Cette suite photographique, inspirée par les débordements de la Richelieu à Saint-Jean et dans les environs en 2011, propose de recréer symboliquement le trajet d’une déambulation dans les espaces naturels et privés et de témoigner des actions et des gestes qui ont assuré la sauvegarde des maisons en péril, d’un point de vue personnel, en tant que riveraine ayant vécue un tel déchaînement des éléments.
Dans les photos prises au moment de la montée des eaux, on peut voir des scènes cauchemardesques de maisons englouties sous la Richelieu, des riverains, à bord d’embarcations diverses, allant chercher des secours parmi les animaux fluviaux et forestiers, aussi inquiets et désemparés qu’eux, et une équipe de bénévoles monter des digues de sacs de sable.
Dans l’installation (présentée à partir du 17 au 27 octobre) on pourra voir, entres autres, le sous-sol de la maison transformé en usine ou en laboratoire avec ses dizaines de mètres de tuyaux, ses bacs, ses fenêtres devenues aquarium et ses pompes faisant des gloussements et des chuintements en tous genres ainsi qu’une vidéo montrant la démolition d’une maison voisine.
Ce projet invite à expérimenter de façon proxémique une situation difficilement imaginable ; il se veut un acte de sensibilisation face à la nature outragée par les changements climatiques, en même temps qu’une expérience esthétique polysensorielle, provoquée par la dislocation des espaces naturels et citadins, mais aussi par la beauté et la richesse des territoires de la Montérégie.
J’ai pris ici le parti de ne pas montrer l’aspect dramatique de désolation et de ruine des lieux inondés mais de capter des moments furtifs éclairés par les lumières de l’aube et du crépuscule pour recréer ce lien avec la nature. Des éléments insolites semblent surgir, parfois de façon fabuleuse, tout comme les situations vécues, elles-mêmes étonnantes mêlant violence et quiétude.
L’aspect formelle des photos s’apparente au chaos de l’événement : la structure de l’organisation des espaces, rappelant le format des fenêtres du sous-sol qui conditionne le regard et fragmente les images de façon spéculaire, vise à centrer la vision sur ces rares moments en tentant d’éliminer la notion de hors champs qui dévierait le propos vers d’autres interprétations De même, le rendu impressionniste, expressionniste ou surréaliste juxtapose le flou, le net et une pixellisation affirmée entre les bleu cyan et outremer, les magenta et terre d’ombre brûlée illuminant le ciel, l’eau et la terre, dans le sens d’un work in progress où l’imagination n’a de cesse de faire évoluer le réel, cherchant une réconciliation possible entre la nature et les humains.
Je tiens à remercier particulièrement Madame Hélène Archambeault m’avoir si généreusement fourni plusieurs documents visuels qui ont servi en parti à la réalisation de ces images et bien sûr à tous les bénévoles venus de partout nous aider à sauver nos biens dans cette lutte contre les éléments.
Passant de la photographie à la vidéo ou aux installations, les œuvres de Christine Palmiéri interrogent les mythologies et les événements qu’elle rencontre dans le quotidien, qui hantent les êtres et habitent les cultures. Artiste multidisciplinaire, elle présente ses productions dans de nombreux pays à travers le monde où elle est souvent invitée comme artiste en résidence à donner des conférences et à réaliser une production, notamment au Mexique, au Brésil, en France ou encore en Italie. Elle s’est méritée plusieurs Bourse du Conseil des arts de Montréal, du Conseil des arts et des lettres du Québec, de la MRC du Haut Richelieu, de Culture Montérégie, des Fonds FCAR et du CELAT. Christine Palmiéri détient un doctorat en études et pratiques des arts et une maîtrise en art visuel. Membre de plusieurs groupes de recherche, elle enseigne dans des universités francophones et anglophones. Elle a aussi publié des essais sur l’art et des recueils de poésie de même que de nombreux textes critiques et littéraires en revue. Elle dirige la revue en ligne Archée consacrée aux arts numériques.
On peut voir actuellement une de ses photos murales à Saint-Lambert et plusieurs de ses œuvres sur son site christinepalmieri.com