« La lecture, qui était en Occident basée sur le déchiffrage d’une synthèse de la parole, pourrait devenir le déchiffrage d’une synthèse de la réalité. » (Isabelle Petit, f9).
D’entrée de jeu l’auteure pose les bonnes questions, à savoir « …comment communique-t-on avec du multimédia, en quoi ce nouveau média modifie-t-il nos pratiques de communications ? » (f1).
L’attrait du multimédia ne réside pas dans la multiplicité des modes d’expression mais dans la possibilité » d’interagir avec des données » en provenance de diverses sources. C’est donc d’un point de vue pratique que l’auteure aborde le multimédia. Conséquemment, le multimédia se définit ici d’abord comme une consultation interactive. Une activité cognitive comparable, sous toute réserve, à la lecture d’un livre.
Cette activité cognitive, qu’est la consultation interactive, n’est pas, contrairement à ce qu’on pourrait croire, un effet du multimédia sur notre culture mais, plutôt, une réponse à une demande émergente. Le besoin d’interagir précède la mise en place des modes de consultation interactifs.
Isabelle Petit englobe donc cette activité de lecture multimédiatique dans la sphère générale de la communication. Cela nous amène à des considérations fort intéressantes qui touchent, entre autres, une dimension transculturelle inédite. En effet, l’hybridité des formes de communications pourrait conduire à une communication plus performante.
En prenant exemple des différences entre l’écriture alphabétique (la nôtre) et l’idéographie (asiatique), l’auteure relève les différences fondamentales entre ces deux modes de lecture et de comportement consultatif, le premier étant fondé sur la parole, le deuxième reposant sur une évocation directe du réel. Partant de là, elle dégage les spécificités de la consultation interactive du type multimédiatique.
Dans l’esprit de cette étude, la lecture est entendue comme une activité de construction sémantique élaborée par un sujet historique. Cette activité de lecture comporte trois étapes principales dont l’une consiste à « saisir l’information perceptive » (f3), soit ce qui est perçu avant le décodage. Le traitement perceptif diffère selon qu’il s’agit de l’écriture alphabétique ou de l’idéogramme. L’idéogramme propose une image directement signifiante alors que l’écriture alphabétique doit être phonétiquement traitée avant d’accéder au sens. Des opérations mentales qui diffèrent dans l’un et l’autre cas. Le multimédia propose quant à lui un espace hétérogène dans lequel il peut y avoir des signes immédiats (perceptuels : couleurs, sons, mouvements, etc.) ou des signes abstraits (lecture alphabétique, icônes). Parmi ces signes hétérogènes, les icônes seraient les plus complexes.
Le processus d’adressage est une autre étape dans la lecture. Il s’agit ici du contexte graphique de l’application multimédia. Chaque application a son propre lexique de signes permettant à celui qui consulte de naviguer. Mais il nous incombe de déduire le sens et les fonctions du lexique proposé par l’application. C’est pourquoi, selon Isabelle Petit, l’efficacité » du pictogramme vient davantage de sa richesse mnémotechnique que de ses qualités signalétiques. » (p.f5). En somme, l’identité de l’adressage (le signe visible) vise à nous rappeler ses caractéristiques fonctionnelles plutôt qu’à pointer vers des images analogiques. Autrement dit, la connaissance des signes pictographiques s’acquiert à l’usage, elle n’est pas définie dans le signe (ou immédiatement lue dans le signe).
Une troisième étape, la syntaxe. Dans l’espace du multimédia, c’est l’interaction qui construit la syntaxe et le sens, il n’y pas de construction préalable, comme c’est le cas avec l’écriture alphabétique, en effet, sans le code de la langue française par exemple, il est impossible de déchiffrer le sens. De plus, la syntaxe interactive n’est pas applicable à d’autres lieux d’apprentissage. » Il s’agit d’une activité effective. » (f6). Le processus d’acquisition de l’information est transitoire et non essentiel à la compréhension. Cet amalgame entre la syntaxe interactive et la quête du sens conduit l’auteure à affirmer que :
L’acquisition multimodale des connaissances, fondée sur l’interaction, aura, selon Isabelle Petit, des répercussions sur nos stratégies de lecture, sur notre façon d’évaluer nos états ainsi que sur notre conception du temps. Un savoir mobile et mobilisé par l’interaction engage une dynamique dans laquelle il » n’y a plus de savoir réifié. » (f13).
Bibliographie
– Petit, Isabelle, «La consultation interactive: une nouvelle logique cognitive», Revue Degrés, Penser le multimédia, no 92-93, hiver 1997 – printemps 1998.
– Hillaire, Norbert, L’Art, le Temps et les Technologies, CICV sous Publication Prospectives.