Un compte rendu de l’article de Bernard Lamizet. » Les structures de la communication multimédiatée « . 1998. Revue Degrés, no 92-93, d1 à d34.
Contrairement à l’approche d’Isabelle Petit (voir les articles complémentaires ci-bas), fondée sur la consultation interactive dans ses ressemblances et différences avec les modes de lecture alphabétique et idéographique, Bernard Lamizet explique la consultation interactive par quatre types d’opérations.
Énonciation, structuration, navigation et intégration.
Il s’agit des opérations langagières d’énonciation (texte, son et image), des opérations de structuration de l’objet multimédiaté (le concept de l’objet multimédia avant la consultation), des opérations combinatoires produisant la multimédiation (la navigation) et des opérations d’intégration soit les directions choisies par l’utilisateur et le sens qu’il accorde à cette démarche de consultation. L’auteur appuie son discours en prenant pour étude la consultation du cédérom du journal Le Monde, L’histoire au jour le jour.
Dans le jargon sémiotique, il est coutume de parler de destinateur et de destinataire, établissant ainsi une ligne droite de l’un à l’autre, à l’image du téléphone par exemple. Je parle, tu écoutes et inversement. Ce modèle d’échange est qualifié de linéaire. Or, pour Lamizet, le multimédia présente deux destinateurs. Le premier étant le responsable de la publication (les concepteurs de l’objet multimédia), l’autre étant l’utilisateur lui-même car il devient son propre destinateur. Il s’auto-informe par l’entremise de ses propres choix consultatifs. Il se destine des informations. En ce sens, l’auteur dira que l’interactivité « n’est qu’une figure de lisibilité, et, en aucun cas, une forme d’énonciation. » (d6).
Cette figure de lisibilité est qualifiée de polyphonique. Ce contexte polyphonique propre au multimédia se distingue du contexte spatial (lieux) et du contexte temporel (situations) de la communication, car le cédérom est un complexe d’informations « unifié et structuré par la multimédiation elle-même » (d9).
La navigation, pour sa part, est centrale puisque c’est par elle que l’objet multimédia se constitue. Pour Lamizet, la navigation a deux fonctions. L’une participe aux déplacements effectués entre les informations, l’autre construit la cohérence de la navigation. Évidemment, cette dernière est directement liée à l’effort intellectuel et à la pertinence des actes du consultant (ou l’opérateur). La cohérence de la navigation n’est pas liée à l’objet navigationnel mais à une opération mentale d’interprétation ou, selon les termes de Lamizet, à un métalangage de la navigation. L’auteur reprend une expression du psychanalyste Lacan pour illustrer l’aspect méta de cette deuxième fonction de la navigation, cette fonction aurait pour but d' »élucider les défilés du signifiant« .
L’articulation entre les différentes informations comporte un aspect sémiotique, syntaxique et pragmatique. Les structures de l’articulation (les opérations de déplacement) génèrent une syntaxe progressive. Les relations significatives générées par cette progression relèvent de la sémiotique, ceci conduit à cela et conséquemment produit du sens entre les deux. Sur le plan pragmatique, l’articulation multimédiatique fait apparaître « la complexité caractéristique de l’information et de la signification » (d15).
Ce dernier point s’avère important car le multimédia agit comme un révélateur. Non seulement la progression varie-t-elle selon le consultant mais elle génère une compréhension implicite des structures de la communication. Cette transparence, à laquelle nous seront sensibles à différents degrés, apporte une dimension révolutionnaire dans le concept d’apprentissage. Compte tenu de la souplesse de la consultation multimédiatée, Bernard Lamizet compare l’articulation sémiotique de ce type de consultation à « une forme d’esthétique de l’information » (d17).
« La C.M.M. (la communication multimédiatée) s’inscrit dans une logique de consultation, et non dans une logique de lecture. Cela signifie que l’usager n’est pas dans une situation de découverte, comme dans la mise en oeuvre traditionnelle de la lecture, mais dans une situation de construction de la signification et de l’information. » (d17).
Le concept d’intégration est défini par trois plans : la conception du cédérom (le contenu de l’information polyphonique), l’intégration commutée en cours de consultation (soit la liaison substitutive entre les données, l’une remplace l’autre et ainsi de suite) et, en dernier lieu, l’intégration sémantique (ce que vous en retenez, soit la relation symbolique).
Le nouveau langage de l’information se caractérise selon Bernard Lamizet par quatre données majeures : (1) la pluralité de la lecture et de la consultation, (2) l’interculturalité suscitant une ouverture au monde, (3) les nouvelles formes documentaires et, enfin, (4) le statut différent de la mémoire et de l’archive. En effet selon l’auteur, la « mémoire et l’archive ne sauraient désormais ni se limiter à l’investigation d’un passé révolu, ni se légitimer par la seule autorité de la source documentaire qui les fait apparaître. » (d33).
L’auteur en conclut à la nature transversale de l’esthétique informative du multimédia. En somme, l’abord multimédiatique s’ordonne dans une esthétique qui profile l’information. Cette dimension esthétique est très importante parce qu’elle autorise un accès multivarié. Les données n’en sont pas altérées pour autant, mais la perception de l’événement produit par la consultation diffère selon le consultant. Il y aurait beaucoup de métaphores à élaborer à partir de la forte relativité du parcours consultatif.
La conclusion reviendra dans cet esprit à Einstein :
Bibliographie
Russ, Sandra Walker, Affect and Creativity : the role of affect and play in the creative process, Hillsdale, L. Erlbaum, 1993, 136 p.