The Clock de Christian Marclay dure 24 heures. La réalisation de cette œuvre s’est faite en vingt ans de travail et a nécessité l’aide de six assistants. Elle se présente sous forme d’un montage de trois mille séquences cinématographiques et télévisuelles sur le thème de l’heure qui passe, sur le temps qui nous échappe et le destin qui frappe. Avec une multitude de détails et de références visuels comme des horloges, pendules, montres, etc., les extraits de films choisis représentent des héros qui sont contraints par l’horaire, ou au contraire, qui croient contrôler le temps. Hormis le jeu qui consiste à identifier le plus de scènes et d’acteurs – Laurel et Hardy, Charlie Chaplin, Colin Firth, Patrick Macnee, Richard Gere, etc. –, le spectateur a le réflexe de vérifier si sa montre donne la même heure que celle indiquée dans The Clock, dont l’une des particularités est précisément d’être synchrone avec l’expérience qu’il vit. Le résultat dépasse donc la forme du reportage grâce au savant brouillage opéré entre la fiction et le réel. Si la pulsion scopique du spectateur est comblée par l’accumulation énergisante d’images et de références, celui-ci se trouve apaisé par un sentiment de nostalgie. En plus du problème de synchronisation entre nuit et jour, The Clock permet de signaler la frontière entre une impression de lenteur sensuelle et les effets d’une évidente rapidité des actions comme le zapping, l’accélération, qui évoquent « le jouir instantané » de notre époque. En confrontant la fiction au réel, Marclay nous renvoie à l’inéluctable idée de la mort en mouvement, par la reprise de l’histoire du cinéma en accéléré, par l’exposition d’un Temps révolu et toujours d’actualité, par l’enchaînement de tous les registres de la vie, du drame à la romance, de l’action à la comédie. Cette posture nostalgique, rare chez l’artiste plus connu pour son ironie et son humour, va bien au-delà de la seule esthétique : elle englobe le philosophique, le social, l’ontologique et l’artistique.
Artiste conceptuel, musicien, performeur, photographe et réalisateur, Christian Marclay (1955-) explore principalement le montage vidéo et audio. On le considère comme l’inventeur du turntablism, car il est le premier à avoir pensé fabriquer des boucles rythmiques et à créer des collages sonores avec des platines. De Record Without a Cover (1985) à Ghost (2007), sa discographie est essentiellement composée de musiques sur vinyle. Fast Music, première vidéo marquante de sa production, a été réalisée en 1982. The Clock s’inscrit d’ailleurs dans la lignée de Telephones, œuvre de 1995, où durant sept minutes et trente secondes s’enchaînent de courts extraits de films montrant des personnages qui composent des numéros de téléphone et semblent converser avec quelqu’un : ainsi, que ce soit dans le domaine musical ou visuel, Marclay esthétise les concepts de déclinaison, récupération et reprise. Il relève ainsi le défi de synchroniser quatre vidéos pour Gestures (1999), Video Quartet(2002) et Crossfire (2007). En dehors de ses montages de films et de mixage de pistes sonores, il crée des installations dans lesquelles il utilise différents matériaux comme des bandes magnétiques pour réaliser Tape Fall (1989) où l’on entend un bruit d’eau qui coule, des disques en vinyle pour créer Endless Column (1988), ou encore des pochettes de disques qu’il assemble de façon ludique pour réaliser Footstompin (1991). Mixité et hybridité, sonore et plastique, sont au centre de sa production avec laquelle il interroge le concept de visualisation du son. Il a reçu le Lion d’or du meilleur artiste de la Biennale pour The Clock.