{"id":1087,"date":"2016-12-01T15:35:23","date_gmt":"2016-12-01T15:35:23","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1087"},"modified":"2022-11-10T15:35:34","modified_gmt":"2022-11-10T15:35:34","slug":"decembre-2016-memoriaux-facebook-la-commemoration-a-lenseigne-du-virtuel","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2016-memoriaux-facebook-la-commemoration-a-lenseigne-du-virtuel\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2016 – M\u00e9moriaux Facebook: la comm\u00e9moration \u00e0 l’enseigne du virtuel"},"content":{"rendered":"\n

Le virage num\u00e9rique dans le champ m\u00e9moriel1<\/sup><\/h2>\n\n\n\n

Dans le premier \u00e9pisode de la seule saison2<\/sup>\u00a0de la s\u00e9rie t\u00e9l\u00e9vis\u00e9e am\u00e9ricaine\u00a0The Returned<\/em>\u00a0(2015), un groupe de parents sont r\u00e9unis autour d\u2019une maquette. Ils peaufinent les d\u00e9tails de la construction du m\u00e9morial en l\u2019honneur de leurs enfants d\u00e9c\u00e9d\u00e9s lors d\u2019un accident de la route survenu quatre ans plus t\u00f4t3<\/sup>. La sc\u00e8ne rend compte, entre autres, du long d\u00e9bat entourant le processus d\u2019\u00e9rection et la d\u00e9termination de la forme d\u00e9finitive de cette \u0153uvre comm\u00e9morative. Quatre ans apr\u00e8s l\u2019accident, le m\u00e9morial est toujours inachev\u00e9, quoique sur le point de quitter la fonderie pour \u00eatre enfin install\u00e9 dans l\u2019espace de la collectivit\u00e9. Dans l\u2019\u00e9pisode 4, on voit Camille, l\u2019une des 32 victimes de l\u2019accident et \u00ab revenue \u00bb parmi les vivants depuis quelques jours, d\u00e9jeuner tout en consultant la page Facebook cr\u00e9\u00e9e en son honneur4<\/sup>. Au moment o\u00f9 sa m\u00e8re, Claire, entre dans la pi\u00e8ce, Camille fait le constat des choses positives que les gens y ont \u00e9crites \u00e0 son sujet suite \u00e0 son suppos\u00e9 d\u00e9c\u00e8s. Sa m\u00e8re lui avoue qu\u2019elle-m\u00eame avait l\u2019habitude de regarder (de se rendre sur) cette page de temps en temps. La page Facebook en m\u00e9moire de Camille a, semble-t-il, r\u00e9confort\u00e9 Claire, \u00e0 en juger par l\u2019expression et le ton de la voix de cette derni\u00e8re. Cette page remplirait des fonctions semblables \u00e0 celles du m\u00e9morial longtemps attendu, dont celle de faire office de lieu de recueillement et de deuil pour la famille et les amis des victimes.<\/p>\n\n\n\n

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The Returned, saison 1, \u00e9pisode 1, s\u00e9rie disponible sur Netflix, 2015, capture d\u2019\u00e9cran le 30 novembre 2016<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n
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The Returned, saison 1, \u00e9pisode 4, s\u00e9rie disponible sur Netflix, 2015, capture d\u2019\u00e9cran le 30 novembre 2016<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Ces deux sc\u00e8nes de la s\u00e9rie\u00a0The Returned<\/em>\u00a0m\u2019am\u00e8nent \u00e0 entamer cette r\u00e9flexion en faisant quelques constats de d\u00e9part. Les monuments et les m\u00e9moriaux de notre culture mat\u00e9rielle, souvent des \u0153uvres d\u2019art install\u00e9es dans des lieux de choix et vou\u00e9es \u00e0 une vie \u00ab \u00e9ternelle \u00bb, servent, par excellence, d\u2019espace d\u2019anamn\u00e8se : \u00e0 savoir, d\u2019espace pour y faire acte de m\u00e9moire en collectivit\u00e9. Or, depuis les ann\u00e9es 1990, l\u2019expansion des technologies de communication et l\u2019\u00e9mergence de la culture num\u00e9rique ont boulevers\u00e9 tant les param\u00e8tres spatio-temporels de l\u2019exp\u00e9rience collective que ceux de l\u2019activit\u00e9 m\u00e9morielle (G\u00e9rin, 2006). La plateforme socio-num\u00e9rique Facebook, qui ajuste continuellement les proc\u00e9dures ayant trait \u00e0 l\u2019avenir virtuel de nos semblables d\u00e9c\u00e9d\u00e9s, fait partie et participe de ce bouleversement. L\u2019apparition de ces nouveaux espaces de m\u00e9moire et de deuil (profils, pages et groupes Facebook) \u00e9branle les conventions et les pratiques traditionnellement associ\u00e9es aux monuments et aux m\u00e9moriaux. Sur les r\u00e9seaux socio-num\u00e9riques, la comm\u00e9moration s\u2019affranchit, notamment, des contraintes g\u00e9ographiques, temporelles et budg\u00e9taires.<\/p>\n\n\n\n

Ph\u00e9nom\u00e8ne r\u00e9cent, la dimension comm\u00e9morative de Facebook constitue un champ de recherche relativement inexplor\u00e95<\/sup>. Les contributions existantes commencent toutefois \u00e0 apporter des r\u00e9sultats et r\u00e9ponses encourageants. Un bref survol des \u00e9tudes scientifiques sur les pratiques fun\u00e9raires, comm\u00e9moratives et m\u00e9morielles sur le site Facebook permet de v\u00e9rifier les diff\u00e9rents angles d\u2019approche soulev\u00e9s par ce nouveau terrain de recherche. Les travaux des six derni\u00e8res ann\u00e9es analysent la formation et les formes prises par les pratiques fun\u00e9raires sur Facebook (Carrol, Landry, 2010 ;\u00a0P\u00e8ne, 2011 ; McEwen,\u00a0Scheaffer, 2013 ;\u00a0Bell, 2014) ; ou encore la capacit\u00e9 du r\u00e9seau socio-num\u00e9rique en tant que m\u00e9dium moderne, de m\u00eame que son efficacit\u00e9 \u00ab r\u00e9elle \u00bb \u00e0 perp\u00e9tuer le lien entre les morts et les vivants (Kasket, 2012 ; Hieftje, 2012). D\u2019autres \u00e9tudes approchent les pages comm\u00e9moratives de Facebook comme espace rituel pour y comm\u00e9morer les morts (Kern, Forman, Gil-Egui, 2012 ; Bell, 2014).<\/p>\n\n\n\n

Quoique ma r\u00e9flexion se range dans ce dernier axe th\u00e9matique, elle adoptera toutefois un ton \u00ab monumental \u00bb. Les pages, groupes et profils Facebook \u00e0 caract\u00e8re m\u00e9moriel \u00e9tablissent une relation de continuit\u00e9, bien que dans l\u2019espace virtuel, avec les m\u00e9moriaux traditionnels et, plus particuli\u00e8rement, avec les m\u00e9moriaux dits \u00ab spontan\u00e9s ou temporaires \u00bb6<\/sup>. Dans les lignes subs\u00e9quentes, en usant des m\u00e9thodes \u00e9volutives et comparatives, je me pencherai sur les effets concrets des nouvelles technologies sur la comm\u00e9moration de nos morts.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019anamn\u00e8se \u00e0 la crois\u00e9e des mondes<\/h2>\n\n\n\n

Dans son court trait\u00e9 La m\u00e9moire et la r\u00e9miniscence (trad. Barth\u00e9lemy, 1866),\u00a0Aristote\u00a0propose de distinguer la m\u00e9moire (mn\u00e9m\u00e8) de la r\u00e9miniscence (anamn\u00e8se) ; c\u2019est-\u00e0-dire, le souvenir spontan\u00e9, du souvenir provoqu\u00e9 ou recherch\u00e9, par rappel et par rem\u00e9moration.\u00a0Paul Ricoeur\u00a0explique que<\/p>\n\n\n\n

[\u2026] les Grecs avaient deux mots, mn\u00e8m\u00e8 et anamn\u00e8sis, pour d\u00e9signer d\u2019une part le souvenir comme apparaissant, passivement \u00e0 la limite, au point de caract\u00e9riser comme affection \u2013 pathos \u2013 sa venue \u00e0 l\u2019esprit, d\u2019autre part le souvenir comme objet d\u2019une qu\u00eate ordinairement d\u00e9nomm\u00e9e rappel, r\u00e9collection (2000a : 4).<\/p>\n\n\n\n

Le processus de r\u00e9miniscence retient mon attention ici, puisque c\u2019est le type de ph\u00e9nom\u00e8ne d\u00e9clench\u00e9 chez le spectateur par les constructions tangibles et intangibles \u00e0 vocation m\u00e9morielle. \u00c0 mi-chemin entre la m\u00e9moire individuelle \u2013 m\u00eame si on ne se souvient jamais seul (Halbwachs, 1950) \u2013 et la m\u00e9moire collective, l\u2019anamn\u00e8se \u00e9quivaut \u00e0 un effort ou travail de m\u00e9moire (Ricoeur, 2000a). On peut d\u00e9clencher un processus d\u2019anamn\u00e8se, soit individuellement (se rem\u00e9morer) ou collectivement (se rem\u00e9morer ensemble ou comm\u00e9morer). Par cons\u00e9quent, la connexion entre anamn\u00e8se et lieu de m\u00e9moire (Nora, 1984) appara\u00eet des plus pertinentes \u00e0 \u00e9tablir. Puisque la m\u00e9moire n\u2019est plus v\u00e9cue de l\u2019int\u00e9rieur ni au quotidien, il faut l\u2019abriter dans des lieux qui, \u00e0 leur tour, encouragent (qui donnent \u00e0 voir) le souvenir sous forme d\u2019image, d\u2019objet ou autre manifestation. Pierre Nora affirme que \u00ab les lieux de m\u00e9moire naissent du sentiment qu\u2019il n\u2019y a pas de m\u00e9moire spontan\u00e9e \u00bb (1984 : xxiv). Cet effritement de la m\u00e9moire a pour effet la n\u00e9cessit\u00e9 de la sauvegarder dans les archives, les mus\u00e9es, les biblioth\u00e8ques, les monuments ou m\u00e9moriaux et, de nos jours, dans des sites web comme la plateforme Facebook. En somme, l\u2019anamn\u00e8se requiert, premi\u00e8rement, un lieu \u2013 traditionnellement un monument ou m\u00e9morial \u2013 pour s\u2019y ex\u00e9cuter et, deuxi\u00e8mement, des acteurs. Ces derniers \u00ab sont n\u00e9cessaires pour conf\u00e9rer \u00e0 la comm\u00e9moration sa l\u00e9gitimit\u00e9, lui permettant de continuer \u00e0 s\u2019inscrire dans la m\u00e9moire collective \u2013 et d\u2019\u00eatre, par l\u00e0-m\u00eame, facteur contributif \u00e0 l\u2019identit\u00e9 du groupe concern\u00e9 \u00bb (Schlagdenhauffen, 2005, 22).<\/p>\n\n\n\n

L\u2019\u00e8re du virtuel offre des espaces in\u00e9dits pour ex\u00e9cuter l\u2019acte d\u2019anamn\u00e8se. Avec des caract\u00e9ristiques tr\u00e8s sp\u00e9cifiques, ces espaces de comm\u00e9moration constituent, semble-t-il, une alternative plus durable, accessible et fiable que les lieux o\u00f9 le rituel d\u2019\u00e9vocation du pass\u00e9 s\u2019est traditionnellement accompli. Puisque l\u2019anamn\u00e8se se d\u00e9roule d\u00e9sormais (aussi) dans l\u2019univers du virtuel, il est alors justifi\u00e9 de se demander si ce processus a subi des alt\u00e9rations majeures dans ses motivations, objectifs et effets chez les individus.<\/p>\n\n\n\n

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Italian Workers Fallen Memorial,\u00a0Giannone Petricone Architects, installation, 2016, Villa Charities, Toronto. \u00a9 Analays Alvarez<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n
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Memory Loops, m\u00e9morial virtuel comm\u00e9moratif des victimes du national-socialisme \u00e0 Munich, Michaela Meli\u00e1n, 2010<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Du m\u00e9morial institutionnel au m\u00e9morial vernaculaire<\/h2>\n\n\n\n

Dans le langage courant, les mots \u00ab monument \u00bb et \u00ab m\u00e9morial \u00bb sont interchangeables ; or dans le domaine des \u00e9tudes m\u00e9morielles, le dernier contient le premier. Le m\u00e9morial est, de fait, une configuration sp\u00e9cifique de monument qui appara\u00eet apr\u00e8s la Premi\u00e8re Guerre mondiale. Encourageant la d\u00e9livrance par le deuil, le m\u00e9morial est sp\u00e9cifiquement associ\u00e9 \u00e0 la comm\u00e9moration de morts tragiques, comme celles des victimes de guerre. Marita Sturken explique que les m\u00e9moriaux \u00ab embody grief, loss, tribute. Whatever triumph a memorial may refer to, its depiction of victory is always tempered by a foregrounding of the lives lost \u00bb (1991, 120).<\/p>\n\n\n\n

Au d\u00e9but des ann\u00e9es 1990, on voit surgir les \u00ab m\u00e9moriaux temporaires \u00bb, aussi appel\u00e9s improvis\u00e9s, spontan\u00e9s ou vernaculaires, parall\u00e8lement \u00e0 l\u2019\u00e9rection des m\u00e9moriaux dits officiels, qui ont historiquement comm\u00e9mor\u00e9 les sujets et \u00e9v\u00e9nements d\u00e9sign\u00e9s par le pouvoir en place. Erika Doss constate, en effet, que \u00ab a major shift has taken place in contemporary commemorative culture : from the monument to the memorial ; from the monolithic master narratives of \u2018official\u2019 art to the diverse, subjective, and often conflicted expressions of multiple publics \u00bb (2008, 5). Par contraste avec le m\u00e9morial institutionnel, ce que Doss appelle \u00ab m\u00e9morial temporaire \u00bb (improvis\u00e9, spontan\u00e9 et \u00e9ph\u00e9m\u00e8re) est un type d\u2019art\u00e9fact qui creuse une br\u00e8che entre comm\u00e9moration et pouvoir institutionnel. En effet, les pratiques associ\u00e9es aux m\u00e9moriaux temporaires \u00ab are not sanctioned by any institution, and citizens act, often very creatively, on their own account \u00bb (Margry, Sanchez-Carretero, 2007, 2). Son apparition constitue une r\u00e9ponse imm\u00e9diate \u00e0 des morts tragiques, et son \u00e9rection a lieu souvent sur les lieux de ces \u00e9v\u00e8nements, ou \u00e0 proximit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

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M\u00e9morial \u00ab improvis\u00e9 \u00bb devant la maison du chanteur Leonard Cohen \u00e0 Montr\u00e9al, au lendemain de sa mort (photo prise le 8 novembre 2016). \u00a9 Eleonora Diamanti<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Les m\u00e9moriaux Facebook constitueraient, dans l\u2019espace virtuel, les \u00e9quivalents des m\u00e9moriaux temporels dans l\u2019espace \u00ab r\u00e9el \u00bb. Couramment aussi spontan\u00e9s et rapidement mis sur pied ; aussi personnalis\u00e9s, au contenu semblable (photos, cartes postales, \u00e9pitaphes, chandelles, peluches, bouquets de fleurs, etc.) et, surtout, potentiellement \u00e9ph\u00e9m\u00e8res \u2013 et je reviendrai plus tard sur ceci \u2013, les m\u00e9moriaux Facebook comm\u00e9morent, eux aussi, les faits et citoyens ordinaires. Certes, le spectre de ce et de ceux qui font l\u2019objet de comm\u00e9moration s\u2019est consid\u00e9rablement \u00e9largi dans les soci\u00e9t\u00e9s contemporaines. Cette situation se refl\u00e8te aussi bien dans la production des m\u00e9moriaux officiels. Les citoyens de toute appartenance religieuse, sexuelle ou ethnique se l\u00e8vent et organisent aujourd\u2019hui pour ins\u00e9rer, dans l\u2019espace public, les r\u00e9cits et personnages significatifs de leurs communaut\u00e9s, \u00e0 un moment o\u00f9 les romans nationaux (unis et homog\u00e8nes) sont remis en question dans les pays d\u2019immigration. Rien qu\u2019aux \u00c9tats-Unis,<\/p>\n\n\n\n

\u00ab just in the few decades, thousands of new memorials to executed witches, enslaved Africans, victims of terrorism, victims of lynching, dead astronauts, aborted fetuses, and murdered teenagers have materialized [\u2026], along with those that pay tribute to civil rights activists, cancer survivors, organ donors, Rosie the Riveter, U.S. soldiers in any number of wars, U.S. presidents, the end of Communism, Martin Luther King, Jr., and the Indian victors of the Battle of Little Bighorn \u00bb (Doss, 2010, 1).<\/p>\n\n\n\n

Qu\u2019est-ce que la technologie fait \u00e0 l\u2019anamn\u00e8se ? Les m\u00e9moriaux Facebook<\/h2>\n\n\n\n

Au seuil du XXe si\u00e8cle, le philosophe et m\u00e9diologue fran\u00e7ais\u00a0R\u00e9gis Debray\u00a0adresse les questions suivantes dans un texte devenu depuis lors incontournable :<\/p>\n\n\n\n

Qu\u2019est-ce que la technique fait \u00e0 la culture ? Et en l\u2019occurrence, qu\u2019est-ce que l\u2019\u00e9volution des mn\u00e9motechniques (devenues consid\u00e9rablement plus l\u00e9g\u00e8res et moins co\u00fbteuses, plus parlantes et portatives que le b\u00e2ti ou le sculpt\u00e9) a modifi\u00e9 quant \u00e0 nos pratiques monumentales ? (1999, 28).<\/p>\n\n\n\n

Je souhaite prendre comme point de d\u00e9part les questions adress\u00e9es ci-dessus pour tenter de comprendre la port\u00e9e du basculement du m\u00e9morial tangible vers des formes immat\u00e9rielles. Plus pr\u00e9cis\u00e9ment, je m\u2019efforcerai de percer les raisons de l\u2019engouement pour les m\u00e9moriaux virtuels \u2013 sous la forme des sites web ou d\u2019\u0153uvres d\u2019art num\u00e9rique \u2013 et, en particulier, pour les m\u00e9moriaux Facebook.<\/p>\n\n\n\n

Depuis 2006, moment o\u00f9 le site Facebook est rendu accessible au public, ses administrateurs ont institu\u00e9 une proc\u00e9dure de \u00ab m\u00e9morialisation \u00bb visant les profils des usagers d\u00e9c\u00e9d\u00e9s. Elle consistait, initialement, \u00e0 ne rien modifier sur le compte de l\u2019usager : aucune information ou commentaire n\u2019y pouvait \u00eatre effac\u00e9 ou ajout\u00e9. Une demande de la part d\u2019un ami ou membre de la famille, preuve du d\u00e9c\u00e8s \u00e0 l\u2019appui, devait \u00eatre achemin\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9quipe du r\u00e9seau social (McEwen, Scheaffer, 2013). Un mois plus tard, le compte \u00e9tait d\u00e9sactiv\u00e9 de fa\u00e7on permanente (McCallig, 2013). Or, cette proc\u00e9dure ne fut valide que quelques mois. En 2007, lors de la\u00a0fusillade \u00e0 Virginia Tech, le processus de m\u00e9morialisation des comptes Facebook fut modifi\u00e9. Les administrateurs ont r\u00e9pondu positivement aux p\u00e9titions visant \u00e0 garder actifs, ind\u00e9finiment, les profils des victimes de cette trag\u00e9die (McEwen, Scheaffer, 2013).<\/p>\n\n\n\n

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\u00c0 propos des comptes de comm\u00e9moration Facebook, capture d\u2019\u00e9cran le 30 novembre 2016<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Aujourd\u2019hui, il est possible de distinguer quatre variantes ou cat\u00e9gories de \u00ab m\u00e9morial Facebook \u00bb ; soit, en premier lieu, le profil du d\u00e9funt qui reste actif si aucun proche ne signale le d\u00e9c\u00e8s aupr\u00e8s des administrateurs du site. Dans cette premi\u00e8re variante, le profil conserve tous ses param\u00e8tres : le d\u00e9funt peut se voir adresser des demandes d\u2019amiti\u00e9, et ses amis re\u00e7oivent des notifications automatis\u00e9es de \u00ab sa part \u00bb. Par exemple, Facebook rappelle l\u2019anniversaire de la personne d\u00e9c\u00e9d\u00e9e aux amis de celle-ci ; le site va jusqu\u2019\u00e0 la sugg\u00e9rer comme relation aupr\u00e8s des contacts de ses amis. De surcro\u00eet, les amis du d\u00e9funt peuvent publier des commentaires sur son mur et, en quelque sorte, lui adresser directement la parole (Kasket, 2012 ; DeGroot, 2014). Dans cette premi\u00e8re cat\u00e9gorie, le profil Facebook se met \u00e0 la place de la personne d\u00e9c\u00e9d\u00e9e et le rend \u00ab pr\u00e9sent \u00bb pour une dur\u00e9e ind\u00e9termin\u00e9e. Cette configuration de m\u00e9morial fait en sorte que \u00ab the dead never really die ; but rather are perpetually sustained in a digital state of dialogic limbo \u00bb, affirment Rebecca Kern, Abbe Forman et Gisela Gil-Egui (2012 : 3). \u00c0 travers les commentaires et publications sur le mur du d\u00e9funt, famille et amis s\u2019engagent dans des rituels comparables aux visites au cimeti\u00e8re. La possibilit\u00e9 de visiter le profil de l\u2019\u00eatre cher disparu, d\u2019y lire les messages des autres, tel un de livre de visiteurs, et d\u2019\u00eatre capable d\u2019en publier \u00e0 son tour, peut constituer une source de r\u00e9confort. Une communaut\u00e9 se cr\u00e9e ainsi autour de la personne d\u00e9c\u00e9d\u00e9e pour partager les m\u00e9moires \u00e0 son sujet. Par ailleurs, l\u2019option d\u2019envoyer des messages priv\u00e9s au d\u00e9funt reste active. Cette forme de communication avec la personne d\u00e9c\u00e9d\u00e9e se classe dans ce que Rhonda N. McEwen et Kathleen Scheaffer (2013) appellent a backstage performance<\/em>, afin de la diff\u00e9rencier des pratiques ouvertes au public (front-stage performance<\/em>), affich\u00e9es sur son journal.<\/p>\n\n\n\n

Les membres de la famille ont toutefois l\u2019option de transformer le profil du d\u00e9funt en \u00ab compte de comm\u00e9moration \u00bb7<\/sup>\u00a0\u2013 deuxi\u00e8me type de m\u00e9morial Facebook. Une s\u00e9rie d\u2019options sont alors d\u00e9sactiv\u00e9es : le compte n\u2019est plus expos\u00e9 \u00e0 des fonctions telles que la suggestion d\u2019amis (\u00ab Vous connaissez peut-\u00eatre \u00bb), les rappels automatiques d\u2019anniversaire ou la publicit\u00e9 (Facebook, 2016a). D\u2019ailleurs, le d\u00e9funt est retir\u00e9 des groupes auxquels il appartenait et la ligne statut \u00ab \u00c0 quoi pensez-vous \u00bb est supprim\u00e9e. Jusqu\u2019en 2014, Facebook limitait la visibilit\u00e9 du contenu des comptes plac\u00e9s en mode \u00ab m\u00e9morial \u00bb aux seuls amis du d\u00e9funt ; n\u00e9anmoins, si ce dernier a param\u00e9tr\u00e9 son compte en mode public, ces param\u00e8tres de confidentialit\u00e9 sont d\u00e9sormais maintenus apr\u00e8s son d\u00e9c\u00e8s.<\/p>\n\n\n\n

Dans la mar\u00e9e d\u2019ajustements propos\u00e9s par l\u2019administration Facebook afin de peaufiner la gestion de nos legs et traces num\u00e9riques, deux options s\u2019offrent dor\u00e9navant aux internautes. Le 12 f\u00e9vrier 2015, Facebook annonce le lancement d\u2019une nouvelle fonctionnalit\u00e9 qui permet, soit de laisser un contact l\u00e9gataire, ou de demander de son vivant, \u00e0 titre de volont\u00e9 posthume, de supprimer son compte en cas de d\u00e9c\u00e8s (Untersinger, 2015). Dans le premier cas, on peut d\u00e9signer une personne pour g\u00e9rer le compte apr\u00e8s le d\u00e9c\u00e8s. Or, l\u2019usage que peut en faire cette personne reste limit\u00e9. Le contact l\u00e9gataire pourra certes \u00e9pingler une publication dans le journal du d\u00e9funt, r\u00e9pondre \u00e0 de nouvelles invitations d\u2019amis et mettre \u00e0 jour la photo de profil ; par contre, il ne pourra ni publier en son nom ni lire ses messages priv\u00e9s (Facebook, 2016b).<\/p>\n\n\n\n

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M\u00e9morial Facebook (cat\u00e9gorie \u00ab Page \u00bb), capture d\u2019\u00e9cran le 30 novembre 2016<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Une troisi\u00e8me et quatri\u00e8me cat\u00e9gorie de m\u00e9morial Facebook sont les pages et les groupes, ferm\u00e9s ou publics. Ces espaces servent \u00e0 honorer les amis ou parents d\u00e9c\u00e9d\u00e9s et deviennent terrain de recueillement et de partage d\u2019information, de photos et de vid\u00e9os. Ils offrent une tribune pour diffuser les informations relatives aux services fun\u00e9raires, aux enterrements, ou pour la collecte de fonds pour la mise sur pied d\u2019une fondation, entre autres. C\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment \u00e0 ce type de page Facebook que Camille fait r\u00e9f\u00e9rence dans la sc\u00e8ne de la s\u00e9rie The Returned (2015) \u00e9voqu\u00e9e au d\u00e9but de cette contribution.<\/p>\n\n\n\n

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M\u00e9morial Facebook (cat\u00e9gorie \u00ab Groupe \u00bb), capture d\u2019\u00e9cran le 30 novembre 2016<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Longue vie \u00e0 nos morts ! L\u2019avenir virtuel, entre mirage et r\u00e9alit\u00e9<\/h2>\n\n\n\n

Les m\u00e9moriaux Facebook partagent un important nombre de fonctions avec les m\u00e9moriaux traditionnels et \u00e9ph\u00e9m\u00e8res, ainsi qu\u2019avec d\u2019autres constructions \u00e0 vocation comm\u00e9morative ; entre autres, ils sont tous cr\u00e9\u00e9s pour rendre hommage aux morts et pour rassembler la communaut\u00e9. Comment expliquer alors l\u2019ampleur de l\u2019engouement pour les m\u00e9moriaux virtuels ?<\/p>\n\n\n\n

Dans les faits, les b\u00e9n\u00e9fices ou avantages des m\u00e9moriaux Facebook semblent multiples. Il y a tout d\u2019abord leur proximit\u00e9, leur accessibilit\u00e9 et leur port\u00e9e. \u00ab After being informed of a death, Westerners traditionally gather in public venues to mourn at wakes, memorials, or funerals \u00bb (McEwen, Scheaffer, 2013 : 65). Il faudrait cependant reconnaitre les limites physiques des sites traditionnels de recueillement et de deuil \u2013 leur statisme, notamment. Si une personne veut visiter le tombeau ou le mausol\u00e9e d\u2019un proche d\u00e9c\u00e9d\u00e9, elle peut \u00eatre limit\u00e9e par une s\u00e9rie de facteurs tels que sa localisation g\u00e9ographique, les heures d\u2019ouverture, les conditions m\u00e9t\u00e9orologiques, etc. ; tandis que \u00ab online memorials are not at all limited by such factors, creating a sense of enduring and timeless sense of availability and proximity for the living person who wishes to visit the deceased \u00bb (Bell, 2014 : 9). La visite du m\u00e9morial Facebook peut s\u2019effectuer \u00e0 n\u2019importe quel moment de la journ\u00e9e ou de la nuit, en n\u2019importe quelle tenue, simplement en se connectant au site (Bell, 2014).<\/p>\n\n\n\n

Dans un autre ordre d\u2019id\u00e9es, les r\u00e9seaux socio-num\u00e9riques contribuent \u00e0 l\u2019acc\u00e9l\u00e9ration du temps, ph\u00e9nom\u00e8ne qui enveloppe aujourd\u2019hui notre existence quotidienne. Par cons\u00e9quent, la nouvelle d\u2019un d\u00e9c\u00e8s se propage sur Facebook en quelques instants, gr\u00e2ce \u00e0 des fonctions comme \u00ab partager \u00bb ou \u00e0 l\u2019utilisation de mots-clic (hashtags<\/em>). Cette compression temporelle est certes reli\u00e9e \u00e0 la principale raison d\u2019\u00eatre du site qui est de nous mettre en r\u00e9seau. Or, il ne faut pas oblit\u00e9rer l\u2019association de l\u2019Internet \u00e0 la t\u00e9l\u00e9phonie mobile, association qui nous expose potentiellement \u00e0 un flux de nouvelles en continu. McEwen et Scheaffer sont eux aussi de l\u2019opinion que :<\/p>\n\n\n\n

\u00ab The rise in mobile media use worldwide has also contributed to the surge in active participation on social media sites. Access to the mobile Internet is reshaping how we think about information sharing, and the uptake of data services on mobile media [\u2026] is transforming when and how people engage with social media \u00bb (2013 : 64).<\/p>\n\n\n\n

En troisi\u00e8me lieu, les m\u00e9moriaux Facebook sont avant tout \u00ab bon march\u00e9 \u00bb et rapidement ex\u00e9cutables. Ils n\u2019engagent gu\u00e8re de d\u00e9pense, puisque l\u2019acc\u00e8s au site est gratuit, et d\u2019apr\u00e8s le slogan du site, \u00ab \u00e7a le restera toujours \u00bb. De plus, ils peuvent \u00eatre mise sur pied dans l\u2019espace de quelques secondes apr\u00e8s un d\u00e9c\u00e8s. Tandis que tout un chacun disposant d\u2019un ordinateur, d\u2019un acc\u00e8s Internet et de quelques connaissances de base en informatique peut cr\u00e9er une page, un groupe ou un profil sur ce r\u00e9seau, le m\u00e9morial traditionnel demande quant \u00e0 lui des ressources financi\u00e8res et logistiques consid\u00e9rables, l\u2019expertise d\u2019un grand nombre d\u2019acteurs et souvent des ann\u00e9es pour sa r\u00e9alisation.<\/p>\n\n\n\n

Finalement, les m\u00e9moriaux Facebook donnent une illusion de p\u00e9rennit\u00e9. Autant les m\u00e9moriaux institutionnels que les tombeaux et les st\u00e8les fun\u00e9raires, et encore plus les m\u00e9moriaux temporaires, sont des structures mat\u00e9rielles dot\u00e9es d\u2019une vie limit\u00e9e. Au contraire, leurs \u00e9quivalents virtuels donnent l\u2019illusion d\u2019inscrire la mort dans une sorte de pr\u00e9sent \u00e9ternel. De mani\u00e8re certaine, le sentiment est r\u00e9pandu parmi les internautes que le code \u00ab HTML \u00bb non seulement survivra aux m\u00e9moriaux \u00ab en dur \u00bb et aux temporaires (les ballons, les ours en peluche, les cartes, les photos, les bougies, etc.), mais qu\u2019il nous survivra tous (Bell, 2014). Or, ces pages peuvent s\u2019av\u00e9rer, dans la pratique, autant sinon plus provisoires que n\u2019importe quel autre m\u00e9morial ou structure \u00e0 vocation m\u00e9morielle. S\u2019il en est ainsi, c\u2019est parce que, d\u2019une part, il s\u2019agit d\u2019une plateforme web, en d\u2019autres termes : de donn\u00e9es num\u00e9riques. Ces pages peuvent \u00eatre effac\u00e9es d\u2019un seul clic, tout simplement. D\u2019autre part, il s\u2019agit bel et bien d\u2019une illusion de p\u00e9rennit\u00e9, car comme pour les m\u00e9moriaux traditionnels, ces pages \u00ab n\u2019existent \u00bb que gr\u00e2ce aux internautes : ce sont les visiteurs qui font le m\u00e9morial, qui le transforment en espace d\u2019anamn\u00e8se. Si les gens arr\u00eatent d\u2019alimenter ces pages, de les consulter, d\u2019y faire acte de m\u00e9moire, elles perdront leur fonction comm\u00e9morative. Ainsi, \u00e0 l\u2019instar d\u2019un m\u00e9morial dit conventionnel, les m\u00e9moriaux Facebook peuvent tomber dans l\u2019oubli et dispara\u00eetre. De fait, ils sont particuli\u00e8rement actifs les jours et les mois suivant un d\u00e9c\u00e8s, et moins, voire quasiment pas ensuite. Cet abandon les transforme en c\u00e9notaphes fant\u00f4mes dans le cyberespace8<\/sup>. Pr\u00e9cis\u00e9ment, dans un texte portant sur les profils Facebook en tant que c\u00e9notaphes, la sociologue britannique Elaine Kasket pose une s\u00e9rie des questions que je souhaite mettre en rapport avec les interrogations de Debray sur l\u2019influence de la technologie sur nos modes de vie et pratiques monumentales. Kasket \u00e9crit :<\/p>\n\n\n\n

\u00ab In even a few years\u2019 time, will we still be moved to visit the place of physical interment of our dead ? Will this be satisfying, or give us a feeling of connectedness ? [\u2026] What will an increasing awareness of our Facebook profiles as being part of our digital legacy [\u2026] mean for the way we co-construct these profiles ? Will we as a society need our mediums, our priests, our obituary writers, [our memorials] and our bereavement professionals in the same way ? These questions are a logical outgrowth of our digital society, and their salience shows the extent to which social networking is revolutionising both our lives and our deaths. \u00bb (2012 : 69).<\/p>\n\n\n\n

La tournure des \u00e9v\u00e9nements est \u00e9videmment difficile \u00e0 pr\u00e9voir. Il reste \u00e0 suivre l\u2019\u00e9volution de la pratique, m\u00eame si le virage semble irr\u00e9versible. Les m\u00e9canismes se peaufinent graduellement, au fur et \u00e0 mesure que de nouvelles interrogations surgissent, notamment en mati\u00e8re de legs. \u00c0 l\u2019instar du m\u00e9morial, l\u2019avenir dans l\u2019espace virtuel est (surtout) un enjeu du pr\u00e9sent : il se n\u00e9gocie ici et maintenant. Par cons\u00e9quent, les efforts se multiplient dans le dessein d\u2019assurer le maintien des comptes Facebook apr\u00e8s le d\u00e9c\u00e8s de leurs d\u00e9tenteurs. Cette pr\u00e9occupation serait symptomatique d\u2019un besoin de perp\u00e9tuer le souvenir de nos morts, ainsi que de les rendre \u00ab pr\u00e9sents \u00bb parmi nous \u00e0 demeure.<\/p>\n\n\n\n

Tel qu\u2019expliqu\u00e9 au d\u00e9but de cet article, \u00ab [\u2026] le souvenir de la chose n\u2019est ni toujours ni fr\u00e9quemment donn\u00e9, il faut le chercher ; cette qu\u00eate est l\u2019anamn\u00e8se, la r\u00e9miniscence, la r\u00e9collection, le rappel \u00bb (Ricoeur, 2000b : 733). En d\u00e9pit de toutes les incertitudes associ\u00e9es au d\u00e9ploiement et au d\u00e9veloppement incessant de la sph\u00e8re virtuelle, il ressort clairement de cette r\u00e9flexion que l\u2019acte d\u2019anamn\u00e8se, quels que soient les d\u00e9fis et les transformations auxquels il se voit confront\u00e9, est toujours profond\u00e9ment enracin\u00e9 chez l\u2019individu et la collectivit\u00e9. Se pr\u00eater \u00e0 cet exercice de m\u00e9moire ne garantit pas uniquement la sauvegarde du souvenir de nos \u00eatres chers d\u00e9c\u00e9d\u00e9s, mais \u00e9galement notre propre survie.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Ce texte s\u2019inspire d\u2019une conf\u00e9rence prononc\u00e9e lors de la journ\u00e9e d\u2019\u00e9tude Recherches et cr\u00e9ation :\u00a0comment vivons-nous la mort ?, organis\u00e9e par\u00a0Patrimoine fun\u00e9raire Montr\u00e9al, le\u00a0C\u00c9LAT\u00a0et l\u2019UQAM\u00a0\u00e0 L\u2019Artoth\u00e8que(Montr\u00e9al), le 14 novembre 2014.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[2] La s\u00e9rie fut annul\u00e9e apr\u00e8s la premi\u00e8re saison.<\/p>\n\n\n\n

[3] \u00c0 partir de la minute 5 (\u00e9pisode 1, saison 1) de\u00a0The Returned<\/em>\u00a0(2015), s\u00e9rie disponible sur Netflix.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[4] \u00c0 partir de la minute 10 (\u00e9pisode 4, saison 1) de\u00a0The Returned<\/em>\u00a0(2015), s\u00e9rie disponible sur Netflix.\u00a0\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[5] Ceci est d\u2019autant plus vrai dans le milieu francophone.<\/p>\n\n\n\n

[6] Sur ce type de m\u00e9morial, voir Doss, 2008 ;\u00a0Klaassens, Groote, Huigen, 2009 ; et Margry, Sanchez-Carretero, 2011.<\/p>\n\n\n\n

[7] Les membres de la famille proche peuvent \u00e9galement demander \u00e0 supprimer le compte de la personne d\u00e9c\u00e9d\u00e9e (Facebook, 2016a).<\/p>\n\n\n\n

[8] J\u2019ai consult\u00e9 une dixi\u00e8me de comptes de comm\u00e9moration dont les publications et commentaires s\u2019arr\u00eatent quelques mois apr\u00e8s le d\u00e9c\u00e8s du d\u00e9tenteur du profil.<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

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\u2013 Facebook, \u00ab\u00a0Qu\u2019est-ce qu\u2019un contact l\u00e9gataire ?\u00a0\u00bb, Aide du bureau, 2016b, en ligne, <https:\/\/www.facebook.com\/help\/1568013990080948>, consult\u00e9 le 17 mars 2016.<\/p>\n\n\n\n

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\u2013 McEwen, Rhonda N. et Kathleen Scheaffer, \u00ab Virtual Mourning and Memory Construction on Facebook : Here Are the Terms of Use \u00bb, Bulletin of Science Technology & Society<\/em>, vol. 33, no<\/sup> 3-4, 2013, 64-75.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Nora, Pierre (dir.), \u00ab Pr\u00e9sentation \u00bb et \u00ab Entre M\u00e9moire et Histoire : la probl\u00e9matique des lieux \u00bb, Dans Les lieux de m\u00e9moire<\/em>, t.1 \u00ab La R\u00e9publique \u00bb, Paris, Gallimard, 1984, p. vii-xlii.<\/p>\n\n\n\n

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\u2013 Ricoeur, Paul, \u00ab\u00a0L\u2019\u00e9criture de l\u2019histoire et la repr\u00e9sentation du pass\u00e9\u00a0\u00bb, Annales. Histoire, Sciences Sociales<\/em>, vol. 55, no<\/sup> 4, juillet-ao\u00fbt 2000, p. 731-747, en ligne, <https:\/\/www.persee.fr\/doc\/ahess_0395-2649_2000_num_55_4_279877>, consult\u00e9 le 6 mars 2016.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Ricoeur, Paul, La m\u00e9moire, l\u2019histoire, l\u2019oubli<\/em>, Paris, Le Seuil, 2000, 675 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Schlagdenhauffen, R\u00e9gis, La biblioth\u00e8que vide et le M\u00e9morial de l’holocauste de Berlin : lieux de m\u00e9moire pour construire l’Europe<\/em>, Paris, L\u2019Harmattan, 2005, 186 p. <\/p>\n\n\n\n

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\u2013 Untersinger, Martin, \u00ab\u00a0Vous pourrez d\u00e9cider de ce qui arrivera \u00e0 votre compte Facebook apr\u00e8s votre mort\u00a0\u00bb, Le Monde, 12 f\u00e9vrier 2015, en ligne, <https:\/\/www.lemonde.fr\/pixels\/article\/2015\/02\/12\/vous-pourrez-decider-de-ce-qui-arrivera-a-votre-compte-facebook-apres-votre-mort_4575507_4408996.html>, consult\u00e9 le 7 mars 2016.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Le virage num\u00e9rique dans le champ m\u00e9moriel1 Dans le premier \u00e9pisode de la seule saison2\u00a0de la s\u00e9rie t\u00e9l\u00e9vis\u00e9e am\u00e9ricaine\u00a0The Returned\u00a0(2015), un groupe de parents sont r\u00e9unis autour d\u2019une maquette. Ils peaufinent les d\u00e9tails de la construction du m\u00e9morial en l\u2019honneur de leurs enfants d\u00e9c\u00e9d\u00e9s lors d\u2019un accident de la route survenu quatre ans plus t\u00f4t3. … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[73],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1087"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=1087"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1087\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1097,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1087\/revisions\/1097"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=1087"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=1087"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=1087"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}