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Critiques

Evergon : intimité d’un moment de pose XXXL

Alors Socrate s’assit et dit : « Il serait à souhaiter, Agathon, que la sagesse fût quelque chose qui pût couler d’un homme qui en est plein dans un homme qui en est vide par l’effet d’un contact mutuel, comme l’eau passe par l’intermédiaire du morceau de laine de la coupe pleine dans la coupe vide1.

C’est dans une nouvelle série d’autoportraits/accompagnés – jumelés à de jeunes modèles masculins – qu’Evergon présente neuf photographies de grande dimension à la Galerie Trois Points, habituée au travail de l’artiste – mise en scène théâtrale et jeux d’accessoires –, ces photographies, ont de particulier, qu’elles questionnent l’origine du désir homoérotique à travers des références aux œuvres de grands maîtres du patrimoine imagier homosexuel.

Inspirées de représentations visuelles provenant de l’Antiquité à la Renaissance italienne, ces photographies « sacralisent », en quelque sorte, les modèles qui les ont inspirés. Elles ne sont pas des copies, précisons-le, mais des hommages – les titres l’indiquent – soulignant l’audace de ces maîtres anciens qui, en leur temps, défièrent, par le truchement de l’art, l’expression de leur homosexualité.

En puisant dans ce répertoire d’images « qu’on n’ose nommer », Evergon réactualise : Endymion, David, Bacchus, etc. qu’il modélise, selon des normes de présentation basées sur son expérience personnelle. Par souci de reconnaissance et de filiation identitaire, il réinterprète ces images « cultes » de l’histoire de l’art occidental en établissant un dialogue avec ceux qui ont su paver l’histoire d’homoérotisme.

De la transgression des vertus de la moralité à la remise en cause des modalités de la représentation photographique l’artiste s’engage dans un cheminement de retrouvailles, tel un pèlerinage : « In these most recent images of myself with another, there is an attempt to reclaim ones beauty and sexuality, and to regain control of ones own environment »2. En cela, tel un mot d’ordre, d’ignorer cette démarche saurait faire fi des conventions qui ont modulé l’hétéro-normativité, insidieusement intériorisée, dans l’art et ce serait, par le fait même, omettre d’objectiver les modalités du médium photographique en ce qu’il témoigne clairement du projet d’intentionnalité de l’artiste : re-signifier le désir/plaisir gay dans l’histoire. En témoigne le choix des images citées, le titrage des œuvres, critiquant la hiérarchie des genres artistiques3, aussi bien que l’intitulé : XXXL4, moquant dans sa diversité d’interprétation le « Bigger is better » : « le 8 pouces et + gagne à coup sûr ! »