Les textes qui intègrent ce deuxième et dernier volet du dossier Hétérogénéité de l’art contemporain latino-américain explorent la systématisation et l’expansion des technologies médiatiques en Amérique latine à travers quelques exemples issus du contexte mexicain. L’objectif est de constater l’impact et la profondeur discursive d’un type d’œuvre en constante quête de nouveauté, qui brouille inéluctablement les frontières entre art et technologie; d’un type d’œuvre qui suscite encore beaucoup de questions : si les médiums évoluent, les inquiétudes artistiques restent-elles les mêmes ? Ces œuvres engagent-t-elles véritablement la réflexion ou gravitent-t-elles sur la prouesse technique de leur genèse ? À quelles alternatives recourent les artistes latino-américains pour répondre aux standards d’un type d’œuvre qui mobilise, en règle générale, des ressources financières non négligeables ?
Le portfolio de l’artiste Mariza Rosales Argonza ouvre ce numéro. Ses photographies numériques, manipulées à l’aide de différentes techniques artistiques traditionnelles, problématisent le rôle habituellement réservé aux femmes dans l’imaginaire populaire mexicain. Transfiguration et intertextualité ponctuent l’étendue de sa pratique photographique.
Cherchant à mettre en exergue les zones de convergence entre les nouvelles technologies et les discours traditionnels, plutôt qu’à répondre à l’entièreté de ces interrogations, l’historienne de l’art Erandy Vergara se penche sur deux installations de l’artiste mexicain Erick Meyenberg. Ces œuvres explorent les réminiscences du passé dans notre présent, plus précisément la présence du discours historique des mixtures et préjugés raciaux dans nos sociétés contemporaines. Meyenberg utilise des bandes de LEDs (Light Emitting Diodes) afin d’explorer la transformation de la couleur en temps réel. Cette technologie lui procure un langage non figuratif pour accentuer l’irreprésentabilité du discours racial. L’artiste, confronté à l’absurdité de rendre en images un tel discours, se résout à offrir au spectateur la possibilité d’en faire l’expérience.
L’historienne de l’art Inbal Miller, pour sa part, entreprend l’analyse de la démarche vidéaste de l’artiste mexicain Fernando Llanos. Par l’entremise de son alter ego, The Videoman, Llanos repousse les limites de la vidéo-intervention dans des contextes urbains hétéroclites (Brésil, Mexique, Espagne, etc.). Son alter ego, qui côtoie la figure du flâneur de Walter Benjamin, se définit comme un nomade et un super-héros des médias. Le spectateur devient acteur dans des projections qui établissent un lien concret avec le panorama historique de la ville où elles s’inscrivent et se déroulent. The Videoman est un agent de l’intervention, un objet, un fétiche. Et la transgression constitue son terrain de jeu.
Nous avons décidé d’ouvrir un troisième pôle thématique portant sur l’expérience des artistes d’origine latino-américaine en diaspora. Mariza Rosales Argonza, aussi historienne de l’art et commissaire d’exposition, s’entretient avec l’artiste multidisciplinaire d’origine colombienne Claudia Bernal, dont nous avons présenté le portfolio dans le premier numéro de ce dossier. Rosales et Bernal débattent de la manière d’incorporer les technologies médiatiques à la démarche d’un artiste formé en arts visuels. Dans les faits, les nouvelles technologies s’hybrident dans la production interdisciplinaire de Bernal. L’artiste s’en sert dans leur variante low-tech; elles sont support, et uniquement support, des sujets qui nourrissent son univers créatif (l’appartenance culturelle, les conflits sociaux et politiques, les déplacements forcés de populations, la violence faite aux femmes, etc.). En outre, l’entretien met en évidence la position de Bernal vis-à-vis de la tradition artistique latino-américaine et de l’apanage que lui accorde son identité métissée.
Pour clore ce panorama des arts médiatiques, une deuxième contribution d’Erandy Vergara trace une cartographie des arts électroniques au Mexique entre 1960 et 1980 à partir d’une sélection d’artistes pionniers.