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Paysage, animisme et technologie : Nymphaea Alba (Partie 1)       

Partie 1

Nymphaea Alba Ballet est une série de performances que nous préparons depuis 2011 et qui associent un corps dansant en public (Pascale Weber), une flotte intelligente de structures robotisées et un environnement de projections visuelles (rediffusion et captations en temps réel) réalisé et orchestré par Jean Delsaux.
Nous présenterons dans cet article l’origine de ce work in progress, les premières phases présentées en France et à Taiwan, les questionnements que cette oeuvre nous permet de formuler et qui la nourrissent, ainsi que les étapes à venir.
Mais avant tout ce projet est celui de Hantu, le duo que nous avons fondé comme réponse à une commune volonté d’ « ouvrer » de conserve, de creuser ensemble l’inconnaissable qui borde et sépare deux êtres explorant ensemble un même monde. Nous travaillions déjà ensemble sur nos projets lorsque nous avons fondé ce duo. « Hantu » est un mot indonésien qui signifie « fantôme » : nous voulions affirmer que notre activité artistique procédait avant toute chose d’un décentrement, d’une affirmation puis d’un débordement de nos expériences sensibles, esthétiques individuelles.
Nous parlerons parfois à la première personne du pluriel, parfois en notre nom propre, par souci de ré-ancrer nos propos dans une expérience du corps et du regard qui bien que partagée ne peut être qu’individuelle.

©Hantu, 2014.

1. L’origine du projet

Tout d’abord, il y a ce rêve curieux, poétique et effrayant, que nous avons tenté de dépasser en modélisant quelques mois plus tard un film d’animation 3D avec Owen Kevin Appadoo. Le film n’ayant pas épuisé le rêve, a suivi un projet de performances dans le paysage, des performances qui mettaient en coprésence des corps réels, celui des performers du duo et celui des spectateurs, et des objets robotisés doués d’autonomie de déplacement et de réaction, pour rejouer, poursuivre ou achever le songe survenu ce 11 mars 2011.

Nymphaea Alba Ballet, film d’animation (7’00). Réalisation 3D : O.K.A (©Hantu, 2013.)

a- L’expérience immersive du rêve, du film et du paysage

P.W. : «  Le 11 mars 2011, je rêve. Il est un peu plus de 22h16 à Paris et 17h16 à Fukushima. Je suis allongée sur le cœur doré d’une fleur, une sorte de Nénuphar banc. Quelque chose semble avoir changé. Je  m’assois sur le sol jaune et brûlant, de la fleur émane quelque chose d’effrayant1.
Ce rêve m’a impressionné par la richesse des différentes sensations de présence et de connivence avec la nature que j’ai ressenties en le faisant. Le rêve, une expérience individuelle que j’ai souhaité partager immédiatement au sein de Hantu avec cette certitude qu’il me fallait rendre compte de liens invisibles et déterminants. Bien sûr, ce songe a eu d’autant plus d’impact sur notre travail qu’il est survenu au moment de la catastrophe naturelle puis technologique, dont l’ampleur des conséquences est encore insoupçonnée pour l’écosystème, la vie, non seulement du Japon, mais de tout ce qui, par mer, par air, par échanges commerciaux et naturels, est de fait en relation avec ce lieu. La planète tout entière. »

Nymphaea Alba Ballet, film d’animation (7’00). Réalisation 3D : O.K.A (©Hantu, 2013.)

J.D. : « Hantu expérimente la mise en relation du corps, des corps – d’un artiste avec l’autre, des artistes avec les spectateurs- par l’oeuvre, par la perception de l’espace, appelant à une expérience du monde qui dépasse la seule représentation. Ce qui m’importe c’est la relation à l’autre dès lors qu’elle définit mon espace.
Dans mon travail, j’essaye de comprendre la relation entre paysage et territoire. La représentation, le paysage, tiennent de la carte postale, d’une projection sur un plan vertical, quand le territoire, lui, tient plutôt de l’horizontalité. Or notre expérience du monde ne se situe pas dans le plan, mais dans d’autres dimensions, plus nombreuses. Prendre des images, photo, vidéo, dans le jour ou l’obscurité, les projeter, les arranger, les diffuser en direct, me permet de rabattre l’image sur l’espace de la performance, de démultiplier, de diffracter celui-ci.

Nymphaea Alba Ballet fait, dans son titre, explicitement référence à la danse. Laban parlait dans sa tentative d’écriture chorégraphique, de l’espace défini par le corps en mouvement du danseur. Mais cette relation qui tentait de circonscrire le mouvement du danseur, l’abstrait finalement dans un espace mathématisé. Or l’espace n’existe que parce qu’un corps l’habite, mieux, que parce des corps le partagent : les expérimentations de Hantu consistent à éprouver, chacun à notre endroit, un espace que nous déclarons2 ».

Le film d’animation que nous réalisons présente un paysage imaginaire dans lequel huit structures flottantes en forme de nénuphars géants évoluent sur l’eau. Ces éléments de nature manufacturée semblent être en continuité avec la nature et permettent aux personnes de s’immerger dans leur environnement, de ressentir la faune, la flore, l’espace vital.
Le paysage imaginaire de Nymphaea Alba Ballet raconte la possibilité que nous pourrions avoir de vivre en symbiose avec la Nature, avec la Technologie, tout en dépassant notre regard anthropocentré. Les structures flottantes évoluent sur un lac de cratère, elles réagissent au comportement de leurs visiteurs. Des murmures se déclenchent lorsqu’ils s’allongent, lorsqu’ils s’assoient, s’ils se tournent, s’ils caressent la surface du sol. Il y a une rencontre entre les spectateurs et les fleurs, sensuelle, sensible, physique. Une rencontre de corps et non d’images, rencontre de soi avec soi, de soi avec le reste du monde (végétal, minéral, animal, humain, sauvage au sens étymologique celui qui habite la forêt).

©Hantu (réalisation 3D : K.O.Appadoo), 2012-2013.

Le film d’animation nous a inscrits d’emblée dans un nouveau rapport au temps. La vitesse du déplacement des structures que nous avions imaginé a été décéléré jusqu’à huit fois. Le monde des végétaux géants, arbres et fleurs, le monde minéral, évoluent dans une autre échelle de temps, celle de la promenade en forêt, au bord de l’eau, de la déambulation, de la découverte d’un lieu. Les fleurs du film changent subtilement d’aspect : aucune variation colorée, une simple modulation de l’opacité des pétales, qui permet au paysage d’apparaître ou de disparaître et à la fleur de se fondre ou se détacher elle aussi de l’environnement : nous pouvons ainsi moduler la présence de l’objet.
L’instant le plus émouvant probablement est celui de la parade amoureuse : deux fleurs se saluent ou saluent le public. La rencontre de deux corps, de deux entités, leur mise en relation est l’événement crucial de la chorégraphie de cette fiction narrative. Le film d’animation a donc permis de définir un environnement floral de synthèse et de planter pour ainsi dire le décor, mais également de simuler ce que pourraient être les mouvements des fleurs, déterminer leur vitesse en fonction non des capacités d’une machine mais de la poésie du lieu, du temps de la méditation.

Nymphaea Alba Ballet, film d’animation (7’00). Réalisation 3D : O.K.A (©Hantu, 2013.)

C’est en relation avec son corps, sa main notamment, que Owen Kevin Appadoo a construit l’animation. Après avoir fait un squelette pour un pétale et l’avoir dupliqué pour obtenir la fleur, il n’était pas satisfait du rendu réaliste de la modélisation, quant à la qualité de la sensation physique d’une fleur s’ouvrant, du rendu sensuel des pétales qui devaient donner l’illusion de leur fragilité. La fleur était rigide, son aspect métallique. Il s’est alors inspiré de ses doigts, qui mimaient une fleur en train de s’ouvrir. C’est à partir des trois phalanges de ses doigts et une souplesse hyperlaxe lui permettant d’obtenir une imitation de la fleur assez convaincante, qu’il a construit l’animation. 

Le film pose donc dans son élaboration même l’idée d’une continuité entre la nature, le végétal, notre corps vivant, vertébré et la technologie. 

b- L’environnement technologique

Après la réalisation du film, une phase de simulation nous a semblé nécessaire pour définir plus précisément :

• les comportements des structures (de telle sorte que l’on puisse identifier, interpréter leur mouvement et attribuer à chaque fleur une personnalité),
• l’interaction réelle des spectateurs (la relation possible entre l’individu et la structure), 
• notre place en tant que performers (la place de notre corps dans le dispositif, afin de concevoir ce que nous sommes habitués à faire : une performance publique).

Programme de simulation des comportements de la flotte (©Hantu/Institut Pascal)

Notre questionnement était le suivant : Comment les fleurs peuvent-elles être en interaction les unes avec les autres dans la réalité ? Que signifie que les fleurs soient dotées d’une autonomie décisionnelle qui permet, à l’échelle du réseau, une navigation globale autonome ? Quel type d’agencement chorégraphique est-il possible de concevoir avec des structures sophistiquées, nos corps en mouvement, une thématique grave qui déborde l’anecdote et notre engagement poétique ? 
Avec les chercheurs et développeurs d’un Institut de robotique et de vision et perception artificielles, l’Institut Pascal3, nous avons cherché à traduire une problématique artistique en termes de démarche technologique, c’est-à-dire à reformuler dans un langage informatique des comportements de corps vivants ou simulant des organismes vivants de sorte à les modéliser.

P.W. :  « L’immersion4 est une façon de transporter le visiteur là où il ne peut pas ou plus aller, à la façon des spectacles de fantasmagories, des dioramas de Daguerre ou des panoramas. Les dispositifs multimédia permettent d’agir sur le corps du spectateur, éprouvé ici par des infra-basses, là par une lumière intense ou des éclairs soudains, là encore par des variations colorées douces et lentes… mais ils offrent surtout la possibilité d’immerger le public dans un environnement sensible5 pour évoquer un lieu ailleurs dans l’espace ou le temps, un paradis perdu par exemple, celui d’un autre monde possible, celui de l’enfance, celui d’une contrée magique comme l’archipel indonésien où j’ai vécu enfant et dont certaines îles étaient encore coupées du monde moderne occidental au milieu des années 70, des lieux dans lesquels aucune distinction ontologique n’est opérée entre les humains, le monde animal et le monde végétal :  » les âmes (kecat ou simagere) peuplent l’environnement comme elles habitent tout être et toute chose. D’une certaine façon, le monde matériel et charnel constitué par l’ensemble des humains, des animaux, des plantes et des moindres objets possède un écho spirituel, cette sphère des âmes où se nouent et se dénouent des enjeux importants6. « 
Jean et moi sommes fascinés de constater dans les dispositifs multimédia immersifs la fluctuation de la présence des spectateurs, une présence en permanent exercice d’accommodation. »

Les propositions artistiques (performances, installations, photographies et films) de Hantu témoignent toutes d’une obsession de réaffirmer la présence du corps au sein du dispositif, de réaffirmer notre propre corps au sein du mécanisme de création et dans l’oeuvre. Un « je » qui cherche, au regard actif, au corps en mouvement, davantage qu’un je « égocentré » qui se raconte au public. Nous affrontons en tant qu’artistes et en tant que personnes la question de l’individualité : comment interroger la perception, la création autrement qu’à partir de soi ? Peut-on se situer ailleurs qu’au centre ? Jusqu’où peut-on se soustraire à l’anthropocentrisme pour dire ce lien invisible par lequel toute chose en ce monde est connectée ?

J.D. : « Le partage et la rencontre nécessitent que l’on assume pleinement chacun notre part de subjectivité et que l’on se transporte sans arrêt d’une échelle à une autre, pour prendre la mesure de notre présence et de notre appartenance individuelle au collectif, au genre Animal, à la manifestation du Vivant. 

Notre duo procède d’une coïncidence dans les démarches, les approches, les désirs à l’oeuvre dans le travail artistique : ici le corps partagé. Notre travail manifeste une présence dans un rapport à l’espace qui n’est pas un rapport de représentation. Je ne fais pas le portrait de Pascale Weber lorsque je la photographie, la filme, ou la traque avec une caméra infra rouge ou un flash dans l’obscurité, je rends visible. »

c- Du film d’animation à l’installation interactive

Le film a été présenté à Taiwan en octobre 2013 (à l’Université Chun-Chen à Chiayi dans le sud-ouest du pays dans le cadre d’un colloque sur le Paysage dynamique, puis à l’Université Centrale de Taipei). En marge de la projection, nous avons réalisé un acte symbolique, un lâcher de lanternes sur un plan d’eau. Pour cette performance publique, nous avons demandé au public d’écrire sur les pétales des fleurs en papier des noms de villes, que les lanternes symboliquement devaient protéger. 

©Hantu,Taipei, 2013.

P.W. : « Le lâcher de lanternes est une tradition asiatique. Je ne voyais dans cette action qu’un geste poétique et symbolique fort. Il m’a semblé difficile, en tant que française, de venir parler des fleurs de nénuphar ou de lotus en Asie, et d’évoquer la catastrophe de Fukushima alors que Taipei se situe à seulement 2000 kilomètres de là. Des spectateurs m’ont confié pourtant que le fait d’être invités par une étrangère à effectuer un geste traditionnel, opérés généralement en famille ou entre habitants d’une même localité, les avait interrogé sur leur identité asiatique. »

©Hantu, 2013.

Comme Owen Kevin Appadoo en a référé à son corps pour trouver des solutions techniques à la modélisation 3D, les informaticiens avec lesquels nous avons travaillés ensuite ont fait appel aux forces invisibles de la nature pour modéliser des comportements d’avatars et de robots (kheperas), pour rendre visible un comportement vivant. Nous nous sommes intéressés à la modélisation robotique réalisée dans une approche bio-inspirée par observation du vivant. 

• Dans le monde des plantes d’abord : les systèmes de racines témoignent des fonctions adaptatives essentielles incluant l’assimilation d’eau et de nutriments, l’ancrage au sol et l’établissement d’interactions biotiques à la rhizosphère. 
• Chez les insectes ensuite, dont les capacités perceptives et cognitives sont perçues parfois comme limitées, tandis que les insectes effectuent des tâches complexes : le transport de nourriture ou de matériaux entre un point et la fourmilière par exemple. 
• Dans la physique des corps en mouvement dans le cosmos enfin et c’est selon les lois de cette physique que les développeurs animeront dans un premier temps les fleurs dans leur simulateur. La physique des corps a permis en effet un retour de la poésie par la science : Équilibre des forces d’attraction et de répulsion, des fleurs, des piétons ou des bords du bassin, c’est le simple jeu de ces vecteurs modélisés qui organise le ballet des 8 corps en mouvement, freinés par la viscosité du milieu simulé, l’eau du bassin.

The dynamic landscape, déc. 2013, installation présentée à La Maréchalerie, Versailles. (©Hantu, Nymphaea Alba Ballet.)

L’installation The dynamic landscape présentée à La Maréchalerie à Versailles en décembre 2013 reprend, d’une part, le film réalisé avec Owen Kevin Appadoo et présente, d’autre part, le dispositif interactif conçu et réalisé avec l’Institut Pascal.Cette structure horizontale multi-écrans simule un plan d’eau interactif, elle permet l’interprétation de scènes extérieures, et notamment la compréhension du comportement interactif des multi-robots et de nouvelles approches pour la gestion non centralisée de leur comportement. Elle formalise les modèles cinématiques et dynamiques de robots, les méthodes d’évolution de ce système qualifié de système multiagents réactifs. Les trajectoires en effet ne sont pas programmées, ni leurs modifications successives, mais chaque entité réagit à l’ensemble selon des lois imitées de la gravitation des corps telle que la physique classique les décrit. L’ensemble ainsi évolue lentement, selon un mouvement collectif qui trouve son équilibre tant qu’il n’est pas stimulé. Les fleurs tournent lentement sur elles-mêmes et s’attirent et se repoussent à la fois. Cependant, dès qu’un spectateur qui arrive au bord du plan d’eau est détecté, il provoque, en particulier chez deux d’entre ces huit fleurs, un comportement que nous qualifierons de « curieux », elles se précipitent vers lui et rôdent autour de sa position pendant quelques instants, rompant ainsi l’équilibre de l’ensemble, tandis qu’une troisième « butine » se déplaçant de points d’embarquement possibles situés autour du lac, comme pour en vérifier l’état.

Plan multi-écrans présenté à La Maréchalerie, déc. 2013, Versailles. (©Hantu, Nymphaea Alba Ballet.)

Les scientifiques de l’Institut Pascal qui collaborent à Nymphaea Alba Ballet ont développé des outils, qui nous ont permis de dialoguer avec des fleurs modélisées : nous décidions de la vitesse, des rotations, de la fréquence et de la durée des événements, de l’inertie induite par l’équilibre de l’ensemble en l’absence de stimulus externe.
Une image vue sur un écran vertical d’ordinateur de 15 pouces sollicite seulement le regard, tandis qu’une image de 3 m de base se déployant au sol permet d’éprouver ce que provoque la venue vers nous d’une fleur tandis que l’on s’approche soi-même du « bassin ».
Les spectateurs de la Maréchalerie se sont postés autour de ce « plan d’eau ». Une fleur venait vers l’un d’eux, avec indolence, tandis qu’une autre s’éloignait, comme effrayée, qu’une troisième, poursuivait inlassablement son inspection systématique des bords et que les autres, un instant dérangées par ces intruses, reprenaient leur ballet nonchalant au centre de l’étang. Les spectateurs attendaient la venue vers eux de la fleur, déçus quand une sollicitation contraire, ou la fin du temps de « curiosité » voyait leur fleur s’enfuir vers ses comparses. Certains touchaient la « surface » de l’eau, ce qui justifiait le choix du mur d’écran, surface brillante et limpide, aquatique presque, bien d’avantage que ne l’aurait été une vidéoprojection de même taille. Il est essentiel que les spectateurs aient une relation à la matière de l’image, à sa nature. 

L’interaction que nous proposions dans l’installation n’en appelait à aucune compétence du spectateur, mais juste à sa présence, à son irruption, pour perturber l’équilibre du « système multi agents réactifs » sans jamais le « contrôler ».

d- Le spectacle-performance Nymphaea Alba Ballet

The dynamic landscape se décline en version « virtuelle » (multi-écran) et en environnement : un dispositif robotique à l’aide de kheperas, mini-robots qui se déplacent au sol, se déploient comme pourrait le faire une flotte de véhicules de transport intelligents entraînant chacun une fleur translucide et très légère, de plus de soixante centimètres de diamètre et une base de vingt-cinq centimètres de diamètre. Cet environnement robotique mobile nous permet de simuler le déplacement des Nénuphars dans un espace naturel, donc encombré.

©Hantu, 2013.

Car Nymphaea Alba Ballet est avant tout un projet de performance, de spectacle-performance. Les fleurs ont été imaginées au lendemain du rêve comme des structures de quatre mètres de diamètres environ, flottant dans un environnement aquatique réel et évoluant dans le cadre d’une chorégraphie pensée par Hantu, de la même manière que nous avions chorégraphié la traversée du Breakwater (juillet 2013), ou la dérive d’un corps flottant de la Plym jusqu’à son embouchure dans la mer (The Drift, performance finale prévue en septembre 2014) –Plymouth, GB.

Plymouth (GB), 2013.

The dynamic landscape, version kheperas est encore en cours de réalisation. Les robots nous permettent d’expérimenter des situations toujours plus tangibles, et d’imaginer une performance que nous chorégraphions peu à peu autour de questions comme la présence, la relation au vivant, le réseau, les interactions à distance. Le dispositif est constitué de plusieurs mini robots surmontés chacun d’une fleur de nénuphar. Un voile de lumière (réalisé avec des lasers) simule le plan d’eau et occulte les robots. Les kheperas sont dotées de systèmes de captation et de moteurs. Ils bougent réellement, mus par des moteurs asservis. 
L’enjeu pour nous de cette étape est non seulement de doter les kheperas de « caractères », de « comportements » identifiables, individuels, particuliers mais également évolutifs : faire par exemple que les robots, au cours de la démonstration, échangent leurs comportements respectifs, le robot « butineur » devenant « neutre », le « neutre » devenant « curieux », le « curieux » devenant « peureux » etc.

Avec ce nouveau dispositif, nous abordons enfin certains aspects concrets du ballet, qu’il s’agisse d’évoluer physiquement au  milieu d’une flotte de huit fleurs robotisées (Nymphaea Alba Ballet v.1) ou de réaliser une chorégraphie avec une seule structure flottante en forme de fleur, qui intègre à elle seule les huit personnalités des kheperas et qui soit à la fois plus imprévisible et plus complexe (Nymphaea Alba Ballet v.2).

Notes

[1] Je suis allongée sur le cœur doré d’une fleur, une sorte de Nénuphar banc. Le soleil chauffe ma peau, je sens ses rayons percer à travers les obstacles. J’écoute les bruits alentour, les oiseaux, le vent, la végétation… 
Au loin le bruit des moteurs et de la folle agitation. Quelque chose toutefois semble avoir changé. 
Je me relève en m’asseyant d’abord sur le sol velouté, épais, jaune. Brûlant. 
C’est le soleil. Le soleil a changé. 
J’ai très peur soudain et puis… je ne sais plus… 
L’histoire reprend là où elle a commencé, de la fleur émane quelque chose d’effrayant.

[2] « I don’t manipulate or play with space, I declare it » Barnett Newman, 1962, in Selected writings and interviews, ed Knopf, New-York, 1990.

[3] Labex UMR CNRS 6602.

[4] Le work in progress Immémorial (1996-2011) notamment a consisté en plusieurs installations multimédia conçues comme des espaces possibles d’expérience commune, collective, néanmoins vécue individuellement. Réalisé avec Jean Delsaux, Immémorial traitait du fonctionnement dynamique de notre mémoire, de son prolongement anticipateur avec notre imaginaire et du réseau signifiant que ces fonctions tissent en permanence. Pour ce projet j’ai archivé des séquences d’images animées et des séquences sonores afin de constituer une sorte de taxonomie de souvenirs communs, d’indices sensoriels le moins narratifs possibles et de proposer pour les spectateurs réunis dans un même lieu, une expérience, collective et individuelle à la fois, de réminiscence.

[5] … paramétré avec soin par un artiste.

[6] Hubert Forestier, Dominique Guillaud, Koen Meyers, Truman Simanjuntak, Mentawai, L’île des hommes fleurs, Romain Pages éd., p.56.