1. Historique schématique et problématique de l’interface traditionnelle
La suprématie du discours de l’interface est le discours dominant de la scène performative contemporaine : celle qui intègre les technologies. Ce discours est basé sur la vision dualiste et matérialiste du monde occidental, sur une culture de l’objet tel que l’a identifié Christine Buci-Glucksmann1 (2003). J’expliquerai, dans la section sur la méthodologie, comment le développement d’une pensée intégrative est nécessaire pour sortir de ces pièges réductionnistes ainsi que pour investir les enjeux de la corporéité. L’approche de l’interface, telle que conçue dans le domaine des arts visuels, a donc été majoritairement importée dans le milieu des arts vivants performatifs.
La conception traditionnelle de l’interface qui se situe au croisement entre le technologique et l’humain, formalise une pragmatique communicationnelle dont le but est de traduire et de transformer le corps-langage humain et le langage-calcul de l’ordinateur écrit Emanuel Quinz2, qui fait son analyse d’un point de vue des arts visuels et médiatiques, même si toute une évolution du concept d’interface prend place par la suite, il reste que même si le concept de l’interface artificielle se raffine, il fonctionne encore sur des principes de sélection et de réduction, en contrepoint avec le corps qui est comparé à une interface physiologique hyper complexe3.
J’en suis venue à la réflexion suivante : pour atteindre la complexité relationnelle dont j’avais besoin, je ne pouvais plus utiliser les interfaces telles qu’elles m’étaient proposées, mais devais plutôt me diriger vers des principes de l’organique pour générer cette complexité4. Pour cela, je me suis intéressée à réinvestir la relation de la somatique et de la technologie.
2. Description schématique de la dernière phase de la création en cours
Suivant ces hypothèses, mes dernières expérimentations de création ont pris la forme d’une création hybride en cours qui explore les relations entre le corps physique en mouvement et la technologie, et plus spécifiquement, les relations entre les principes de la somatique et la technologie.
Cette création se présente comme une sculpture tridimensionnelle en mouvement mettant en scène cinq danseuses presque complètement dénudées dans un contact quasi permanent entre elles créant de la sorte un « corps collectif » qui se nourrit d’un processus qui m’est propre et qui prend comme repère des sensations tactiles et kinesthésiques5 se déplace et prend forme par l’application de tactiques qui ont une parenté avec celle du « corps fluide » dit « transitoire » de Trisha Brown et d’une radicalisation des principes du « corps tactile» de Steve Paxton. Un environnement sonore généré en temps réel est produit par les diverses dynamiques du mouvement. Ce son a aussi la particularité d’être créé dans une dynamique collective, générant un « corps collectif sonore ». Il agira comme sixième danseur dans sa dynamique, sa temporalité et son rapport à l’espace.
Les danseuses sont munies de dispositifs technologiques qui se veulent invisibles. Ils sont composés d’une part d’un dispositif de transmission sans fil muni d’un micro pour chaque danseuse et dissimulé sous un turban noir et, d’autre part, d’un logiciel de spatialisation sonore. Donc ce « corps collectif physique » est également pourvu d’une dimension sonore. Grâce à ce dispositif technologique conçu pour la performance, les performeuses génèrent des sons médiatisés en temps réel. Les expressions gestuelles et sonores de celles-ci sont captées par des micros sans fils puis transformées en signaux audio qui sont aussitôt transmis en direct (traités et spatialisés) dans l’environnement de la performance. Ainsi, les sons et les gestes produits par chaque performeuse reviennent à elle comme l’écho de sa propre manifestation corporelle médiatisée, puis s’étendent aux autres performeuses réunissant les cinq corps en un même « corps collectif sonore ». Dans la phase #3, les sources sonores étaient traitées majoritairement collectivement. Dans une phase ultérieure, nous pourrions isoler les sources et les spatialiser selon différentes organisations spatio-temporelles pour complexifier les phénomènes perceptifs et l’organisation performative physique/médiée.
La scénographie se présente comme trois espaces circulaires imbriquée les uns dans les autres, dont l’espace de performance où les danseuses évoluent. Cet espace de six mètres de diamètre est disposé au centre. Le public placé autour tout autour est très proche de l’espace des danseuses. Autour de lui sont disposés les huit haut-parleurs du système de spatialisation qui compose ainsi le dernier espace délimitant l’espace total de la performance. Le public, se situant entre les haut-parleurs et l’arène/espace de performance des danseuses, participe alors à une stratégie de déstabilisation sensorielle et perceptuelle dont je fais l’expérimentation. Par cette hyper-proximité, je cherche à provoquer un effet hypnotique devant cette entité de forme complexe, devenue sonore : cette masse de chair qui chante, qui parle, qui gémit.
La proximité du corps presque nu des danseuses enlève au spectateur ses références analytiques6. Cette « chair en mouvement », provoque une première perte de repère, une dé-hiérarchisation, car on a l’impression d’être dans la chair. Le phénomène de dé-hiérarchisation fait partie des stratégies que j’utilise dans laquelle les parties du corps ne jouent pas leur rôle conventionnel (par exemple, les jambes joueront le rôle des bras où seront dédoublés tel que dans le travail de Hans Bellmer qui fut une de mes sources d’inspiration. En même temps qu’apparaît cette sculpture de chair, des bruits se font entendre. Ainsi comme deuxième perte de repère, le spectateur se sent immergé dans une entité vivante devenue sonore. Il se retrouve dans l’hyper-intime et dans le son qui se déplace autour de lui, traversant ainsi son espace. Ces deux matières (celle de la chair des cinq corps entremêlées et celle du son), auxquelles il n’est pas habitué, brouillent ses codes et ses repères en bougeant autour de lui7.
Ce travail se veut la mise en scène de la présence et de la chair de cette masse humaine dans sa dimension matérielle et interconnectée. L’envie de travailler sur un « corps collectif » reflète le désir de trouver une forme performative qui reflète l’interconnectivité et la complexité de notre monde. Selon moi, c’est un travail tel qu’ont fait les Post-modernistes à leur époque, dans leur contexte : une redéfinition des structures et des codes de la performance/danse actuelle. Des œuvres tels que Roof Piece (1973), Walking down the Side of a Building (1970) de Trisha Brown, Victory 14 (1966) de Deborah Hay, Temple (1974) et Scenario (1971) d’Alwin Nikolais ou les improvisations de Steve Paxton, pour ne nommer que ceux-ci, reflètent ces changements importants. Pour mieux illustrer mon propos, j’ajouterais qu’il est intéressant de comprendre comment Trisha Brown a construit son « corps fluide ». En fait, elle travaille sur le début et la fin du mouvement dansé. Selon moi, influencée par l’ère industrielle et la machine, elle réfléchit sur la notion de série et elle annule toutes les transitions entre les mouvements.
« La logique temporelle du mouvement est perturbée : le début d’un mouvement dans une partie du corps prend le relais d’un autre mouvement qui n’est pas encore achevé… Ce jeu sur l’inachevé, le relais et le détournement provoque un effet de surprise et il relance constamment le mouvement (…). La chorégraphe crée un mouvement qu’elle qualifie de multidirectionnel… » (Geisha Fontaine, 2004).
Pour Geisha Fontaine, « il instaure une autre configuration ». Pour Guy Scarpetta (1992, cité dans Fontaine, 2004), le mouvement Brownien est presqu’une révolution. Pour lui, c’est un corps incorrigiblement « transitoire ».
3. Changement de perspective dans la pratique
L’intérêt pour le travail en temps réel est venu dans le développement de cette altération de la physicalité qui conduit à la modification de la corporéité. La nécessité de développer un rapport avec une interface qui pouvait enrichir la corporéité (et non l’appauvrir) vient de ces expériences. J’avais senti le besoin de sortir du rapport d’instrumentalisation dans laquelle le performeur s’abîme souvent avec la technologie.
Un travail de création reflétant la complexité de cinq corps entremêlés et constamment en contact l’un avec l’autre – le « corps collectif » – me demandait également de sortir d’un rapport de causalité avec la technologie. Je cherchais une interface qui pouvait agir sur l’organisation sensoriperceptuelle interne de l’individu performeur/spectateur car la relation avec la technologie redéfinit notre modalité de perception. L’approche phénoménologique, que j’ai expérimentée avec des stratégies de déstabilisation, a donc influencé mon mode de penser et de sentir le corps, et donc, d’organiser l’œuvre.
La technologie, vécue comme un environnement, correspond à la sensation de « corps élargi » qui guide mon processus. Elle a été initiée par le travail sur la « molécularisation »8 en tant que nouvelle forme d’état corporel et de projection performative9 dans ma première création Communion (1995)10.
Ce travail s’est poursuivi avec le développement du son généré en temps réel qui provoque la sensation d’un corps sonore vibratoire qui nous entoure. Cette expérimentation sur le corps sonore a été initiée dans Communion, et développée par la suite dans ma deuxième création, La Démence des anges (1999)11, où ce corps est vécu comme un corps dilaté et non comme un double.
Dans la création actuelle en cours, le travail en temps réel sur le corps sonore a provoqué une autre modification du « processus de fiction » (Bernard 2001), soit celle de la sensation d’un corps en état de diffraction.
Le « processus de fiction » de Michel Bernard a été décrit comme la projection de la corporéité à l’extérieur. Le performeur imagine et projette son anatomie dans l’espace avant d’agir dans le monde physique. C’est la corporéité imaginée. Pour poursuivre mon idée sur le corps en état de diffraction, je dirais que le corps physique se complexifie et un corps médié émane de celui-ci produisant un changement d’état de la présence, voire un changement d’essence de cette présence12, donc une évolution de la notion du « processus de fiction » tel que Bernard le développe.
Une complexification expérientielle se révèle, reflétant ce que Lygia Clark annonçait, soit que le corps est à la fois un et pluriel13 (Celia Luz, 1975; Suely Rolnik & Corinne Diserens, 2005). Il ne s’agit pas d’une perte de soi, mais bien d’une complexification de soi et de la notion de présence performative. Nous nous retrouvons devant un nouveau comportement performatif créé par le temps réel et le travail avec le corps médié comme une entité propre au corps physique, venant de son évolution et de sa complexification. Il ne s’agirait donc pas d’une forme détachée, superposée ou hiérarchisée du corps réel comme le suggèrent Deleuze et Guattari ou Enrico Pitozzi.
Le résultat de cette recherche aura aussi un impact important sur sa composante esthétique, soit la proposition d’un modèle esthétique fondé sur l’approche de l’aesthesis venant du grec aisthêtikos, « qui a la faculté de percevoir ou de comprendre » et de aisthêsis, « sensation » (Jacques Darriulat ; Buci-Glucksmann (2003). Prendre appui dans la sensation et le percevoir m’amène, au niveau des arts performatifs, aux mêmes conclusions que Buci-Glucksmann (2001, 2003) au niveau philosophique et artistique14, soit à la conception et à l’expérimentation d’un nouveau paradigme esthétique.
Une autre radicalisation de la relation au corps performatif est proposée par Suely Rolnik15, proche collaboratrice de Deleuze et de Guattari. Posant un regard de psychanalyste et de critique culturelle sur la relation du performeur et du spectateur dans les arts vivants, en faisant référence aux corps de ces performeurs ainsi que de ceux du public16, elle suggère qu’il ne s’agirait plus de surface, mais plutôt de la dissolution de cette surface – ce qu’elle nomme la « frontière psychocorporelle » – qui créerait un autre type de paradigme communicationnel, une intersubjectivité, grâce au développement de liens psychocorporels de type « vibratoire » (2006). L’espace entre les performeurs entre eux et avec le public n’est donc pas vide, mais bien rempli de cette vibration communicationnelle. Un « état de fragilité », une mise à risque tant pour le performeur que pour le spectateur, est nécessaire pour qu’une « reconnaissance » entre les corps advienne. Ces états sont conditionnels à la dissolution de la « barrière psychocorporelle » (Rolnik, 2006, 2007b, 2007c).
Pour sa part, Roy Ascott promeut l’idée ([1966-67] 2003, p. 150) que « the act of changing becomes a vital part of the total aesthetic experience of the participant ». Sa proposition aura une résonnance directe dans le contexte du corps performatif et a comme résultante la création de nouveaux modèles esthétiques reflétant les dynamiques intégratives propres au vivant. Les processus méthodologiques que je propose plus loin ont été développés dans cette logique intégrative. Ce nouveau paradigme esthétique est possible par cette approche de la déstabilisation du corps et l’investissement dans une prise de risque multisensoriel enrichi d’un nouveau paradigme communicationnel. Tous ces composants caractérisent mon approche. Selon mes dernières recherches, de plus en plus d’artistes s’intéressent à un changement de perspective qui s’attarde à comprendre l’intériorité plutôt que l’extériorité ou le spectaculaire ; point de vue qui vient du corps et de l’expérientiel, les artistes portent attention davantage aux changements produits à l’intérieur du corps, que dans les arts impliquant la technologie et aux évènements extérieurs, provoqués dans l’environnement. Je fais référence par exemple, du travail de Diana Gromala qui, avec son installation interactive The Meat Book, fait toute une recherche sur « the ways in which certain forms of interactive art may and do elicit visceral responses »17, ou encore le travail sur le « micromouvement » de Myriam Gourfink18. Ces recherche-créations m’ont poussées à interroger le rapport entre la somatique et la technologie et la façon dont elles peuvent engendrer de nouveaux paradigmes où la technologie devient l’activateur d’un processus de reconfiguration sensori-perceptuel qui mène à une modification de la corporalité générant la corporéité. Cette dynamique introduira la notion d’émergence, d’où découlera éventuellement l’organisation d’une nouvelle forme expérientielle pour les arts vivants.
Si la relation avec la technologie redéfinit notre modalité de perception, je propose un déplacement de la notion d’interface où le technologique ne serait plus l’un des deux pôles de communication, mais où cette même technologie serait un outil pour permettre le développement d’une intersubjectivité et d’une modification de la corporéité. Cette hypothèse est possible grâce à la proposition d’un autre rapport entre le corps et la technologie, le développement de la conception d’un corps élargi ainsi que celui d’un temps dilaté. De la construction de cette intersubjectivité émerge un nouveau paradigme communicationnel rendu possible grâce à l’activation d’une potentialité corporelle (Pitozzi, 2008a, 2010) déjà présente dans le corps19.
4. Pour une méthodologie de la transformation
Les principes et étapes de la méthodologie présentés dans cette section, que j’ai mise au point durant cette création, reflètent les trois paradigmes que je propose soit celui d’un autre paradigme esthétique dit de la « fluidité et du transitionnel » (Glucksmann, 2001)20, celui d’un autre paradigme communicationnel construit sur une intersubjectivité de type « cannibaliste »21 et celui d’un paradigme cognitif qui prend sa source dans la revalorisation et la réintégration de l’intelligence spécifique du corps. Cette méthodologie sera donc de nature transversale, évolutive et syncrétique. Elle est basée sur de nouveaux rapports que je propose entre la somatique et la technologie.
Cette stratégie a également ceci de spécifique, elle est l’outil pour la mise en place d’un processus méthodologique dynamique, et collectif, de recherche critique impliquant des analyses évolutives et adaptatives basées sur une relation interactive entre la formation de la théorie et la formation de l’oeuvre pratique. Cette méthodologie est donc une méthodologie réflective (miroir), c’est-à-dire que la pratique et la théorie s’influenceront dynamiquement.
4.1 L’approche avec les performeurs
La méthodologie que j’utilise avec les performeurs comporte cinq étapes. Elle utilise des stratégies de déstabilisation provenant de trois composantes de la somatique que j’expérimente pour reconstruire et créer un réel qui selon Hubert Godard22 serait toujours fluctuant. Il est intéressant de noter qu’actuellement les changements somatiques (Sylvie Fortin, 2009) sont considérés comme une source de connaissance valable dans le milieu universitaire lorsqu’ils sont étudiés en compléments avec d’autres informations, telle que la méthode de Godard qui utilise la somatique comme guide pour trouver d’autres pistes de recherche et diriger ses recherches en médecine. Dans une entrevue accordée à Kuypers (2009, p.58) Godard affirme que
l’anatomie est prise comme quelque chose d’absolu, alors qu’il y a une expérience phénoménologique du mouvement, quand tu arrives à un certain niveau de proprioception, qui est peut-être en avance sur des données scientifiques ». Il poursuit en mentionnant que maintenant, par exemple, « les nouvelles techniques d’imagerie médicale ont permis de confirmer toutes ces intuitions ou savoirs empiriques.
Pour revenir à la présentation de ma méthodologie avec les performeurs, voici ces cinq étapes :
1. Prendre conscience du corps comme dans son environnement : le corps qui bouge dans l’espace, et ensuite la prise de repères phénoménologiques, kinesthésiques, perceptifs et expérientiels dans ce contexte.
2. Ajouter un élément de déstabilisation (ex. abstraction de l’espace, ajout d’éléments technologiques, et caetera) donc un ajout d’une couche d’information qui est en fait une couche de complexification à intégrer.
3. Faire prendre conscience de la perte de repères et des différences que cette complexification amène.
4. Donner le temps d’intégrer cette complexification jusqu’à ce que le performeur la ressente physiquement au niveau perceptif et kinesthésique (par exemple le son ou l’image immersive qui traverse son corps au niveau vibratoire), donc donner un temps de réorganisation sensorielle et perceptuelle. Ceci s’effectuera par la répétition et un temps de contact important avec l’élément de changement (technologique, scénographique, et caetera) ainsi que par la prise de conscience phénoménologique et expérientielle.
5. Intégrer et acquérir de nouvelles aptitudes, constatation des changements dans le comportement performatif, prendre conscience du nouvel élément performatif, l’intégrer dans le tissu créatif.
La pratique usuelle de certains chorégraphes serait d’ajouter des éléments technologiques et de demander aux danseurs d’apprendre à les utiliser et à les faire fonctionner pour générer les images, les sons, et caetera, voulus par les concepteurs. Je n’ai pas, jusqu’à maintenant, assisté à des processus de conscientisation ou de mise en place du temps nécessaire pour l’intégration, donc la réorganisation sensorielle et perceptuelle. Dans ce type d’approche, il n’y a pas de changement ontologique, mais utilisation du corps performatif comme un objet, comme support à la production de la technologie. Le danseur se dédouble, perd en partie ses qualités performatives, d’interprète, car il écoute, il regarde ce qu’il produit plutôt que de s’en servir pour se transformer et performer autrement.
Bien évidemment, la méthode que j’utilise présuppose que les performeurs impliqués aient une formation en pratique somatique, ainsi que dans les principales techniques utilisées (par exemple : Contact Improvisation, une pratique de technique d’introspection (par exemple : méditation), qu’ils aient un rapport facile avec la nudité et la proximité, ainsi qu’un goût de s’investir dans un processus de recherche à risque, de nature transdisciplinaire et impliquant les technologies, qui va s’ouvrir inévitablement sur d’autres codes gestuels et modes performatifs.
Le point que j’apporte, et qui est le cœur de mon argumentation, est que ce changement kinesthésique, cette appropriation et cette intégration sont essentiels dans le processus des arts performatifs intégrant les nouvelles technologies23. Cet apprentissage qui engendre une réorganisation de type sensorielle et perceptuelle participe de l’élaboration de cette cognition que je recherche. Ce changement, qui peut s’apparenter à une instabilité informante, est une mouvance propre au vivant et a une résonnance avec les théories de Sophia Burns (2009) et Yvonne Laflamme (2009) sur les bases cohérentes qu’une méthodologie en recherche de création doit avoir24. Il est donc indispensable, à la lumière de ces constats, de revisiter nos modes d’exploration et de production et de donner le temps au corps charnel de vivre cette intégration qui mènera à l’émergence de nouveaux comportements performatifs.
Pour illustrer mon propos, voici quelques exemples de stratégies de déstabilisation que j’ai développées pour ces phases d’explorations.
4.2 Définition et principe de construction du «corps sonore»
Le principe du « corps sonore » est en lui-même une stratégie de déstabilisation. Lorsque je parle de « corps sonore », je me réfère en premier lieu à une dimension du corps qui est engendrée en temps réel par les danseuses, donc qui entre parfaitement dans un concept de chorégraphie élargie (référence aux philosophies orientales qui m’ont inspirée25) que je développe avec mes derniers projets.
Pour rendre compte de cette idée, les danseuses ont dû développer un sens élargi d’elle-même tant au niveau du mouvement, que de la production sonore en temps réel, ainsi que des relations que ces deux entités tissent étroitement entrent elles pour prendre forme.
Le « corps sonore » sur lequel je travaille est donc une émanation, une dilatation du corps réel qui en constitue une vibration à laquelle les performeuses se réfèrent sensoriellement pour composer la partition. J’insiste sur le fait que ce « corps sonore » n’est pas un double, mais bien une nouvelle manifestation du corps physique issue d’un apprentissage kinesthésique amené par l’influence de la technologie comme élément de déstabilisation extéroceptif. Bien évidemment, cette « transformation » de la nature même du corps demande un temps d’apprentissage et d’assimilation. C’est le produit d’une véritable intégration modification qui mène à une forme de transformation de soi.
Ce qui me semble intéressant, c’est qu’en travaillant sur le « corps sonore » je peux intervenir – pour la renouveler – sur la sensorialité et sur l’aspect perceptuel des danseuses. Cela m’amène, d’un côté à abandonner des modalités de composition déjà expérimentée; de l’autre, il permet un approfondissement vers la construction d’un geste en continuelle en transformation. Dans ce cadre, la sensorialité se réorganise, l’intériorité est médiatisée, car c’est cette intériorité qui s’est modifiée, qui est évolutive, qui est en transformation par la relation de déstabilisation que l’extérieur technologique amène. Cette modification de l’intériorité par sa médiatisation permet un renouvellement de la perception du geste et du corps en mouvement qui se déplace dans l’espace. C’est un des éléments qui nous permet de sortir de la « sclérose chorégraphique » (Bernard, 2001).
C’est d’ailleurs à mon avis, un des aspects, mais non le seul, les plus importants du travail sur les technologies: renouveler son organisation perceptive pour engendrer des nouvelles partitions du geste. Mais ce n’est pas tout. Cette même dynamique amènera l’évolution, et donc la création d’autres types de comportements performatifs tels que les modifications de projection scénique que j’ai pu expérimentées et auxquelles je fais référence dans ce texte telle la « diffraction » et la « molécularisation ». Selon moi, les technologies doivent renouveler l’expérience de la corporéité. Donc en travaillant sur la dimension du « corps sonore », on intervient dans un processus de renouvellement sensoriel qui passe par un travail sur le geste et sur le « processus de fiction » ou de projection performative. Ce renouvellement sensoriel ne peut s’acquérir qu’à travers un travail pratique sur une durée prolongée de temps.
Pour sa part, Enrico Pitozzi témoigne de l’effet de transformation que ce processus provoque. Selon lui, ce travail avec le « corps collectif charnel et sonore » déclenche le passage d’un concept de représentation à un concept de transformation. Il écrit dans Archée (décembre 2009)
« Dans ce contexte, on peut affirmer que ce processus de travail sur le corps sonore redouble la dimension empathique entre le performeur et le spectateur. En autres termes, il y a – à certains niveaux – une relation empathique étonnante entre le performeur et le spectateur. Nous sommes dans une sorte de « cannibalisme du geste » opéré par le spectateur. Le spectateur regarde, et sa perception a un écho directement dans sa corporéité. Le corps sonore spatialisé dans la salle immerge directement le spectateur dans le mouvement qu’il est en train de voir. Ça, c’est la transformation qui intervient directement dans la redéfinition de l’organisation perceptive du spectateur ».
4.3 Le «corps collectif» comme stratégie de déstabilisation
Selon Sylvie Crémézie (1997, cité dans Louise Boisclair, 2007), différentes esthétiques du corps ont émergé selon les époques : rappelons « le corps rebelle (Isadora Duncan), le corps barbare (Vaslav Nijinski), le corps mystique (Ruth St-Denis), le corps dynamique (Doris Humphrey), le corps chtonien (Mary Wigman), le corps pulsionnel (Martha Graham), le corps articulé (Merce), le corps tactile (Steve Paxton), le corps fluide (Trisha Brown)».
Dans cette création, j’ai travaillé sur l’idée du « corps collectif ». Par rapport à ma recherche sur l’intervalle, le « corps fluide » et le « corps tactile » m’intéressent plus particulièrement en tant que source d’inspiration. À cela, j’ajouterai deux autres types d’esthétique du corps, soit le corps que j’identifie comme introspectif (Butoh) et le corps collectif (Lygia Clark)26. Selon Louise Boisclair, mes recherches tendent à développer une autre esthétique, soit « la trans(e)danse » expression qui lui est propre, composée de la contraction : transe, trans (évoquant la transdisciplinarité de mes recherches et travaux corporels), danse et (e) pour énergie, électronique, élasticité et électricité.
Boisclair qualifie le « corps collectif » sur lequel je travaille de « corps larvaire ». Ce corps en est un du genre « collectif résonnant » (je fais ici référence aux théories de Rolnik), nourrit par les stratégies des pratiques somatiques pour permettre à la fois le renouvellement de la kinesthésie et de l’extéroception. Boisclair utilise l’expression corps larvaire dans le sens d’« embryonnaire ». Elle écrit :
Ce qualitatif ne s’adresse pas aux corps dansants individuels plutôt énergétiques et malléables. Il s’adresse plutôt à ce corps élargi sonore, à l’état naissant, inchoatif, inachevé, toujours en quête de développement et d’équilibre. Ce corps larvaire, créature d’un corps élargi sonore, représente un état de gestation fluidique en mouvance perpétuelle…
Et ajoute :
le regardeur intériorise l’oeuvre, en pleine perte de repères, dans un espace mental et corporel élargi par cette captation. » Les technologies telles qu’utilisées faciliteraient « l’apparition d’une créature à la fois physique et numérique, visuelle et sonore, corps collectif de corps individuels connectés en un corps élargi sonore, comme s’il devenait le miroir des échanges invisibles entre les êtres humains dans l’intimité des corps physique, énergétique, cinétique d’une part, numérique et sonore d’autre part27.
4.4 La lenteur, comme stratégie d’appropriation des changements proprioceptifs
Une autre stratégie de déstabilisation liée à mes stratégies d’appropriation de changements kinesthésiques consiste à délinéer un nouveau type de temporalité, surtout en ce qui concerne le mouvement dont une certaine lenteur, pratiquée parfois jusqu’à l’immobilité, donne l’idée d’un temps suspendu. Cette stratégie me permet d’inclure la réorganisation du corps dans un flux de mouvement plus précis et composite, fait de contact et de division, mais aussi où le corps individuel perd sa place prioritaire à l’intérieur du développement de la performance. Ce qui m’intéresse, c’est la mise en place d’un autre type de temporalité : une temporalité collective qui n’est pas liée à un seul corps et donc à l’articulation d’un seul mouvement, mais plutôt à la construction et à la relation de plusieurs mouvements et de temporalités complètement différentes qui peuvent soit aller à l’unisson, soit se diversifier, se rencontrer et se séparer. Cette temporalité est reliée au mode d’auto-organisation corporelle que j’utilise et qui a des parentés avec la stratégie du mouvement transitoire de Trisha Brown, ainsi qu’avec une radicalisation de la démarche de Paxton en s’appuyant sur ses techniques de « corps tactile ». Dans mon travail, je pousse les techniques de Paxton jusqu’à une obsession hypnotique du contact mettant en résonance diverses temporalités dans un même processus de déplacement.
Je trace donc une trajectoire dans la matière. Ce processus se trouve acquis pendant certaines expériences avec les technologies. Je dirais même que cela pourrait permettre le renouvellement de la trajectoire dans la matière du corps, du son et de l’espace. Le niveau auquel je fais référence est celui de réussir à comprendre et à écouter tous les passages et les transformations sensorielles que les technologies permettent de développer, et cela à différents niveaux d’intervention. C’est encore une fois un travail d’organisation de la sensorialité, donc de la kinesthésie. Ensuite, cette modalité d’écouter et d’apprendre par le mouvement dans le corps doit être portée à l’extérieur, et transmise au spectateur.
4.5 La proximité, comme stratégie de déstabilisation
Le « corps collectif », cette masse de corps dont je parle et sur laquelle je travaille est une certaine modalité pour reformuler la forme du corps. La proximité spatiale entre spectateurs et performeuses sert, entre autres, à décomposer la forme du corps dans le flux du mouvement collectif. Nous sommes donc à essayer différents modes de réception (pour le public) de ce « matériau sensoriel ».
Lors de cette dernière phase, j’ai placé les spectateurs très près des corps, soit à moins d’un demi-mètre. Ceci a eu comme effet de faire perdre la fonction analytique du spectateur. Celui-ci ne pouvait plus analyser et comprendre le corps d’une façon habituelle (comme si le corps était seul ou debout par exemple). J’ai également travaillé ce « corps collectif » en étant inspiré par le travail sur la « dé-hiérarchisation » de la représentation du corps chez Hans Bellmer28.
Selon le témoignage des spectateurs29, ils se sentaient dans ce corps, interpellé par cette entité complexe30. L’effet immersif, empathique, donc de reconnaissance psycho-corporelle était souhaité et se produisait pour la majorité d’entre eux31.
4.6 Une approche intégrative
Pour contrer les problèmes reliés au réductionnisme, au dualisme et au matérialisme que la pensée occidentale a introduits, il est nécessaire de développer une pensée dite intégrative. Selon Mae-Wan Ho (1930), Roy Ascott ([1966-67] 2003), Arthur Koesthler ([1968] 1972), Jack Burnham ([1968, 1969] 1973) et Carlos Augusto Moreira Nobrega (2009), la pensée intégrative32 serait une autre modalité de pensée. Tous s’entendent pour dire qu’il est essentiel de se réapproprier la complète participation de ce qu’ils nomment le « knowing being: intellect and feeling, mind and body, spirit and intuition » (Ho, 1993, p.13). Bien qu’ils développent leur argumentation dans différents champs que le mien, leur argumentation est intéressante, car elles s’imbriquent dans un contexte de plus en plus transdisciplinaire.
Comme principale approche de recherche avec les danseurs, les chercheurs et les concepteurs, je propose de stimuler une pensée de type intégrative en mettant en place une stratégie de libre association qui a des points en commun avec celle d’Ascott ; cette dernière ayant été conçue dans le contexte d’un programme innovateur de formation en art. Les principaux éléments de cette stratégie, qui impliquent le travail pratique enrichie par des réflexions théoriques, inclus la création d’un environnement polémique qui engendre des questions et soulèvent des problèmes, plutôt que de proposer des réponses absolues. En rassemblant un groupe dynamique de penseurs créatifs provenant de différents domaines (scientifique, performance/danse, architecture, design, musique, arts médiatiques, théoriques, et caetera), l’intention était de pouvoir créer une situation où le groupe critique, apprend et teste les éléments de cette polémique autour du processus créatif, et ce, dans un contexte interdisciplinaire.
Cette stratégie implique également le décloisonnement d’une hiérarchie disciplinaire ainsi que la création d’un environnement syncrétique (lieux et personnes venant de différentes cultures, ayant une vision et des références au monde différentes). De plus, il implique de prendre en considération d’autres types de littérature capable de générer de nouvelles idées (tel que Bataille ou Rolnik, par exemple), ainsi que l’analyse, le contact et l’échange avec les principaux acteurs dans le champ des pratiques performatives contemporaines intégrant la technologie. Dernièrement, l’approche intégrative implique une interaction organique d’éléments impliqués dans l’acte créatif, et un accès à des équipements/ressources technologiques sur une période prolongée, supportée bien évidemment, par un accès au financement pour réaliser l’ensemble des opérations. Cette dynamique produira de nouvelles idées. Elle amènera également le développement d’un apprentissage qui alimentera la création de nouvelles aptitudes.
4.7 Une méthodologie évolutive – un outil de création
Les différentes étapes de la recherche-création ont été réalisées dans un processus par phase, celles-ci expérimentant l’évolution du processus créatif (phase #1-2005, phase #2-2006, phase #3-2007 à 2008) et prenant la forme d’un laboratoire où les expressions artistiques sont modifiées par l’expérience de la modification de la corporalité33. Lorsque je parle de la modification de la corporalité dans ce contexte, je parle de la corporalité du performeur, des concepteurs et des théoriciens qui participent aux laboratoires. Dans cette approche, j’implique les théoriciens dans le processus artistique, dans une recherche à risque au même titre que les concepteurs et performeurs. Les théoriciens qui ont été choisis ont ceci en commun : ils m’ont contacté pour étudier ce travail artistique dans le cadre de leurs activités universitaires ou comme critique culturel. Ils constituent maintenant un groupe de recherche que j’ai initié pour examiner les questions autour des questions des nouvelles scènes performatives contemporaines impliquant les technologies. Ils font tous partie du groupes de recherche Performativité et effets de présence, et ont fait partie du Groupe SCÈNES : Systémique, complexité et nouvelles écritures scéniques et de Presence in contemporary artistic scene (qui ne sont plus fonction actuellement); et ils ont tous une certaine pratique physique. Il y a donc, pour eux, un espace de résonnance corporel lorsqu’ils assistent aux expérimentations et qui les guide lors des sessions d’exploration théorique que j’organise après chaque présentation de mon travail. Avec cette méthodologie, j’applique la complémentarité des intelligences telle qu’étudiée par Howard Gardner ([1983] (2006)) et Daniel Goleman ([1995] (1997)).
Les fonctions des théoriciens dans ce groupe de recherche consistent à générer des rétroactions critiques et à agir en tant que chercheurs dans une dimension complémentaire et, selon moi, cannibaliste à la pratique (et vice versa). Il faut dire d’emblée que même si ce processus n’est pas encore achevé dans sa structuration, j’ai pu constater que ce qui était le plus intéressant n’était pas les résultats des réponses aux questionnaires (aux questions ou aux objectifs que je m’étais posés), mais bien ce qui avait été créé inconsciemment. La pratique et la théorie dans ces cas se devançaient et s’influençaient dans un ordre impossible à établir. Elles ont agi l’une sur l’autre dans une communion de différents courants qui se contaminaient et s’influençaient créativement. Ici, les théoriciens sont chercheurs au même titre que les artistes le sont. C’est dans cette relation de recherche mutuelle, avec différents outils complémentaires, que leur participation devient si pertinente et puise sa source dans l’essence de la notion de l’influence cannibaliste. Selon moi, cette méthodologie peut constituer un outil pour enrichir l’expérience créative. C’est un processus d’exploration créatif extrêmement riche, utilisé intuitivement dans un premier temps, et qui est actuellement dans une étape de structuration. Mon intention est de voir comment les processus de création mis en place peuvent être compris et transmis dans la logique de la recherche évolutive qui m’intéresse.
Un des buts de cette méthodologie est de travailler la matière créative comme la matière vivante. Je veux travailler avec une matière qui se transforme, qui évolue et qui provoquera, je le souhaite, des phénomènes émergents. Il s’agit d’une dynamique du vivant, où la notion de finalité n’aura aucun sens, mais où, justement, ce sens aura l’intérêt d’être de l’ordre de la transformation, de l’évolution et de l’expérientiel. Je crois que cette méthodologie est un travail sur l’être plutôt que sur le faire. Il a comme ambition de prioriser les éléments ontologiques, de saisir l’essence pour s’adonner à une « alchimie du réel ».
5. Conclusion
Cette méthodologie vient appuyer la perspective défendue dans ce texte, soit celle des nouvelles scènes performatives contemporaines, et propose comment l’intelligence kinesthésique, lorsqu’elle est réintroduite et revalorisée dans le processus cognitif, requestionne et redessine la nature même de la cognition. Elle appuie ce que j’avance, à savoir que cette réintégration passe par des processus d’apprentissage qui auront un impact sur les principes évolutifs et émergents de l’être humain. Cette dynamique transversale et intégrative crée un contexte où les modalités sensorielles sont hyper stimulées. Cette exacerbation amènera un enrichissement et une transformation de notre perception. Des auteurs tels Pitozzi et Quinz, amènent cette idée de transformation de la perception dans un contexte qui concerne le corps physique et performatif34.
L’exploration de nouvelles relations entre la somatique et la technologie ouvre tout un autre champ de connaissance qui est nécessaire à la compréhension des changements que j’invoque dans ce texte, dans lesquels le corps physique est irrémédiablement impliqué. Suite aux réflexions qui ont eu lieu à la Somatics and Technology conference, j’ai pu constater à quel point le travail des postmodernistes Américains avait jeté les premières pierres de mes explorations. Le présent est donc en transformation. L’espace performatif est, sans aucun doute, une réponse à ce futur.
Notes
[1] Christine Buci-Glucksmann est une philosophe française et professeure émérite à l’Université Paris VIII où elle enseigne l’Esthétique du Baroque, du Japon aux arts numériques.
[2] Quinz, est un historien de l’art. Docteur en esthétique, il enseigne actuellement l’Esthétique des nouveaux médias à l’Université Paris VIII.
[3] Pour une analyse plus développée de ce point sur l’interface, vous référez à l’article :
Isabelle Choinière, « The interval as a new approach to interfaces: toward a cognitive and aesthetic paradigm of communication in the performing arts », The Point of Being, dans Derrick De Kerckhove & Cristina Miranda de Almeida (Eds.), New Castle upon Tyne, R.U..: Cambridge Scholar Publishing, 2014, (Chapitre 4) pp.103-146. ISBN (10): 1-4438-6038-7, ISBN (13): 978-1-4438-6038-3.
[4] Parallèlement à ces prises de conscience, ainsi que sous l’influence de Roy Ascott et de son groupe de recherche le Planetary Collegium dont je fais partie, j’ai été mise en contact avec différents domaines d’étude sur la technologie (nanotechnologie, la biotechnologie, la neurotechnologie, et caetera). Ces différentes approches ont nourri ma réflexion. Même si elles ne sont pas directement applicables à ma recherche, elles ont changé radicalement ma manière d’aborder la technologie. Elles m’ont amenée à redéfinir la relation à la technologie dans mon travail.
[5] La kinesthésie comprend la proprioception. Si la kinesthésie est le sens du mouvement, la proprioception elle, concerne plus strictement le sens de la posture, la pression et les organes internes.
[6] Se référer au point 4.5 pour un développement de cette idée.
[7] Ces expérimentations ont été documentées. Une phase de rencontre suivait chaque présentation de phase et les spectateurs, les théoriciens ou critiques artistiques présents lors de ces phases ont été interviewés et certains, filmés. Des articles documentant les résultats de ces phases ont été publiés dans des revues spécialisées et sites de recherches. Les résultats de ces entrevues ont été publiés dans ma thèse de doctorat. Louise Boisclair et Enrico Pitozzi sont deux chercheurs participants à ma méthodologie qui ont beaucoup publié sur mon travail. La phase #2 et #3 qui concerne plus directement cet article ont été présenté à Hexagram (Montréal) en automne 2006 et au Centre des arts d’Enghien (France) en novembre 2006-phase #2-, et au Centre de développement chorégraphique Le Pacific (Grenoble-France) le 3 mai 2008 et à Tangente (Montréal) du 3 au 5 juin 2008-phase #3-. Cet article est issu, en grande partie, des constats de ces différents échanges. Pour un témoignage de cet effet de déstabilisation et de perte de repère, vous référez à l’article de Louise Boisclair dont je fais mention au point 4.3. Louise Boisclair, « Isabelle Choinière de Corps Indice ; Autour des Demoiselles d’Avignon », Inter, art actuel, ‘Espaces Sonore’, Québec, no. 98 (hiver 2007), pp. 52-56. Consultez également la section 4.2 pour le témoignage d’Enrico Pitozzi et son article dans Archée : Enrico Pitozzi « Espace stéréoscopique pour corps sonore. Conversation avec Isabelle Choinière », Archée-périodique électronique, (décembre 2009)/Projets, section entretiens, Montréal, Canada. http://www.archee.qc.ca/ .
[8] La forme de présence que je nomme « molécularisation » est une forme de présence que j’ai développée dans ma première création Communion. C’est une modification du « processus de fiction », et elle équivaut à la sensation d’un corps en état de dilatation. Le performeur, s’imagine et ressent, les molécules de son corps étaient dispersées dans l’espace et constituant un corps que je nommerais élargi ou dilaté et qui correspond aux théories taoïstes dont je fais mention à la note 26. L’image visuelle que j’utiliserais pour décrire cette sensation est un environnement vidéo immersif de pixel électronique. Cet état de présence a d’ailleurs été expérimenté et développé par moi, immergé dans un environnement de pixel vidéo et dans le désert tunisien dans le contexte de la création de Communion lors d’un voyage d’un mois pendant ce processus de création.
Lorsque je fais mention du travail de Guattari et de Deleuze, je me réfère à la notion hiérarchique qu’ils ont de concevoir le corps (Deleuze & Guattari, 1980). Je ne me réfère pas à leur notion de molécularisation qui est différente de la mienne. Le phénomène de molécularisation que j’ai développé repose sur l’expérientiel. Mon concept s’ancre dans sur une cognition qui repose sur les pratiques du corps, cognition que je défends dans ce texte. En ce sens, le principe de molécularisation que Deleuze développe est fondamentalement différent de celui que je travaille, car il est fondé par une compréhension plus intellectuelle du monde. Selon Sasso et Villani (2003) « la révolution deleuzienne en philosophie repose sur la molécularisation de tous les sujets et de tous les objets, devenus émission et brouillard de singularités ».
[9] Une manifestation qui m’est spécifique, du « processus de fiction » dont Michel Bernard fait référence (2001).
[10] Première version créée en 1995, elle a cessé d’être modifiée en 2000.
[11] Première version créée en 1999, elle a cessé d’être modifiée en 2005.
[12] Le corps est sur scène et il occupe un espace précis dans l’espace physique. La mémoire et l’imagination, quant à eux, sont des éléments qui se projettent à l’extérieur. C’est la corporéité imaginée. La projection se produit donc hors de l’ici (Pitozzi 2008a). Dans les entraînements que j’ai pu avoir lors de ma formation pré-universitaire et universitaire, le mode de projection imaginée pour lequel on nous entraînait était une projection vers le devant, vers le public de la scène. Lorsque je parle de l’essence de cette présence, je me réfère à ce processus de corporéité imaginée, mais également à cet entraînement et à son potentiel d’évolution que j’ai exploré durant mes créations depuis 1994. Enrico Pitozzi (2008a) explore diverses configurations de cette corporéité imaginée et développe l’idée de la gradation de la présence. Dans ce texte, je présente un développement soumis à l’effet des environnements technologiques de cette corporéité imaginée. Je les nomme : la « molécularisation » et la « diffraction ».
[13] Dans le point intitulé « Le corps est la maison: Sexualité, envahissement du ‘territoire’ individuel », Lygia Clark décrit la phase sensorielle de son approche, nommée Nostalgia do corpo en ces termes : « Maintenant, le corps est la maison. C’est une expérience communautaire. Il n’y a pas de régression, car il y a ouverture de l’Homme vers le monde. Il se relie aux autres dans un corps commun. Il incorpore la créativité de l’autre dans l’invention collective de la proposition »… « Mais chaque expérience était individuelle et risquait de se refermer sur elle-même, tandis que maintenant elle est à la fois personnelle et collective, puisqu’elle est sans cesse reliée à celle des autres, au sein de la même structure polynucléaire » (Celia Luz, 1975; Suely Rolnik & Corinne Diserens, 2005).
[14] Buci-Glucksmann fait son analyse artistique ici surtout du point de vue de l’architecture.
[15] Rolnik est une critique culturelle, psychoanalyste et professeur à l’Université de Sao Paulo, Brésil, où elle dirige un programme de doctorat sur la question de la subjectivité contemporaine.
[16] Conférence qu’elle a prononcée à Sao Paolo, Brésil en 2006.
[17] Diana Gromala a publié sa thèse qui a pour titre : Towards a Phenomenological Theory of the Visceral in the Interactive Arts: Diana Gromala, « Towards a Phenomenological Theory of the Visceral in the Interactive Arts », thèse doctorale, Plymouth, Royaume Uni: University of Plymouth, version du 15 juillet 2007. The Term « visceral refers to the cardiovascular, respiratory, uro-genital and especially excretory systems that affect mind and body on a continuum of awareness ». Selon elle: « The Visceral is mentioned in the field of interactive arts, but is remains systematically unexplored and undefined. Further, interactive artworks predominantly focus on the exteroceptive (stimuli from outside) rather than the interoceptive (stimuli arising within the body, especially the viscera) senses » (2007, p.03).
[18] Selon Enrico Pitozzi (2008a), Gourfink travaille sur une dimension très subtile de la présence qui implique un processus de visualisation intérieure. Cette présence active son processus de dislocation en soi-même, conduit à percevoir chaque partie du corps ; la ligne de tension interne aux mouvements est privée d’interruptions rythmiques, elle n’a pas des variations, mais seulement des modulations. Gourfink parle de son travail ainsi : « Il est nécessaire d’activer une perception diffuse pour focaliser l’attention sur l’ongle du pouce….(O)u, encore, trouver un trajet dans le corps pour repartir et s’arrêter sur le talon à droite, sur la peau, et puis écouter le poids remonté dans un flux à l’intérieur de la jambe, et aller dans la chair…Ces déplacements sur lesquels je me suis concentrée dans ce passage, sont complètement soutenus par la respiration et seulement cet aspect très important du mouvement met en jeu la question de la présence comme modalité de perception globale du processus de composition et de déroulement du mouvement dans l’espace » (2008b).
[19] Pour une analyse plus développée de ces points sur l’intervalle et les trois paradigmes développés, vous référer à l’article que j’ai écrit en 2014 et dont la référence se trouve à la note 3.
[20] Une approche plus récente de la notion d’interface est présentée par Christine Buci-Glucksmann (2001, 2003). Elle propose la transition de la culture des objets à la culture du flux et présente ainsi l’idée d’une fluidité qui remet en question les anciennes frontières entre le corps et l’esprit. Si cette idée de fluidité n’est pas neuve en art médiatique, Buci-Glucksmann a l’intérêt de la présenter via le concept du Mâ et d’intervalle. Elle définit ces concepts comme un espace instable, un espace où les frontières se défont : « …Par opposition à toute une pensée de la forme en Occident où la forme, c’est la plénitude, la finalité et ce qu’il faut atteindre », elle a rencontré, principalement en Chine et au Japon, « l’idée que le virtuel était l’actualisation d’une force et donc que le virtuel était du côté de la puissance de la forme et qu’il fallait mettre fin à une sorte de cécité à l’égard du transitionnel, du microscopique, du passage des arts. » (Buci-Glucksmann, 2003).
[21] Le concept du « cannibalisme culturel » a été en premier invité par Oswaldo de Andrade dans le Manifesto Antropófago (1928) (Cannibal Manifesto en anglais). Le concept se réfère au moment où, dans l’histoire de la formation de la culture brésilienne, il y a eu un processus de « cannibalisation » des autres cultures. Ce « cannibalisme culturel » correspond à un mécanisme d’affirmation culturelle qui voulait contrer la domination du post-colonialisme européen. C’est une forme d’appropriation culturelle. La référence au concept du cannibalisme auquel je me réfère est davantage celui de Suely Rolnik (Rolnik Anthropophagic Subjectivity 2007a) qui le développe dans son potentiel de contamination, d’intégration et de transformation ontologique.
[22] Lors du colloque Performativité et effets de présence organisé par l’Association canadienne de la recherche théâtrale / Congrès 2010 des sciences humaines, tenu à l’Université Concordia à Montréal le 30 mai 2010, en réaction à ma position, certains participants ont contesté ces hybridations méthodologiques prétextant qu’un mode méthodologique tel que la phénoménologie ne peut se compléter à celui d’un mode scientifique, car ils seraient dans une forme d’opposition. Les constats relativement récents de Fortin (2009) et Godard (cité par Kuypers, 2006) nous confirment que cette innovation sur le plan méthodologique est maintenant reconnue par le milieu de la recherche ainsi que par le milieu universitaire.
[23] Voici une description schématique des étapes pour créer le début du « corps collectif physique et médié »:
• Accroupie au sol, appuyée sur leur épaule et figure, j’apprends à chaque danseur à respirer dans différents endroits dans le corps (nuque, dos, fesses, et caetera);
• Ensuite, je les mets en groupe (cinq). Ils ont la contrainte de rester en contact (collés) aux autres, sur le plus de parties de leur corps possible;
• Je leur demande de communiquer entre eux grâce à leur respiration qu’ils font promener dans différentes parties de leur corps. Ensuite de se concentrer sur la résonnance de cette respiration dans leur corps, donc d’entrer dans un état proche de la méditation et, dans tous les cas, dans un état introspectif; ensuite de prendre conscience de cette nouvelle entité collective, et de faire surgir un micro mouvement de ces respirations, donc que ce mouvement se passe collectivement et non pas individuellement; je leur demande d’explorer de petits changements dans l’espace, très petits, et d’expérimenter cet espace collectivement;
• Ensuite de créer un petit spasme dans une des parties de leur corps en contact avec un des autres performeurs; de réagir aux spasmes des autres (ils le feront dans la partie du corps qui est en contact direct); ensuite de créer une série de petits spasmes dans différentes parties de leur corps en contact avec un des autres performeurs; puis, je leur demande que la réaction aux spasmes des autres se passe dans d’autres endroits du corps que celui qui est directement en contact;
• Quand ces informations sont intégrées, je les entraîne à certaines méthodes vocales, sans micro; ensuite, je les entraîne avec un micro, mais sans effet ni spatialisation; j’ajoute certains effets progressivement et ensuite certaines spatialisations. Je leur demande de prendre le temps de repérer le son dans l’espace, de sentir la différence dans le corps;
• Je les remets en groupe et nous expérimentons la même séquence des spasmes, mais avec les micros donc le son transformé ;
• Ensuite, j’ajoute la spatialisation et on refait le même processus ; je leur demande alors de réagir à leur corps médié, donc le son généré et transformé en temps réel, et d’explorer leur déplacement collectif en fonction de ce corps sonore;
• Ensuite de complexifier le rythme collectif en ajoutant aussi les différents types d’accents vocaux; je leur demande ensuite de complexifier les sons produits, d’y ajouter des gémissements (lorsqu’ils ressentent de la douleur), des paroles, de petits chants;
• Je leur demande ensuite d’explorer le mouvement horizontalement dans un plus grand déplacement, mais toujours avec la contrainte de rester complètement (le plus possible) en contact avec les autres; ensuite verticalement; je leur demande d’intégrer les deux;
Ils perdront les acquis d’avant, au niveau vocal et concentration-interprétation, je les ramène un à un et je prends le temps qu’ils les intègrent et soient capables d’être créatifs avec chacun d’eux (c’est un signe d’intégration).
[24] Selon Burns (2009), une méthodologie de création doit reposer et refléter, dans un premier temps, les atavismes, les appartenances, l’histoire, les rites de l’artiste dans l’art, et ceux-ci, en fonction de sa discipline et de ses paradigmes. Selon Laflamme, la méthodologie utilisée devrait refléter les paradigmes de recherche création qui se construisent selon la discipline du chercheur et « conséquemment, en fonction des paradigmes artistiques auxquels son travail de création fait référence » (Laflamme, 2009, p.60). Les modèles méthodologiques présentement utilisés dans le domaine universitaire pour l’étude des pratiques artistiques sont ancrées dans d’autres paradigmes qui sont complètement différents de ceux des arts performatifs dans les nouvelles scènes contemporaines intégrant les technologies et où il est entre autres question du corps charnel et médié. La grande majorité des auteurs (Ascott, 2006; Pavis, 2005; Le Coguiec, 2009; Fortin, 2009; Burns, 2009; Gosselin, 2009; Poissant, 2009) en sont donc venus à la conclusion qu’il était indispensable d’innover en matière de méthodologie en recherche création et que les artistes chercheurs devaient donc inventer et proposer d’autres types de méthodologies conséquentes à leurs disciplines et leurs pratiques artistiques.
C’est la position que Roy Ascott a tenu, entre autres, pendant trois sessions de séminaires doctoraux du Planetary Collegium qui ont eu lieu à l’University of Arizona College of Fine Arts, Tucson, Arizona, États-Unis, à l’University of Plymouth à Plymouth, Royaune Uni et au S.E.S.C. / Premio Sergio Motta de Arte e tecnologia, Sao Paulo, Brésil durant l’année 2006.
[25] Je fais référence à la notion d’interconnectivé et de conscience globale que les théories taoïstes m’ont inspirées par ces premières lectures (Capra, 1985), et enrichies par la suite de différentes autres lectures sur les cultures orientales (Bucki-Gluckmann, 2001, 2003; Ho, 1993; Gunji, 1985). La perception du monde inscrite dans mon processus relève de la pensée orientale qui présente le monde intérieur et le monde extérieur comme deux aspects de la même étoffe – et qui remettent en question la notion même de surface, de frontière corporelle – dans laquelle les fils de toutes les énergies et de tous les phénomènes, de toutes les formes de conscience et de leurs objets, sont tissés en une trame continue de relations infinies et mutuellement conditionnées. Cette prise de position remet en cause plusieurs choses et engage une redéfinition de la notion de limite, de temps et de réalité. L’expérience du corps enrichie par des entrainements de diverses cultures m’amène à une expérience de l’intériorité qui conduit à des états de conscience élargie.
[26] L’origine et les principes sous-jacents au concept du « corps collectif » viennent du Brésil et ont été développés, à ma connaissance, par l’artiste brésilienne Lygia Clark (1920-1988). Selon Guy Brett, critique qui a suivi l’ensemble de son oeuvre, ce concept serait relié à la notion de Canibalismo (cannibalisme) qui est, pour Lygia Clark, « like entering each other’s bodies ». Ce processus est « in the cradle so to speak of an experimental dissolution of the psycho-corporeal boundaries between people » (Brett 2004). Brett (2004) poursuit en affirmant que Clark, avec son travail, « was able to dilute the notion of surface, resolve the subject/object dichotomy and propose the experience of communication in models of dialogue, her work provides a point of clarity in the midst of this confusion and becomes ever more pertinent ».
[27] Louise Boisclair est une critique culturelle qui fait partie du groupe de recherche international que j’ai mis sur pied pour mes études doctorales. Ses réflexions et conclusions sont issues de cette méthodologie transdisciplinaire et intégrative que j’expérimente dans le croisement évolutif de la pratique et de la théorie. Elle était présente à la grande majorité des présentations des phases de travail. Ce groupe de travail a beaucoup écrit pour témoigner et participer à la méthodologie à laquelle je les conviais.
[28] J’ai été inspiré seulement par l’aspect sur la « dé-hiérarchisation » du travail de Hans Bellmer et non pas par les autres aspects tel que son approche de l’érotisme ou de la perversion.
[29] Vous référer à la note 7.
[30] La quasi-nudité des danseurs, leur hyperproximité et mixité ont également joué un rôle de déstabilisation important dont les divers spectateurs des phases de travail ont témoignés. Le format de cet article ne me permet pas de développer sur l’aspect de la nudité et de l’érotisme que j’ai développé dans ces expérimentations.
[31] Vous référer à la note 7.
[32] Le verbe intégrer, selon sa racine latine integrare, prend tout son sens dans sa racine latine médiévale qui est « rendre complet » (Petit Robert 1, [1967] 1981) ou « rendre entier » (Centre national de Ressources Textuelles et lexicales, 2012).
[33] Le présent texte traite principalement de la phase #3 qui a eu lieu lors de ma résidence au Centre de développement chorégraphique de Grenoble, en France au printemps 2008. Précisons que je n’ai fait appel à Dominique Besson et à son équipe que pour l’exploration concernant cette phase 3.
[34] Ces nouveaux auteurs, tels que Pitozzi, ont d’ailleurs étudié mes méthodes et créations pour développer certaines de leurs idées. Cet article a été publié en premier en 2013 en anglais par Intellect Journals dans « Journal of Dance & Somatic Practices », pour le numéro spécial « Somatics and technology », sous le titre For a methodology of transformation: at the crossing of the somatic and the technology, to become other…, Intellect Journals, vol. 5, no 1, 2013, pp. 95-112. Ensuite il a été traduit en portugais et publié en 2015 par le magazine en ligne « CENA » sous le titre Para um metodologia da transformação: no cruzamente entre o somático e o tecnológico, para tornar-se outro…, CENA, no 17, Porto Alegre: Programa de Pós-Graduação em Artes Cênicas/Universidade Federal do Rio Grande do Sul, Brésil. Archée a maintenant le plaisir d’en diffuser pour son public une version française.
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