{"id":1076,"date":"2016-12-01T14:29:55","date_gmt":"2016-12-01T14:29:55","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1076"},"modified":"2022-11-10T14:30:07","modified_gmt":"2022-11-10T14:30:07","slug":"decembre-2016-texte","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2016-texte\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2016 – Texte"},"content":{"rendered":"\n

Derri\u00e8re la vitre, neufs carnets ouverts s\u2019animent sans rel\u00e2che. Leur \u00e9clairage dicte le rythme, ordonne la \u00ab lecture \u00bb, car gr\u00e2ce \u00e0 un fin d\u00e9coupage au montage, les pages s\u2019illuminent les unes apr\u00e8s les autres ou en alternance par petits groupes. La symphonie visuelle a un chef d\u2019orchestre, un \u00e9l\u00e9ment qui cr\u00e9e une coh\u00e9sion entre les s\u00e9quences. Celui-ci est visible dans l\u2019\u0153uvre : c\u2019est le corps.<\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s les premiers instants, l\u2019image d\u2019un dos, nu, occupe les deux pages d\u2019un carnet. La colonne vert\u00e9brale co\u00efncide avec le centre du livre. Comme pour souligner cette corr\u00e9lation, une main dessine un trait le long de la ligne imaginaire. Le corps devient alors le carnet, et la peau, la nouvelle surface d\u2019inscription. Dans d\u2019autres carnets, une main munie d\u2019un crayon opacifie les pages alors qu\u2019une autre tente en vain de capter le contour d\u2019un sac de plastique tournoyant dans sa rafale de vent. Plus tard, on effacera les traits. Ces diff\u00e9rentes s\u00e9quences mettent en sc\u00e8ne une \u00e9criture qui n\u2019est pas le fruit de l\u2019agencement des mots ou des formes de mani\u00e8re d\u00e9finitive, mais qui r\u00e9sulte d\u2019une action transitoire prenant racine dans le corps.<\/p>\n\n\n\n

Le carnet, raconte Isabelle Beaulieu, a pour fonction de \u00ab\u00a0surligner d\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment la beaut\u00e9 du d\u00e9sordre qui gouverne nos jours \u00bb (Beaulieu, 2014). Objet sur lequel est projet\u00e9 un imaginaire en action, on y accumule des impressions, on y collectionne des observations. Si l\u2019on tente d\u2019y traduire spontan\u00e9ment son per\u00e7u et peut-\u00eatre, par l\u00e0, de le figer dans le temps, le carnet enrichit l\u2019exp\u00e9rience bien plus qu\u2019il ne parvient \u00e0 la conserver. Il est une source d\u2019\u00e9veil pour celui qui le tien parce qu\u2019il pousse \u00e0 porter attention. En m\u00eame temps, il commande d\u2019accueillir la perte, d\u2019accepter de laisser dans l\u2019ombre ce qui \u00e9chappe au champ de vision et \u00e0 l\u2019exp\u00e9rience subjective. Les tentatives de capture et l\u2019effacement des traits chez\u00a0McDuff\u00a0\u00e9voquent l\u2019impossibilit\u00e9 de tout saisir, de tout garder. La vitre, qui nous tient \u00e0 l\u2019\u00e9cart en m\u00eame temps qu\u2019elle nous inclut dans l\u2019\u0153uvre par son reflet, agit telle une protectrice de cette m\u00e9moire fragment\u00e9e, fragile et intime.<\/p>\n\n\n\n

Comme le disait Heidegger\u00a0: \u00ab\u00a0\u00catre r\u00e9ceptif \u00e0 l’art, c’est revivre l’exp\u00e9rience du cr\u00e9er\u00a0\u00bb (Audi, 2003, p. 74). Les carnets de McDuff attirent notre attention sur l\u2019acte de cr\u00e9ation. Par l\u00e0,\u00a0Carnets de capture<\/em>\u00a0nous rappelle qu\u2019il faut surtout ne \u00ab\u00a0rien p\u00e9trifier\u00a0\u00bb, qu\u2019il faut penser toute chose sous l’angle de la mise en mouvement\u00a0\u00bb (Didi-Huberman, 2002, p. 36). Entre le monde du carnet comme objet et celui, imaginaire, qui se cristallise sur la surface de la page, il y a le geste corporel garant d\u2019une pens\u00e9e en actes, d\u2019une exp\u00e9rience toujours renouvel\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Audi, Paul, L’ivresse de l’art, Nietzsche et l’esth\u00e9tique<\/em>, Paris, In\u00e9dit, 2003, 224 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Beaulieu, Isabelle, \u00abCarnets d’\u00e9crivains, la pr\u00e9sence au monde\u00bb, Revue Les libraires<\/em>, no<\/sup> 8, 2014.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Didi-Huberman, Georges, L’image suivante: Histoire de l’art et temps des fant\u00f4mes<\/em>, Paris, Minuit, 2002, 592 p. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Derri\u00e8re la vitre, neufs carnets ouverts s\u2019animent sans rel\u00e2che. Leur \u00e9clairage dicte le rythme, ordonne la \u00ab lecture \u00bb, car gr\u00e2ce \u00e0 un fin d\u00e9coupage au montage, les pages s\u2019illuminent les unes apr\u00e8s les autres ou en alternance par petits groupes. La symphonie visuelle a un chef d\u2019orchestre, un \u00e9l\u00e9ment qui cr\u00e9e une coh\u00e9sion entre les s\u00e9quences. … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[58],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1076"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=1076"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1076\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1078,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1076\/revisions\/1078"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=1076"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=1076"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=1076"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}