dimension du travail sur la perception dans le processus de composition du mouvement, je me réfère au concept de fiction de Michel Bernard, qui désigne, en premier lieu, la projection de la corporéité à l’extérieur. Sur le plan étymologique, le terme Fiction signifie création imaginaire et il désigne une projection de l’action où le mouvement se donne avec les caractères d’un comme si, qui n’est pas l’apparition au sens propre mais la figuration qui le précède, qui le rend possible. Comme l’affirme Michel Bernard, « […] On voit aussitôt que cette projection constitue avant tout un processus de simulation, c’est-à-dire un jeu spéculaire de dédoublement fictif qui opère à tous les niveaux et dans toutes les régions du système sensoriel. […]7 ». Ici, la notion de fiction met donc en cause l’imagination comme processus sous-jacent à l’accomplissement du mouvement. C’est dans ce passage que la notion de fiction rejoint celle de simulation comme forme de l’action qui se déroule à l’intérieur de la sensorialité avant de se manifester au-dehors. En ce sens la notion de fiction, comme je l’emploie ici, nous dit que pour faire un mouvement, on doit l’avoir déjà fait, voire simulé dans la perception.
Pour clarifier l’analyse, on peut donc parler d’une double opération qui se déroule simultanément pour accomplir un mouvement : d’un côté on imagine un projet d’action, la projection de l’anatomie (voir d’où faire partir le mouvement, quel zone du corps investir) et quelle direction spatiale adopter; de l’autre on a l’exécution de ce qu’on a imaginé, l’instant où l’on décide de se déplacer pour démarrer l’action. Ce processus est un circuit indissociable dont la « perception est une action simulée », comme l’affirme Berthoz8.
En prolongeant l’interprétation de cette notion dans ma perspective, je peux affirmer que le performeur imagine et projette son anatomie dans l’espace avant d’agir matériellement. Pour faire cela, il doit activer tous ses canaux proprioceptifs, « sentir » l’espace, le catégoriser, établir une relation active avec l’environnement avant de disposer son mouvement dans le lieu qu’il contribue à définir9. Selon ce schéma, le cerveau ne gère pas des réponses à des stimuli, il ne combine pas de manière seulement passive des sensations. Comme le souligne Jean-Luc Petit, il formule des hypothèses de mouvement à partir d’un répertoire interne d’actions mémorisées dont la disponibilité fait de lui un simulateur capable de faire fonctionner « en interne » les interactions entre les actions qu’il prévoit pour atteindre un but, et les conséquences possibles de ces actions. Cela signifie que le cerveau ne traite pas les informations des sens indépendamment les unes des autres. Chaque fois qu’il engage une action à dérouler dans l’espace, il formule des hypothèses sur l’état que doivent prendre certains capteurs sensoriels au cours de son déroulement. Afin de composer une partition de mouvement – et les chorégraphes et les danseurs sont bien conscientes de cela, je le montrerai dans les conversations pendant le développement du dossier – il ne suffit pas de traiter en permanence les informations des sens et corriger la trajectoire ou les modalités musculaires pour accomplir la partition. Il faut plutôt la dérouler « en interne », prédire ses étapes et l’état des capteurs sensoriels, entrevoir des solutions possibles et inédites du geste, l’imaginer en même temps que l’exécuter: le prévoir. Il faut préparer le geste, il faut l’anticiper10. On peut dire, provisoirement, que le cerveau ne sert pas pour penser, plutôt il sert pour agir ; l’être vivant – en conséquence – est-il donc une mémoire qui agit.
Ainsi, le performeur projette sur le monde ses préperceptions construites à partir du bagage génétique propre à chaque espèce et des expériences acquises. En regard de la composition du mouvement, cela signifie que la mémoire est une base de données : elle devient une sorte de stockage des schémas corporels d’action emmagasinés à la disposition des opérations du cerveau, là où il prend les informations pour anticiper l’action. Le cerveau utilise les paramètres – espace-temps, gravité, dynamique ainsi que la rigidité et la symétrie, caractéristiques présupposées à toute expérience motrice – comme grille d’interprétation du matériau sensoriel : anticiper, c’est simuler les propriétés du monde physique et le transmettre aux muscles11. C’est pour cela que le cerveau est, pour Berthoz, un détecteur de différences entre ses hypothèses et le mouvement en train de se faire. En d’autres termes, on peut dire que le cerveau-simulateur est capable d’inventer des solutions d’action toujours inédites. La « simulation interne » comme modèle de projection de l’action prévue, permet de la corriger avant son accomplissement ou presque en même temps qu’elle est accomplie. Les corrections sont appelées à intervenir lorsqu’il y a un trop grand écart entre l’effet en retour effectivement enregistré par les capteurs sensoriels et l’effet en retour estimé sur la base du modèle interne. C’est exactement dans cette perspective, déterminant pour ma position analytique, qu’on entre dans le véritable laboratoire de composition du geste performatif12.
Dès ce passage synthétique autour de la physiologie du geste que l’organisation de ma réflexion permettra de traverser des territoires divers en portant à l’attention du lecteur les points de contact entre la composition du mouvement et la production sonore de la scène, entre les installations audiovisuelles et les arts vivants. Toutefois – pour pouvoir développer mes argumentations – il est nécessaire de définir de plus près la notion de son selon l’usage que j’en ferai dans ce texte et que j’utiliserai comme guide durant les conversations avec les chorégraphes dans le dossier.
II. Anatomie du son
D’un point de vue étymologique, le terme « son » compte trois déclinaisons : dérive du Grec κουσμα [akusma] mais aussi de χ? [eco], c’est donc une forme de réverbération et φων? [phoné] comme voix. Emprunté au latin, sonus renvoie à une sensation auditive produite sur l’organe de l’ouïe par la vibration périodique ou quasi-périodique d’une onde matérielle propagée dans un milieu élastique, en particulier dans l’air.Ainsi le son est caractérisé par un mouvement vibratoire, simple ou composé, de fréquence fondamentale et de timbre déterminé, consistant en une perturbation dans la pression, la contrainte, le déplacement ou la vitesse des ondes matérielles qui se propagent ensemble ou isolément dans un milieu élastique, et capable de provoquer une sensation auditive. La vibration, dans ce contexte, est une onde qui franchit la séparation que nous imaginons entre nous et l’espace.
Cela dit, le corps sonore renvoie donc, en premier lieu, à une évidence : le son est un corps, il répond à des paramètres d’ordre physique13 ; en tant que tel, il est une matière sur laquelle on peut intervenir avec des interfaces technologiques en altérant ses caractéristiques.
D’un point de vue strictement sonore, intervenir sur sa matière signifie opérer – par la médiation des interfaces technologiques comme un logiciel MAX/MSP ou un synthétiseur – des portions de son déterminées. Le son devient un prisme à vitesse variable : manipuler l’onde, ses molécules, sa hauteur, son ampleur, sa dynamique, devient une véritable cinématique du son14. Faire du son une texture moléculaire signifie alors agir sur la dimension interne du son ainsi que sur le corps, le regarder de plus près en plaçant à l’extérieur – voire dans la salle – ses pulsations, ses états d’agrégation – toute une poussière sonore qui, pour être entendue, demande une oreille prismatique, tridimensionnelle, afin de rendre perceptible la pulsion organique de la scène et de ses corps.
D’un autre côté, la dimension organique du son renvoie à la manipulation des données provenant du corps du performeur en action. Cela signifie faire du corps un instrument pour la sonorisation de la scène, en appliquant au corps différents dispositifs conçus avec plusieurs niveaux de complexité15.
On est face à un processus de manipulation du son, de réorganisation de ces dynamiques, en organisant une véritable cinématique du son. Ce processus concerne, à mon avis, les trois paramètres suivants qui sont en même temps techniques et conceptuels : à la fois processus de particularisation qui investit le son et le corps, et gestion des leurs caractéristiques spatio-temporelles.
a)- Penser au son comment un ensemble de particules signifie opérer sur les caractéristiques spécifiques de chaque son (hauteur, timbre, tempo, etc). La synthèse granulaire – parmi les différentes typologies de synthèse, la plus commune permet d’isoler un ton et de le manipuler à travers des filtres16 – utilise des champs de données de nature dissemblable en vue de les résynthétiser en son17.
b)- Intervenir sur la matière du son me permet de discuter la notion d’espace du son18. On parle alors d’un espace interne – l’espace des caractéristiques du son – et d’un espace externe en considérant sa disposition dans l’environnement de la salle. L’espace interne est la dimension où se manifestent les qualités sonores. C’est là où opère la particularisation mentionnée ci-dessus. On peut entrer dans le son en manipulant ses caractéristiques en termes des fréquences, hauteurs, amplitudes, intensités et volumes. En d’autres mots, il s’agit d’une intervention sur la tridimensionnalité de la forme du son19. Travailler à ce niveau signifie faire du son une anatomie – αν? (vers l’haut) et τ?μνω (incision) – regarder à l’intérieur du son en opérant un processus de transformation de ces composants. Cela signifie également altérer l’espace composable des vibrations et la trajectoire de ses architectures : on parle alors des formes tridimensionnelles sonores prêtes à flotter sur scène ou dans la salle20. En ce qui concerne, en revanche, l’espace externe, on peut dire que si c’est l’onde qui circule et non le son, elle se propage dans toutes les directions à partir d’un corps sonore qui l’émet. Chaque son a un vecteur spatial. Le son sera donc orienté – en considération de ses hauteurs et de ses fréquences – dans des directions différentes. Il s’en suit que, si le son a un espace interne mesurable et composable, la question adresse alors la manière de faire passer cette architecture des tempos et durées dans l’espace scénique. On parle alors d’une spatialisation du son : les architectures invisibles prennent forme dans la salle. Cela advient parce que la disposition des sources sonores (haut-parleurs) dans la salle forme une chambre immersive qui permet d’introduire des notions d’ordre dramaturgique comme celles d’espace relatif – point de concentration où la sono agit – ou de distance, issue du croisement des trajectoires sonores projetées dans l’espace21. Dans ce lieu se révèle la dimension acousmatique du son, dont les points d’émission sont cachés et décentrés : le son se diffuse partout, tous les points de l’espace deviennent de potentiels diffuseurs du son en organisant ce qu’on peut appeler un cinéma pour les oreilles22.
c)- Si d’un côté la manipulation du son concerne la relation avec l’espace, de l’autre la dimension temporelle est l’un des paramètres les plus importants d’une composition sur laquelle on peut intervenir. Elles constituent deux dimensions du temps sonore à considérer : le temps pulsé – le temps rythmique – et le temps non pulsé, c’est-à-dire arythmique23. Dans ce cadre, le temps pulsé est le temps qu’on peut mesurer, qu’on peut occuper avec une structure rythmique ; c’est le domaine Cronos, du temps métrique et maîtrisé. Le temps qui concerne le développement d’une forme24. Par contre, le temps non pulsé est alors le temps qui est occupé sans être mesuré, le domaine de l’Aion, le temps de la durée. Travailler dans ce registre particulier correspond à penser le son comme à une modulation sans césures rythmiques. Cela provoque un effet d’immersion dans le son. C’est l’oreille qui va au son et non le contraire. On est dedans sa structure, on parcourt ses variations infinitésimales25.
III. Interférences : dispositif d’installation et scène contemporaine
Comment je l’ai avancé auparavant, de plus en plus sur la scène et dans les arts plastiques, avec la diffusion des pratiques d’installation et l’émergence de la notion d’environnement, le son assume un rôle de premier plan. Il s’éloigne des codes de la musique pour approcher le corps, pour en questionner la présence. Les poétiques de l’environnement sonore mettent l’écoute et la perception au centre de l’expérience esthétique. Dans cette perspective, l’écoute change de statut et se focalise davantage sur les dimensions indicielles du son, depuis toujours exilées par la musique : en amont des strates linguistiques et affectives, l’évènement sonore est perçu comme un « indice », qui désigne directement la source sonore qui l’a produite. À l’intérieur de l’environnement sonore, le son n’est plus envisagé comme un moyen expressif, comme un message mais plutôt comme l’indice d’une présence, comme la trace d’une action. C’est exactement dans cette direction qu’il me semble percevoir des points de contact entre la composition du dispositif des installations et certaines modalités de composition des éléments scéniques médiatisés.
Pour introduire des exemples dans cette direction, je citerai quelques expériences exemplaires comme les œuvres de Kurt Hentschlager ou de Ryoji Ikeda ainsi que de Mika Vainio, en mettant en évidence des aspects au soutien des hypothèses que j’ai formulées jusqu’ici.
Kurt Hentschlager, fondateur de Granular Synthesis, compose des installations à partir du collapsus de l’espace visible et audible, dans lequel la présence est médiatisée et se produit sous forme de corps de synthèse flottants comme dans Karma (2004) ou Feed (2005) où les sons saturent l’environnement26.
Sur un écran panoramique qui occupe une chambre dans laquelle le spectateur est invité à entrer, un corps de synthèse produit en 3D apparaît et disparaît sous un faisceau de lumière stroboscopique et de vibrations sonores. Soumis à un tel bombardement, le prototype numérique se duplique dans une multiplicité de fantômes cellulaires qui envahissent les écrans avec une vibration lumineuse. Les corps se reproduisent et bougent à partir d’une « simulation procédurale » ou bien selon des algorithmes. L’espace de l’action devient alors une chambre hallucinatoire où les figures virtuelles s’impriment sur la rétine de l’œil du spectateur sous l’effet des stroboscopes. Ce processus visuel est également utilisé pour la réalisation de l’œuvre N (2004) du chorégraphe Angeline Preljocaj et du compositeur acoustique Ulf Langheinrich.
Dans une perspective distincte s’orientent les œuvres de Mika Vainio, déjà membre et fondateur de la formation Pan Sonic. L’énergie intrinsèquement invisible démarque sa façon d’aborder le son, une fascination qui touche la tension émotive et la perception de l’auditeur avec ses fissures énergétiques, comme on le voit bien dans les travaux réalisés avec la chorégraphe Cindy Van Acker27.
Selon Vainio, si un objet est un volume solide, c’est à cause de toutes les tensions qui s’annulent et le maintiennent en état de repos apparent : ce principe est donc le point de départ d’une physique du son inscrite dans l’espace comme une forme d’architecture instable et flottante28. On parle alors de fréquences qui dessinent des lignes abstraites dans l’espace; toutefois on peut retrouver une organisation rythmique interne qui permet de projeter l’écoute dans une sorte de spirale où, si on dérègle l’équilibre vibratoire de l’onde sonore, ces liens se fissureront. Au contraire, si on les extrapole de leur contexte, la figure qui se dessine dans l’espace de la salle deviendra carrément une matière énergétique et volante.
Un autre cas incontournable, c’est l’œuvre de Ryoji Ikeda. Ses architectures sonores adoptent une approche du son résolument physique, là où ce dernier est considéré – comme dans notre cadre théorique – une matière composable, faite d’élément minimal de grain sonore. Son approche du son est donc une forme de réduction de la complexité en unité rythmique simple, il déconstruit son alphabet jusqu’à ses particules élémentaires comme dans son premier travail, 1000 fragments (1995) ou +/- (1996). Dans ce cadre, les éléments de sa composition, sont l’onde sinusoïdale, l’onde carrée ou le bruit blanc – tout un nouage de vibrations acoustiques qui constituent une géométrie invisible dans l’espace d’écoute29. Le son et l’image sont, comme dans ses concerts, des matériaux dynamiques, très palpables, avec des densités, des porosités et des élasticités temporelles qui envahissent la salle de figures chromatiques et sonores flottantes. Le même processus d’articulation audiovisuelle entre en relation avec le corps du performeur. Celui-ci est perceptible en tant qu’ombre, sorte de vision en négatif (comme dans une photographie) dans laquelle le corps est un intervalle dans la continuité du fond. Les stroboscopes, souvent utilisés, découpent les silhouettes des corps. Ils donnent aux performeurs la possibilité d’apparaître et de disparaître sur la scène tels des fantômes. Alors les jeux de lumière blanche – souvent placés derrière eux – les transforment en ombres au premier plan. Ces travaux dessinent un nouvel éloge de l’ombre dans lequel le corps du performeur se donne sous forme de gradations de lumière ou à travers le déploiement d’une trace qui transforme, comme dans quelques passages de Mémorandum, l’impression (passagère) du seul mouvement en une sorte de vibration dans l’espace.
IV. Le principe de la transformation : du corps au son (et retour)
Particulariser – selon le principe que j’ai expliqué auparavant – signifie agir sur la dimension inaudible d’un son en le regardant de l’intérieur et, seulement dans un deuxième moment, le disposer dans l’espace environnemental audible. Cela permet de donner à entendre la pulsation de la matière, le stade agrégatif des particules sonores, et d’adopter une oreille prismatique – voire tridimensionnelle – pour donner à entendre les pulsations de la matière dont le monde est formé30. Avec les deux instruments différents appliqués directement au corps des performeurs ou dans l’espace de leurs actions, soit l’interface à titre de filtre et le code numérique de captation de mouvement, il est possible de percevoir des données du mouvement qui, en conditions normales, ne pourraient pas être perçues. C’est exactement là que le processus de transformation du corps en son, commence à se manifester sous diverses formes.
Dans ce contexte, le numérique est considéré comme une forme de la pensée, un état de la matière31. Sur scène – avec l’emploi de technologies facilitant le contact du corps avec des surfaces sonorisées32, ou bien des systèmes de contrôle gestuel des architectures de lumière et du son en passant pour la procédure radicale de la motion capture – au même titre que le solide, le liquide ou le gazeux, le numérique est assimilable à un état paradoxal de la matière parce qu’il permet de transformer des informations. Comme une matière à l’état liquide peut, à travers un processus de solidification, se transformer en glace, la contraction d’un muscle à l’intérieur d’un mouvement peut, en passant par un processus de numérisation, devenir un son ou donner consistance à un son qui, sur scène, entre en relation avec le corps du performeur pour composer un prisme de niveaux de présence différents. Cela permet, entre autres, de préciser le geste et d’affiner le mouvement comme Very nervous system de David Rokeby le favorise. Cette œuvre pionnière des arts médiatiques inaugure ce genre de pratiques qui seront ensuite introduites sur la scène33.
En somme, cette proposition théorique constitue le cœur de mes réflexions et des conversations à venir.
En ce sens, les hypothèses du mouvement élaborées par le cerveau, dont j’ai parlé et qui s’activent dans les nerfs et dans les muscles, se fondent sur la catégorisation perceptive de l’environnement auquel le corps réagit pour délinéer une action et un environnement sonore de façon cohérente avec les éléments qui façonnent le dispositif. Transformer le mouvement imperceptible en données perceptibles sous forme de son et de lumière offre au performeur une modalité inédite pour vérifier et étendre sa perception (biofeedback). Ce retour de la sensorialité sous forme de son – selon notre enquête – lui permet d’opérer sur une base de données plus vaste et ainsi de composer un mouvement inhabituel en accédant à plusieurs niveaux de présence inexplorés34. Le corps prolifère et le dispositif se sonorise : la scène devient organique.
À suivre, dans le prochain numéro d’Archée, une conversation avec Myriam Gourfink / Kasper T. Toeplitz.
Notes
[1] Voir à ce sujet, V. Valentini (dir.), Drammaturgie sonore, Roma, Bulzoni, 2012. Cf. aussi la série de projets dédiés aux relations entre le son et la scène : Le son du Théâtre / Theatre sound conçu par l’ARIAS (Atelier de Recherche sur Intermédialité et les Arts du Spectacle, UMR 7172 : CNRS, Ecole Normale Supérieure, Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle) et le CRI (Centre de Recherche sur l’Intermédialité, Université de Montréal). http://www.lesondutheatre.com, mais aussi le projet italien « Acusma », http://www.gruppoacusma.com.
[2] Je cite les dossiers de Théâtre/Public : J. M. Larrue, M.M. Marvant-Roux (dir.), Le son du théâtre. I. Le passé audible, Théâtre/Public, no. 197, octobre 2010 et Ibidem, Le son du Théâtre. II. Dire l’acoustique, Théâtre/Public, no. 199, mars 2011 ainsi que J. Bovet, J.-M. Larrue et M.-M. Mervant-Roux, Voix Words Words Words, no. 201, octobre 2011.
[3] Je citerai la collaboration entre Wayne McGregor et Scanner, Daniele Desnoyers avec Nanci Tobin ou de Virgilio Sieni avec Francesco Giomi. Plusieurs d’entre eaux feront l’objet de mes conversations à venir dans les prochains numéros. Dans ce cadre de relations entre les formes de l’installation et la scène voir aussi le numéro monographique Live A/V. Performances audiovisuelles de la revue « musiques & cultures digitales », hors séries #04, mars 2010. Cfr., D. Canty, V. Bonin, G. Chatonsky (dir.), Angles arts numériques Elekra10_Essais, Montréal, Elektra, 2009.
[4] Cf. P. Szendi, Ecoute, une histoire de nos oreilles, Minuit, Paris 2001. J-L., Nancy, À l’écoute, Paris, Galilée, 2002.
[5] La notion d’individuation fait référence à la position de Gilbert Simondon. Voir G. Simondon, L’individuation psychique et collective, Paris, Aubier, 1989. Ibidem, L’individu et sa genèse physico-biologique, Paris, Jérôme Millon, 1995.
[6] Sur cela, je renvoie à la position de M. Hansen autour des médias, New Philosophy for New Media, Cambridge, MIT, 2003. Je renvoie dans ce cadre, aux travaux de E. Manning, Relationscapes: Movement, Art, Philosophy, Cambridge, The MIT Press, 2009. Cf. B. Massumi, Semblance and Event, Cambridge, The MIT Press, 2012.
[7] M. Bernard, Sens et fiction, dans M. Bernard, De la création chorégraphique, cit. pp. 99-100. Cf. M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Paris, Gallimard, 1945, pp. 152-211.
[8] Cf. A. Berthoz, Le sens du mouvement, cit. Pour décrire ce circuit, on peut aussi employer la notion d’enaction formulée par Fancisco Varela et selon laquelle il y a une relation circulaire en vertu de laquelle les schèmes d’interaction entre le corps et son environnement engendrent les structures cognitives et perceptuelles dans lesquelles ce corps interprète cet environnement et y projette ses actions. Cf. F. Varela, E. Thompson, E. Rosch, L’inscription corporelle de l’esprit. Sciences cognitives et expérience humaine, Paris, Seuil, 1993, pp. 207-248.
[9] Cf. A. Menicacci, E. Quinz, Conversation avec Hubert Godard, dans “Quant à la danse”, n° 2, juin 2005.A. Quintiliano, Imagination espace et temps. Sur la théorie phénoménologique de l’intuition, tome 1, Paris, L’Harmattan, 2011 et Perception. Sur la théorie phénoménologique de l’intuition, Tome 2, Paris, L’Harmattan, 2011.
[10] Ainsi le cerveau doit, à partir des sens, reconstruire une perception unique et cohérente des relations du corps et de l’espace. Le cerveau prédit donc l’action et l’état dans lequel les capteurs sensoriels devront se trouver à un moment donné. Cf. A. Berthoz, Le sens du mouvement, cit. et J-L. Petit (dir.), Les neurosciences et la philosophie de l’action, Paris, Vrin, 1997, p. 22. Voir à ce sujet : F. Corin, Le sens du mouvement interview d’Alain Berthoz, « Nouvelles de danse », n° 48/49, automne-hiver 2001, p. 80. Voir aussi M. Jeannerod, The representing brains : neural correlates of motor intention and imagery, « Behavioural Brain Sciences », vol. 17, pp. 187-202.
[11] Cf. A. Berthoz, Le sens du mouvement, op. cit.
[12] A. Berthoz, J-L. Petit, Phénoménologie et physiologie de l’action, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 123.
[13] Toutefois ce passage est subordonné à un principe d’ordre conceptuel : la relation entre l’audible et l’inaudible, condition inéluctable pour entendre quelque chose. On parle d’une exploration des expériences sonores qui se place à la limite de ce qu’on a entendu jusqu’ici en permettant d’entendre des sonorités infinitésimales. Cf. à ce sujet D. Smoje, L’audible et l’inaudiblein J.-J. Nattiez (dir.), MUSIQUES, Une encyclopédie pour le XXIe siècle, v. 1 : Musique du XXe siècle, Actes Sud-Cité de la musique, 2003, p. 283-322 et aussi F. Bayle, Musique acousmatique, propositions…positions, Édiotions Buchet/Chastel, Paris 1993. A. Lockwood, Sound Explorations: Windows into the Physicality of Sound, in « Leonardo Music Journal », vol. 19, December 2009, pp. 44–45. Cf. H. Zénouda, Les images et les sons dans les hypermédias artistiques contemporains, Paris, Harmattan, 2008.
[14] A. Lockwood, Sound Explorations: Windows into the Physicality of Sound, op. cit., et C. Cox, D. Warner, Audio Culture, Continuum, New York-London 2006. Cf. H. Vaggione, L’espace composable. Sur quelques catégories opératoires dans la musique électroacoustique in J-M. Chotel e M. Solomos (dir.), L’espace: Musique/Philosophie, L’Harmattan, Paris 1998 et AA.VV., « Organised Sound », année 1, n° 3, Cambridge University Press. 2008.
[15] Je citerais, à titre d’exemple, les pionniers qui ont commencé à travailler dans cette direction : avant tout, Lev Sergueïevitch Termen avec son système de musique électronique inventé en 1919 et composé d’un boîtier électronique équipé de deux antennes. Le thérémine a la particularité de produire de la musique sans être touché par l’instrumentiste. Dans sa version la plus répandue, l’utilisateur commande la hauteur de la note avec la main droite, en faisant varier sa distance par rapport à l’antenne verticale. L’antenne horizontale, en forme de boucle, est utilisée pour faire varier le volume selon sa distance par rapport à la main gauche. Dès ces procédures, le son est produit à partir d’un signal électrique généré par un oscillateur à tubes électroniques. L’effet apporté par le corps de l’instrumentiste, à proximité des antennes, affecte la fréquence produite, tout comme une personne se déplaçant dans une pièce peut altérer la qualité d’une réception de radio ou de télévision. Cf. A. Glinsky, Theremin. Ether music and espionage, Champaign, University of Illinois Press, 2000. Voir aussi Variation V (1965), une performance de John Cage et Merce Cunnigham qui se compose à partir du processus du thérémine. Voir à ce sujet R. Copeland, Merce Cunningham : the modernizing of modern dance, New York, Routledge, 2004.
[16] C. Roads, Microsounds, MIT Press, Cambridge 2001. Sur la composition des formes audiovisuelles, voir C. Nicolai, syn chron, Berlin, gestalten verlag, 2013, Ibidem, cyclo. Id, Berlin, gestalten verlag, 2011, Ibidem, moiré index, Berlin, gestalten verlag, 2010 et Ibidem, grid index, Berlin, gestalten verlag, 2009.
[17] Cf. P. Boulez, Penser la musique aujourd’hui, Paris, Gallimard, 1963 et G. Deleuze, F. Guattari, Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980.
[18] AA. VV., Espaces, Editions IRCAM, Paris 1994.
[19] H. Vaggione, L’espace composable. Sur quelques catégories opératoires dans la musique électroacoustique in J-M. Chotel e M. Solomos (a cura di), L’espace: Musique/Philosophie, Paris, Harmattan, 1998. Cf. A. Di Scipio (dir.), Teoria e prassi della musica nell’era dell’informatica, Giuseppe Laterza Editore, Bari 1995. Voir aussi la revue « Organised Sound », année 1, n° 3, Cambridge University Press. 2008.
[20] On parle ici d’architectures inaudibles ou de la superposition de surfaces sonores dans les œuvres Mika Vainio (Pan Sonic) et Christian Fennesz, Invisibile architecture #2, Audiosphere Belgium e sub rosa, 2004.
[21] Je cite, pour mieux expliquer ce passage, le dispositif optophonique de spatialisation du son proposé par Karlheinz Stockhausen dans sa dernière composition, Cosmic Pulses, gravé avec le n. 91 de la Stockhausen Editions.
[22] Voir les œuvres de Lionel Marchetti, Mue, Metamkine, 1993 et de Luc Ferrari, Unheimlich schön, Metamkine, 1993, http://www.lucferrari.org/. Dans ce cadre, les travaux des Metamkine.
[23] On parle ici des tendances, des polarités. Cf. AA. VV., Sonic Process, Centre George Pompidou, Paris 2002 ; G. Deleuze, le temps musical, conférence à l’IRCAM, 1978 et Cohen-Levinas, Daniel, Deleuze musicien, in « Rue Descartes », n° 20, mai 1998. Cf. P. Boulez, Penser la musique aujourd’hui, op. cit.
[24] Dans ce sens – en se limitant à l’horizon électroacoustique et électronique auquel on réfère – je peux citer les œuvres finlandaises Mika Vainio de Pan Sonic, organisées autour de fragments sonores structurés selon des principes mathématiques inclus dans un développement élastique. Cette procédure – en accélérant les fréquences – se manifeste en codes morses, déflagrations et réverbérations des bruits ; par contre, en décélérant les pulsations, le son se produit dans des détentes. Dans une autre direction, je citerai le travail de l’allemand Carstein Nicolai (aka alva noto) concentré sur le développement mathématique d’une forme minimale du son ; ou dans la composition du japonais Ryoji Ikeda qui opère une exploration des fréquences très hautes et très basses. Cf. Pan Sonic, Gravitoni, Blast First Petite, 2010, http://www.phinnweb.org/panasonic/; alva noto, Xerron, vol. 1 e vol. 2, raster noton, 2007 et 2009, http://www.alvanoto.com. Sur le travail de Ikeda voir +/-, Touch, 1996 ou time and space, Staalplaat, 1998 et l’œuvre réalisée avec Carsten Nicolai (alva noto) Cyclo, raster noton, 1999-2001 http://www.ryojiikeda.com/.
[25] Sur ces aspects, je citerais Eliane Radigue, l’île re-sonante, shiiin, 2005, le recent Naldjorlak, shiiin, 2009 ainsi que Triptych, 2009, important pour la composition d’une onde organisée dans une structure elliptique modulée entre crescendo et decrescendo sans césures rythmiques. Dans ce cadre s’inscrit aussi la composition de l’américaine Phill Niblock avec sa partition pour cello et composition électroacoustique Touch Three, Touch, 2006 http://www.phillniblock.com/ ainsi que monochromatic sound de Richard Charter pour Incidence, raster noton, 2006 ou Untitled (angle 1), Non Visual Objects, 2009. http://www.3particles.com/.
[26] Je cite Feed dans la production de Hentschlager, parce que cette œuvre a été conçue dans le cadre de la « Biennale Teatro » de Venice, dirigée par Romeo Castellucci. Cf. AA.VV., Il romanzo della cenere, Milano, Ubulibri, 2005, p. 80.
[27] Cf. E. Pitozzi, Le dispositif magnétique : corps, mouvement, son. Conversation avec Cindy Van Acker, « Archée », mai 2012, http://archee.qc.ca/ar.php?page=article&no=406
[28] Cf. M. Vainio e C. Fennesz, Invisibile architecture #2, Audiosphere Belgium e sub rosa, 2004.
[29] Cf. R. Ikeda, Formula, Forma, Londra 2005.
[30] C’est ici, et je le revendique avec force, une dimension strictement compositrice avant d’être une possibilité offerte par le plan technique du développement technologique. Par cela, j’entends affirmer que donner à entendre l’inaudible est, avant tout, une façon d’écouter, une sensibilité compositionelle. Pour exemples, Ryoji Ikeda qui a réalisé un quatuor d’arches Op., Touch, 1999, et Eliane Radigue Naldjorlak, cit. ou de Phill Niblock avec Touch Three, cit., pour cello or, encore, Oren Ambarchi pour guitare électronique, http://www.orenambarchi.com/ Dans ces exemples, les sonorités qu’on retrouve tendent au son électronique en l’absence de médiations technologues.
[31] AA.VV., Interfaces, anomalie digital_art n° 3, 2003 et E. Quinz, Les strates de l’interface, “Bil BO K”, magazine des errances contemporaines, n° 27, janvier 2006. Cf. aussi L. Poissant (dir.), Interfaces et sensorialité, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003. Cf. S. Delahunta, Periodische Konvergenzen: Tanz und computer / periodic convergences: Dance and Computers, in S. Dinka, M. Leeker, (dir.), Tanz und Technologie / Dance and Technology, Berlin, Alexander Verlang, 2002. M. Hansen, Bodies in Code, New York and London, Routledge, 2006 et aussi Chris Salter, Entangled: Technology and the Transformation of Performance, Cambridge, MIT, 2010.
[32] Voir Concerto grosso pour corps et surface métallique (2002) et Duo pour corps et instruments (2003) réalisé par la chorégraphe Danièle Desnoyers / Le carré des Lombes : http://www.lecarredeslombes.com/ ainsi que Onde de Choc de la chorégraphe Ginette Laurin / O Vertigo : http://www.overtigo.com/fr/section0.html.
[33] Very Nervous System (1986-1990) de David Rokeby est une des premières œuvres qui travaillent sur un « environnement immersive » dont l’intervention du corps – dans une chambre équipée – provoque des événements sonores qui rétroagissent, sur le modèle du circuit, sur la perception du sujet en action. Rokeby, D. The Construction of experience: Interface as Content, in Dodsworth Jr., C. (dir.) Digital Illusion: Entertaining the Future with High Technology. Massachusetts. Reading Addison-Wesley Publishing, 1998. Voir aussi L. Boisclair, David Rokeby : I’m an interactive artist; I construct experiences, in « Archée », juillet 2011 :
http://www.archee.qc.ca/ar.php?page=article&no=383 et aussi D. De Kerckhove, Esthétique et épistémologie dans l’art des nouvelles technologies, in L. Poissant, (dir.) Esthétique des arts médiathiques. Tome 2. Montréal. Presses de l’Université du Québec. 2 vol. 1995, pp. 19-30.
[34] Cfr. Enrico Pitozzi (dir.), On presence, numéro monographique de la revue « Culture Teatrali », n. 21, 2012. Cela est le cas de travaux d’Isabelle Choinière, surtout Le Partage des peaux I (1994), Communion (Le Partage des peaux II) (1995-1996) – La Démence des Anges (2002) – qui sont étudiés dans de nombreux groupes de recherche et universités à travers le monde : http://www.corpsindice.com/ Cf. E. Pitozzi, Étendre la peau. Scène, perception, dispositifs technologiques, op. cit., pp. 330-350 ; voir aussi E. Pitozzi, Espace stéréoscopique pour corps sonore, un entretien d’Enrico Pitozzi avec Isabelle Choinière, « Archée », Montréal, décembre 2009, http://www.archee.qc.ca/ar.php?page=article&no=342&mot=Pitozzi Cf. L. Boisclair, Autour des Demoiselles d’Avignon, dans « Inter, art actuel », no 98, hiver 2007, p. 52-56.