Il ressort de l’ensemble que nous sommes dans un processus d’émergence chaotique où il apparaît que le chaos, mais ça tout le monde le sait, n’est pas l’absence de codes, mais un état dont la complexité est telle que ces codes ne sont pas a priori accessibles avec les outils conceptuels que nous utilisons pour décrire habituellement le monde. Henri Atlan nous dit : « […] la complexité est un ordre dont on ne connait pas le code. » (Atlan, 2011, p. 78) Je ne prétends pas avoir épuisé le code du chaos qui se met en œuvre à l’occasion des œuvres que je propose ici. Je propose une grille de lecture d’un processus poïétique particulier d’où émerge un certain nombre de codes qui me paraissent opérationnels comme tentative de formalisation de ce processus particulier.
Le dessin automatique, par le fait même qu’il s’agit d’un dessin sans dessein, est de l’ordre de l’émergence. Cela peut paraître évident, mais cela devient intéressant lorsqu’on se réfère à la définition scientifique de l’émergence tel que le définissent Janine Guespin-Michel et Camille Ripoll :
« Nous appelons émergence l’existence (et pas seulement l’apparition vue comme un processus temporel, ce que le vocable pourrait suggérer) de qualités singulières d’un système qui ne peuvent exister que dans certaines conditions : elles peuvent éventuellement s’inter-convertir alors que le système conserve les mêmes constituants soumis à l’interaction de même nature, si un paramètre réglant l’intensité de ces interactions franchit, lors de sa variation, un seuil critique. » (Guespin-Michel et Ripoll, 2005, p. 42)
Si, incontestablement, il y a émergence dans le dessin automatique par le fait qu’il procède de l’inattendu pour l’artiste lui-même dans sa poïèse, nous sommes aussi dans un processus de « chaos déterministe », en référence à l’expression reprise par Lucien Sève (Sève, 2005, p. 63) qui nous dit, par ailleurs, à propos des systèmes non linéaires : « En trois énoncés prenant forme d’aporie : le tout est et n’est pas la somme de ses parties ; la cause est et n’est pas l’antécédent de l’effet ; le déterminisme est et n’est pas synonyme de prédictibilité. » (Sève, 2005, p. 69) À l’analyse des processus mis en œuvre dans la poïèse du dessin automatique, celui que je pratique, en tout cas, il s’avère que cet énoncé est tout à fait opératoire. L’image qui émerge va bien au-delà de la somme de ses éléments constituants, que ce soit d’un point de vue matériel et formel, déjà, dans la mesure où la dimension émotionnelle et esthétique qui s’en dégage procède d’un saut qualitatif qui l’amène au statut d’œuvre d’art. C’est d’ailleurs ce que nous proposent aussi Janine Guespin-Michel et Camille Ripoll lorsqu’ils nous disent : « On peut penser […] à l’émotion artistique émergeant pour l’auditeur d’une certaine organisation de mots ou de notes. » (Guespin-Michel et Ripoll, 2005, p. 45-46) en ajoutant que les formes, les valeurs, les couleurs, etc. procèdent du même schéma.
Mais la conduite de l’œuvre elle-même, à travers les opérations mentales et physiques qui sont mises en œuvre ressortissent de même aux systèmes non linéaires dans la mesure où la main qui conduit le stylobille et le système neuro-physiologique qui conduit la main sont confrontés à chaque trait à une multitude de possibles dont un seul, à chaque fois, sera effectivement réalisé. Mais, si d’un point de vue immédiatement temporel, on peut considérer que le trait tracé est le résultat de l’impulsion donnée par la main qui actualise un ordre du cerveau, il n’y a pas de déterminisme dans ce trait. Il n’est pas un élément d’un schéma globalement, et préalablement, construit ailleurs que dans le fait de faire un trait qui sera destiné, par une suite d’associations accidentelles, à construire avec d’autres traits un ensemble visuel qui aura le statut d’œuvre d’art. Ou, plus localement, à une construction formelle qui sera plus ou moins signifiante en fonction de la lecture qu’en fera le regardeur. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est la forme achevée qui justifie le trait. Nous sommes donc bien là dans un phénomène dialectique où la cause n’est pas « l’antécédent de l’effet » puisque le trait en train d’être tracé ne prend sens que rétroactivement, dans l’esprit de l’artiste qui le trace, dans son articulation à un ensemble émergent. Elle n’est pas, mais elle est en même temps, car c’est bien la nature de ce trait, la façon dont il construit malgré tout l’espace autour de lui qui va servir de déclencheur à la succession des autres traits.
De la même façon, enfin, on retrouve le même phénomène dialectique autour de la question du déterminisme. Chaque trait ou groupe de trait, dans son tracé, énonce une bifurcation potentielle. Et je ne parle pas ici des traits accidentels, dus à un dérapage du stylo dont la trajectoire échappe au contrôle exercé, même dans la logique de laisser-aller qu’implique ce genre de pratique, par le cerveau sur la main. Mais dans la mesure où chaque trait n’a pas de finalité déterminée par un schéma global, il n’implique pas a priori le trait suivant, celui qui va éventuellement le prolonger, le rejoindre, le côtoyer, le couper… Néanmoins, la façon dont ce premier trait va construire l’espace va induire aussi, dans une certaine mesure, la façon dont le trait suivant va lui-même occuper l’espace. C’est bien la raison pour laquelle on peut dire comme Lucien Sève que dans ce processus, « le déterminisme est et n’est pas synonyme de prédictibilité ». Il y a un déterminisme global qui est celui du projet de l’œuvre et des conditions mises en place pour son émergence. Mais ce déterminisme ne définit pas chaque étape de l’œuvre et ne permet donc pas d’en prédire les étapes successives, même s’il est prédictible qu’un trait va en entraîner un autre. Mais la prédictibilité n’est pas l’automaticité.
Dans ce type de pratique, l’imprévu fait système, il va être le moteur de construction de chaque dessin, de chaque ensemble composé. La main ne sait pas a priori ce qu’elle dessine jusqu’à ce qu’une forme émerge qui soit comprise par le cerveau comme forme, au moins potentielle, sans qu’elle renvoie nécessairement, c’est même généralement le cas, à un procès figuratif. Quand je dis « comprise », il ne s’agit en aucun cas de processus conscient. Le cerveau analyse les traits qui naissent sous le stylo essentiellement d’un point de vue vaguement connotatif qui renvoie à des patterns routiniers, ceux de la dextérité inconsciente, de la dextérité qui doit son efficacité à l’inconscience du geste. Nous sommes incontestablement dans un dispositif d’évolution générative, avec les processus de rétroaction que cela implique, y compris avec le principe de récompense que cela induit. Il y a une co-évolution dialectique du local au global1 caractéristique des boucles de rétroaction, comme l’explique Varela : « C’est cette notion de boucle qui fait que le local et le global ne sont pas séparables. Le global va contraindre et même définir les agents locaux et, en même temps, les agents locaux sont les seuls responsables de l’émergence de la totalité. » (Varela, 2002)
Mais ce processus de co-évolution va se construire aussi par un processus d’évaluation locale sur le principe de la fonction fitness. La fonction fitness est celle qui permet dans tout système auto-évolutif, de sélectionner les agents performants dans une population donnée afin de les croiser entre eux pour obtenir une génération encore plus performante selon un principe bottom-up. Mis à part ce processus de générations successives, qu’il conviendrait peut-être d’analyser plus en détail, nous sommes bien dans un procès qui convoque la fonction fitness. Nous y sommes à la fois parce que chaque tracé, chaque geste déposant de l’encre sur la feuille, est le résultat d’une opération de sélection du cerveau qui va comparer l’ensemble de ses connaissances, au moins dans le domaine de la production graphique de formes, pour commander l’action la mieux adaptée aux besoins de l’autonomie sémiotique de l’œuvre elle-même. Par autonomie sémiotique, j’entends que ce processus, en inscrivant des formes, fait aussi émerger des signes. Or, ces signes et la façon dont ils s’organisent dans l’œuvre en procès, créent une logique intrinsèque avec laquelle l’artiste doit se colleter comme avec du réel émergent. Cette expression a été inspirée par René Passeron qui parle, lui, d’« autonomie sémiologique » (Passeron, 1989, p. 27) au sens où le public peut avoir une lecture de l’œuvre achevée qui ne corresponde pas nécessairement à ce que l’artiste a voulu y mettre. Passeron, par ailleurs, décrit bien cette situation : « a/ l’œuvre à faire “pose et soutient une situation questionnante” où l’artiste doit fournir à chaque instant la réponse demandée, – b/ d’où l’exploitation de l’homme par l’œuvre. » (Passeron, 1989, p. 128)
Il y a incontestablement une articulation action/récompense qui se produit dans le cadre de cette fonction fitness. Le bon geste, le bon trait, est celui qui s’impose in fine. Nous sommes dans le cadre d’un dessin au stylobille, il n’y a pas de repentir possible, seulement l’urgence du risque. Le couple cerveau/main n’a droit ni à l’essai ni à l’erreur. Tout au plus peut-il réintervenir pour complexifier des espaces laissés plus ou moins vierges. Et puisque nous sommes dans une situation de lâcher prise où le cerveau est en veille par rapport à ce qui se déroule sur la feuille de papier, l’opération de récompense qui s’effectue dans le cadre de la boucle rétroactive n’est évidemment pas de l’ordre de la satisfaction consciente, mais se situe sans doute au niveau neuronal de la même façon que, dans le cadre d’un système évolutif, la récompense dans le cadre d‘une boucle rétroactive ne satisfait pas les agents sélectionnés par la fonction fitness. La récompense, c’est l’effectuation des opérations performantes dans le cadre du système lui-même par rapport aux stimuli provoqués par l’imprévu en ce qu’elle permet la poursuite du processus en satisfaisant aux besoins intrinsèques du processus lui-même.
Néanmoins, l’état de veille du cerveau ne signifie pas, dans ce cas précis, qu’il soit privé de toute activité. Si cette activité n’est pas d’ordre volitionnel, come nous l’avons vu, il n’en reste pas moins qu’il est en situation d’activité à un niveau qui, même s’il ne renvoie pas une analyse formalisée de la situation, à chacun de ses nœuds, à chaque fois qu’il y a un choix plastique à faire, procède toutefois d’un processus de décision. Et ce processus met en œuvre le système nerveux. Berthoz explique que : « …nous devons nous rendre à l’évidence que l’action est elle-même inscrite dans le fonctionnement des capteurs sensoriels, du moins des premiers relais, car ceux-ci vont sélectionner, filtrer, organiser l’information visuelle, par exemple, en fonction du répertoire d’actions possibles. » (Berthoz, 2002, p. 133)
La conscience paradoxale
Il va de soi, nous l’avons vu plus haut, que la forme qui émerge, d’un simple trait ou d’un ensemble plus complexe, est interprétée par le cerveau qui décide. Et, comme le dit encore Berthoz : « Percevoir, ce n’est pas seulement combiner, pondérer, c’est sélectionner. C’est dans la masse des informations disponibles, choisir celles qui sont pertinentes par rapport à l’action envisagée. C’est lever des ambiguïtés, c’est donc décider. » (Berthoz, 2002, p. 10-11) La décision qui est prise à chaque fois par le cerveau se fait donc nécessairement à partir d’un répertoire prédéfini de possibles qui sont déjà contraints par les contraintes techniques et formelles du dispositif. Le processus de computation qui s’exerce alors opère des choix qui sont d’ordre infime, essentiellement local, puisque le global n’existe théoriquement même pas à l’état de projet formalisé. Et je pense que l’analyse de Berthoz est particulièrement adaptée à la situation, même si elle renvoie à un processus beaucoup plus général : « … le cerveau ne travaille pas sur des valeurs absolues mais sur des erreurs ou des différences, […] la compétition excitation-inhibition […] joue un rôle fondamental dans la prise de décision. » (Berthoz, 2002, p. 131) Et on peut se demander si le couple excitation/inhibition dont parle Berthoz n’intègre pas la fonction fitness dont je parle plus haut.
Un monde complexe émerge donc sur la feuille. Le trait inchoatif est un trait jeté, c’est à dire qu’il est produit par une certaine gestualité qui fait intervenir une certaine fulgurance, puis, rapidement, ce trait est réinvesti par d’autres dispositifs graphiques qui vont l’étoffer, y compris d’ailleurs au sens qu’on donne à ce verbe dans la pratique sculpturale qui est, à propos d’une statue, de : « Lui donner plus d’ampleur, en l’agrémentant de draperies flottantes2 », la plissure étant une donnée récurrente des compositions qui émergent. Pas seulement la plissure textile, d’ailleurs. On est même plutôt dans le pli cutané, organique, et, peut-être hercynien. Voire, en fin de compte, d’un pli organique lithifié, pour reprendre l’expression. En fait, la gestuelle de la poïèse pourrait évoquer certains types de pratiques musicales où le rythme varie entre staccato et legato.
Mais il est important de noter que cette émergence n’est en rien le fruit d’une projection déjà formalisée en tant qu’image consciente préalable. Nous sommes, je l’ai dit, dans le domaine du dessin automatique. Cela signifie que si, par définition, l’image produite est le résultat de l’activité du cerveau, nous ne sommes pas véritablement dans une production consciente et délibérée en tant que telle. Encore faut-il préciser, me semble-t-il, le champ de cette conscience ou de cette absence de conscience. Il va de soi que ces opérations ne peuvent s’effectuer dans une totale absence de conscience. Damasio (Damasio, 2012) distingue trois niveaux de conscience, ou de non conscience. Il y a l’état de non-conscience qui correspond par exemple à l’état endormi. Puis l’état de conscience, tout court, que l’on pourrait aussi appeler conscience primordiale, et qui caractérise tout être vivant, comme l’amibe, par exemple, qui se rétracte lorsqu’elle est agressée par un objet. Pour qu’elle se rétracte, il faut qu’elle ait conscience, même à un niveau très primitif, de former une entité. Vient enfin ce que Damasio appelle la conscience réflexive qu’on pourrait résumer par le fait d’être conscient d’être conscient. Si, effectivement, dans les productions qui ressortissent au dessin automatique, il n’y a pas véritablement convocation de la conscience réflexive, il doit nécessairement y avoir un niveau de conscience minimal du corps, ne serait-ce que pour permettre d’être dans un état dessinant. En fait, cet exercice suppose deux niveaux de conscience, un niveau de conscience primordiale et un niveau de conscience réflexive, dans le même temps. Pour préciser encore les choses, peut-être peut-on convoquer le concept de « conscience pré-réflexive » que propose Jean Vion-Dury :
« Un second niveau de conscience est celui d’une vigilance ouverte, d’un accueil panoramique, d’une conscience de base minimale, graduelle et ouverte. C’est ce que l’on dénomme “awareness”. Ce second niveau, cette conscience pré-réflexive, couche profonde de notre conscience réflexive est multimodale, pré-conceptuelle et pré-cognitive. Elle est présente avant toute séparation de nos modalités sensorielles. » (Vion-Dury, 2010, p. 99)
Jean Vion-Dury propose par ailleurs, mais en articulation avec celui de conscience pré-réflexive, le concept de « veille paradoxale » (Vion-Dury, 2010, p. 101) qu’il associe aux techniques bouddhistes de méditation mais aussi à l’hypnose, partant du fait que dans les deux cas les caractéristiques EEG3 sont du même ordre. Le niveau de conscience réflexive est celui qui est convoqué pour être attentif au contenu de la réunion, aux propose des intervenants. Et le niveau de conscience pré-réflexive est celui qui, nous l’avons vu, est convoqué par le dessin automatique, sachant qu’en outre, par un mécanisme que je ne connais pas, la mobilisation de la conscience pré-réflexive pour le dessin automatique permet de renforcer la mobilisation de la conscience réflexive.
Cela dit, la question de la qualité de cette conscience paradoxale mérite d’être posée. On ne peut pas la réduire, dans la séquence qui nous intéresse ici, à une conscience de type réflexe comme dans le cas de l’amibe cité précédemment. Il y a nécessité d’un minimum de compétences cognitives. Et ce, pour deux raisons. La première, c’est qu’il faut une maîtrise de l’outil qui requiert une dextérité suffisante pour que le dessin, l’acte graphique, soit signifiant aussi bien au regard de l’ensemble que se construit que de la démarche elle-même. Jean-Pierre Changeux situe au niveau du cortex : « Les mouvements finement coordonnés des doigts qui règlent coups de crayon ou touches de pinceau sont sous la commande de cellules de régions spécialisées du cortex cérébral, dites sensori-motrices, qui envoient leurs ordres (après un relais au niveau de la moelle épinière) aux muscles qui les exécutent. Ce même domaine cérébral contrôle les déplacements de la main et son orientation. » (Changeux, 2008-2010, p. 147) Reste que les ordres transmis par les cellules du cortex sont déterminés par des patterns qui se construisent à partir de connaissances acquises suffisamment construites pour que l’adéquation soit maximale entre l’ordre donné par le cortex et son exécution par la main. C’est la caractéristique du geste technique.
La deuxième, c’est que ce geste technique n’est pas une finalité en soi. Nous sommes ici dans le cadre de ce que Jean-Luc Nancy appelle Tekné poïétike : « La poésie, avant d’être le nom d’un art particulier, est le nom générique de l’art. Tekné poïétiké : technique productive. Cette technique, c’est-à-dire cet art, cette opération calculée, ce procédé, cet artifice produit quelque chose non pas en vue d’autre chose ni d’un usage, mais de sa production même. » (Nancy, 1997, p. 6) Le geste ne peut donc pas être uniquement machinal même s’il suppose l’utilisation importante de routines. En fait, chaque trait est potentiellement un objet esthétique qui sera investi en tant que tel par le cerveau à partir de données cognitives accumulées par l’expérience de la pratique artistique en même temps que d’une culture artistique. Cela ne veut pas dire que ces données cognitives sont convoquées en terme de références conscientes, formulées sous la forme d’images formalisées. Changeux souligne que :
« […] l’idée du tableau ne surgit pas du brouillard. La combinatoire créatrice travaille sur des éléments déjà structurés. L’artiste fait appel à des images et représentations ”mnémoniques”, à un vocabulaire de formes et de figures qui se sont stabilisées dans sa connectivité cérébrale, au même titre que sa langue maternelle, au cours d’un long processus d’épigenèse par sélection de synapses qui marque chaque individu d’une trace particulière. » (Changeux, 2008-2010, p. 143)
La performance euscopique
En fait, l’hypothèse que je pose est qu’il ne s’agit pas véritablement d’un vocabulaire de formes et de figures au sens achevé que cela pourrait laisser supposer, mais plutôt de possibilités de connexions multiples de données élémentaires à partir desquelles l’artiste va créer des combinaisons privilégiées en fonction des données, liées notamment à sa façon d’être au monde, avec ce que cela suppose d’acquis collectifs, et qui existent dans le cerveau sous forme dispositionnelle pour reprendre Damasio4. On sait la capacité du cerveau à développer des régions neuronales particulières en fonction d’une activité, professionnelle notamment, qui sollicite fréquemment le même type de connections synaptiques. On peut donc supposer que le cerveau de l’artiste est sensible à certains patterns qui lui serviront de base à une pratique combinatoire. Borillo estime que :
« L’information sensorielle est traitée par un dispositif neurophysiologique associant des connaissances préalablement mémorisées et des dispositions intentionnelles. Sur ce schéma de base, commune à tous les individus, vient se greffer une “variabilité” qu’il est difficile d’attribuer à tel ou tel organe mais qui assure la singularité de la perception individuelle. » (Borillo, p. 24)
Citant Zeki, il émet l’hypothèse que les artistes visuels développent particulièrement des aptitudes lui permettant « de “structurer intuitivement l’espace au moyen d’un vocabulaire de formes” qui lui est propre… » (Borillo, p. 24-25) Mais ces dispositions ne sont pas innées, elles se construisent au fur et à mesure de l’expérience esthétique de l’artiste à travers sa propre pratique en même temps que la façon dont il se construit dans son rapport au monde qui l’entoure. Thorpe précise à juste titre, à propos des réponses neuronales qui interviennent dans la reconnaissance des objets que : « … leur existence apporte une preuve de l’influence que peuvent avoir nos connaissances culturelles au niveau de la sélectivité même de nos neurones. » (Thorpe, p. 142)
L’artiste aurait donc cette capacité de développer des réseaux neuronaux singuliers, singuliers à chaque artiste. Les outils expressifs qu’il développe s’inscrivent dans une certaine variabilité par rapport aux patterns qu’il a constitués et l’acte poïétique consisterait, en partie tout du moins, à évaluer la performance euscopique5 des signes créés par rapport à ces patterns. On peut admettre effectivement que la construction du vocabulaire qui permet l’émergence des formes sous le stylo renvoie à une fonction fitness. Un processus de sélection de type darwinien qui, par un processus de sélection/récompense va finir par affiner progressivement le champ des combinaisons formelles.
Ces combinaisons ne se font pas à partir d’un registre préalable de formes élaborées. C’est vrai de façon générale dans les créations visuelles, mais c’est particulièrement vrai dans le cadre du dessin automatique. Je ne pense pas, dans ma pratique en tout cas, que le dessin automatique permette de faire émerger des formes existant à l’état latent, en quelque sorte, dans l’inconscient. Comme je le propose précédemment, ces formes résulteraient plutôt de combinaisons de données élémentaires. Berthoz rappelle que : « La mémoire contient des éléments simples appelés “géons”. » (Berthoz, 2002, p. 266) Les géons sont des formes élémentaires en deux ou en trois dimensions qui constituent la base analytique de toute forme, quelle que soit sa complexité. Il estime qu’une « bibliothèque d’environ 36 géons permettrait d’identifier un nombre considérable d’objets. » (Berthoz, 2002, p. 266) La reconnaissance des formes, aussi complexes soient-elles, s’effectuerait par combinaison des géons contenus dans cette bibliothèque. Peut-on supposer alors que la construction de formes s’effectue sur un principe identique en sens inverse ? C’est-à-dire à partir d’une bibliothèque réduite, dans un registre donné, de formes élémentaires qui, par combinaison, permettent de construire une composition complexe.
On peut ajouter d’ailleurs d’ailleurs que, du côté du producteur comme du récepteur, la construction de l’image en un ensemble cohérent, ne serait-ce que d’un point de vue visuel et quelle que soit la nature de cette œuvre, ne fait pas intervenir aussi un dispositif un dispositif de globalisation tel que celui que décrit Ramachandran :
« [Wolf Singer et Charles Gray] trouvèrent que si un singe regarde un gros objet (disons un lion) dont les fragments seuls sont visibles, alors de nombreuse cellules déchargent en parallèle – pour signaler les différents fragments ; et c’est ce que vous auriez attendu. Mais de façon surprenante, dès que les caractéristiques sont groupées en un seul objet (dans ce cas, un lion) toutes les successions d’impulsions deviennent parfaitement synchronisées. Nous ne savons pas encore comment cela arrive, mais Singer et Gray suggèrent que c’est cette synchronie qui dit que, quelque soit ce que « lisent » ces signaux plus hauts dans le cerveau, ces fragments appartiennent à un seul objet. Je pousserais cet argument plus loin et suggèrerais que cette synchronie permet aux successions d’impulsions d’être encodées de telle façon qu’en résulte une sortie cohérente qui est relayée au centre émotionnel (ou limbique) du cerveau, créant en vous un sursaut « Ah – regarde là – c’est un objet ». Ce sursaut vous “réveille” et vous fait tourner les yeux et vous diriger vers l’objet. Ainsi vous pouvez faire attention à celui-ci, l’identifier et prendre une action. C’est ce signal ah que l’artiste exploite quand il utilise le groupement dans ses tableaux. » (Ramachandran, 2002, p. 155)
Il est donc possible que ces données neurologiques interviennent dans le fait qu’une production esthétique, même si elle utilise des codes visuels ou sonores qui sont en rupture avec les routines, reste malgré tout perçue dans une certaine cohérence à condition toutefois qu’elle soit contextualisée dans une « situation d’ancrage6 », pour reprendre le concept de Maria Rossi, qui ajoute : « Il peut s’agir de presque n’importe quel événement physique, pourvu que cet événement physique soit – sous certaines conditions favorables – perceptible, interprétable cognitivement et présenté dans un contexte où il sera lié à des intentions/comportements artistiques7. » Ce concept de situation d’ancrage nous permet notamment de reconnaître comme œuvre d’art des compositions dissonantes ou dysharmoniques, par exemple. On peut penser à une bonne partie de la musique du XXe siècle à partir de la musique dodécaphonique.
Le cerveau reconstituerait donc comme ‘composition‘ un ensemble de signes ou de sons plus ou moins discrets à la fois grâce au dispositif neurologique décrit par Ramachandran et aux données, culturelles, celles-ci, de la « situation d’ancrage ». Berthoz émet l’hypothèse de la capacité du cerveau à construire par émergence des ensembles complexes à partir de données élémentaires : « Il semble bien que les fonctions les plus élaborées du cerveau sont peut-être fondées sur des principes au demeurant assez simples mais reproduits dans des “contextes” neuronaux très variés. L’activité apparemment complexe du cerveau, comme une fugue de Bach, est faite de variations multiples et subtiles de combinaisons sur un répertoire très large mais limité et surtout susceptible d’associations très nombreuses de principes comme ceux du Clavecin bien tempéré. (Berthoz, 2002, p. 131-132)
On sait que des systèmes hypercomplexes, comme les fourmilières par exemple, ne sont en fait basés que sur une programmation très simple de chacun des agents qui le constituent sans plan d’ensemble. C’est le principe de ce qu’on appelle la « stimergie8 ». Le concept d’émergence qui marque la science contemporaine, notamment du point de vue de la biologie et de l’informatique, s’appuie en grande partie sur ce principe qui peut se complexifier encore par le fait que des valeurs initiales proches peuvent diverger, même faiblement, et aboutir à des résultats différents. C’est ce qui caractérise le modèle physique et mathématique du Chaos. Le processus créateur serait alors à la fois un processus stimergique et un processus chaotique. C’est particulièrement vrai, me semble-t-il, en ce qui concerne le modèle de dessin automatique que je propose. Chaque trait peut être la cause d’une divergence, phénomène que connaissent bien les artistes et qui peut soit donner à un repentir, soit être assumé pleinement comme dispositif expressif. C’est le cas paradigmatique du fameux grand verre de Duchamp. La différence tient sans doute au fait que le principe de divergence est un principe de base du dessin automatique. Non seulement parce que l’accident, le trait qui dévie, par exemple, par rapport à ce que le cerveau avait prévu, permet de faire émerger des schémas en rupture avec le projet immédiat du geste (le fait d’utiliser le stylobille est une mise en danger permanente). Mais aussi, et surtout, parce que l’accident est en tant que tel une donnée constitutive de l’émergence par le fait même qu’il n’y a pas de schéma inchoatif.
Le paradigme du dessin ?
Néanmoins, même si les processus que je décris laissent apparaître une certaine absence de responsabilité de l’artiste dans le processus, bien que Edmond Couchot remarque à juste titre qu’il est aussi responsable de sa non responsabilité, il ne faudrait pas limiter l’analyse du processus à un réductionnisme biologique et systémique. Même si la poïèse de l’œuvre ne procède pas en tant que telle d’un processus délibéré dans son déroulement, même si, par ailleurs, on peut repérer les dispositifs neuronaux qui président à cette poïèse avec tout ce que j’ai expliqué sur la façon dont ils inscrivent la spécificité de l’artiste, l’œuvre ne résulte pas que d’une seule fonction fitness. Ou alors, il faut admettre que cette fonction repose sur des données plus complexes que la simple satisfaction euscopique immédiate.
Si on peut admettre que le processus que j’ai décrit, notamment en articulation avec la fonction fitness, s’inscrit plus généralement dans la perspective d’un équilibre homéostatique qui caractérise tout être vivant, il faut admettre aussi que l’humain n’est pas qu’un organisme biologique. Damasio nous explique que : « La même impulsion homéostatique qui a façonné le développement des mythes et des religions à joué pour faire émerger les arts, aidée en cela par cette même curiosité intellectuelle et cette même pulsion d’exploration. » (Damasio, 2012, p. 356) La création artistique procède donc de cet équilibre homéostatique par le fait qu’en tant que lieu par excellence de la « curiosité intellectuelle » et de la « pulsion d’exploration », elle inscrit un équilibre dynamique, c’est-à-dire un équilibre qui se construit par sa remise en cause permanente. Car la création artistique procède ontologiquement d’un processus néguentropique, nous l’avons vu. Il est probable que cette caractéristique s’applique aussi à la création scientifique, voire à tout processus de création. Goodman note d’ailleurs la très grande parenté qui existe entre art et science, notamment du point de vue du rapport cognitif au monde qu’ils définissent : « Je suis devenu de plus en plus attentif au fait que ce que nous révèle la science (je parle de la science théorique) et ce que nous révèle l’art est très semblable. Quand un scientifique fait pour la première fois le lien entre chaleur et mouvement ou entre les marées et la lune, nos visions du monde sont modifiées de façon radicale. » (Goodman, 2009, p. 139) Cette modification est le résultante du fait que la création est substantiellement un acte néguentropique par le fait qu’elle rompt à chaque fois l’équilibre des routines.
Nous avons vu aussi avec Dominique Lestel qu’un chimpanzé était en mesure de produire, expérimentalement, des structures visuelles fortement marquées par la symétrie. Je ne sais pas si ce constat est extensible à tous les chimpanzés dans cette situation, mais il me semble qu’on touche là un point nodal. Le chimpanzé aurait tendance à produire une image de type homéostatique dans sa composition alors que la création artistique, je ne parle pas ici de l’art des fous qui est un domaine tout à fait particulier, en tant que production humaine se situe plutôt dans la rupture homéostatique. La composition relève par exemple plus généralement du contrepoint que de la symétrie. Cette rupture homéostatique est une donnée constituante du processus de création en ce que l’équilibre dynamique dont elle relève participe du décalage cognitif que l’œuvre d’art doit nécessairement entretenir avec le réel dont elle est issue, dans le même temps que c’est cette dimension qui lui permet, je pense, d’être elle-même productrice de réel.
Je propose comme hypothèse que le dessin automatique, par le fait qu’il ne participe pas d’un schéma programmatique, où il n’a pas pour d’autre projet de représentation que sa propre présentation, peut être considéré comme le paradigme du dessin. Une donnée, déjà, est à prendre en compte. Nous avons admis que l’expérience esthétique supposait de déjouer les routines, dans l’acte de production, bien sûr, mais, par conséquent au niveau du récepteur aussi. Le dessin automatique est un dispositif systémique qui repose sur le hasard, même si nous avons vu qu’il y avait des éléments déterministes dans ce hasard. Maria Rossi propose la fonction suivante au hasard dans la création artistique : « Utiliser le hasard, c’est stricto sensu utiliser une procédure pour déjouer/inhiber les routines. » (Rossi, 2003, p. 217) De ce point de vue là, donc, on pourrait donc considérer que le dessin automatique constitue, au même titre que l’ensemble des processus de création qui introduisent le hasard comme dispositif expressif, un paradigme de la création artistique. Mais, au-delà, les schémas à partir desquels j’ai proposé d’analyser les processus poïétiques mis en œuvre peuvent peut-être servir de modèle scientifique à l’analyse des processus graphiques en général dans le cadre plus global de l’analyse systémique des processus poïétiques.
Peut-on étendre cette analyse à tout dispositif de création artistique ? Sans doute pas sous cette forme. Mais il est des démarches de création qui, même sans recours aux dispositifs numériques ou bio-technologiques, sont explicitement d’ordre systémique. C’est le cas de l’œuvre de Michel Blazy, par exemple. Lorsqu’il utilise des éléments biologiques pour réaliser ses compositions et qu’il laisse aux processus biologiques (champignons, insectes, etc.) le soin de faire évoluer l’œuvre à partir des processus systémiques qui les caractérisent, il met en place un véritable écosystème qui va faire œuvre par transformation de la matière. On le voit bien dans Sculptcure (2001). Les oranges pressées sont petit à petit envahies par la moisissure qui en transforme l’aspect tant du point de vue de la couleur que de la texture.
On peut considérer que, bien que ne relevant pas du numérique, ces œuvres processuelles fonctionnent sur le même système que les processus numériques que j’ai analysés. Ou, plus exactement, ce sont les processus numériques qui fonctionnent sur le même principe puisqu’ils sont en eux-mêmes des modélisations des processus du vivant. Les algorithmes mis en œuvre dans le cadre des processus numériques évolutifs, en particulier dans le contexte des systèmes de niches que développe McCormack, sont basés sur le même principe de co-évolution structurelle quelles moisissures sur les sculptures de Blazy.
Mais je pense, au-delà, que, au moins dans le champ des arts plastiques, au moins lorsque le processus poïétique s’inscrit dans la transformation de la matière ou de l’énergie, il y a quelque chose dans ce processus qui relève de l’énaction. Même lorsque l’œuvre est l’aboutissement d’un projet initial, même lorsque ce projet est relativement construit. Il serait illusoire de penser que l’œuvre en train de se faire, que ce soit une œuvre peinte, sculptée, etc., n’est que l’application littérale du projet.
D’abord, le projet lui-même n’est jamais complètement mis en forme, même s’il fait l’objet de nombreuses études préalables. Il ne l’est jamais car on ne construit pas un tableau, par exemple, comme on construit un programme informatique fermé. L’image primordiale dont il procède est avant tout une image mentale dont le tableau ne représente pas la projection au sens lumineux du terme. Une image mentale est une image relativement informelle, même si Dalí tente d’en fournir un contre-exemple avec sa méthode « paranoïa-critique ». De ce fait même, l’œuvre en train de se faire, si elle est une actualisation de cette image mentale primordiale, est par son processus la formalisation de cette image. Mais nous sommes bien dans un processus. Cela signifie que cette mise en forme se précise au fur et à mesure de son actualisation, avec tous les repentirs que cela suppose.
Et cette actualisation en procès ressortit elle-même au dispositif d’échange dialectique que j’ai analysé précédemment à propos de mes propres productions. L’image qu’est l’œuvre en train de se faire est une image qui a à chaque instant sa cohérence propre, son autonomie sémiotique qui fait qu’elle oppose une résistance à l’action de l’artiste et l’oblige à réévaluer son intervention.
On peut donc considérer, à mon avis, que cette résistance produit un échange d’informations, pas nécessairement conscient, entre l’artiste et l’œuvre en train de se faire. On doit pouvoir alors considérer que cet échange d’information induit une évolution réciproque de l’artiste et de l’image par un système de boucle rétroactive qui modifie l’intention de l’artiste et son comportement pour s’adapter à ces données émergentes. Il y a nécessité d’adaptation de l’artiste aux nécessités de l’autonomie sémiotique au risque sinon de ne pas aboutir l’œuvre.
Il est probable que ce dispositif est valide même dans le cas de l’art conceptuel, tout au moins dans ses grandes lignes. On sait combien, aussi réduite soit-elle, la production d’objets esthétique est importante dans la réalité d’une œuvre d’art conceptuel. D’autant plus importante qu’elle procède généralement d’une économie de moyens. Aussi maîtrisée soit-elle, c’est-à-dire aussi proche soit-elle du projet inchoatif de l’artiste, dans la mesure où l’objet produit n’est en aucun cas la seule résultante d’une pensée qui relève de la pensée raisonnante, même lorsque l’objet produit s’énonce tout ou partie sous la forme du langage articulé. C’est bien ce qui fait que l’objet esthétique présenté ressortit à l’œuvre d’art et non à l’exposé.
Je pense, en conclusion, que tout dispositif poïétique est un dispositif systémique, y compris donc lorsque cette poïèse est de l’ordre de l’artistique. Mais ça ne veut pas dire, loin s’en faut, que l’œuvre qui en résulte est réductible à ce dispositif, ni même que ce dispositif suffit à rendre compte de tout ce qui se passe dans le processus.
*Les processus de réception et de création des œuvres d’art
Approches à la première et à la troisième personne (partie 5)
Notes
[1] Le local étant l’espace et le moment précis d’inscription du trait et le global, à la fois l’ensemble sémiotique qui se construit en même temps que le système corporel dans lequel s’inscrit le processus.
[2] http://www.cnrtl.fr/definition/étoffer, consulté le 14/02/14
[3] Électro-EncéphaloGraphiques
[4] « […] tous nos souvenirs, qu’ils nous aient été légués par l’évolution, qu’ils soient de naissance ou bien qu’ils aient été acquis ensuite – existent dans notre cerveau sous forme dispositionnelle, en attente de devenir des images ou des actions explicites… » Antonio Damasio, op. cit., p. 180
[5] Le concept d’euscopie a été utilisé par Christian Metz à propos du film dans l’article qu’il a consacré à Étienne Souriau, « Sur un profil d’Étienne Souriau », Revue d’esthétique, nos 3-4, 1980, p. 150, http://isites.harvard.edu/fs/docs/icb.topic235120.files/MetzProfilSouriau.pdf consulté le 04/03/14
[6] Maria Rossi, « Absence de distinction pertinente entre l’artiste et le spectateur » (7 janvier 2003), Art et cognition, conférence virtuelle, op. cit., p. 186. Maria Rossi précise qu’elle entend par “situation d’ancrage” : « “CE” que l’artiste a fabriqué pour l’exposition ou la performance, et qui a une extension spatio-temporelle : l’agencement de matériaux, de corps ou de symboles qui a une exemplification dans l’univers objectif – et qui a donc une certaine indépendance à l’égard de l’esprit et des cerveaux des observateurs (= ontologie réaliste relativement à ce que les situations contiennent). »
[7] Ibid.
[8] Le concept de stimergie a été créé en 1959 par la biologiste Pierre-Paul Grassé. « Des robots stimergiques », Le Monde Science&médecine, 19/02/04, p. 6
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