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Démarche

Je considère les êtres biologiques comme comportant de facto une dimension électronique puisque leur existence physique est tributaire à la coprésence et à l’échange d’électrons. De même, les phénomènes naturels impliquant l’électricité, la radioactivité, toute forme d’énergie domptée ou indomptée, peuvent devenir matière à être(s) électronique(s).

Ce qui définit l’art, c’est la manière expérimentale que l’être active pour mobiliser ses relations et ses modes d’existence à même son milieu d’activité. Dans sa définition étymologique, le terme artévoque la connaissance, l’habilité, la maitrise qu’un être mobilise pour arriver à ses fins. Cette maîtrise qui caractérise l’artiste place le corps biologique au centre d’un processus dynamique : c’est grâce à l’électricité produite par le corps humain pour assurer sa propre existence que se génère une réciprocité entre lui et l’environnement. La pensée et les mouvements qui découlent de cette relation ont pour conséquence la production des objets techniques (dont font partie les outils électroniques). En ce sens, l’art «électronique» permet simplement de mettre les êtres en relations à travers différents réseaux visibles et invisibles qui composent le réel intangible.

J’ai commencé envisager «l’art électronique» de cette façon dès le milieu des années 1990. J’ai réalisé depuis plusieurs projets sans la présence d’objets techniques complexes, en soustrayant ce qui devait être au départ un dispositif électronique pour m’intéresser à la présence des êtres en tant tels. D’autres fois, j’ai développé des dispositifs permettant aux êtres de se manifester par la voie des technologies analogiques ou numériques. Cette dimension biopolitique et biotronique de mon corps en tant qu’être pensant me pousse à me le réapproprier à travers différentes actions furtives qui s’inscrivent «in socius» et/ou à même l’espace public. Par exemple à travers les travaux réalisés sous le pseudonyme de Saint-Thomas l’imposteur, je m’intéresse à la redéfinition du corps de du figurant comme être pouvant s’échapper des rôles que lui attribue l’hégémonie de l’image en mouvement en détournant sa construction à travers l’industrie de la télévision et du cinéma. De même le projet Ministère des affaires et patentes humaines, animales, végétales et élémentaires implique la transformation du milieu de vie biologique par la mise en commun de réflexions sur les conditions d’existence collectives dans un espace donné. Le partage avec les publics se concrétise à travers une appli permettant de donner un sens particulier à un parcours dans le centre-ville de Montréal pour constituer une proposition visant à transformer la réalité physique de la ville. La performance La langue qui suit, réalisée une quinzaine d’années plus tôt à Helsinki abordait des questions de même nature. L’espace public prend son sens à travers une poésie réflexive laquelle, si elle est vivante, sera toujours tributaire des mouvements électriques générés par les corps, par la pensée, par les êtres animés et inanimés et les relations d’échange qui permettent leurs modes d’existence.