{"id":1034,"date":"2017-02-01T22:11:07","date_gmt":"2017-02-01T22:11:07","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1034"},"modified":"2022-11-09T22:11:18","modified_gmt":"2022-11-09T22:11:18","slug":"fevrier-2017-entremeler-corps-et-technologies-des-vagues-perceptives-nouvelles","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/fevrier-2017-entremeler-corps-et-technologies-des-vagues-perceptives-nouvelles\/","title":{"rendered":"F\u00e9vrier 2017 – Entrem\u00ealer corps et technologies: des vagues perceptives nouvelles"},"content":{"rendered":"\n

Dans son ouvrage\u00a0Du mode d\u2019existence des objets techniques<\/em>\u00a0(1958),\u00a0Gilbert Simondon\u00a0\u00e9voque une m\u00e9connaissance g\u00e9n\u00e9rale des objets techniques. Selon lui, notre culture valorise les objets esth\u00e9tiques au d\u00e9triment des objets techniques car ces derniers sont incompris et donc rejet\u00e9s dans une sorte de x\u00e9nophobie. D\u00e8s lors, la culture stimule un double rapport de m\u00e9pris et de crainte\u00a0:<\/p>\n\n\n\n

\u00ab\u00a0La culture comporte ainsi deux attitudes contradictoires envers les objets techniques\u00a0: d\u2019une part, elle les traite comme de purs assemblages de mati\u00e8re, d\u00e9pourvus de vraie signification, et pr\u00e9sentant seulement une utilit\u00e9. D\u2019autre part, elle suppose que ces objets sont aussi des robots et qu\u2019ils sont anim\u00e9s d\u2019intentions hostiles envers l\u2019homme, ou repr\u00e9sentent pour lui un permanent danger d\u2019agression, d\u2019insurrection. Jugeant bon de conserver le premier caract\u00e8re, elle veut emp\u00eacher la manifestation du second et parle de mettre les machines au service de l\u2019homme, croyant trouver dans la r\u00e9duction en esclavage un moyen s\u00fbr d\u2019emp\u00eacher toute r\u00e9bellion\u00a0\u00bb (Simondon, 2012, p. 11)<\/p>\n\n\n\n

Il est bien question ici d\u2019un rapport d\u2019ali\u00e9nation, comme si, craignant de se soumettre aux machines, l\u2019\u00eatre humain d\u00e9ciderait de les mettre \u00e0 son service. Cette analyse soul\u00e8ve l\u2019un des probl\u00e8mes clefs de l\u2019\u00e8re des nouvelles technologies int\u00e9gr\u00e9es aux arts performatifs et permet de comprendre des d\u00e9marches radicales telles que celles de l\u2019artiste australien\u00a0Stelarc\u00a0qui s\u2019oriente vers un monde o\u00f9 le corps s\u2019efface devant la puissance des cyborgs et c\u00e8de \u00e0 la tentation de l\u2019hybridation homme-technologie. Nous pouvons malgr\u00e9 tout penser qu\u2019il existe des alternatives \u00e0 ce rapport binaire, \u00e0 cette confrontation permanente. Mais le probl\u00e8me d\u00e9passe celui de l\u2019ali\u00e9nation et nous pousse \u00e0 nous demander quels corps sont ceux de notre temps, quels corps nous d\u00e9sirons montrer. Les technologies parviennent-elles \u00e0 nous faire sentir, ou percevoir, des corps\u00a0sans les effacer, les d\u00e9former, les transformer ?\u00a0<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est l\u2019une des interrogations au c\u0153ur de la d\u00e9marche de la chercheuse transdisciplinaire, conceptrice m\u00e9diatique, danseuse et chor\u00e9graphe\u00a0Isabelle Choini\u00e8re\u00a0dans sa performance\u00a0Phase 5.\u00a0<\/em>Depuis 2005, elle a entam\u00e9 des recherches sur le corps collectif physique et sonore. Dans une d\u00e9marche tr\u00e8s ph\u00e9nom\u00e9nologique, elle d\u00e9sire trouver une harmonie dans le rapport entre corps performatif et technologies comme elle l\u2019explique dans le texte paru dans le num\u00e9ro d\u2019Arch\u00e9e<\/em>, en novembre 2016. Dans son travail, les technologies sont utilis\u00e9es en vue de faire \u00e9merger un espace immersif qui favorise la perception du corps. Nous ne sommes plus dans une logique d\u2019instrumentalisation ou d\u2019ali\u00e9nation\u00a0mais plut\u00f4t \u00e0 la rechercher d\u2019autres mani\u00e8res d\u2019exprimer le corps sous toutes ses formes \u2013 organiques et concr\u00e8tes ou bien mall\u00e9ables, \u00e9ph\u00e9m\u00e8res, insaisissables.<\/p>\n\n\n\n

Nous verrons d\u2019abord que sensualit\u00e9 et sensorialit\u00e9 sont convoqu\u00e9es dans cette performance qui rassemble cinq danseuses aux corps emm\u00eal\u00e9s, enchev\u00eatr\u00e9s, qui forment un\u00a0organisme collectif mouvant<\/em>\u00a0et \u00e9mouvant\u00a0<\/em>selonLouise Boisclair dans le Inter (hiver 2008). Entre chair, entrailles et respirations,\u00a0Phase 5<\/em>\u00a0nous donne \u00e0 sentir l\u2019intimit\u00e9 et l\u2019int\u00e9riorit\u00e9 d\u2019un (ou des) corps.<\/p>\n\n\n\n

Mais ce corps m\u00eame a quelque chose d\u2019\u00e9piphanique. Il appara\u00eet et s\u2019\u00e9teint, s\u2019\u00e9chappant sans cesse \u00e0 notre d\u00e9finition. Nous l\u2019apercevons clairement puis il s\u2019\u00e9vapore, flottant, imp\u00e9n\u00e9trable et inclassable.<\/p>\n\n\n\n

\"\"
Phase 5<\/em>, Isabelle Choini\u00e8re, Suyama Space, Seattle, Etats-Unis, Novembre 2016 \u2013 Photographie de Le\u00efla Cassar<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Face \u00e0 ces corps nus qui s\u2019\u00e9veillent et s\u2019\u00e9teignent, bougent en se contaminant, le spectateur peut \u00eatre l\u00e9g\u00e8rement d\u00e9sar\u00e7onn\u00e9 car dans\u00a0Phase 5<\/em>\u00a0la corporalit\u00e9, le charnel, l\u2019organique sont tr\u00e8s pr\u00e9sents sans pour autant que le corps soit clairement distinguable. Isabelle Choini\u00e8re nous donne davantage \u00e0 sentir qu\u2019\u00e0 voir. D\u00e9fiant notre analyse cognitive qui cherche \u00e0 reconstituer ce qui est disparate, elle nous plonge dans l\u2019intimit\u00e9 d\u2019une forme visc\u00e9rale. Tout d\u2019abord, les corps sont nus, mais pas expos\u00e9s, pas r\u00e9ifi\u00e9s. Ils s\u2019entrem\u00ealent de mani\u00e8re \u00e0 les rendre indistincts bien que leur nudit\u00e9 soit \u00e9vidente. Comme l\u2019explique Andr\u00e9a Davidson dans le texte paru dans\u00a0Arch\u00e9e<\/em>\u00a0en novembre 2016, cette d\u00e9stabilisation du cognitif transforme ces corps nus en corps asexu\u00e9s\u00a0:\u00a0<\/p>\n\n\n\n

\u00ab In creating the conditions and a specific mediated environment for establishing an empathic sensory relationship of bodies-to-bodies, lsabelle Choini\u00e8re develops strategies that both deflect the cognitive act seeking to identify a pure choreographic form or narrative mode, and temper, if not neutralize, the voyeuristic or eroticized gaze between subject and object. \u00bb (Davidson, 2016)<\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s lors, le spectateur entre dans la sph\u00e8re de l\u2019intime sans pour autant que cet intimit\u00e9 soit synonyme de sexualit\u00e9. Il est simplement mis en contact avec une forme vivante inconnue et intriguante, qui lui rappelle son corps sans pour autant laisser place \u00e0 l\u2019identification. Le fait que les visages soient rarement reconnaissables ou observables contribue \u00e0 brouiller les rep\u00e8res. Bien que le corps soit tr\u00e8s pr\u00e9sent, il ne s\u2019agit plus d\u2019anthropomorphisme. Pourtant, notre sentiment d\u2019intimit\u00e9 n\u2019en est pas moins redoubl\u00e9 car les spectateurs, en comit\u00e9 r\u00e9duit, sont plac\u00e9s \u00e0 proximit\u00e9 des performeuses. L\u2019espace sonore immersif, sur lequel nous reviendrons par la suite, est con\u00e7u pour englober le public et, pour cela m\u00eame, ce dernier doit se placer autour des performeuses, parfois \u00e0 seulement 50 cm d\u2019elles. Effectivement, comme dans certains spectacles de\u00a0Claude R\u00e9gy, \u00e0 l\u2019image de\u00a0La Barque le soir<\/em>\u00a0(2012)1<\/sup>, re-pr\u00e9sent\u00e9 au Th\u00e9\u00e2tre des Amandiers (Nanterre, France, le 10\/03\/2016), l\u2019exp\u00e9rience ne peut fonctionner qu\u2019avec un nombre restreint de personnes dans le public puisqu\u2019il est n\u00e9cessaire de se situer dans un p\u00e9rim\u00e8tre favorisant l\u2019effet d\u2019immersion. La distance emp\u00eacherait cette rencontre quasiment charnelle avec cet \u00eatre sans visage.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

La proximit\u00e9 sensible que nous \u00e9prouvons est \u00e9galement accrue par le fait qu\u2019Isabelle Choini\u00e8re cherche \u00e0 nous faire \u00e9prouver la limite entre int\u00e9rieur et ext\u00e9rieur. Si les sons et l\u2019espace sont des donn\u00e9es que nous percevons g\u00e9n\u00e9ralement comme produites de l\u2019ext\u00e9rieur,\u00a0Phase 5<\/em>\u00a0nous rappelle qu\u2019elles sont en constante communication avec notre organisme interne. Ainsi, elle a beaucoup travaill\u00e9 sur les sons produits par la respiration, qui symbolise cet \u00e9change constant entre soi et le monde. Pour arriver \u00e0 cr\u00e9er cet espace perceptif nouveau, elle a donc mis en place des strat\u00e9gies d\u2019apprentissage kinesth\u00e9sique (conscience de la position et du mouvement) et somatique (perceptions corporelles) fonctionnant par paliers. Le corps doit apprendre progressivement \u00e0 \u00eatre \u00e0 l\u2019\u00e9coute des technologies, et plus pr\u00e9cis\u00e9ment au\u00a0feedback<\/em>\u00a0qu\u2019elles lui permettent d\u2019avoir, pour sortir d\u2019un rapport utilitaire ou asservissant. Les danseuses d\u00e9veloppent un contact avec leur environnement \u2013 le corps collectif et la technologie immersive \u2013 fonctionnant par strates ou plut\u00f4t par calques qui se superposent les uns aux autres. La premi\u00e8re \u00e9tape, si elle semble \u00e9vidente, demeure cruciale\u00a0: il faut sentir son corps physique, faire circuler sa propre respiration, travailler sur son sch\u00e9ma corporel. C\u2019est un travail d\u2019abord tourn\u00e9 vers soi. Il faut ensuite s\u2019ouvrir aux autres, toucher, \u00e9prouver, sentir la respiration d\u2019un autre corps, celui le plus proche de soi. Ces premi\u00e8res \u00e9tapes de travail sont ainsi d\u00e9crites par l\u2019une des performeuses de\u00a0Phases 5,\u00a0<\/em>Eliza Harsson\u00a0:<\/p>\n\n\n\n

\u00ab In this rehearsal, we started off with breathing in a child like pose with our partners\u2019 hands on the back. We were breathing in different parts of our back and switching places, experimenting our partners\u2019 breathing. From there, we tried to find a position, so we could all be connected. In the first days it was very challenging because we couldn\u2019t find a position for us to be in. Some of us had all the body\u2019s weight on us, some of us had none of the body\u2019s weight on us. And so, our experiences on the first days were very radically different experiences depending on where we were in the shape and on the sensations of weight and being in contact with bodies and all the emotionality that comes up.2<\/sup> \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Ce t\u00e9moignage sur la m\u00e9thode utilis\u00e9e par Isabelle Choini\u00e8re nous montre \u00e0 quel point le corps est explor\u00e9 non pas en tant que corps humain, ni comme corps f\u00e9minin, mais bien comme organisme \u00e9prouvant son environnement (espace, sons, technologies, contact avec d\u2019autres corps\u2026). <\/p>\n\n\n\n

Enfin, nous pouvons dire que dans cet espace immersif et sensoriel les rencontres se font sous le mode de connexions et de d\u00e9connexions souples et mouvantes.\u00a0 La plong\u00e9e dans cet univers sonore et technologique a quelque chose de tr\u00e8s vivant, nous pouvons avoir l\u2019impression que ce corps collectif fonctionne comme par pulsions, frissons, frictions, \u00e9chos, \u00e9clats\u2026 Le contact se fait connexions, entrechocs, secousses \u00e9lectriques. Si nous avons parl\u00e9 d\u2019un organisme collectif, nous pouvons malgr\u00e9 tout effectuer un parall\u00e8le a priori paradoxal avec la th\u00e9orie du corps sans organe propos\u00e9e par\u00a0Gilles Deleuze\u00a0dans\u00a0Francis Bacon\u00a0: La Logique de la sensation<\/em>(1981). Dans cet ouvrage, Deleuze s\u2019inspire du travail d\u2019Artaud\u00a0(Le th\u00e9\u00e2tre et son double<\/em>, 1938) pour \u00e9voquer un corps qui trouve son existence dans une forme d\u2019intensit\u00e9, de rythme, de secousses et de spasmes hyst\u00e9riques. Le corps sans organe n\u2019est pas un corps d\u00e9pourvu d\u2019organes mais un corps qui se comprend sur le plan des forces et de la sensation et non d\u2019apr\u00e8s une organisation stricte, propre \u00e0 l\u2019organisme (Deleuze, 2002, p. 48). Il s\u2019agit d\u2019une forme de vitalit\u00e9 extr\u00eame qui s\u2019empare du corps. Les organes ne sont pas d\u00e9termin\u00e9s ou ne le sont que momentan\u00e9ment\u00a0: leur fonction (bouche, estomac, anus etc.) n\u2019appara\u00eet qu\u2019au moment o\u00f9 ils sont travers\u00e9s par l\u2019onde qui les secoue\u00a0; c\u2019est ce que Deleuze nomme l\u2019hyst\u00e9rie. L\u2019hyst\u00e9rie se manifeste par des contractures et des paralysies qui r\u00e9pondent au passage \u2013 m\u00e9taphorique et non m\u00e9dical \u2013 d\u2019une onde nerveuse.<\/p>\n\n\n\n

Les corps dans Phase 5<\/em> s\u2019affectent ainsi comme en se contaminant les uns les autres. Nous sommes face \u00e0 une boule d\u2019\u00e9nergie physique et pulsionnelle qui se contracte et se d\u00e9tend sans que nous parvenons \u00e0 l\u2019identifier. L\u2019univers technologique est donc mis au service d\u2019une exploration de la corporalit\u00e9 ou de l\u2019organisme au sens large plus que du corps en lui-m\u00eame, souvent associ\u00e9 \u00e0 un individu en particulier. C\u2019est pourquoi Isabelle Choini\u00e8re favorise  cette reconnexion avec le visc\u00e9ral, l\u2019intime et l\u2019interne.<\/p>\n\n\n\n

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Phase 5, Isabelle Choini\u00e8re, Suyama Space, Seattle, Etats-Unis, Novembre 2016 \u2013 Photographie de Le\u00efla Cassar<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Ainsi, nous ne pouvons pas dire que Phase 5<\/em> se contente de nous faire \u00e9prouver cette corporalit\u00e9. Choini\u00e8re nous pr\u00e9sente \u00e9galement ce que nous pourrions nommer des corps \u00e9piphaniques. Constamment mis en \u00e9chec devant notre tentative de d\u00e9finition ou de compr\u00e9hension \u2013 aussi bien sensible qu\u2019intellectuelle \u2013 de cette forme corporelle et technologique, nous pouvons avoir la sensation que les corps s\u2019\u00e9chappent, s\u2019\u00e9vaporent, puis r\u00e9apparaissent subitement clairs et limpides.<\/p>\n\n\n\n

Cette sensation que nous avons est en partie li\u00e9e \u00e0 l\u2019utilisation des technologies dans le traitement du son mais \u00e9galement au fait que ces derni\u00e8res ne sont pas rendues visibles. Le micro que portent les danseuses, coll\u00e9 \u00e0 leur nez, n\u2019est g\u00e8re apparent. Les fils et le capteur qui transmet le signal wifi sont \u00e9galement dissimul\u00e9s dans le bandeau noir qui enveloppe les cheveux des performeuses. Les technologies sont ainsi utilis\u00e9es pour donner acc\u00e8s \u00e0 de nouvelles perceptions du corps mais ne sont pas le sujet m\u00eame de la performance et, \u00e9tant camoufl\u00e9es de la sorte, nous laissent face \u00e0 nos sensations. Nous sommes en quelques sortes exclus du processus de transformation des sons pour n\u2019en voir que le r\u00e9sultat, c\u2019est-\u00e0-dire cette imbrication de corps de chair et de \u00ab corps sonores \u00bb, notion qu\u2019elle a invent\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

Pour comprendre ce concept, il est int\u00e9ressant d\u2019analyser plus en d\u00e9tail la d\u00e9marche qu\u2019elle a mise en place. Tandis que les danseuses portent chacune un micro qui capte leur respiration et tous autres sons qu\u2019elles produisent, cinq enceintes sont r\u00e9parties dans la salle, une au-dessus d\u2019elles, au centre du plafond, les quatre autres les encadrant. L\u2019espace est d\u00e9limit\u00e9 par le son projet\u00e9 dans ces enceintes qui cr\u00e9ent une sorte de d\u00f4me virtuel. Isabelle Choini\u00e8re part ainsi du corps des danseuses, passe par la technologie, pour retourner aux perceptions tout en incluant une notion de l\u2019espace tr\u00e8s d\u00e9velopp\u00e9e. Pour que ce processus soit fructueux, il est n\u00e9cessaire de plonger les danseuses dans une phase d\u2019ins\u00e9curit\u00e9, de perte de rep\u00e8re, de brouillard sensoriel. Bien qu\u2019une trame soit tiss\u00e9e pour cr\u00e9er une \u00e9volution temporelle, la performance fonctionne principalement avec la recherche et l\u2019improvisation sur des principes d\u2019auto-organisation multi-sensoriels, tels que d\u00e9crit par Glenna Batson, dans son article \u00ab\u00a0L\u2019\u00e9ducation somatique dans le milieu de la danse\u00a0\u00bb (publication originale en anglais en 2009) (Baston, 2010). Les danseuses doivent en permanence quitter le confort d\u2019une chor\u00e9graphie stable, de mouvements et de sons orchestr\u00e9s pour tenter de nouvelles exp\u00e9riences sonores et physiques. Cette id\u00e9e classique de la chor\u00e9graphie est donc abandonn\u00e9e au profit d\u2019un sch\u00e9ma d\u2019exploration plus libre impliquant le corps tant dans ses mouvements, que dans ses productions sonores, ou dans son implication \u00e9motive et psychologique. Il s\u2019agit d\u2019une conception interdisciplinaire, contemporaine et performative de la chor\u00e9graphie, qui implique \u00e9galement des domaines comme la neuroscience ou la physiologie.<\/p>\n\n\n\n

Depuis 1994, avec son spectacle\u00a0Communion<\/em>, elle travaille \u00e0 l\u2019\u00e9mergence de cet espace perturbateur en lien avec le son. Elle \u00e9voquait d\u00e9j\u00e0 son concept de \u00ab\u00a0corps sonore\u00a0\u00bb, qu\u2019elle a analys\u00e9 avec Enrico Pitozzi \u00e0 propos de\u00a0La D\u00e9mence des Anges,\u00a0<\/em>autre spectacle de la cr\u00e9atrice-chercheuse\u00a0: \u00ab\u00a0Ce corps sonore n\u2019\u00e9tait pas un double, mais bien une nouvelle manifestation issue d\u2019un apprentissage proprioceptif \u2013 donc fond\u00e9 sur ses propres sens \u2013 amen\u00e9 par l\u2019influence de la technologie comme \u00e9l\u00e9ment de d\u00e9stabilisation\u00a0\u00bb. \u00a0Le but de sa\u00a0d\u00e9marche, v\u00e9ritable fil rouge du travail qu\u2019elle m\u00e8ne, est bien de sortir de la r\u00e9p\u00e9tition pour laisser des ph\u00e9nom\u00e8nes inattendus se produire et mettre les sens en \u00e9veil. Avec l\u2019\u00e9mergence du corps sonore nous \u00e9voluons donc vers une appr\u00e9hension du corps plus large que celle physique et anthropomorphique. Le corps devient corpor\u00e9it\u00e9, projection spatiale, mouvements\u00a0; sa pr\u00e9sence est \u00e9vanescente.<\/p>\n\n\n\n

D\u00e9taillons un peu l\u2019effet produit par ce corps m\u00e9di\u00e9 par les technologies, par ce corps sonore, mouvant et insaisissable. Tout d\u2019abord, il est conscientis\u00e9 par les performeuses gr\u00e2ce \u00e0 la r\u00e9partition du son dans l\u2019espace, car il s\u2019agit bien de sons qu\u2019elles produisent elles-m\u00eames en direct mais ces derniers d\u00e9rivent, muent et se r\u00e9pandent dans l\u2019espace. Le passage par l\u2019interface technologique \u2013 sp\u00e9cialement cr\u00e9\u00e9e pour cette recherche-cr\u00e9ation \u2013 permet ainsi d\u2019envisager son corps autrement. Cette interface, compos\u00e9e de deux tablettes (I-Pad<\/em>) et d\u2019un programme permettant de s\u00e9lectionner, s\u00e9parer, grouper les sources de sons fonctionnent en wifi. Elle permet \u00e9galement une spatialisation du son pour donner la sensation qu\u2019il part d\u2019un endroit et arrive \u00e0 un autre. Les sons peuvent \u00e9galement \u00eatre amplifi\u00e9s, diminu\u00e9s ou modifi\u00e9s en direct. Ce passage du son produit sur sc\u00e8ne par l\u2019interface fait que le corps n\u2019est plus seulement une enveloppe charnelle, mat\u00e9rielle, concr\u00e8te, il est aussi ce qui emplit l\u2019espace, ce qui peut se propager, ce qui peut se connecter avec d\u2019autres \u00eatres ou d\u2019autres choses au-del\u00e0 du contact physique, presque par vibrations. Les sens se d\u00e9cuplent dans ce rapport circulaire entre corps, espace, sons et technologies. Il n\u2019y a plus de conflit mais une qu\u00eate commune car les nouvelles technologies r\u00e9v\u00e8lent le virtuel. Elles mettent en avant le fait que la perception est ce point d\u2019intersection infime et vaste \u00e0 la fois entre soi et le monde, entre int\u00e9rieur et ext\u00e9rieur, entre virtuel et r\u00e9el qui sont alors int\u00e9gr\u00e9s l\u2019un \u00e0 l\u2019autre. Cette exp\u00e9rience nous rappelle que notre rapport au monde peut \u00eatre envisag\u00e9 comme une multitude de zones interm\u00e9diaires, d\u2019empi\u00e8tements, d\u2019\u00e9chos. Cette m\u00e9thode singuli\u00e8re est ainsi synth\u00e9tis\u00e9e selon ses propres termes dans\u00a0Arch\u00e9e<\/em>, novembre 2016 :\u00a0<\/p>\n\n\n\n

\u00a0\u00ab\u00a0Le\u00a0corps sonore<\/em>\u00a0sur lequel je travaille est donc une \u00e9manation, une dilatation du corps r\u00e9el qui en constitue une vibration \u00e0 laquelle les performeuses se r\u00e9f\u00e8rent sensoriellement pour composer la partition. J\u2019insiste sur le fait que ce\u00a0corps sonore<\/em>\u00a0n\u2019est pas un double, mais bien une nouvelle manifestation du corps physique issue d\u2019un apprentissage kinesth\u00e9sique amen\u00e9 par l\u2019influence de la technologie comme \u00e9l\u00e9ment de d\u00e9stabilisation ext\u00e9roceptif.\u00a0\u00bb (Choini\u00e8re, 2013)<\/p>\n\n\n\n

Cette \u00e9piphanie de la corpor\u00e9it\u00e9 touche principalement les performeuses qui sont entra\u00een\u00e9es par Isabelle Choini\u00e8re \u00e0 d\u00e9finir diff\u00e9rents seuils perceptifs. L\u2019empathie qui appara\u00eet au cours des exercices sur le placement et sur la respiration, que nous avons \u00e9voqu\u00e9s en d\u00e9but d\u2019article,  ouvre les portes \u00e0 une premi\u00e8re vague d\u2019intercorpor\u00e9it\u00e9, c\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 la possibilit\u00e9 de se projeter dans un corps \u00e9tranger, \u00e0 cr\u00e9er des \u00e9chos entre diff\u00e9rents corps. La danseuse ne sent plus seulement son propre corps mais aussi celui de l\u2019une de ses partenaires. Il n\u2019est pas question pour autant de s\u2019oublier mais plut\u00f4t d\u2019\u00eatre capable d\u2019\u00e9tendre les limites de sa perception, de la perception de son propre corps. Mais ce travail est pouss\u00e9 davantage pour englober tout le groupe, former un organisme collectif. Enfin, la derni\u00e8re \u00e9tape est celle de l\u2019ouverture au corps m\u00e9di\u00e9, au corps transform\u00e9, voire r\u00e9v\u00e9l\u00e9 par les nouvelles technologies.<\/p>\n\n\n\n

La danseuse Tahni Holt \u00e9voque m\u00eame une v\u00e9ritable \u00e9paisseur de la performance du fait de cette multitude de calques sensoriels\u00a0:<\/p>\n\n\n\n

\u00ab The addition of the level of the stimulation of touch, the level of choreography, the level of the feedback of sounds that I\u2019m receiving, it all creates a thickness that I haven\u2019t experienced in other performances. It\u2019s thicker because there are more stimulations happening at the same time. Being touch by myself on the floor, and by four other people, the reverb of sounds and the kind of movements that I\u2019m suppose to make create this thickness.3<\/sup> \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Cette \u00e9paisseur de la performance est li\u00e9e \u00e0 cette compr\u00e9hension soudaine du corps qui ne se pr\u00e9sente pas sous un seul jour mais sous une multitude de formes qui le rendent si mouvant. Tout le travail sur la spatialisation sonore permet donc de construire une zone d\u00e9connect\u00e9e du monde quotidien et dans laquelle le corps peut se dilater, brouillant ainsi notre perception habituelle du corps. L\u2019environnement produit par les sons qui unissent corps et technologies favorise cette ouverture perceptive. Le corps \u00e9tendu dans l\u2019espace, ce \u00ab moi m\u00e9di\u00e9 \u00bb comme elle le nomme, ne va pas \u00e0 l\u2019encontre du corps de chair. On peut rappeler que la chair, selon Merleau-Ponty est un espace de rencontre et que dans ce contexte, il s\u2019agit de la rencontre du corps r\u00e9el, physique, avec le corps m\u00e9di\u00e9. Les deux se compl\u00e8tent puisqu\u2019il s\u2019agit pour les danseuses d\u2019\u00e9prouver leur corps physique en m\u00eame temps que leur corps dilat\u00e9 dans l\u2019espace, m\u00eal\u00e9 \u00e0 celui des autres dans une perception plus vaste que celle quotidienne. <\/p>\n\n\n\n

Cette perte des rep\u00e8res quotidiens affecte \u00e9galement le public. Les spectateurs, plac\u00e9s tr\u00e8s proches des danseuses, les entourent et sont eux aussi englob\u00e9s par ce d\u00f4me virtuel et sonore. La proximit\u00e9 des corps et le fait qu\u2019il devient difficile de d\u00e9limiter leurs contours permettent au spectateur de se projeter, de tisser des liens d\u2019intercorpor\u00e9it\u00e9 avec les performeuses, voire avec les autres membres du public, comme nous l\u2019explique l\u2019un d\u2019eux, Oscar Velasco Schmitt\u00a0:<\/p>\n\n\n\n

\u00ab I started to feel that I was breathing with the person next to me. Not only I could hear the sounds that were coming from the speakers but also the sounds that was coming from the humans that were near me. I definitely felt included and at some point I was also losing my sense of self, as I was watching this.4<\/sup> \u00bb<\/p>\n\n\n\n

On sent dans ces paroles qu\u2019un ph\u00e9nom\u00e8ne de projection et d\u2019empathie se d\u00e9veloppe au cours de la performance et qu\u2019il s\u2019agit d\u2019exp\u00e9rimenter pour soi-m\u00eame la corpor\u00e9it\u00e9. Comme la source primaire des sons (les performeuses) lui est tout aussi proche que celles secondaires (les enceintes), le spectateur est pris dans ce processus de va-et-vient entre corps physique et corps immat\u00e9riel, virtuel, dilat\u00e9\u2026 Il est ainsi amen\u00e9 \u00e0 se perdre, \u00e0 se d\u00e9connecter de ses habitudes et \u00e0 se m\u00ealer au dispositif \u00e0 sa mani\u00e8re. <\/p>\n\n\n\n

Un autre spectateur, T.S. Flock, critique d\u2019art, nous \u00e9voque ainsi l\u2019ouverture perceptive que permettent les technologies dans cette performance\u00a0:<\/p>\n\n\n\n

\u00ab I would say it make more accessible perception that we could have. I think we are capable of having that awareness of this different ways of being even though we\u2019re might not be able to empathize with a single organism \u2013 I mean we can barely empathize with other people\u2026 So we can personify other organisms but often, when we use that term of \u201cpersonification\u201d we\u2019re assuming they\u2019re not like aware or even that they are not organic. It\u2019s silly because even if you\u2019re personifying a tree, or a tower, or any static object, they are all things that are changing in time and they are also containing so many things that are living and changing with themselves. So, as long as we\u2019re a being that evolve in time, we can all have this awareness. Unfortunately, because we\u2019re even just a little aware of our emotional and physical being, it becomes more difficult for that. But the technology facilitated that.5<\/sup> \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Il s\u2019agit donc d\u2019un v\u00e9ritable retour aux sensations, \u00e0 un soi plus primaire qui s\u2019ancre davantage dans le corps et dans la perception. Loin d\u2019\u00eatre anti-organique, les technologies utilis\u00e9es dans cette performance nous permettent de renouer avec cette \u00ab\u00a0awareness\u00a0\u00bb\u00a0<\/em>(conscience)\u00a0<\/em>initiale. C\u2019est cette compr\u00e9hension soudaine et limpide d\u2019un corps autre que notre corps mat\u00e9riel qui nous autorise \u00e0 parler de corps \u00e9piphaniques. Cet usage des technologies fait \u00e9merger spontan\u00e9ment une acceptation plus large du corps que celle dont nous avons l\u2019habitude. Mais cette conscience nouvelle demeure intermittente, elle est li\u00e9e \u00e0 notre capacit\u00e9 \u00e0 nous ouvrir \u00e0 ce que nous offre la performance dans la mesure o\u00f9 nous sommes capable de mettre entre parenth\u00e8ses notre recherche logique de formes d\u00e9finies et connues.<\/p>\n\n\n\n

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Phase 5, Isabelle Choini\u00e8re, Suyama Space, Seattle, Etats-Unis, Novembre 2016 \u2013 Photographie de Le\u00efla Cassar<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Dans\u00a0Phase 5<\/em>, l\u2019aspect ind\u00e9termin\u00e9 des contours des corps fait que nous ne percevons plus leurs limites. Nous portons alors notre attention simplement sur la mani\u00e8re dont ils s\u2019affectent les uns les autres, sur la fa\u00e7on qu\u2019ont les voix de se r\u00e9pondre et les muscles de se tendre, de se contracter ou de se rel\u00e2cher. Chaque mouvement affecte l\u2019autre, tout fonctionne en r\u00e9percussion. Il y a presque quelque chose de viral dans ce rapport de contamination d\u2019une partie du corps par une autre ou par un son. Plus que les corps en eux-m\u00eames c\u2019est leur assemblage inattendu dans une logique perceptive nouvelle qui nous importe dans cette performance. Il y a alors un d\u00e9placement ontologique\u00a0: le corps n\u2019est plus un simple corps physique, il est aussi quelque chose de mouvant, de mall\u00e9able, de dynamique, d\u2019\u00e9tendu, qui englobe une multitude de potentialit\u00e9s. Nous pouvons ainsi dire qu\u2019Isabelle Choini\u00e8re et son \u00e9quipe ont r\u00e9ussi le pari d\u2019instaurer un environnement immersif dans lequel les technologies et le corps se r\u00e9v\u00e8lent l\u2019un l\u2019autre dans un rapport positif de d\u00e9couverte perceptive. Corporalit\u00e9 (corps physique, mat\u00e9riel, anthropologique) et corpor\u00e9it\u00e9 (corps projet\u00e9, virtuel) se compl\u00e8tent gr\u00e2ce \u00e0 ce rapport ph\u00e9nom\u00e9nologique d\u00e9velopp\u00e9 par les technologies. Po\u00e9sie et num\u00e9rique se rencontrent, corps \u00e9tendu et connexion wifi se r\u00e9pondent dans une logique d\u2019exploration de notre rapport au monde. L\u2019aspect organique et intime se fait aussi bien sentir que cette dimension \u00e9vanescente de ce que nous avons nomm\u00e9 des corps \u00e9piphanique.<\/p>\n\n\n\n

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Phase 5, Isabelle Choini\u00e8re, Suyama Space, Seattle, Etats-Unis, Novembre 2016 \u2013 Photographie de Le\u00efla Cassar<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Claude R\u00e9gy,\u00a0La Barque le soir<\/em>, d’apr\u00e8s\u00a0B\u00e5ten om Kvelden<\/em>\u00a0de\u00a0Tarjei\u00a0Vesaas, cr\u00e9\u00e9 en 2012.<\/p>\n\n\n\n

[2] Eliza Harsson, artiste et danseuse bas\u00e9e \u00e0 Portland, danseuse dans\u00a0Phase 5<\/em>\u00a0d\u2019Isabelle Choini\u00e8re, interview\u00e9e au cours d\u2019une r\u00e9p\u00e9tition au Suyama Space, le 18\/11\/2016, par Le\u00efla Cassar et M\u00e9lissa Bertrand.<\/p>\n\n\n\n

[3] Tahni Holt, danseuse bas\u00e9e \u00e0 Portland, danseuse dans\u00a0Phase 5<\/em>\u00a0d\u2019Isabelle Choini\u00e8re, interview\u00e9e au cours d\u2019une r\u00e9p\u00e9tition au Suyama Space, le 18\/11\/2016, par Le\u00efla Cassar et M\u00e9lissa Bertrand.<\/p>\n\n\n\n

[4] Oscar Velasco Schmitt, 39 ans, ing\u00e9nieur dans les technologies, bas\u00e9 \u00e0 Seattle, Etats-Unis, interview\u00e9 apr\u00e8s la seconde pr\u00e9sentation de\u00a0Phase 5<\/em>\u00a0par Le\u00efla Cassar et M\u00e9lissa Bertrand.<\/p>\n\n\n\n

[5] T.S. Flock, 35 ans, critique d\u2019art, Seattle, Etats-Unis, interview\u00e9 apr\u00e8s la premi\u00e8re pr\u00e9sentation de\u00a0Phase 5<\/em>par Le\u00efla Cassar et M\u00e9lissa Bertrand.<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Batson, Glenna, \u00ab\u00a0L\u2019\u00e9ducation somatique dans le milieu de la danse\u00a0\u00bb, dans International Association for Dance Medicine and Science<\/em>\u00a0(I.A.D.M.S.), 2010, en ligne, <https:\/\/iadms.org\/?302&302>, consult\u00e9 en ligne le 17 d\u00e9cembre 2016. Publication originale en anglais en 2009.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Choini\u00e8re, Isabelle, \u00ab\u00a0For a methodology of transformation: at the crossing of the somatic and the technology, to become other\u2026\u00bb, dans\u00a0Journal of Dance & Somatic Practices<\/em>, vol. 5, n\u00b0 1, Bristol, Angleterre, p. 95\u2013112. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Davidson, Andr\u00e9a, \u00ab\u00a0Mediated bodies and Intercorporeality:\u00a0Isabelle Choini\u00e8re’s Flesh Waves\u00a0\u00bb, Arch\u00e9e<\/em>, 2017, en ligne, <http:\/\/archee.qc.ca\/images\/edito-2016-11\/Archee_2016_11_MeditatedBodies.php>, consult\u00e9 en ligne le 18 d\u00e9cembre 2016.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Deleuze, Giles,\u00a0Francis Bacon \u2013 La logique de la sensation<\/em>, Paris, Edition du Seuil, 2002, 158 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Simondon, Gilbert,\u00a0Du mode d\u2019existence des objets techniques<\/em>, Paris, Aubier, 2012, 368 p. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Dans son ouvrage\u00a0Du mode d\u2019existence des objets techniques\u00a0(1958),\u00a0Gilbert Simondon\u00a0\u00e9voque une m\u00e9connaissance g\u00e9n\u00e9rale des objets techniques. Selon lui, notre culture valorise les objets esth\u00e9tiques au d\u00e9triment des objets techniques car ces derniers sont incompris et donc rejet\u00e9s dans une sorte de x\u00e9nophobie. D\u00e8s lors, la culture stimule un double rapport de m\u00e9pris et de crainte\u00a0: \u00ab\u00a0La … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[69],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1034"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=1034"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1034\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1040,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1034\/revisions\/1040"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=1034"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=1034"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=1034"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}