{"id":1141,"date":"2016-11-01T15:38:28","date_gmt":"2016-11-01T15:38:28","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1141"},"modified":"2022-11-11T16:06:52","modified_gmt":"2022-11-11T16:06:52","slug":"novembre-2016-nouvelles-technologies-dans-les-arts-vivants-et-la-somatique-pour-une-methodologie-de-la-transformation-au-croisement-de-la-somatique-et-de-la-technologie-pour-devenir-autre","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/novembre-2016-nouvelles-technologies-dans-les-arts-vivants-et-la-somatique-pour-une-methodologie-de-la-transformation-au-croisement-de-la-somatique-et-de-la-technologie-pour-devenir-autre\/","title":{"rendered":"Novembre 2016 – Nouvelles technologies dans les arts vivants et la somatique pour une m\u00e9thodologie de la transformation. Au croisement de la somatique et de la technologie: pour devenir autre…"},"content":{"rendered":"\n

1. Historique sch\u00e9matique et probl\u00e9matique de l’interface traditionnelle<\/h2>\n\n\n\n

La supr\u00e9matie du discours de l\u2019interface est le discours dominant de la sc\u00e8ne performative contemporaine : celle qui int\u00e8gre les technologies. Ce discours est bas\u00e9 sur la vision dualiste et mat\u00e9rialiste du monde occidental, sur une culture de l\u2019objet tel que l\u2019a identifi\u00e9 Christine Buci-Glucksmann1<\/sup> (2003). J\u2019expliquerai, dans la section sur la m\u00e9thodologie, comment le d\u00e9veloppement d\u2019une pens\u00e9e int\u00e9grative est n\u00e9cessaire pour sortir de ces pi\u00e8ges r\u00e9ductionnistes ainsi que pour investir les enjeux de la corpor\u00e9it\u00e9. L\u2019approche de l\u2019interface, telle que con\u00e7ue dans le domaine des arts visuels, a donc \u00e9t\u00e9 majoritairement import\u00e9e dans le milieu des arts vivants performatifs.<\/p>\n\n\n\n

La conception traditionnelle de l\u2019interface qui se situe au croisement entre le technologique et l\u2019humain, formalise une pragmatique communicationnelle dont le but est de traduire et de transformer le corps-langage humain et le langage-calcul de l\u2019ordinateur \u00e9crit Emanuel Quinz2<\/sup>, qui fait son analyse d\u2019un point de vue des arts visuels et m\u00e9diatiques, m\u00eame si toute une \u00e9volution du concept d\u2019interface prend place par la suite, il reste que m\u00eame si le concept de l\u2019interface artificielle se raffine, il fonctionne encore sur des principes de s\u00e9lection et de r\u00e9duction, en contrepoint avec le corps qui est compar\u00e9 \u00e0 une interface physiologique hyper complexe3<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

J\u2019en suis venue \u00e0 la r\u00e9flexion suivante : pour atteindre la complexit\u00e9 relationnelle dont j\u2019avais besoin, je ne pouvais plus utiliser les interfaces telles qu\u2019elles m\u2019\u00e9taient propos\u00e9es, mais devais plut\u00f4t me diriger vers des principes de l\u2019organique pour g\u00e9n\u00e9rer cette complexit\u00e94<\/sup>. Pour cela, je me suis int\u00e9ress\u00e9e \u00e0 r\u00e9investir la relation de la somatique et de la technologie.<\/p>\n\n\n\n

2. Description sch\u00e9matique de la derni\u00e8re phase de la cr\u00e9ation en cours<\/h2>\n\n\n\n

Suivant ces hypoth\u00e8ses, mes derni\u00e8res exp\u00e9rimentations de cr\u00e9ation ont pris la forme d\u2019une cr\u00e9ation hybride en cours qui explore les relations entre le corps physique en mouvement et la technologie, et plus sp\u00e9cifiquement, les relations entre les principes de la somatique et la technologie.<\/p>\n\n\n\n

Cette cr\u00e9ation se pr\u00e9sente comme une sculpture tridimensionnelle en mouvement mettant en sc\u00e8ne cinq danseuses presque compl\u00e8tement d\u00e9nud\u00e9es dans un contact quasi permanent entre elles cr\u00e9ant de la sorte un \u00ab corps collectif \u00bb qui se nourrit d\u2019un processus qui m\u2019est propre et qui prend comme rep\u00e8re des sensations tactiles et kinesth\u00e9siques5<\/sup> se d\u00e9place et prend forme par l\u2019application de tactiques qui ont une parent\u00e9 avec celle du \u00ab corps fluide \u00bb dit \u00ab transitoire \u00bb de Trisha Brown et d\u2019une radicalisation des principes du \u00ab corps tactile\u00bb de Steve Paxton. Un environnement sonore g\u00e9n\u00e9r\u00e9 en temps r\u00e9el est produit par les diverses dynamiques du mouvement. Ce son a aussi la particularit\u00e9 d\u2019\u00eatre cr\u00e9\u00e9 dans une dynamique collective, g\u00e9n\u00e9rant un \u00ab corps collectif sonore \u00bb. Il agira comme sixi\u00e8me danseur dans sa dynamique, sa temporalit\u00e9 et son rapport \u00e0 l\u2019espace.<\/p>\n\n\n\n

Les danseuses sont munies de dispositifs technologiques qui se veulent invisibles. Ils sont compos\u00e9s d\u2019une part d\u2019un dispositif de transmission sans fil muni d\u2019un micro pour chaque danseuse et dissimul\u00e9 sous un turban noir et, d\u2019autre part, d\u2019un logiciel de spatialisation sonore. Donc ce \u00ab corps collectif physique \u00bb est \u00e9galement pourvu d\u2019une dimension sonore. Gr\u00e2ce \u00e0 ce dispositif technologique con\u00e7u pour la performance, les performeuses g\u00e9n\u00e8rent des sons m\u00e9diatis\u00e9s en temps r\u00e9el. Les expressions gestuelles et sonores de celles-ci sont capt\u00e9es par des micros sans fils puis transform\u00e9es en signaux audio qui sont aussit\u00f4t transmis en direct (trait\u00e9s et spatialis\u00e9s) dans l\u2019environnement de la performance. Ainsi, les sons et les gestes produits par chaque performeuse reviennent \u00e0 elle comme l\u2019\u00e9cho de sa propre manifestation corporelle m\u00e9diatis\u00e9e, puis s\u2019\u00e9tendent aux autres performeuses r\u00e9unissant les cinq corps en un m\u00eame \u00ab corps collectif sonore \u00bb. Dans la phase #3, les sources sonores \u00e9taient trait\u00e9es majoritairement collectivement. Dans une phase ult\u00e9rieure, nous pourrions isoler les sources et les spatialiser selon diff\u00e9rentes organisations spatio-temporelles pour complexifier les ph\u00e9nom\u00e8nes perceptifs et l\u2019organisation performative physique\/m\u00e9di\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

La sc\u00e9nographie se pr\u00e9sente comme trois espaces circulaires imbriqu\u00e9e les uns dans les autres, dont l\u2019espace de performance o\u00f9 les danseuses \u00e9voluent. Cet espace de six m\u00e8tres de diam\u00e8tre est dispos\u00e9 au centre. Le public plac\u00e9 autour tout autour est tr\u00e8s proche de l\u2019espace des danseuses. Autour de lui sont dispos\u00e9s les huit haut-parleurs du syst\u00e8me de spatialisation qui compose ainsi le dernier espace d\u00e9limitant l\u2019espace total de la performance. Le public, se situant entre les haut-parleurs et l\u2019ar\u00e8ne\/espace de performance des danseuses, participe alors \u00e0 une strat\u00e9gie de d\u00e9stabilisation sensorielle et perceptuelle dont je fais l\u2019exp\u00e9rimentation. Par cette hyper-proximit\u00e9, je cherche \u00e0 provoquer un effet hypnotique devant cette entit\u00e9 de forme complexe, devenue sonore : cette masse de chair qui chante, qui parle, qui g\u00e9mit.<\/p>\n\n\n\n

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C\u00e9phalopode, Hans Bellmer, dessin au crayon, ann\u00e9es quarante, Dourthe 1999 :102<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

La proximit\u00e9 du corps presque nu des danseuses enl\u00e8ve au spectateur ses r\u00e9f\u00e9rences analytiques6<\/sup>. Cette \u00ab chair en mouvement \u00bb, provoque une premi\u00e8re perte de rep\u00e8re, une d\u00e9-hi\u00e9rarchisation, car on a l\u2019impression d\u2019\u00eatre dans la chair. Le ph\u00e9nom\u00e8ne de d\u00e9-hi\u00e9rarchisation fait partie des strat\u00e9gies que j\u2019utilise dans laquelle les parties du corps ne jouent pas leur r\u00f4le conventionnel (par exemple, les jambes joueront le r\u00f4le des bras o\u00f9 seront d\u00e9doubl\u00e9s tel que dans le travail de Hans Bellmer qui fut une de mes sources d\u2019inspiration. En m\u00eame temps qu\u2019appara\u00eet cette sculpture de chair, des bruits se font entendre. Ainsi comme deuxi\u00e8me perte de rep\u00e8re, le spectateur se sent immerg\u00e9 dans une entit\u00e9 vivante devenue sonore. Il se retrouve dans l\u2019hyper-intime et dans le son qui se d\u00e9place autour de lui, traversant ainsi son espace. Ces deux mati\u00e8res (celle de la chair des cinq corps entrem\u00eal\u00e9es et celle du son), auxquelles il n\u2019est pas habitu\u00e9, brouillent ses codes et ses rep\u00e8res en bougeant autour de lui7<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

Ce travail se veut la mise en sc\u00e8ne de la pr\u00e9sence et de la chair de cette masse humaine dans sa dimension mat\u00e9rielle et interconnect\u00e9e. L’envie de travailler sur un \u00ab corps collectif \u00bb refl\u00e8te le d\u00e9sir de trouver une forme performative qui refl\u00e8te l\u2019interconnectivit\u00e9 et la complexit\u00e9 de notre monde. Selon moi, c\u2019est un travail tel qu\u2019ont fait les Post-modernistes \u00e0 leur \u00e9poque, dans leur contexte : une red\u00e9finition des structures et des codes de la performance\/danse actuelle. Des \u0153uvres tels que Roof Piece (1973), Walking down the Side of a Building (1970) de Trisha Brown, Victory 14 (1966) de Deborah Hay, Temple (1974) et Scenario (1971) d\u2019Alwin Nikolais ou les improvisations de Steve Paxton, pour ne nommer que ceux-ci, refl\u00e8tent ces changements importants. Pour mieux illustrer mon propos, j\u2019ajouterais qu\u2019il est int\u00e9ressant de comprendre comment Trisha Brown a construit son \u00ab corps fluide \u00bb. En fait, elle travaille sur le d\u00e9but et la fin du mouvement dans\u00e9. Selon moi, influenc\u00e9e par l\u2019\u00e8re industrielle et la machine, elle r\u00e9fl\u00e9chit sur la notion de s\u00e9rie et elle annule toutes les transitions entre les mouvements.<\/p>\n\n\n\n

\u00ab La logique temporelle du mouvement est perturb\u00e9e : le d\u00e9but d\u2019un mouvement dans une partie du corps prend le relais d\u2019un autre mouvement qui n\u2019est pas encore achev\u00e9\u2026 Ce jeu sur l\u2019inachev\u00e9, le relais et le d\u00e9tournement provoque un effet de surprise et il relance constamment le mouvement (\u2026). La chor\u00e9graphe cr\u00e9e un mouvement qu\u2019elle qualifie de multidirectionnel\u2026 \u00bb (Geisha Fontaine, 2004).<\/p>\n\n\n\n

Pour Geisha Fontaine, \u00ab il instaure une autre configuration \u00bb. Pour Guy Scarpetta (1992, cit\u00e9 dans Fontaine, 2004), le mouvement Brownien est presqu\u2019une r\u00e9volution. Pour lui, c\u2019est un corps incorrigiblement \u00ab transitoire \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

3. Changement de perspective dans la pratique<\/h2>\n\n\n\n

L\u2019int\u00e9r\u00eat pour le travail en temps r\u00e9el est venu dans le d\u00e9veloppement de cette alt\u00e9ration de la physicalit\u00e9 qui conduit \u00e0 la modification de la corpor\u00e9it\u00e9. La n\u00e9cessit\u00e9 de d\u00e9velopper un rapport avec une interface qui pouvait enrichir la corpor\u00e9it\u00e9 (et non l\u2019appauvrir) vient de ces exp\u00e9riences. J\u2019avais senti le besoin de sortir du rapport d\u2019instrumentalisation dans laquelle le performeur s\u2019ab\u00eeme souvent avec la technologie.<\/p>\n\n\n\n

Un travail de cr\u00e9ation refl\u00e9tant la complexit\u00e9 de cinq corps entrem\u00eal\u00e9s et constamment en contact l\u2019un avec l\u2019autre \u2013 le \u00ab corps collectif \u00bb \u2013 me demandait \u00e9galement de sortir d\u2019un rapport de causalit\u00e9 avec la technologie. Je cherchais une interface qui pouvait agir sur l\u2019organisation sensoriperceptuelle interne de l\u2019individu performeur\/spectateur car la relation avec la technologie red\u00e9finit notre modalit\u00e9 de perception. L\u2019approche ph\u00e9nom\u00e9nologique, que j\u2019ai exp\u00e9riment\u00e9e avec des strat\u00e9gies de d\u00e9stabilisation, a donc influenc\u00e9 mon mode de penser et de sentir le corps, et donc, d\u2019organiser l\u2019\u0153uvre.<\/p>\n\n\n\n

La technologie, v\u00e9cue comme un environnement, correspond \u00e0 la sensation de \u00ab corps \u00e9largi \u00bb qui guide mon processus. Elle a \u00e9t\u00e9 initi\u00e9e par le travail sur la \u00ab mol\u00e9cularisation \u00bb8<\/sup> en tant que nouvelle forme d\u2019\u00e9tat corporel et de projection performative9<\/sup> dans ma premi\u00e8re cr\u00e9ation Communion (1995)10<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

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Communion (Le partage des peaux II), con\u00e7ue et perform\u00e9e par Isabelle Choini\u00e8re, performance d\u2019art \u00e9lectronique, 1995-2000, photographe : Marc Deserrano<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Ce travail s\u2019est poursuivi avec le d\u00e9veloppement du son g\u00e9n\u00e9r\u00e9 en temps r\u00e9el qui provoque la sensation d\u2019un corps sonore vibratoire qui nous entoure. Cette exp\u00e9rimentation sur le corps sonore a \u00e9t\u00e9 initi\u00e9e dans Communion, et d\u00e9velopp\u00e9e par la suite dans ma deuxi\u00e8me cr\u00e9ation, La D\u00e9mence des anges (1999)11<\/sup>, o\u00f9 ce corps est v\u00e9cu comme un corps dilat\u00e9 et non comme un double.<\/p>\n\n\n\n

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La D\u00e9mence des anges (La mue de l\u2019ange), con\u00e7ue par Isabelle Choini\u00e8re, et perform\u00e9e par Isabelle Choini\u00e8re et Alyson Wishnovsky, performance t\u00e9l\u00e9matique (duo) en temps r\u00e9el, 1999-2005, photographe: Fr\u00e9d\u00e9rique Bolt\u00e9<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Dans la cr\u00e9ation actuelle en cours, le travail en temps r\u00e9el sur le corps sonore a provoqu\u00e9 une autre modification du \u00ab processus de fiction \u00bb (Bernard 2001), soit celle de la sensation d\u2019un corps en \u00e9tat de diffraction.<\/p>\n\n\n\n

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Diffraction \u2013 diffraction 4-1
Laser diffraction\u2013 diffraction 4-2<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Le \u00ab processus de fiction \u00bb de Michel Bernard a \u00e9t\u00e9 d\u00e9crit comme la projection de la corpor\u00e9it\u00e9 \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur. Le performeur imagine et projette son anatomie dans l\u2019espace avant d\u2019agir dans le monde physique. C\u2019est la corpor\u00e9it\u00e9 imagin\u00e9e. Pour poursuivre mon id\u00e9e sur le corps en \u00e9tat de diffraction, je dirais que le corps physique se complexifie et un corps m\u00e9di\u00e9 \u00e9mane de celui-ci produisant un changement d\u2019\u00e9tat de la pr\u00e9sence, voire un changement d\u2019essence de cette pr\u00e9sence12<\/sup>, donc une \u00e9volution de la notion du \u00ab processus de fiction \u00bb tel que Bernard le d\u00e9veloppe.<\/p>\n\n\n\n

Une complexification exp\u00e9rientielle se r\u00e9v\u00e8le, refl\u00e9tant ce que Lygia Clark annon\u00e7ait, soit que le corps est \u00e0 la fois un et pluriel13<\/sup> (Celia Luz, 1975; Suely Rolnik & Corinne Diserens, 2005). Il ne s\u2019agit pas d\u2019une perte de soi, mais bien d\u2019une complexification de soi et de la notion de pr\u00e9sence performative. Nous nous retrouvons devant un nouveau comportement performatif cr\u00e9\u00e9 par le temps r\u00e9el et le travail avec le corps m\u00e9di\u00e9 comme une entit\u00e9 propre au corps physique, venant de son \u00e9volution et de sa complexification. Il ne s\u2019agirait donc pas d\u2019une forme d\u00e9tach\u00e9e, superpos\u00e9e ou hi\u00e9rarchis\u00e9e du corps r\u00e9el comme le sugg\u00e8rent Deleuze et Guattari ou Enrico Pitozzi.<\/p>\n\n\n\n

Le r\u00e9sultat de cette recherche aura aussi un impact important sur sa composante esth\u00e9tique, soit la proposition d\u2019un mod\u00e8le esth\u00e9tique fond\u00e9 sur l\u2019approche de l\u2019aesthesis venant du grec aisth\u00eatikos, \u00ab qui a la facult\u00e9 de percevoir ou de comprendre \u00bb et de aisth\u00easis, \u00ab sensation \u00bb (Jacques Darriulat ; Buci-Glucksmann (2003). Prendre appui dans la sensation et le percevoir m\u2019am\u00e8ne, au niveau des arts performatifs, aux m\u00eames conclusions que Buci-Glucksmann (2001, 2003) au niveau philosophique et artistique14<\/sup>, soit \u00e0 la conception et \u00e0 l\u2019exp\u00e9rimentation d\u2019un nouveau paradigme esth\u00e9tique.<\/p>\n\n\n\n

Une autre radicalisation de la relation au corps performatif est propos\u00e9e par Suely Rolnik15<\/sup>, proche collaboratrice de Deleuze et de Guattari. Posant un regard de psychanalyste et de critique culturelle sur la relation du performeur et du spectateur dans les arts vivants, en faisant r\u00e9f\u00e9rence aux corps de ces performeurs ainsi que de ceux du public16<\/sup>, elle sugg\u00e8re qu\u2019il ne s\u2019agirait plus de surface, mais plut\u00f4t de la dissolution de cette surface \u2013 ce qu\u2019elle nomme la \u00ab fronti\u00e8re psychocorporelle \u00bb \u2013 qui cr\u00e9erait un autre type de paradigme communicationnel, une intersubjectivit\u00e9, gr\u00e2ce au d\u00e9veloppement de liens psychocorporels de type \u00ab vibratoire \u00bb (2006). L\u2019espace entre les performeurs entre eux et avec le public n\u2019est donc pas vide, mais bien rempli de cette vibration communicationnelle. Un \u00ab \u00e9tat de fragilit\u00e9 \u00bb, une mise \u00e0 risque tant pour le performeur que pour le spectateur, est n\u00e9cessaire pour qu\u2019une \u00ab reconnaissance \u00bb entre les corps advienne. Ces \u00e9tats sont conditionnels \u00e0 la dissolution de la \u00ab barri\u00e8re psychocorporelle \u00bb (Rolnik, 2006, 2007b, 2007c).<\/p>\n\n\n\n

Pour sa part, Roy Ascott promeut l’id\u00e9e ([1966-67] 2003, p. 150) que \u00ab the act of changing becomes a vital part of the total aesthetic experience of the participant \u00bb. Sa proposition aura une r\u00e9sonnance directe dans le contexte du corps performatif et a comme r\u00e9sultante la cr\u00e9ation de nouveaux mod\u00e8les esth\u00e9tiques refl\u00e9tant les dynamiques int\u00e9gratives propres au vivant. Les processus m\u00e9thodologiques que je propose plus loin ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9velopp\u00e9s dans cette logique int\u00e9grative. Ce nouveau paradigme esth\u00e9tique est possible par cette approche de la d\u00e9stabilisation du corps et l\u2019investissement dans une prise de risque multisensoriel enrichi d\u2019un nouveau paradigme communicationnel. Tous ces composants caract\u00e9risent mon approche. Selon mes derni\u00e8res recherches, de plus en plus d\u2019artistes s\u2019int\u00e9ressent \u00e0 un changement de perspective qui s\u2019attarde \u00e0 comprendre l\u2019int\u00e9riorit\u00e9 plut\u00f4t que l\u2019ext\u00e9riorit\u00e9 ou le spectaculaire ; point de vue qui vient du corps et de l\u2019exp\u00e9rientiel, les artistes portent attention davantage aux changements produits \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du corps, que dans les arts impliquant la technologie et aux \u00e9v\u00e8nements ext\u00e9rieurs, provoqu\u00e9s dans l\u2019environnement. Je fais r\u00e9f\u00e9rence par exemple, du travail de Diana Gromala qui, avec son installation interactive The Meat Book, fait toute une recherche sur \u00ab the ways in which certain forms of interactive art may and do elicit visceral responses \u00bb17<\/sup>, ou encore le travail sur le \u00ab micromouvement \u00bb de Myriam Gourfink18<\/sup>. Ces recherche-cr\u00e9ations m\u2019ont pouss\u00e9es \u00e0 interroger le rapport entre la somatique et la technologie et la fa\u00e7on dont elles peuvent engendrer de nouveaux paradigmes o\u00f9 la technologie devient l\u2019activateur d\u2019un processus de reconfiguration sensori-perceptuel qui m\u00e8ne \u00e0 une modification de la corporalit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rant la corpor\u00e9it\u00e9. Cette dynamique introduira la notion d\u2019\u00e9mergence, d\u2019o\u00f9 d\u00e9coulera \u00e9ventuellement l\u2019organisation d\u2019une nouvelle forme exp\u00e9rientielle pour les arts vivants.<\/p>\n\n\n\n

Si la relation avec la technologie red\u00e9finit notre modalit\u00e9 de perception, je propose un d\u00e9placement de la notion d\u2019interface o\u00f9 le technologique ne serait plus l’un des deux p\u00f4les de communication, mais o\u00f9 cette m\u00eame technologie serait un outil pour permettre le d\u00e9veloppement d\u2019une intersubjectivit\u00e9 et d\u2019une modification de la corpor\u00e9it\u00e9. Cette hypoth\u00e8se est possible gr\u00e2ce \u00e0 la proposition d\u2019un autre rapport entre le corps et la technologie, le d\u00e9veloppement de la conception d\u2019un corps \u00e9largi ainsi que celui d\u2019un temps dilat\u00e9. De la construction de cette intersubjectivit\u00e9 \u00e9merge un nouveau paradigme communicationnel rendu possible gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019activation d\u2019une potentialit\u00e9 corporelle (Pitozzi, 2008a, 2010) d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9sente dans le corps19<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

4. Pour une m\u00e9thodologie de la transformation<\/h2>\n\n\n\n

Les principes et \u00e9tapes de la m\u00e9thodologie pr\u00e9sent\u00e9s dans cette section, que j\u2019ai mise au point durant cette cr\u00e9ation, refl\u00e8tent les trois paradigmes que je propose soit celui d\u2019un autre paradigme esth\u00e9tique dit de la \u00ab fluidit\u00e9 et du transitionnel \u00bb (Glucksmann, 2001)20<\/sup>, celui d\u2019un autre paradigme communicationnel construit sur une intersubjectivit\u00e9 de type \u00ab cannibaliste \u00bb21<\/sup> et celui d\u2019un paradigme cognitif qui prend sa source dans la revalorisation et la r\u00e9int\u00e9gration de l\u2019intelligence sp\u00e9cifique du corps. Cette m\u00e9thodologie sera donc de nature transversale, \u00e9volutive et syncr\u00e9tique. Elle est bas\u00e9e sur de nouveaux rapports que je propose entre la somatique et la technologie.<\/p>\n\n\n\n

Cette strat\u00e9gie a \u00e9galement ceci de sp\u00e9cifique, elle est l\u2019outil pour la mise en place d\u2019un processus m\u00e9thodologique dynamique, et collectif, de recherche critique impliquant des analyses \u00e9volutives et adaptatives bas\u00e9es sur une relation interactive entre la formation de la th\u00e9orie et la formation de l\u2019oeuvre pratique. Cette m\u00e9thodologie est donc une m\u00e9thodologie r\u00e9flective (miroir), c\u2019est-\u00e0-dire que la pratique et la th\u00e9orie s\u2019influenceront dynamiquement.<\/p>\n\n\n\n

4.1 L’approche avec les performeurs<\/h2>\n\n\n\n

La m\u00e9thodologie que j\u2019utilise avec les performeurs comporte cinq \u00e9tapes. Elle utilise des strat\u00e9gies de d\u00e9stabilisation provenant de trois composantes de la somatique que j\u2019exp\u00e9rimente pour reconstruire et cr\u00e9er un r\u00e9el qui selon Hubert Godard22<\/sup> serait toujours fluctuant. Il est int\u00e9ressant de noter qu\u2019actuellement les changements somatiques (Sylvie Fortin, 2009) sont consid\u00e9r\u00e9s comme une source de connaissance valable dans le milieu universitaire lorsqu\u2019ils sont \u00e9tudi\u00e9s en compl\u00e9ments avec d\u2019autres informations, telle que la m\u00e9thode de Godard qui utilise la somatique comme guide pour trouver d\u2019autres pistes de recherche et diriger ses recherches en m\u00e9decine. Dans une entrevue accord\u00e9e \u00e0 Kuypers (2009, p.58) Godard affirme que<\/p>\n\n\n\n

l\u2019anatomie est prise comme quelque chose d\u2019absolu, alors qu\u2019il y a une exp\u00e9rience ph\u00e9nom\u00e9nologique du mouvement, quand tu arrives \u00e0 un certain niveau de proprioception, qui est peut-\u00eatre en avance sur des donn\u00e9es scientifiques \u00bb. Il poursuit en mentionnant que maintenant, par exemple, \u00ab les nouvelles techniques d\u2019imagerie m\u00e9dicale ont permis de confirmer toutes ces intuitions ou savoirs empiriques.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Pour revenir \u00e0 la pr\u00e9sentation de ma m\u00e9thodologie avec les performeurs, voici ces cinq \u00e9tapes :<\/p>\n\n\n\n

1. Prendre conscience du corps comme dans son environnement : le corps qui bouge dans l\u2019espace, et ensuite la prise de rep\u00e8res ph\u00e9nom\u00e9nologiques, kinesth\u00e9siques, perceptifs et exp\u00e9rientiels dans ce contexte.<\/p>\n\n\n\n

2. Ajouter un \u00e9l\u00e9ment de d\u00e9stabilisation (ex. abstraction de l\u2019espace, ajout d\u2019\u00e9l\u00e9ments technologiques, et caetera) donc un ajout d\u2019une couche d\u2019information qui est en fait une couche de complexification \u00e0 int\u00e9grer.<\/p>\n\n\n\n

3. Faire prendre conscience de la perte de rep\u00e8res et des diff\u00e9rences que cette complexification am\u00e8ne.<\/p>\n\n\n\n

4. Donner le temps d\u2019int\u00e9grer cette complexification jusqu\u2019\u00e0 ce que le performeur la ressente physiquement au niveau perceptif et kinesth\u00e9sique (par exemple le son ou l\u2019image immersive qui traverse son corps au niveau vibratoire), donc donner un temps de r\u00e9organisation sensorielle et perceptuelle. Ceci s\u2019effectuera par la r\u00e9p\u00e9tition et un temps de contact important avec l\u2019\u00e9l\u00e9ment de changement (technologique, sc\u00e9nographique, et caetera) ainsi que par la prise de conscience ph\u00e9nom\u00e9nologique et exp\u00e9rientielle.<\/p>\n\n\n\n

5. Int\u00e9grer et acqu\u00e9rir de nouvelles aptitudes, constatation des changements dans le comportement performatif, prendre conscience du nouvel \u00e9l\u00e9ment performatif, l\u2019int\u00e9grer dans le tissu cr\u00e9atif.<\/p>\n\n\n\n

La pratique usuelle de certains chor\u00e9graphes serait d\u2019ajouter des \u00e9l\u00e9ments technologiques et de demander aux danseurs d\u2019apprendre \u00e0 les utiliser et \u00e0 les faire fonctionner pour g\u00e9n\u00e9rer les images, les sons, et caetera, voulus par les concepteurs. Je n\u2019ai pas, jusqu\u2019\u00e0 maintenant, assist\u00e9 \u00e0 des processus de conscientisation ou de mise en place du temps n\u00e9cessaire pour l\u2019int\u00e9gration, donc la r\u00e9organisation sensorielle et perceptuelle. Dans ce type d\u2019approche, il n\u2019y a pas de changement ontologique, mais utilisation du corps performatif comme un objet, comme support \u00e0 la production de la technologie. Le danseur se d\u00e9double, perd en partie ses qualit\u00e9s performatives, d\u2019interpr\u00e8te, car il \u00e9coute, il regarde ce qu\u2019il produit plut\u00f4t que de s\u2019en servir pour se transformer et performer autrement.<\/p>\n\n\n\n

Bien \u00e9videmment, la m\u00e9thode que j\u2019utilise pr\u00e9suppose que les performeurs impliqu\u00e9s aient une formation en pratique somatique, ainsi que dans les principales techniques utilis\u00e9es (par exemple : Contact Improvisation, une pratique de technique d\u2019introspection (par exemple : m\u00e9ditation), qu\u2019ils aient un rapport facile avec la nudit\u00e9 et la proximit\u00e9, ainsi qu\u2019un go\u00fbt de s\u2019investir dans un processus de recherche \u00e0 risque, de nature transdisciplinaire et impliquant les technologies, qui va s\u2019ouvrir in\u00e9vitablement sur d\u2019autres codes gestuels et modes performatifs.<\/p>\n\n\n\n

Le point que j\u2019apporte, et qui est le c\u0153ur de mon argumentation, est que ce changement kinesth\u00e9sique, cette appropriation et cette int\u00e9gration sont essentiels dans le processus des arts performatifs int\u00e9grant les nouvelles technologies23<\/sup>. Cet apprentissage qui engendre une r\u00e9organisation de type sensorielle et perceptuelle participe de l\u2019\u00e9laboration de cette cognition que je recherche. Ce changement, qui peut s\u2019apparenter \u00e0 une instabilit\u00e9 informante, est une mouvance propre au vivant et a une r\u00e9sonnance avec les th\u00e9ories de Sophia Burns (2009) et Yvonne Laflamme (2009) sur les bases coh\u00e9rentes qu\u2019une m\u00e9thodologie en recherche de cr\u00e9ation doit avoir24<\/sup>. Il est donc indispensable, \u00e0 la lumi\u00e8re de ces constats, de revisiter nos modes d\u2019exploration et de production et de donner le temps au corps charnel de vivre cette int\u00e9gration qui m\u00e8nera \u00e0 l\u2019\u00e9mergence de nouveaux comportements performatifs.<\/p>\n\n\n\n

Pour illustrer mon propos, voici quelques exemples de strat\u00e9gies de d\u00e9stabilisation que j\u2019ai d\u00e9velopp\u00e9es pour ces phases d\u2019explorations.<\/p>\n\n\n\n

4.2 D\u00e9finition et principe de construction du \u00abcorps sonore\u00bb<\/h2>\n\n\n\n

Le principe du \u00ab corps sonore \u00bb est en lui-m\u00eame une strat\u00e9gie de d\u00e9stabilisation. Lorsque je parle de \u00ab corps sonore \u00bb, je me r\u00e9f\u00e8re en premier lieu \u00e0 une dimension du corps qui est engendr\u00e9e en temps r\u00e9el par les danseuses, donc qui entre parfaitement dans un concept de chor\u00e9graphie \u00e9largie (r\u00e9f\u00e9rence aux philosophies orientales qui m\u2019ont inspir\u00e9e25<\/sup>) que je d\u00e9veloppe avec mes derniers projets.<\/p>\n\n\n\n

Pour rendre compte de cette id\u00e9e, les danseuses ont d\u00fb d\u00e9velopper un sens \u00e9largi d\u2019elle-m\u00eame tant au niveau du mouvement, que de la production sonore en temps r\u00e9el, ainsi que des relations que ces deux entit\u00e9s tissent \u00e9troitement entrent elles pour prendre forme.<\/p>\n\n\n\n

Le \u00ab corps sonore \u00bb sur lequel je travaille est donc une \u00e9manation, une dilatation du corps r\u00e9el qui en constitue une vibration \u00e0 laquelle les performeuses se r\u00e9f\u00e8rent sensoriellement pour composer la partition. J\u2019insiste sur le fait que ce \u00ab corps sonore \u00bb n\u2019est pas un double, mais bien une nouvelle manifestation du corps physique issue d\u2019un apprentissage kinesth\u00e9sique amen\u00e9 par l\u2019influence de la technologie comme \u00e9l\u00e9ment de d\u00e9stabilisation ext\u00e9roceptif. Bien \u00e9videmment, cette \u00ab transformation \u00bb de la nature m\u00eame du corps demande un temps d\u2019apprentissage et d\u2019assimilation. C\u2019est le produit d\u2019une v\u00e9ritable int\u00e9gration modification qui m\u00e8ne \u00e0 une forme de transformation de soi.<\/p>\n\n\n\n

Ce qui me semble int\u00e9ressant, c\u2019est qu’en travaillant sur le \u00ab corps sonore \u00bb je peux intervenir \u2013 pour la renouveler \u2013 sur la sensorialit\u00e9 et sur l\u2019aspect perceptuel des danseuses. Cela m\u2019am\u00e8ne, d’un c\u00f4t\u00e9 \u00e0 abandonner des modalit\u00e9s de composition d\u00e9j\u00e0 exp\u00e9riment\u00e9e; de l’autre, il permet un approfondissement vers la construction d’un geste en continuelle en transformation. Dans ce cadre, la sensorialit\u00e9 se r\u00e9organise, l\u2019int\u00e9riorit\u00e9 est m\u00e9diatis\u00e9e, car c\u2019est cette int\u00e9riorit\u00e9 qui s\u2019est modifi\u00e9e, qui est \u00e9volutive, qui est en transformation par la relation de d\u00e9stabilisation que l\u2019ext\u00e9rieur technologique am\u00e8ne. Cette modification de l\u2019int\u00e9riorit\u00e9 par sa m\u00e9diatisation permet un renouvellement de la perception du geste et du corps en mouvement qui se d\u00e9place dans l’espace. C\u2019est un des \u00e9l\u00e9ments qui nous permet de sortir de la \u00ab scl\u00e9rose chor\u00e9graphique \u00bb (Bernard, 2001).<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est d\u2019ailleurs \u00e0 mon avis, un des aspects, mais non le seul, les plus importants du travail sur les technologies: renouveler son organisation perceptive pour engendrer des nouvelles partitions du geste. Mais ce n\u2019est pas tout. Cette m\u00eame dynamique am\u00e8nera l\u2019\u00e9volution, et donc la cr\u00e9ation d\u2019autres types de comportements performatifs tels que les modifications de projection sc\u00e9nique que j\u2019ai pu exp\u00e9riment\u00e9es et auxquelles je fais r\u00e9f\u00e9rence dans ce texte telle la \u00ab diffraction \u00bb et la \u00ab mol\u00e9cularisation \u00bb. Selon moi, les technologies doivent renouveler l’exp\u00e9rience de la corpor\u00e9it\u00e9. Donc en travaillant sur la dimension du \u00ab corps sonore \u00bb, on intervient dans un processus de renouvellement sensoriel qui passe par un travail sur le geste et sur le \u00ab processus de fiction \u00bb ou de projection performative. Ce renouvellement sensoriel ne peut s\u2019acqu\u00e9rir qu\u2019\u00e0 travers un travail pratique sur une dur\u00e9e prolong\u00e9e de temps.<\/p>\n\n\n\n

Pour sa part, Enrico Pitozzi t\u00e9moigne de l\u2019effet de transformation que ce processus provoque. Selon lui, ce travail avec le \u00ab corps collectif charnel et sonore \u00bb d\u00e9clenche le passage d\u2019un concept de repr\u00e9sentation \u00e0 un concept de transformation. Il \u00e9crit dans Arch\u00e9e (d\u00e9cembre 2009)<\/p>\n\n\n\n

\u00ab Dans ce contexte, on peut affirmer que ce processus de travail sur le corps sonore redouble la dimension empathique entre le performeur et le spectateur. En autres termes, il y a \u2013 \u00e0 certains niveaux \u2013 une relation empathique \u00e9tonnante entre le performeur et le spectateur. Nous sommes dans une sorte de \u00ab cannibalisme du geste \u00bb op\u00e9r\u00e9 par le spectateur. Le spectateur regarde, et sa perception a un \u00e9cho directement dans sa corpor\u00e9it\u00e9. Le corps sonore spatialis\u00e9 dans la salle immerge directement le spectateur dans le mouvement qu\u2019il est en train de voir. \u00c7a, c\u2019est la transformation qui intervient directement dans la red\u00e9finition de l\u2019organisation perceptive du spectateur \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

4.3 Le \u00abcorps collectif\u00bb comme strat\u00e9gie de d\u00e9stabilisation<\/h2>\n\n\n\n

Selon Sylvie Cr\u00e9m\u00e9zie (1997, cit\u00e9 dans Louise Boisclair, 2007), diff\u00e9rentes esth\u00e9tiques du corps ont \u00e9merg\u00e9 selon les \u00e9poques : rappelons \u00ab le corps rebelle (Isadora Duncan), le corps barbare (Vaslav Nijinski), le corps mystique (Ruth St-Denis), le corps dynamique (Doris Humphrey), le corps chtonien (Mary Wigman), le corps pulsionnel (Martha Graham), le corps articul\u00e9 (Merce), le corps tactile (Steve Paxton), le corps fluide (Trisha Brown)\u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Dans cette cr\u00e9ation, j\u2019ai travaill\u00e9 sur l\u2019id\u00e9e du \u00ab corps collectif \u00bb. Par rapport \u00e0 ma recherche sur l\u2019intervalle, le \u00ab corps fluide \u00bb et le \u00ab corps tactile \u00bb m\u2019int\u00e9ressent plus particuli\u00e8rement en tant que source d\u2019inspiration. \u00c0 cela, j\u2019ajouterai deux autres types d\u2019esth\u00e9tique du corps, soit le corps que j\u2019identifie comme introspectif (Butoh) et le corps collectif (Lygia Clark)26<\/sup>. Selon Louise Boisclair, mes recherches tendent \u00e0 d\u00e9velopper une autre esth\u00e9tique, soit \u00ab la trans(e)danse \u00bb expression qui lui est propre, compos\u00e9e de la contraction : transe, trans (\u00e9voquant la transdisciplinarit\u00e9 de mes recherches et travaux corporels), danse et (e) pour \u00e9nergie, \u00e9lectronique, \u00e9lasticit\u00e9 et \u00e9lectricit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Boisclair qualifie le \u00ab corps collectif \u00bb sur lequel je travaille de \u00ab corps larvaire \u00bb. Ce corps en est un du genre \u00ab collectif r\u00e9sonnant \u00bb (je fais ici r\u00e9f\u00e9rence aux th\u00e9ories de Rolnik), nourrit par les strat\u00e9gies des pratiques somatiques pour permettre \u00e0 la fois le renouvellement de la kinesth\u00e9sie et de l\u2019ext\u00e9roception. Boisclair utilise l\u2019expression corps larvaire dans le sens d\u2019\u00ab embryonnaire \u00bb. Elle \u00e9crit :<\/p>\n\n\n\n

Ce qualitatif ne s\u2019adresse pas aux corps dansants individuels plut\u00f4t \u00e9nerg\u00e9tiques et mall\u00e9ables. Il s\u2019adresse plut\u00f4t \u00e0 ce corps \u00e9largi sonore, \u00e0 l\u2019\u00e9tat naissant, inchoatif, inachev\u00e9, toujours en qu\u00eate de d\u00e9veloppement et d\u2019\u00e9quilibre. Ce corps larvaire, cr\u00e9ature d\u2019un corps \u00e9largi sonore, repr\u00e9sente un \u00e9tat de gestation fluidique en mouvance perp\u00e9tuelle\u2026<\/p>\n\n\n\n

Et ajoute :<\/p>\n\n\n\n

le regardeur int\u00e9riorise l\u2019oeuvre, en pleine perte de rep\u00e8res, dans un espace mental et corporel \u00e9largi par cette captation. \u00bb Les technologies telles qu\u2019utilis\u00e9es faciliteraient \u00ab l\u2019apparition d\u2019une cr\u00e9ature \u00e0 la fois physique et num\u00e9rique, visuelle et sonore, corps collectif de corps individuels connect\u00e9s en un corps \u00e9largi sonore, comme s\u2019il devenait le miroir des \u00e9changes invisibles entre les \u00eatres humains dans l\u2019intimit\u00e9 des corps physique, \u00e9nerg\u00e9tique, cin\u00e9tique d\u2019une part, num\u00e9rique et sonore d\u2019autre part27<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

4.4 La lenteur, comme strat\u00e9gie d’appropriation des changements proprioceptifs <\/h2>\n\n\n\n

Une autre strat\u00e9gie de d\u00e9stabilisation li\u00e9e \u00e0 mes strat\u00e9gies d\u2019appropriation de changements kinesth\u00e9siques consiste \u00e0 d\u00e9lin\u00e9er un nouveau type de temporalit\u00e9, surtout en ce qui concerne le mouvement dont une certaine lenteur, pratiqu\u00e9e parfois jusqu\u2019\u00e0 l’immobilit\u00e9, donne l’id\u00e9e d’un temps suspendu. Cette strat\u00e9gie me permet d\u2019inclure la r\u00e9organisation du corps dans un flux de mouvement plus pr\u00e9cis et composite, fait de contact et de division, mais aussi o\u00f9 le corps individuel perd sa place prioritaire \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du d\u00e9veloppement de la performance. Ce qui m\u2019int\u00e9resse, c\u2019est la mise en place d\u2019un autre type de temporalit\u00e9 : une temporalit\u00e9 collective qui n’est pas li\u00e9e \u00e0 un seul corps et donc \u00e0 l’articulation d’un seul mouvement, mais plut\u00f4t \u00e0 la construction et \u00e0 la relation de plusieurs mouvements et de temporalit\u00e9s compl\u00e8tement diff\u00e9rentes qui peuvent soit aller \u00e0 l’unisson, soit se diversifier, se rencontrer et se s\u00e9parer. Cette temporalit\u00e9 est reli\u00e9e au mode d\u2019auto-organisation corporelle que j\u2019utilise et qui a des parent\u00e9s avec la strat\u00e9gie du mouvement transitoire de Trisha Brown, ainsi qu\u2019avec une radicalisation de la d\u00e9marche de Paxton en s\u2019appuyant sur ses techniques de \u00ab corps tactile \u00bb. Dans mon travail, je pousse les techniques de Paxton jusqu\u2019\u00e0 une obsession hypnotique du contact mettant en r\u00e9sonance diverses temporalit\u00e9s dans un m\u00eame processus de d\u00e9placement.<\/p>\n\n\n\n

Je trace donc une trajectoire dans la mati\u00e8re. Ce processus se trouve acquis pendant certaines exp\u00e9riences avec les technologies. Je dirais m\u00eame que cela pourrait permettre le renouvellement de la trajectoire dans la mati\u00e8re du corps, du son et de l\u2019espace. Le niveau auquel je fais r\u00e9f\u00e9rence est celui de r\u00e9ussir \u00e0 comprendre et \u00e0 \u00e9couter tous les passages et les transformations sensorielles que les technologies permettent de d\u00e9velopper, et cela \u00e0 diff\u00e9rents niveaux d’intervention. C\u2019est encore une fois un travail d\u2019organisation de la sensorialit\u00e9, donc de la kinesth\u00e9sie. Ensuite, cette modalit\u00e9 d’\u00e9couter et d\u2019apprendre par le mouvement dans le corps doit \u00eatre port\u00e9e \u00e0 l’ext\u00e9rieur, et transmise au spectateur.<\/p>\n\n\n\n

4.5 La proximit\u00e9, comme strat\u00e9gie de d\u00e9stabilisation<\/h2>\n\n\n\n

Le \u00ab corps collectif \u00bb, cette masse de corps dont je parle et sur laquelle je travaille est une certaine modalit\u00e9 pour reformuler la forme du corps. La proximit\u00e9 spatiale entre spectateurs et performeuses sert, entre autres, \u00e0 d\u00e9composer la forme du corps dans le flux du mouvement collectif. Nous sommes donc \u00e0 essayer diff\u00e9rents modes de r\u00e9ception (pour le public) de ce \u00ab mat\u00e9riau sensoriel \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Lors de cette derni\u00e8re phase, j\u2019ai plac\u00e9 les spectateurs tr\u00e8s pr\u00e8s des corps, soit \u00e0 moins d\u2019un demi-m\u00e8tre. Ceci a eu comme effet de faire perdre la fonction analytique du spectateur. Celui-ci ne pouvait plus analyser et comprendre le corps d\u2019une fa\u00e7on habituelle (comme si le corps \u00e9tait seul ou debout par exemple). J\u2019ai \u00e9galement travaill\u00e9 ce \u00ab corps collectif \u00bb en \u00e9tant inspir\u00e9 par le travail sur la \u00ab d\u00e9-hi\u00e9rarchisation \u00bb de la repr\u00e9sentation du corps chez Hans Bellmer28<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

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La poup\u00e9e, Hans Bellmer, 1936, Gelatin silver print<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n
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La poup\u00e9e, Hans Bellmer, 1935-36<\/em><\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Selon le t\u00e9moignage des spectateurs29<\/sup>, ils se sentaient dans ce corps, interpell\u00e9 par cette entit\u00e9 complexe30<\/sup>. L\u2019effet immersif, empathique, donc de reconnaissance psycho-corporelle \u00e9tait souhait\u00e9 et se produisait pour la majorit\u00e9 d\u2019entre eux31<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

4.6 Une approche int\u00e9grative<\/h2>\n\n\n\n

Pour contrer les probl\u00e8mes reli\u00e9s au r\u00e9ductionnisme, au dualisme et au mat\u00e9rialisme que la pens\u00e9e occidentale a introduits, il est n\u00e9cessaire de d\u00e9velopper une pens\u00e9e dite int\u00e9grative. Selon Mae-Wan Ho (1930), Roy Ascott ([1966-67] 2003), Arthur Koesthler ([1968] 1972), Jack Burnham ([1968, 1969] 1973) et Carlos Augusto Moreira Nobrega (2009), la pens\u00e9e int\u00e9grative32<\/sup> serait une autre modalit\u00e9 de pens\u00e9e. Tous s\u2019entendent pour dire qu\u2019il est essentiel de se r\u00e9approprier la compl\u00e8te participation de ce qu\u2019ils nomment le \u00ab knowing being: intellect and feeling, mind and body, spirit and intuition \u00bb (Ho, 1993, p.13). Bien qu\u2019ils d\u00e9veloppent leur argumentation dans diff\u00e9rents champs que le mien, leur argumentation est int\u00e9ressante, car elles s\u2019imbriquent dans un contexte de plus en plus transdisciplinaire.<\/p>\n\n\n\n

Comme principale approche de recherche avec les danseurs, les chercheurs et les concepteurs, je propose de stimuler une pens\u00e9e de type int\u00e9grative en mettant en place une strat\u00e9gie de libre association qui a des points en commun avec celle d\u2019Ascott ; cette derni\u00e8re ayant \u00e9t\u00e9 con\u00e7ue dans le contexte d\u2019un programme innovateur de formation en art. Les principaux \u00e9l\u00e9ments de cette strat\u00e9gie, qui impliquent le travail pratique enrichie par des r\u00e9flexions th\u00e9oriques, inclus la cr\u00e9ation d\u2019un environnement pol\u00e9mique qui engendre des questions et soul\u00e8vent des probl\u00e8mes, plut\u00f4t que de proposer des r\u00e9ponses absolues. En rassemblant un groupe dynamique de penseurs cr\u00e9atifs provenant de diff\u00e9rents domaines (scientifique, performance\/danse, architecture, design, musique, arts m\u00e9diatiques, th\u00e9oriques, et caetera), l\u2019intention \u00e9tait de pouvoir cr\u00e9er une situation o\u00f9 le groupe critique, apprend et teste les \u00e9l\u00e9ments de cette pol\u00e9mique autour du processus cr\u00e9atif, et ce, dans un contexte interdisciplinaire.<\/p>\n\n\n\n

Cette strat\u00e9gie implique \u00e9galement le d\u00e9cloisonnement d\u2019une hi\u00e9rarchie disciplinaire ainsi que la cr\u00e9ation d\u2019un environnement syncr\u00e9tique (lieux et personnes venant de diff\u00e9rentes cultures, ayant une vision et des r\u00e9f\u00e9rences au monde diff\u00e9rentes). De plus, il implique de prendre en consid\u00e9ration d\u2019autres types de litt\u00e9rature capable de g\u00e9n\u00e9rer de nouvelles id\u00e9es (tel que Bataille ou Rolnik, par exemple), ainsi que l\u2019analyse, le contact et l\u2019\u00e9change avec les principaux acteurs dans le champ des pratiques performatives contemporaines int\u00e9grant la technologie. Derni\u00e8rement, l\u2019approche int\u00e9grative implique une interaction organique d\u2019\u00e9l\u00e9ments impliqu\u00e9s dans l\u2019acte cr\u00e9atif, et un acc\u00e8s \u00e0 des \u00e9quipements\/ressources technologiques sur une p\u00e9riode prolong\u00e9e, support\u00e9e bien \u00e9videmment, par un acc\u00e8s au financement pour r\u00e9aliser l\u2019ensemble des op\u00e9rations. Cette dynamique produira de nouvelles id\u00e9es. Elle am\u00e8nera \u00e9galement le d\u00e9veloppement d\u2019un apprentissage qui alimentera la cr\u00e9ation de nouvelles aptitudes.<\/p>\n\n\n\n

4.7 Une m\u00e9thodologie \u00e9volutive – un outil de cr\u00e9ation<\/h2>\n\n\n\n

Les diff\u00e9rentes \u00e9tapes de la recherche-cr\u00e9ation ont \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9es dans un processus par phase, celles-ci exp\u00e9rimentant l\u2019\u00e9volution du processus cr\u00e9atif (phase #1-2005, phase #2-2006, phase #3-2007 \u00e0 2008) et prenant la forme d\u2019un laboratoire o\u00f9 les expressions artistiques sont modifi\u00e9es par l\u2019exp\u00e9rience de la modification de la corporalit\u00e933<\/sup>. Lorsque je parle de la modification de la corporalit\u00e9 dans ce contexte, je parle de la corporalit\u00e9 du performeur, des concepteurs et des th\u00e9oriciens qui participent aux laboratoires. Dans cette approche, j\u2019implique les th\u00e9oriciens dans le processus artistique, dans une recherche \u00e0 risque au m\u00eame titre que les concepteurs et performeurs. Les th\u00e9oriciens qui ont \u00e9t\u00e9 choisis ont ceci en commun : ils m\u2019ont contact\u00e9 pour \u00e9tudier ce travail artistique dans le cadre de leurs activit\u00e9s universitaires ou comme critique culturel. Ils constituent maintenant un groupe de recherche que j\u2019ai initi\u00e9 pour examiner les questions autour des questions des nouvelles sc\u00e8nes performatives contemporaines impliquant les technologies. Ils font tous partie du groupes de recherche Performativit\u00e9 et effets de pr\u00e9sence, et ont fait partie du Groupe SC\u00c8NES : Syst\u00e9mique, complexit\u00e9 et nouvelles \u00e9critures sc\u00e9niques et de Presence in contemporary artistic scene (qui ne sont plus fonction actuellement); et ils ont tous une certaine pratique physique. Il y a donc, pour eux, un espace de r\u00e9sonnance corporel lorsqu\u2019ils assistent aux exp\u00e9rimentations et qui les guide lors des sessions d\u2019exploration th\u00e9orique que j\u2019organise apr\u00e8s chaque pr\u00e9sentation de mon travail. Avec cette m\u00e9thodologie, j\u2019applique la compl\u00e9mentarit\u00e9 des intelligences telle qu\u2019\u00e9tudi\u00e9e par Howard Gardner ([1983] (2006)) et Daniel Goleman ([1995] (1997)).<\/p>\n\n\n\n

Les fonctions des th\u00e9oriciens dans ce groupe de recherche consistent \u00e0 g\u00e9n\u00e9rer des r\u00e9troactions critiques et \u00e0 agir en tant que chercheurs dans une dimension compl\u00e9mentaire et, selon moi, cannibaliste \u00e0 la pratique (et vice versa). Il faut dire d’embl\u00e9e que m\u00eame si ce processus n\u2019est pas encore achev\u00e9 dans sa structuration, j\u2019ai pu constater que ce qui \u00e9tait le plus int\u00e9ressant n\u2019\u00e9tait pas les r\u00e9sultats des r\u00e9ponses aux questionnaires (aux questions ou aux objectifs que je m\u2019\u00e9tais pos\u00e9s), mais bien ce qui avait \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9 inconsciemment. La pratique et la th\u00e9orie dans ces cas se devan\u00e7aient et s\u2019influen\u00e7aient dans un ordre impossible \u00e0 \u00e9tablir. Elles ont agi l\u2019une sur l\u2019autre dans une communion de diff\u00e9rents courants qui se contaminaient et s\u2019influen\u00e7aient cr\u00e9ativement. Ici, les th\u00e9oriciens sont chercheurs au m\u00eame titre que les artistes le sont. C\u2019est dans cette relation de recherche mutuelle, avec diff\u00e9rents outils compl\u00e9mentaires, que leur participation devient si pertinente et puise sa source dans l\u2019essence de la notion de l\u2019influence cannibaliste. Selon moi, cette m\u00e9thodologie peut constituer un outil pour enrichir l\u2019exp\u00e9rience cr\u00e9ative. C\u2019est un processus d\u2019exploration cr\u00e9atif extr\u00eamement riche, utilis\u00e9 intuitivement dans un premier temps, et qui est actuellement dans une \u00e9tape de structuration. Mon intention est de voir comment les processus de cr\u00e9ation mis en place peuvent \u00eatre compris et transmis dans la logique de la recherche \u00e9volutive qui m\u2019int\u00e9resse.<\/p>\n\n\n\n

Un des buts de cette m\u00e9thodologie est de travailler la mati\u00e8re cr\u00e9ative comme la mati\u00e8re vivante. Je veux travailler avec une mati\u00e8re qui se transforme, qui \u00e9volue et qui provoquera, je le souhaite, des ph\u00e9nom\u00e8nes \u00e9mergents. Il s\u2019agit d\u2019une dynamique du vivant, o\u00f9 la notion de finalit\u00e9 n\u2019aura aucun sens, mais o\u00f9, justement, ce sens aura l\u2019int\u00e9r\u00eat d\u2019\u00eatre de l\u2019ordre de la transformation, de l\u2019\u00e9volution et de l\u2019exp\u00e9rientiel. Je crois que cette m\u00e9thodologie est un travail sur l\u2019\u00eatre plut\u00f4t que sur le faire. Il a comme ambition de prioriser les \u00e9l\u00e9ments ontologiques, de saisir l\u2019essence pour s\u2019adonner \u00e0 une \u00ab alchimie du r\u00e9el \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

5. Conclusion<\/h2>\n\n\n\n

Cette m\u00e9thodologie vient appuyer la perspective d\u00e9fendue dans ce texte, soit celle des nouvelles sc\u00e8nes performatives contemporaines, et propose comment l\u2019intelligence kinesth\u00e9sique, lorsqu\u2019elle est r\u00e9introduite et revaloris\u00e9e dans le processus cognitif, requestionne et redessine la nature m\u00eame de la cognition. Elle appuie ce que j\u2019avance, \u00e0 savoir que cette r\u00e9int\u00e9gration passe par des processus d\u2019apprentissage qui auront un impact sur les principes \u00e9volutifs et \u00e9mergents de l\u2019\u00eatre humain. Cette dynamique transversale et int\u00e9grative cr\u00e9e un contexte o\u00f9 les modalit\u00e9s sensorielles sont hyper stimul\u00e9es. Cette exacerbation am\u00e8nera un enrichissement et une transformation de notre perception. Des auteurs tels Pitozzi et Quinz, am\u00e8nent cette id\u00e9e de transformation de la perception dans un contexte qui concerne le corps physique et performatif34<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019exploration de nouvelles relations entre la somatique et la technologie ouvre tout un autre champ de connaissance qui est n\u00e9cessaire \u00e0 la compr\u00e9hension des changements que j\u2019invoque dans ce texte, dans lesquels le corps physique est irr\u00e9m\u00e9diablement impliqu\u00e9. Suite aux r\u00e9flexions qui ont eu lieu \u00e0 la Somatics and Technology conference, j\u2019ai pu constater \u00e0 quel point le travail des postmodernistes Am\u00e9ricains avait jet\u00e9 les premi\u00e8res pierres de mes explorations. Le pr\u00e9sent est donc en transformation. L\u2019espace performatif est, sans aucun doute, une r\u00e9ponse \u00e0 ce futur.<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Christine Buci-Glucksmann est une philosophe fran\u00e7aise et professeure \u00e9m\u00e9rite \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 Paris VIII o\u00f9 elle enseigne l\u2019Esth\u00e9tique du Baroque, du Japon aux arts num\u00e9riques.<\/p>\n\n\n\n

[2] Quinz, est un historien de l\u2019art. Docteur en esth\u00e9tique, il enseigne actuellement l\u2019Esth\u00e9tique des nouveaux m\u00e9dias \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 Paris VIII.<\/p>\n\n\n\n

[3] Pour une analyse plus d\u00e9velopp\u00e9e de ce point sur l\u2019interface, vous r\u00e9f\u00e9rez \u00e0 l\u2019article : 
Isabelle Choini\u00e8re, \u00ab The interval as a new approach to interfaces: toward a cognitive and aesthetic paradigm of communication in the performing arts \u00bb, The Point of Being, dans Derrick De Kerckhove & Cristina Miranda de Almeida (Eds.), New Castle upon Tyne, R.U..: Cambridge Scholar Publishing, 2014, (Chapitre 4) pp.103-146. ISBN (10): 1-4438-6038-7, ISBN (13): 978-1-4438-6038-3.<\/p>\n\n\n\n

[4] Parall\u00e8lement \u00e0 ces prises de conscience, ainsi que sous l\u2019influence de Roy Ascott et de son groupe de recherche le Planetary Collegium dont je fais partie, j\u2019ai \u00e9t\u00e9 mise en contact avec diff\u00e9rents domaines d\u2019\u00e9tude sur la technologie (nanotechnologie, la biotechnologie, la neurotechnologie, et caetera). Ces diff\u00e9rentes approches ont nourri ma r\u00e9flexion. M\u00eame si elles ne sont pas directement applicables \u00e0 ma recherche, elles ont chang\u00e9 radicalement ma mani\u00e8re d\u2019aborder la technologie. Elles m\u2019ont amen\u00e9e \u00e0 red\u00e9finir la relation \u00e0 la technologie dans mon travail.<\/p>\n\n\n\n

[5] La kinesth\u00e9sie comprend la proprioception. Si la kinesth\u00e9sie est le sens du mouvement, la proprioception elle, concerne plus strictement le sens de la posture, la pression et les organes internes.<\/p>\n\n\n\n

[6] Se r\u00e9f\u00e9rer au point 4.5 pour un d\u00e9veloppement de cette id\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

[7] Ces exp\u00e9rimentations ont \u00e9t\u00e9 document\u00e9es. Une phase de rencontre suivait chaque pr\u00e9sentation de phase et les spectateurs, les th\u00e9oriciens ou critiques artistiques pr\u00e9sents lors de ces phases ont \u00e9t\u00e9 interview\u00e9s et certains, film\u00e9s. Des articles documentant les r\u00e9sultats de ces phases ont \u00e9t\u00e9 publi\u00e9s dans des revues sp\u00e9cialis\u00e9es et sites de recherches. Les r\u00e9sultats de ces entrevues ont \u00e9t\u00e9 publi\u00e9s dans ma th\u00e8se de doctorat. Louise Boisclair et Enrico Pitozzi sont deux chercheurs participants \u00e0 ma m\u00e9thodologie qui ont beaucoup publi\u00e9 sur mon travail. La phase #2 et #3 qui concerne plus directement cet article ont \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9 \u00e0 Hexagram (Montr\u00e9al) en automne 2006 et au Centre des arts d\u2019Enghien (France) en novembre 2006-phase #2-, et au Centre de d\u00e9veloppement chor\u00e9graphique Le Pacific (Grenoble-France) le 3 mai 2008 et \u00e0 Tangente (Montr\u00e9al) du 3 au 5 juin 2008-phase #3-. Cet article est issu, en grande partie, des constats de ces diff\u00e9rents \u00e9changes. Pour un t\u00e9moignage de cet effet de d\u00e9stabilisation et de perte de rep\u00e8re, vous r\u00e9f\u00e9rez \u00e0 l\u2019article de Louise Boisclair dont je fais mention au point 4.3. Louise Boisclair, \u00ab Isabelle Choini\u00e8re de Corps Indice ; Autour des Demoiselles d\u2019Avignon \u00bb, Inter, art actuel, \u2018Espaces Sonore\u2019, Qu\u00e9bec, no. 98 (hiver 2007), pp. 52-56.  Consultez \u00e9galement la section 4.2 pour le t\u00e9moignage d\u2019Enrico Pitozzi et son article dans Arch\u00e9e : Enrico Pitozzi \u00ab Espace st\u00e9r\u00e9oscopique pour corps sonore. Conversation avec Isabelle Choini\u00e8re \u00bb, Arch\u00e9e-p\u00e9riodique \u00e9lectronique, (d\u00e9cembre 2009)\/Projets, section entretiens, Montr\u00e9al, Canada. http:\/\/www.archee.qc.ca\/ .<\/p>\n\n\n\n

[8] La forme de pr\u00e9sence que je nomme \u00ab mol\u00e9cularisation \u00bb est une forme de pr\u00e9sence que j\u2019ai d\u00e9velopp\u00e9e dans ma premi\u00e8re cr\u00e9ation Communion. C\u2019est une modification du \u00ab processus de fiction \u00bb, et elle \u00e9quivaut \u00e0 la sensation d\u2019un corps en \u00e9tat de dilatation. Le performeur, s\u2019imagine et ressent, les mol\u00e9cules de son corps \u00e9taient dispers\u00e9es dans l\u2019espace et constituant un corps que je nommerais \u00e9largi ou dilat\u00e9 et qui correspond aux th\u00e9ories tao\u00efstes dont je fais mention \u00e0 la note 26. L\u2019image visuelle que j\u2019utiliserais pour d\u00e9crire cette sensation est un environnement vid\u00e9o immersif de pixel \u00e9lectronique. Cet \u00e9tat de pr\u00e9sence a d\u2019ailleurs \u00e9t\u00e9 exp\u00e9riment\u00e9 et d\u00e9velopp\u00e9 par moi, immerg\u00e9 dans un environnement de pixel vid\u00e9o et dans le d\u00e9sert tunisien dans le contexte de la cr\u00e9ation de Communion lors d\u2019un voyage d\u2019un mois pendant ce processus de cr\u00e9ation.

Lorsque je fais mention du travail de Guattari et de Deleuze, je me r\u00e9f\u00e8re \u00e0 la notion hi\u00e9rarchique qu\u2019ils ont de concevoir le corps (Deleuze & Guattari, 1980). Je ne me r\u00e9f\u00e8re pas \u00e0 leur notion de mol\u00e9cularisation qui est diff\u00e9rente de la mienne. Le ph\u00e9nom\u00e8ne de mol\u00e9cularisation que j\u2019ai d\u00e9velopp\u00e9 repose sur l\u2019exp\u00e9rientiel. Mon concept s\u2019ancre dans sur une cognition qui repose sur les pratiques du corps, cognition que je d\u00e9fends dans ce texte. En ce sens, le principe de mol\u00e9cularisation que Deleuze d\u00e9veloppe est fondamentalement diff\u00e9rent de celui que je travaille, car il est fond\u00e9 par une compr\u00e9hension plus intellectuelle du monde. Selon Sasso et Villani (2003) \u00ab la r\u00e9volution deleuzienne en philosophie repose sur la mol\u00e9cularisation de tous les sujets et de tous les objets, devenus \u00e9mission et brouillard de singularit\u00e9s \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

[9] Une manifestation qui m\u2019est sp\u00e9cifique, du \u00ab processus de fiction \u00bb dont Michel Bernard fait r\u00e9f\u00e9rence (2001).<\/p>\n\n\n\n

[10] Premi\u00e8re version cr\u00e9\u00e9e en 1995, elle a cess\u00e9 d\u2019\u00eatre modifi\u00e9e en 2000.<\/p>\n\n\n\n

[11] Premi\u00e8re version cr\u00e9\u00e9e en 1999, elle a cess\u00e9 d\u2019\u00eatre modifi\u00e9e en 2005.<\/p>\n\n\n\n

[12] Le corps est sur sc\u00e8ne et il occupe un espace pr\u00e9cis dans l\u2019espace physique. La m\u00e9moire et l\u2019imagination, quant \u00e0 eux, sont des \u00e9l\u00e9ments qui se projettent \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur. C\u2019est la corpor\u00e9it\u00e9 imagin\u00e9e. La projection se produit donc hors de l\u2019ici (Pitozzi 2008a). Dans les entra\u00eenements que j\u2019ai pu avoir lors de ma formation pr\u00e9-universitaire et universitaire, le mode de projection imagin\u00e9e pour lequel on nous entra\u00eenait \u00e9tait une projection vers le devant, vers le public de la sc\u00e8ne. Lorsque je parle de l\u2019essence de cette pr\u00e9sence, je me r\u00e9f\u00e8re \u00e0 ce processus de corpor\u00e9it\u00e9 imagin\u00e9e, mais \u00e9galement \u00e0 cet entra\u00eenement et \u00e0 son potentiel d\u2019\u00e9volution que j\u2019ai explor\u00e9 durant mes cr\u00e9ations depuis 1994. Enrico Pitozzi (2008a) explore diverses configurations de cette corpor\u00e9it\u00e9 imagin\u00e9e et d\u00e9veloppe l\u2019id\u00e9e de la gradation de la pr\u00e9sence. Dans ce texte, je pr\u00e9sente un d\u00e9veloppement soumis \u00e0 l\u2019effet des environnements technologiques de cette corpor\u00e9it\u00e9 imagin\u00e9e. Je les nomme : la \u00ab mol\u00e9cularisation \u00bb et la \u00ab diffraction \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

[13] Dans le point intitul\u00e9 \u00ab Le corps est la maison: Sexualit\u00e9, envahissement du \u2018territoire\u2019 individuel \u00bb, Lygia Clark d\u00e9crit la phase sensorielle de son approche, nomm\u00e9e Nostalgia do corpo en ces termes : \u00ab Maintenant, le corps est la maison. C\u2019est une exp\u00e9rience communautaire. Il n\u2019y a pas de r\u00e9gression, car il y a ouverture de l\u2019Homme vers le monde. Il se relie aux autres dans un corps commun. Il incorpore la cr\u00e9ativit\u00e9 de l\u2019autre dans l\u2019invention collective de la proposition \u00bb… \u00ab Mais chaque exp\u00e9rience \u00e9tait individuelle et risquait de se refermer sur elle-m\u00eame, tandis que maintenant elle est \u00e0 la fois personnelle et collective, puisqu\u2019elle est sans cesse reli\u00e9e \u00e0 celle des autres, au sein de la m\u00eame structure polynucl\u00e9aire \u00bb (Celia Luz, 1975; Suely Rolnik & Corinne Diserens, 2005).<\/p>\n\n\n\n

[14] Buci-Glucksmann fait son analyse artistique ici surtout du point de vue de l\u2019architecture.<\/p>\n\n\n\n

[15] Rolnik est une critique culturelle, psychoanalyste et professeur \u00e0 l’Universit\u00e9 de Sao Paulo, Br\u00e9sil, o\u00f9 elle dirige un programme de doctorat sur la question de la subjectivit\u00e9 contemporaine.<\/p>\n\n\n\n

[16] Conf\u00e9rence qu\u2019elle a prononc\u00e9e \u00e0 Sao Paolo, Br\u00e9sil en 2006.<\/p>\n\n\n\n

[17] Diana Gromala a publi\u00e9 sa th\u00e8se qui a pour titre : Towards a Phenomenological Theory of the Visceral in the Interactive Arts: Diana Gromala, \u00ab Towards a Phenomenological Theory of the Visceral in the Interactive Arts \u00bb, th\u00e8se doctorale, Plymouth, Royaume Uni: University of Plymouth, version du 15 juillet 2007. The Term \u00ab visceral refers to the cardiovascular, respiratory, uro-genital and especially excretory systems that affect mind and body on a continuum of awareness \u00bb. Selon elle: \u00ab The Visceral is mentioned in the field of interactive arts, but is remains systematically unexplored and undefined. Further, interactive artworks predominantly focus on the exteroceptive (stimuli from outside) rather than the interoceptive (stimuli arising within the body, especially the viscera) senses \u00bb (2007, p.03).<\/p>\n\n\n\n

[18] Selon Enrico Pitozzi (2008a), Gourfink travaille sur une dimension tr\u00e8s subtile de la pr\u00e9sence qui implique un processus de visualisation int\u00e9rieure. Cette pr\u00e9sence active son processus de dislocation en soi-m\u00eame, conduit \u00e0 percevoir chaque partie du corps ; la ligne de tension interne aux mouvements est priv\u00e9e d\u2019interruptions rythmiques, elle n\u2019a pas des variations, mais seulement des modulations. Gourfink parle de son travail ainsi : \u00ab Il est n\u00e9cessaire d\u2019activer une perception diffuse pour focaliser l\u2019attention sur l\u2019ongle du pouce\u2026.(O)u, encore, trouver un trajet dans le corps pour repartir et s\u2019arr\u00eater sur le talon \u00e0 droite, sur la peau, et puis \u00e9couter le poids remont\u00e9 dans un flux \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de la jambe, et aller dans la chair\u2026Ces d\u00e9placements sur lesquels je me suis concentr\u00e9e dans ce passage, sont compl\u00e8tement soutenus par la respiration et seulement cet aspect tr\u00e8s important du mouvement met en jeu la question de la pr\u00e9sence comme modalit\u00e9 de perception globale du processus de composition et de d\u00e9roulement du mouvement dans l\u2019espace \u00bb (2008b).<\/p>\n\n\n\n

[19] Pour une analyse plus d\u00e9velopp\u00e9e de ces points sur l\u2019intervalle et les trois paradigmes d\u00e9velopp\u00e9s, vous r\u00e9f\u00e9rer \u00e0 l\u2019article que j\u2019ai \u00e9crit en 2014 et dont la r\u00e9f\u00e9rence se trouve \u00e0 la note 3.<\/p>\n\n\n\n

[20] Une approche plus r\u00e9cente de la notion d\u2019interface est pr\u00e9sent\u00e9e par Christine Buci-Glucksmann (2001, 2003). Elle propose la transition de la culture des objets \u00e0 la culture du flux et pr\u00e9sente ainsi l\u2019id\u00e9e d\u2019une fluidit\u00e9 qui remet en question les anciennes fronti\u00e8res entre le corps et l\u2019esprit. Si cette id\u00e9e de fluidit\u00e9 n\u2019est pas neuve en art m\u00e9diatique, Buci-Glucksmann a l\u2019int\u00e9r\u00eat de la pr\u00e9senter via le concept du M\u00e2 et d\u2019intervalle. Elle d\u00e9finit ces concepts comme un espace instable, un espace o\u00f9 les fronti\u00e8res se d\u00e9font : \u00ab \u2026Par opposition \u00e0 toute une pens\u00e9e de la forme en Occident o\u00f9 la forme, c\u2019est la pl\u00e9nitude, la finalit\u00e9 et ce qu\u2019il faut atteindre \u00bb, elle a rencontr\u00e9, principalement en Chine et au Japon, \u00ab l\u2019id\u00e9e que le virtuel \u00e9tait l\u2019actualisation d\u2019une force et donc que le virtuel \u00e9tait du c\u00f4t\u00e9 de la puissance de la forme et qu\u2019il fallait mettre fin \u00e0 une sorte de c\u00e9cit\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9gard du transitionnel, du microscopique, du passage des arts. \u00bb (Buci-Glucksmann, 2003).<\/p>\n\n\n\n

[21] Le concept du \u00ab cannibalisme culturel \u00bb a \u00e9t\u00e9 en premier invit\u00e9 par Oswaldo de Andrade dans le Manifesto Antrop\u00f3fago (1928) (Cannibal Manifesto en anglais). Le concept se r\u00e9f\u00e8re au moment o\u00f9, dans l\u2019histoire de la formation de la culture br\u00e9silienne, il y a eu un processus de \u00ab cannibalisation \u00bb des autres cultures. Ce \u00ab cannibalisme culturel \u00bb correspond \u00e0 un m\u00e9canisme d\u2019affirmation culturelle qui voulait contrer la domination du post-colonialisme europ\u00e9en. C\u2019est une forme d\u2019appropriation culturelle. La r\u00e9f\u00e9rence au concept du cannibalisme auquel je me r\u00e9f\u00e8re est davantage celui de Suely Rolnik (Rolnik Anthropophagic Subjectivity 2007a) qui le d\u00e9veloppe dans son potentiel de contamination, d\u2019int\u00e9gration et de transformation ontologique.<\/p>\n\n\n\n

[22] Lors du colloque Performativit\u00e9 et effets de pr\u00e9sence organis\u00e9 par l\u2019Association canadienne de la recherche th\u00e9\u00e2trale \/ Congr\u00e8s 2010 des sciences humaines, tenu \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 Concordia \u00e0 Montr\u00e9al le 30 mai 2010, en r\u00e9action \u00e0 ma position, certains participants ont contest\u00e9 ces hybridations m\u00e9thodologiques pr\u00e9textant qu\u2019un mode m\u00e9thodologique tel que la ph\u00e9nom\u00e9nologie ne peut se compl\u00e9ter \u00e0 celui d\u2019un mode scientifique, car ils seraient dans une forme d\u2019opposition. Les constats relativement r\u00e9cents de Fortin (2009) et Godard (cit\u00e9 par Kuypers, 2006) nous confirment que cette innovation sur le plan m\u00e9thodologique est maintenant reconnue par le milieu de la recherche ainsi que par le milieu universitaire.<\/p>\n\n\n\n

[23] Voici une description sch\u00e9matique des \u00e9tapes pour cr\u00e9er le d\u00e9but du \u00ab corps collectif physique et m\u00e9di\u00e9 \u00bb: 
\u2022 Accroupie au sol, appuy\u00e9e sur leur \u00e9paule et figure, j\u2019apprends \u00e0 chaque danseur \u00e0 respirer dans diff\u00e9rents endroits dans le corps (nuque, dos, fesses, et caetera);
\u2022 Ensuite, je les mets en groupe (cinq). Ils ont la contrainte de rester en contact (coll\u00e9s) aux autres, sur le plus de parties de leur corps possible; 
\u2022 Je leur demande de communiquer entre eux gr\u00e2ce \u00e0 leur respiration qu\u2019ils font promener dans diff\u00e9rentes parties de leur corps. Ensuite de se concentrer sur la r\u00e9sonnance de cette respiration dans leur corps, donc d\u2019entrer dans un \u00e9tat proche de la m\u00e9ditation et, dans tous les cas, dans un \u00e9tat introspectif; ensuite de prendre conscience de cette nouvelle entit\u00e9 collective, et de faire surgir un micro mouvement de ces respirations, donc que ce mouvement se passe collectivement et non pas individuellement; je leur demande d\u2019explorer de petits changements dans l\u2019espace, tr\u00e8s petits, et d\u2019exp\u00e9rimenter cet espace collectivement; 
\u2022 Ensuite de cr\u00e9er un petit spasme dans une des parties de leur corps en contact avec un des autres performeurs; de r\u00e9agir aux spasmes des autres (ils le feront dans la partie du corps qui est en contact direct); ensuite de cr\u00e9er une s\u00e9rie de petits spasmes dans diff\u00e9rentes parties de leur corps en contact avec un des autres performeurs; puis, je leur demande que la r\u00e9action aux spasmes des autres se passe dans d\u2019autres endroits du corps que celui qui est directement en contact; 
\u2022 Quand ces informations sont int\u00e9gr\u00e9es, je les entra\u00eene \u00e0 certaines m\u00e9thodes vocales, sans micro; ensuite, je les entra\u00eene avec un micro, mais sans effet ni spatialisation; j\u2019ajoute certains effets progressivement et ensuite certaines spatialisations. Je leur demande de prendre le temps de rep\u00e9rer le son dans l\u2019espace, de sentir la diff\u00e9rence dans le corps; 
\u2022 Je les remets en groupe et nous exp\u00e9rimentons la m\u00eame s\u00e9quence des spasmes, mais avec les micros donc le son transform\u00e9 ; 
\u2022 Ensuite, j\u2019ajoute la spatialisation et on refait le m\u00eame processus ; je leur demande alors de r\u00e9agir \u00e0 leur corps m\u00e9di\u00e9, donc le son g\u00e9n\u00e9r\u00e9 et transform\u00e9 en temps r\u00e9el, et d\u2019explorer leur d\u00e9placement collectif en fonction de ce corps sonore; 
\u2022 Ensuite de complexifier le rythme collectif en ajoutant aussi les diff\u00e9rents types d\u2019accents vocaux; je leur demande ensuite de complexifier les sons produits, d\u2019y ajouter des g\u00e9missements (lorsqu\u2019ils ressentent de la douleur), des paroles, de petits chants; 
\u2022 Je leur demande ensuite d\u2019explorer le mouvement horizontalement dans un plus grand d\u00e9placement, mais toujours avec la contrainte de rester compl\u00e8tement (le plus possible) en contact avec les autres; ensuite verticalement; je leur demande d\u2019int\u00e9grer les deux; 
Ils perdront les acquis d\u2019avant, au niveau vocal et concentration-interpr\u00e9tation, je les ram\u00e8ne un \u00e0 un et je prends le temps qu\u2019ils les int\u00e8grent et soient capables d\u2019\u00eatre cr\u00e9atifs avec chacun d\u2019eux (c\u2019est un signe d\u2019int\u00e9gration).<\/p>\n\n\n\n

[24] Selon Burns (2009), une m\u00e9thodologie de cr\u00e9ation doit reposer et refl\u00e9ter, dans un premier temps, les atavismes, les appartenances, l\u2019histoire, les rites de l\u2019artiste dans l\u2019art, et ceux-ci, en fonction de sa discipline et de ses paradigmes. Selon Laflamme, la m\u00e9thodologie utilis\u00e9e devrait refl\u00e9ter les paradigmes de recherche cr\u00e9ation qui se construisent selon la discipline du chercheur et \u00ab cons\u00e9quemment, en fonction des paradigmes artistiques auxquels son travail de cr\u00e9ation fait r\u00e9f\u00e9rence \u00bb (Laflamme, 2009, p.60). Les mod\u00e8les m\u00e9thodologiques pr\u00e9sentement utilis\u00e9s dans le domaine universitaire pour l\u2019\u00e9tude des pratiques artistiques sont ancr\u00e9es dans d\u2019autres paradigmes qui sont compl\u00e8tement diff\u00e9rents de ceux des arts performatifs dans les nouvelles sc\u00e8nes contemporaines int\u00e9grant les technologies et o\u00f9 il est entre autres question du corps charnel et m\u00e9di\u00e9. La grande majorit\u00e9 des auteurs (Ascott, 2006; Pavis, 2005; Le Coguiec, 2009; Fortin, 2009; Burns, 2009; Gosselin, 2009; Poissant, 2009) en sont donc venus \u00e0 la conclusion qu\u2019il \u00e9tait indispensable d\u2019innover en mati\u00e8re de m\u00e9thodologie en recherche cr\u00e9ation et que les artistes chercheurs devaient donc inventer et proposer d\u2019autres types de m\u00e9thodologies cons\u00e9quentes \u00e0 leurs disciplines et leurs pratiques artistiques.

C\u2019est la position que Roy Ascott a tenu, entre autres, pendant trois sessions de s\u00e9minaires doctoraux du Planetary Collegium qui ont eu lieu \u00e0 l\u2019University of Arizona College of Fine Arts, Tucson, Arizona, \u00c9tats-Unis, \u00e0 l\u2019University of Plymouth \u00e0 Plymouth, Royaune Uni et au S.E.S.C. \/ Premio Sergio Motta de Arte e tecnologia, Sao Paulo, Br\u00e9sil durant l\u2019ann\u00e9e 2006.<\/p>\n\n\n\n

[25] Je fais r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 la notion d\u2019interconnectiv\u00e9 et de conscience globale que les th\u00e9ories tao\u00efstes m\u2019ont inspir\u00e9es par ces premi\u00e8res lectures (Capra, 1985), et enrichies par la suite de diff\u00e9rentes autres lectures sur les cultures orientales (Bucki-Gluckmann, 2001, 2003; Ho, 1993; Gunji, 1985). La perception du monde inscrite dans mon processus rel\u00e8ve de la pens\u00e9e orientale qui pr\u00e9sente le monde int\u00e9rieur et le monde ext\u00e9rieur comme deux aspects de la m\u00eame \u00e9toffe – et qui remettent en question la notion m\u00eame de surface, de fronti\u00e8re corporelle – dans laquelle les fils de toutes les \u00e9nergies et de tous les ph\u00e9nom\u00e8nes, de toutes les formes de conscience et de leurs objets, sont tiss\u00e9s en une trame continue de relations infinies et mutuellement conditionn\u00e9es. Cette prise de position remet en cause plusieurs choses et engage une red\u00e9finition de la notion de limite, de temps et de r\u00e9alit\u00e9. L\u2019exp\u00e9rience du corps enrichie par des entrainements de diverses cultures m\u2019am\u00e8ne \u00e0 une exp\u00e9rience de l\u2019int\u00e9riorit\u00e9 qui conduit \u00e0 des \u00e9tats de conscience \u00e9largie.<\/p>\n\n\n\n

[26] L\u2019origine et les principes sous-jacents au concept du \u00ab corps collectif \u00bb viennent du Br\u00e9sil et ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9velopp\u00e9s, \u00e0 ma connaissance, par l\u2019artiste br\u00e9silienne Lygia Clark (1920-1988). Selon Guy Brett, critique qui a suivi l\u2019ensemble de son oeuvre, ce concept serait reli\u00e9 \u00e0 la notion de Canibalismo (cannibalisme) qui est, pour Lygia Clark, \u00ab like entering each other\u2019s bodies \u00bb. Ce processus est \u00ab in the cradle so to speak of an experimental dissolution of the psycho-corporeal boundaries between people \u00bb (Brett 2004). Brett (2004) poursuit en affirmant que Clark, avec son travail, \u00ab was able to dilute the notion of surface, resolve the subject\/object dichotomy and propose the experience of communication in models of dialogue, her work provides a point of clarity in the midst of this confusion and becomes ever more pertinent \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

[27] Louise Boisclair est une critique culturelle qui fait partie du groupe de recherche international que j\u2019ai mis sur pied pour mes \u00e9tudes doctorales. Ses r\u00e9flexions et conclusions sont issues de cette m\u00e9thodologie transdisciplinaire et int\u00e9grative que j\u2019exp\u00e9rimente dans le croisement \u00e9volutif de la pratique et de la th\u00e9orie. Elle \u00e9tait pr\u00e9sente \u00e0 la grande majorit\u00e9 des pr\u00e9sentations des phases de travail. Ce groupe de travail a beaucoup \u00e9crit pour t\u00e9moigner et participer \u00e0 la m\u00e9thodologie \u00e0 laquelle je les conviais.<\/p>\n\n\n\n

[28] J\u2019ai \u00e9t\u00e9 inspir\u00e9 seulement par l\u2019aspect sur la \u00ab d\u00e9-hi\u00e9rarchisation \u00bb du travail de Hans Bellmer et non pas par les autres aspects tel que son approche de l\u2019\u00e9rotisme ou de la perversion.<\/p>\n\n\n\n

[29] Vous r\u00e9f\u00e9rer \u00e0 la note 7.<\/p>\n\n\n\n

[30] La quasi-nudit\u00e9 des danseurs, leur hyperproximit\u00e9 et mixit\u00e9 ont \u00e9galement jou\u00e9 un r\u00f4le de d\u00e9stabilisation important dont les divers spectateurs des phases de travail ont t\u00e9moign\u00e9s. Le format de cet article ne me permet pas de d\u00e9velopper sur l\u2019aspect de la nudit\u00e9 et de l\u2019\u00e9rotisme que j\u2019ai d\u00e9velopp\u00e9 dans ces exp\u00e9rimentations.<\/p>\n\n\n\n

[31] Vous r\u00e9f\u00e9rer \u00e0 la note 7.<\/p>\n\n\n\n

[32] Le verbe int\u00e9grer, selon sa racine latine integrare, prend tout son sens dans sa racine latine m\u00e9di\u00e9vale qui est \u00ab rendre complet \u00bb (Petit Robert 1, [1967] 1981) ou \u00ab rendre entier \u00bb (Centre national de Ressources Textuelles et lexicales, 2012).<\/p>\n\n\n\n

[33] Le pr\u00e9sent texte traite principalement de la phase #3 qui a eu lieu lors de ma r\u00e9sidence au Centre de d\u00e9veloppement chor\u00e9graphique de Grenoble, en France au printemps 2008. Pr\u00e9cisons que je n\u2019ai fait appel \u00e0 Dominique Besson et \u00e0 son \u00e9quipe que pour l\u2019exploration concernant cette phase 3.<\/p>\n\n\n\n

[34] Ces nouveaux auteurs, tels que Pitozzi, ont d\u2019ailleurs \u00e9tudi\u00e9 mes m\u00e9thodes et cr\u00e9ations pour d\u00e9velopper certaines de leurs id\u00e9es. Cet article a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 en premier en 2013 en anglais par Intellect Journals dans \u00ab Journal of Dance & Somatic Practices \u00bb, pour le num\u00e9ro sp\u00e9cial \u00ab Somatics and technology \u00bb, sous le titre For a methodology of transformation: at the crossing of the somatic and the technology, to become other\u2026, Intellect Journals, vol. 5, no 1, 2013, pp. 95-112. Ensuite il a \u00e9t\u00e9 traduit en portugais et publi\u00e9 en 2015 par le magazine en ligne \u00ab CENA \u00bb sous le titre Para um metodologia da transforma\u00e7\u00e3o: no cruzamente entre o som\u00e1tico e o tecnol\u00f3gico, para tornar-se outro\u2026, CENA, no 17, Porto Alegre: Programa de P\u00f3s-Gradua\u00e7\u00e3o em Artes C\u00eanicas\/Universidade Federal do Rio Grande do Sul, Br\u00e9sil. Arch\u00e9e a maintenant le plaisir d\u2019en diffuser pour son public une version fran\u00e7aise.<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

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\u2013 Burnham, Jack, \u00ab Introduction: Form and Indecision, Reification, Object and System \u00bb, Beyond Modern Sculpture: The effects of science and technology on the sculpture of this century<\/em>, New York, George Braziller, 1973 [1968-1969], p. 1-18.<\/p>\n\n\n\n

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\u2013 Fortin, Sylvie, \u00ab Apport possible de l\u2019ethnographie et de l\u2019autoethnographie pour la recherche en pratique artistique \u00bb, La recherche cr\u00e9ation ; pour une compr\u00e9hension de la recherche en pratique artistique<\/em>, Qu\u00e9bec, Presses de l\u2019Universit\u00e9 du Qu\u00e9bec, 2009, p.97-110.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Gardner, Howard, Frame of Minds :The Theory of Multiple Intelligences<\/em>, \u00c9tats-Unis, Gardner, 2006 [1983], 528 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Goleman, Daniel, L\u2019intelligence \u00e9motionnelle 1<\/em>, Paris, Editions Robert Laffont, 1997 [1995], 430 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Gosselin, Pierre et \u00c9ric Le Coguiec, \u00ab Introduction \u00bb, La recherche cr\u00e9ation ; pour une compr\u00e9hension de la recherche en pratique artistique<\/em>, Qu\u00e9bec, Presses de l\u2019Universit\u00e9 du Qu\u00e9bec, 2009, p.1-6.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Gosselin, Pierre, \u00ab La recherche en pratique artistique : sp\u00e9cificit\u00e9 et param\u00e8tres pour le d\u00e9veloppement de m\u00e9thodologies \u00bb, La recherche cr\u00e9ation ; pour une compr\u00e9hension de la recherche en pratique artistique<\/em>, Qu\u00e9bec, Presses de l\u2019Universit\u00e9 du Qu\u00e9bec, 2009, p.21-32.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Gromala, Daniel, \u00ab Towards a Phenomenological Theory of the Visceral in the Interactive Arts \u00bb th\u00e8se de doctorat, D\u00e9partement de philosophie, University of Plymouth, 2007, 182 f. <\/p>\n\n\n\n

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\u2013 Le Coguiec, \u00c9ric, \u00ab R\u00e9cit M\u00e9thodologique pour mener une autopo\u00ef\u00e9tique \u00bb, La recherche cr\u00e9ation ; pour une compr\u00e9hension de la recherche en pratique artistique<\/em>, Qu\u00e9bec, Presses de l\u2019Universit\u00e9 du Qu\u00e9bec, 2009, p.111-118.<\/p>\n\n\n\n

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1. Historique sch\u00e9matique et probl\u00e9matique de l’interface traditionnelle La supr\u00e9matie du discours de l\u2019interface est le discours dominant de la sc\u00e8ne performative contemporaine : celle qui int\u00e8gre les technologies. Ce discours est bas\u00e9 sur la vision dualiste et mat\u00e9rialiste du monde occidental, sur une culture de l\u2019objet tel que l\u2019a identifi\u00e9 Christine Buci-Glucksmann1 (2003). J\u2019expliquerai, dans la … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[74],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1141"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=1141"}],"version-history":[{"count":4,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1141\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1155,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1141\/revisions\/1155"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=1141"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=1141"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=1141"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}