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Les particules élémentaires du geste: formes de cognition sonore - Conversation avec Isabelle Van Grimde | Corps secrets

Logique du corps articulaire : l’écriture chorégraphique

Votre pratique chorégraphique questionne les particules élémentaires du geste, les intensités du corps. Cette logique résonne déjà dans le titre de la pièce Pour quatre corps et mille parts inséparables (2000), elle est explorée dans Les Chemins de traverse III, IV et V (2006-2006) et elle revient dans d’autres œuvres. Quelle est votre approche dans la composition du mouvement ? Quel est le rôle de la perception dans votre vision de la chorégraphie? 

Comme je l’ai déjà souligné dans un livre récent sur mon travail1 je construis mon langage chorégraphique selon un modèle génétique. Je déconstruis et  reconstruis sans arrêt le matériel, je crée des hybrides : je revisite certains gestes ou mouvements qui proviennent d’une  pièce précédente en leur attribuant une nouvelle perception, une autre orientation et en les associant à des éléments inédits, ce qui crée une sorte d’évolution organique. D’une pièce à l’autre, j’ensemence le travail d’éléments neufs et, quand il y a de nouveaux interprètes, de  nouvelles consciences s’ajoutent ou se greffent à la pièce, selon un processus distinct qui répond aux directives du chorégraphe ou intègre de la matière gestuelle.

Le corps – tant dans sa qualité de matière première, de matériau malléable, que de corps pensant, sensible et intérieur – est au cœur de mon travail de création. Pour approfondir ce sujet fascinant, j’ai entamé en 2004 une recherche sur la perception du corps intitulée Le corps en question(s) qui est l’un des fondements chorégraphiques des projets courants de la compagnie. Cette démarche m’a permise d’approfondir ma perception du corps dansant en la confrontant à celle de spécialistes d’autres disciplines (artistes, scientifiques, philosophes et écrivains), par le biais d’entrevues sur la perception du corps humain réalisé dans cinq pays différents. Elles ont créé un foisonnement d’images et d’idées desquelles a émergé un « autre corps » dans mon travail chorégraphique : cette recherche sur les multiples dimensions du corps (physique, mécanique, sensorielle, émotionnelle, historique, sensorielle, etc.) m’amène à travailler le corps de façon beaucoup plus viscérale, primitive et sensible. C’est presque comme si je découvrais, à travers tous ces témoignages sur le corps, un langage qui touche justement au-delà des mots : un langage du corps d’avant le langage parlé et qui fait que l’on est capable de se comprendre mutuellement de manière instantanée avant de s’expliquer par les mots. 

Dans cette logique chorégraphique, je trouve que la décomposition de la forme du corps passe par un travail sur les articulations et les plans horizontaux, du bassin en particulier. À ce propos, vous parlez du corps primal et d’un travail décisif de la colonne vertébrale par rapport au sol. Pouvez-vous donner plus de détails, en prenant comme exemples Bodies to Bodies (2008-2009), Le corps en question(s) (2012) et Les gestes (2011-2013)? 

Bodies to BodiesLe corps en question(s) et Les gestes sont tout trois créés à partir du corpus chorégraphique issu de mes entrevues sur le corps. Deux visions du corps ont émergé de ces explorations. D’abord, celle du corps primitif, mû et lu par des parties de notre cerveau qui se perdent dans la nuit de l’évolution humaine, voire de l’évolution d’espèces antérieures. En studio, ça se traduit par une exploration de nouveaux points de départ dans l’impulsion des mouvements et dans la trajectoire de ceux-ci à travers le corps. C’est un corps segmenté, reptilien, viscéral, animal… Beaucoup de mouvements sont transposés au sol, créant une tension entre la position debout et les positions au sol. Ce corps primitif, dont certains sens semblent comme ravivés, donne au danseur une perception exacerbée de son corps, ce qui a un impact sur sa façon d’habiter le mouvement et sur sa relation à l’espace.

Paradoxalement, l’autre vision issue de ces réflexions est celle d’un corps du futur. Un corps propulsé par un cerveau binaire, constamment reprogrammé par un environnement technologique en pleine mutation. Cette tension entre corps du futur et corps primitif apparaît déjà dans la création-exposition Le corps en question(s) et est développée dans Les gestes. Comme si, justement, pour arriver à exister dans ce nouvel environnement, l’être humain doit puiser au plus profond de son corps des sensations, des forces et des impulsions ancestrales qui lui permettent de résister et de s’adapter.

Dans Saetta (2003),Vortex (2006) et Les gestes (2011-2013) pouvez-vous apporter quelques précisions sur : la question de l’ « anatomie » et son rapport avec l’espace. Cette question de l’anatomie, dans son étymologie grecque (anatomè), renvoie à des directions, des vecteurs, des forces qui tracent l’espace. Dans ce sens, considérer l’anatomie comme une stratégie opératoire signifie vectorialiser l’espace et multiplier les directions dans l’organisation des vecteurs corporels. Comment concevez-vous la relation corps-espace dans vos pièces?

Selon ma vision de la composition, la forme c’est le sens : l’architecture humaine est déterminante. Dans le même volume cité plus haut2 j’ai abordé ces aspects, en soulignant que le corps dans son rapport à l’espace extérieur m’a amenée pendant plusieurs années à créer des formes architecturales. Ensuite, j’ai progressivement perçu le corps de chaque danseur comme une architecture. Un espace interne qui dessine un espace externe.

À l’intérieur de ces corps/architectures, des espaces sensibles se sont révélés, et il fallait les faire résonner de façon viscérale, primale, vibratoire, organique. Ce rapprochement au corps et à son humanité m’a progressivement éloigné d’une gestuelle architecturale pour m’amener à une approche à la fois plus viscérale et sensible du corps, à une étude de ses pulsions et tensions élémentaires. Il y a maintenant dans mon travail une tension, un contrepoint entre ce corps/architecture et ce qui l’habite, soit les tensions et pulsions élémentaires. La forme évolue pour faire vibrer la chair, tracer le squelette et résonner les particules. Je suis intéressée à la consistance dont cette forme est faite, par son contenu squelettique architectural, organique, vibratoire. Donc, la forme peut prendre plusieurs aspects et garder son sens. Les danseurs reproduisent ces formes dans une multiplicité de variations. Peu importe la variation qu’ils créent dans un contexte donné et selon la décision du moment, la signification profonde reste la même.

La cognition sonore du geste

Il me semble  – dans vos œuvres – que la relation avec le son anticipe la présence concrète de la musique ou des sons électroacoustiques. Je pense à l’attention que vous portez à la rythmicité organique du corps, ses accélérations, ses ralentissements, ses battements, ses coupures au fil de la respiration, par exemple dans Vortex et Bodies to Bodies. Pouvez-vous réfléchir sur votre rapport avec ces sonorités primaires?

Quand vous mentionnez  « la rythmicité organique du corps, ses accélérations, ses ralentissements, ses battements, ses coupures au fil de la respiration » ça me parle beaucoup, ça résonne profondément avec mon travail.Le corps a sa propre musique, et pour moi le concept de musicalité en danse n’est pas d’incarner une musique mais plutôt d’entretenir une conversation avec elle, de trouver les points de résonnance et de ruptures entre la musique inhérente du corps du danseur et celle proposée par les musiciens.

La musique est l’incarnation du temps, sa perception. Elle sublime le temps, l’anéantit et le dévore dans ses rythmes, l’étire, le répète, le déconstruit, le subdivise, le démultiplie.

Le son rend le temps et l’espace palpables tout comme le mouvement, pour moi, ce sont des incarnations différentes de la même chose.

Depuis que je m’intéresse à l’abstraction, la musique est devenue une puissante source d’inspiration. Elle ne me sert pas de trame sur laquelle je crée des pas. C’est la démarche des musiciens et des compositeurs pour penser et créer la musique et ses structures, plutôt que la musique elle-même qui inspire ma création.

J’ai étudié la musique étant enfant, mais surtout je vis avec un musicien depuis vingt-cinq ans et depuis le début de mon travail de chorégraphe, je collabore avec des compositeurs.

De ce fait, j’ai connu différents types de musique et diverses approches de composition et d’interprétation, des plus écrites et conceptuelles aux plus organiques et improvisées. Le fait de côtoyer ces musiciens et ces compositeurs  m’a habituée et entraînée à une perception différente de la musique et de l’art. J’ai cessé de toujours chercher l’histoire, le signifiant, ce qui se cache derrière la musique ou une œuvre d’art, et je me suis intéressée davantage à savoir comment c’est construit, de quoi c’est fait, au point de me rendre compte que la véritable histoire est là.

Cette perception différente de l’art et de la musique, en particulier, a été et est encore très libératrice et inspirante pour moi. Je parle de l’art, parce que je côtoie aussi des peintres, et ce qui m’a le plus frappée dans leur façon de regarder la peinture, c’est qu’ils sont bien plus intéressés par la genèse de la peinture qu’ils regardent que par ce qu’elle représente.

La relation avec la matérialité du son en scène est au centre de votre recherche. Duo pour un violoncelle et un danseur(2008-2009) est un exemple précis de cette logique et met en jeu votre collaboration avec le compositeur Sean Ferguson. Quels sont les principes qui règlent la relation entre le son et le corps dans cette œuvre?

Dans la pièce Duo pour un violoncelle et un danseur (2008) la musique  était captée, transformée et spatialisée en temps réel grâce à un instrument de musique numérique baptisé T-Stick et manipulé par un danseur.

Cette collaboration avec Sean Ferguson3 vous a menée ensuite à collaborer à la création d’instruments de musique numériques branchés au corps des danseuses, dont un instrument qui est un véritable dédoublement de la colonne vertébrale. Ce processus a trouvé sa concrétion dans Les Gestes (2011-2013). Pouvez-vous expliquer le processus de création qui est à la base de cette pièce et quelles sont les relations entre les états du corps en mouvement et la masse sonore spatialisée dans la salle?

Le nom de la compagnie – Corps Secrets ­– révèle à quel point les mystères que renferme le corps sont un  moteur de création pour moi. Inspiré par mon travail de recherche théorique sur la perception du corps, le design des instruments numériques opère une rencontre entre le corps primal dans lequel s’enracine ma gestuelle et une évocation de ce que pourrait être le corps du futur. Dans Les gestes, d’un bâton (le T-stick), on passe à des instruments dont les formes organiques épousent le corps des danseurs et bougent avec lui. Pour le danseur, avoir un impact direct sur l’environnement sonore crée un rapport beaucoup plus concret à la musique et noue une relation encore plus étroite avec le musicien. Prolongé d’une extension musicale, son corps devient instrument de musique et la chorégraphie se double d’une dimension sonore. Le choix de transposition d’un quatuor à cordes (ici violoncelle, violon et deux danseuses) n’est pas anodin : les préceptes de ce type de compositions prescrivent qu’aucun des instruments ne domine les autres, ce qui tend à favoriser l’équilibre recherché entre les forces respectives de la danse et de la musique.

Par ailleurs, en spatialisant le son, le danseur sculpte littéralement son espace, établissant ainsi un autre dialogue avec le public. Quant aux musiciens, ils développent eux aussi, à travers ce type d’expériences, un autre rapport à leur propre pratique, à leur propre corps, à la danse et à l’espace.

Les frontières disciplinaires sont d’autant plus poreuses que les musiciens peuvent aussi intervenir en direct sur la partition sonore et habiter l’espace d’une présence chorégraphique en délaissant par moments leurs instruments respectifs pour venir jouer des instruments numériques directement sur le corps des danseurs ou s’en saisir quand ils sont simplement éléments scénographiques.

Par exemple, tandis qu’un instrument épousant la colonne vertébrale souligne l’ancestrale mécanique neurologique du corps humain, celui en forme de visière préfigure les nouveaux pouvoirs dont ce même corps pourrait être nanti grâce aux nouvelles technologies. Loin de la froideur que génèrent souvent les environnements technologiques, Les gestes amplifie la physicalité des danseuses.

Il semble que, dans l’utilisation des technologies que vous faîtes, la relation avec la perception est primordiale : comment les processus de feedback sonore (entre mouvement du corps et retour auditif) ont-ils modifiés et réorganisés la perception du corps des danseuses? 

En prolongeant les mouvements via les sons dans l’espace, l’hybridation vivant/technologie donne une image de la résonnance de la musique dans les corps et offre de nouvelles pistes sur la façon de faire bouger les danseuses. Ces deux dernières témoignent de l’impact des instruments sur leur façon de danser : « Cette contrainte crée une expérience éminemment sensorielle qui nous oblige à trouver de nouveaux chemins pour accomplir les mouvements et à êtres plus concentrés et précis dans l’interprétation », commente la danseuse Soula Trougakos. « Elle nous rend encore plus sensibles et alertes à l’environnement physique, élargit notre conscience de l’énergie qui nous traverse et des limites corporelles extérieures, et nous conduit à pousser le corps vers de nouveaux territoires pour explorer les possibilités sonores », ajoute Sophie Breton, danseuse aussi.

Les gestes (2011-2013), Crédit : Foumalade, Danseuse : Sophie Breton Image
Les gestes (2011-2013), Crédit : Foumalade, Danseuse : Sophie Breton Image

Atmosphères audiovisuelles

Dans les dispositifs de vos productions, il y a un aspect que je trouve fascinant : le croisement entre certains éléments des installations audiovisuelles et la scène. Le projet Le corps en question(s) en est un exemple. Pouvez-vous le décrire dans ses axes principaux en parlant du déplacement de formats?

Ici, la danse, source première du projet, influence les arts visuels et médiatiques ainsi que l’écriture, ces derniers ont en retour une incidence sur le travail chorégraphique. En partant de la danse, on offre une expérience plus large au visiteur-spectateur, ouvrant ainsi de nouvelles voies à sa propre perception du corps et de la danse.

Le corps en question(s) est une création-exposition sur la thématique du corps qui questionne la façon dont les profondes mutations sociales, culturelles et technologiques des sociétés modernes affectent notre façon de le conceptualiser et de le lire. Elle s’appuie sur des recherches théoriques sur la perception du corps que j’ai réalisée entre 2004 et 2008 et sur le matériel chorégraphique qui en est issu.

Devenue commissaire d’exposition pour l’occasion, j’ai réuni neuf artistes et deux scientifiques, les invitant à transposer ces matériaux en œuvres visuelles et médiatiques, installations et essais écrits, la mise en espace visuel et sonore ayant été assurée par une architecte et un compositeur.

Des séquences chorégraphiques dansées par cinq interprètes, aux âges et formations variés font écho à ces créations. Elles interrogent l’avenir en plaçant le corps vivant en dialogue avec son génome, sa transposition numérique et sa dimension onirique. Elles mettent en scène l’être humain dans un labeur physique où les outils décuplent ses capacités physiques, cyborg originel par opposition au cyborg actuel branché sur des ordinateurs qui prolongent le mental, permettent de se projeter dans différents espaces et façonnent de nouvelles images du corps.

L’éclairage est – ainsi que le son et les corps – une forme qui dessine l’espace. Je pense à la ligne de lumière blanche qui traverse d’abord à l’horizontale, puis après en diagonal, le plateau de Les gestes, en divisant en deux l’espaces d’action; ensuite je me réfère aux carrés invisibles de Vortex qui délimite l’action des danseurs, jusqu’aux carrés de lumière dans Les gestes. Est-ce que l’éclairage est conçu comme élément de composition de l’espace? 

C’est exactement ça, je me sers de l’éclairage (Je m’implique beaucoup dans les conceptions lumière) comme façon de rendre l’espace concret et tangible. Dans mon travail, on n’éclaire pas les danseurs mais la lumière leur propose des espaces à habiter. La composition de l’espace rentre en conversation avec celle de la musique et de la chorégraphie. L’éclairage remplace la plupart du temps les décors, je m’en sers aussi pour transporter les interprètes et le public dans divers espaces.

Les Gestes (2011-2013)

Vos pièces portent toujours une attention à la dimension chromatique du dispositif. Dans Les gestes, par exemple, il y a des scènes où la couleur dominante est le bleu, mais aussi le rouge – déjà présent dans Bodies to Bodies comme indice de température de la scène – en passant pour une sorte de prisme de lumière qui découple le plateau. Quel est votre rapport à la couleur sur la scène, par rapport au geste et au son? 

Mes influences sont très picturales, le choix des couleurs n’a pas d’intention narrative ou même émotionnelle, mais je comprends que cela crée une incidence ou parfois un impact certain sur ces éléments. Quand je dis que mes influences sont très picturales c’est que au départ je me suis inspirée du travail de peintres tels que Francis Bacon ou Rothko mais comme je peins également, je réalise que je traite la scène comme un canevas et que mes pièces peuvent aussi être regardées comme des tableaux en « séries ». Et ultimement, comme avec le geste et le son, je me sers de la couleur pour créer des espaces, créer une architecture de l’espace.

Des corps à venir

Ailleurs, vous avez parlé du « corps du futur » en rapport aux perspectives ouvertes par les neurosciences et par la recherche technologique. C’est, à mon avis, un point essentiel de la recherche contemporaine, parce que ces perspectives impliquent une nouvelle connaissance du corps et de la perception. Seulement selon ce principe, les technologies deviennent utiles – dans la recherche sur la corporéité dansante – pour renouveler le geste et la présence du danseur. Vous avez exploré ces lignes directrices dans Le corps en question (s) et dans Les gestes. Pouvez-vous approfondir ces questions?

Je m’intéresse à la place réservée au corps physique dans un monde de plus en plus virtuel et à l’impact des ordinateurs sur nos processus mentaux et physiques. Je m’intéresse aux mystères du corps, à sa place, son statut et ses limites, à l’heure de l’omniprésence de la virtualisation, de la naissance des biobanques et des découvertes troublantes de la physique quantique.

Je crois que ces questions fondamentales doivent être abordées autant par les artistes que par les penseurs d’autres disciplines. La richesse de la réflexion sur ces sujets dépend de la multiplicité et des croisements des points de vue pas lesquels ils sont abordés. Ces échanges, qui ont le potentiel de renouveler la façon de voir et percevoir le corps, peuvent avoir un impact sur le renouvellement du geste et de la présence du danseur.

Le corps en question(s) (2012)

Dans quels chemins, encore inexplorées, pensez-vous aller tant sur le plan du développement de l’articulation du corps qu’au niveau de l’exploration des dimensions sonores ? Celles-ci comprenant l’exploration des technologies ?

Ma prochaine création est une œuvre pour danseurs et musiciens dans le passage à travers les âges allant de l’enfance à l’âge mûr, et leurs doubles virtuels respectifs qui occupent l’ensemble de l’espace scénique. Écrite dans un dialogue très étroit entre danse et musique, elle explore de diverses façons le devenir du corps physique dans un monde de plus en plus virtuel. Elle questionne la perception du corps et la notion de temporalité en multipliant les images du corps et en superposant plusieurs couches temporelles par le biais de projections et de traitement de l’image en direct. Loin de la pure démonstration technologique et de l’effet de style, le dialogue des corps vivants avec leurs doubles virtuels soutient plusieurs questionnements sur l’identité de l’être au-delà de la matérialité du corps physique. Cela implique aussi la place de ce corps dans un univers virtuel qui régit de plus en plus les communications, la représentation de soi et une présence au monde où les valeurs du temps et de l’espace sont totalement brouillées. Cette réalité est concrètement mise en scène dans cette nouvelle création, qui fera donc cohabiter simultanément différents âges et identités visuelles d’une même personne. Et, en plus de mettre en lumière les nouvelles dynamiques qui animent les relations entre nos identités physiques et virtuelles, elle remet en question notre perception de la réalité et notre vision linéaire du temps.

Saetta (2003)
Interprète / Dancer: Robert Meilleur, Chorégraphe / Choreographer: Isabelle Van Grimde, Photo: Cylla Von Tiedemann

Notes

[1] Van Grimde, Ce qui nous échappe et qui me fascine,  dans Dans in Québec, Concertgebouwcahier, Borgerhoff & Lamberigts, 2008. N.d.C.

[2]ibid.

[3] Et avec les concepteurs et développeurs d’instruments Ian Hattwick, Joseph Malloch, Marlon Schumacher sous la direction de Marcelo Wanderley de l’IDMIL – Input Devices and Music Interaction Laboratory de l’École Schulich de l’Université McGill.