{"id":1510,"date":"2015-12-01T20:25:46","date_gmt":"2015-12-01T20:25:46","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1510"},"modified":"2022-11-18T20:26:04","modified_gmt":"2022-11-18T20:26:04","slug":"decembre-2015-la-sombra-del-viento-ecoute-et-architecture-spectrales-dans-le-cinema-augmente-demmanuel-sevigny","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2015-la-sombra-del-viento-ecoute-et-architecture-spectrales-dans-le-cinema-augmente-demmanuel-sevigny\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2015 – La sombra del viento\u00a0: \u00c9coute et architecture spectrales dans le cin\u00e9ma augment\u00e9 d\u2019Emmanuel S\u00e9vigny"},"content":{"rendered":"\n

Fa\u00e7ade\u00a0:\u00a0de l\u2019intercorpor\u00e9it\u00e9 du th\u00e9\u00e2tre urbain<\/h2>\n\n\n\n
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Le th\u00e9\u00e2tre de\u00a0<\/strong>l\u2019Amadeo Rold\u00e1n en plein jour<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Dans son aspiration \u00e0 rendre sensible et \u00e9pidermique la profondeur de pr\u00e9sence de La Havane, soit, non pas seulement ses art\u00e8res, ses places, son histoire et son exaltante effervescence, mais les int\u00e9riorit\u00e9s qui en font un \u00ab\u00a0monde de vie\u00a0\u00bb kal\u00e9idoscopique et stratifi\u00e9,\u00a0Emmanuel S\u00e9vigny\u00a0a puis\u00e9 dans les r\u00e9cits et les paroles des citadins la mati\u00e8re premi\u00e8re de son sc\u00e9nario lumineux. De ces derniers, ce sont les r\u00eaves, la m\u00e9moire et le quotidien qui, \u00e0 l\u2019occasion de la onzi\u00e8me \u00e9dition de\u00a0la biennale de la Havane, s\u2019\u00e9clairent dans les chatoiements et faisceaux d\u2019une fa\u00e7ade abyssale, anim\u00e9e par l\u2019envers du d\u00e9cor de la cit\u00e9 et de ses rues\u00a0: cet espace bien plus grand et plus vertigineux, allant toujours s\u2019accroissant, que constitue son exp\u00e9rience plurielle \u00e0 travers le temps. Si ses dimensions sont monumentales, cette \u0153uvre immense s\u2019appuie et est port\u00e9e en son fondement par des mots d\u2019hommes qui en ont la mesure, mais jusqu\u2019en cette facult\u00e9 qu\u2019ils ont de traduire l\u2019hybris<\/em>, d\u2019\u00e9v\u00e9nements tragiques, de r\u00eave contre nature, ou d\u2019exprimer les fantasmes les plus extravagants, les obsessions et les angoisses les plus pr\u00e9gnants, les plus d\u00e9sordonn\u00e9s. Ainsi, \u00e0 la faveur des moyens techniques que se donne le cin\u00e9ma de r\u00e9alit\u00e9 augment\u00e9e qui superpose, en temps r\u00e9el, une projection sur les surfaces concr\u00e8tes de la perception au monde, le mur principal et les pi\u00e8ces de l\u2019Amadeo Rold\u00e1n sont-ils les lieux d\u2019\u00e9vocation d\u2019une inondation de la ville (couramment submerg\u00e9e par les mar\u00e9es) ou de l\u2019incendie qui ravagea le th\u00e9\u00e2tre en 1977, \u00e0 partir des t\u00e9moignages recueillis par l\u2019artiste dans les environs du site o\u00f9 l\u2019\u0153uvre prend vie, avec le pouvoir de fascination et de stup\u00e9faction admirative de ce qui prend feu.<\/p>\n\n\n\n

La projection est \u00e9galement marqu\u00e9e par les histoires plus banales des Cubains rencontr\u00e9s et elle relate visuellement les souvenirs d\u2019un d\u00e9m\u00e9nagement pr\u00e9cipit\u00e9 afin d\u2019\u00e9chapper \u00e0 une catastrophe, ou le quotidien d\u2019un r\u00e9parateur de ventilateurs qui prit \u00e0 c\u0153ur d\u2019informer quelques \u00e9trangers sur l\u2019importance et les d\u00e9tails primordiaux de son m\u00e9tier sur l\u2019\u00eele.\u00a0La sombra del viento<\/em>\u00a0prend, de ce fait, une dimension plus qu\u2019intersubjective\u00a0: elle \u00e9claire une intercorpor\u00e9it\u00e9 du vivant. D\u2019abord et de mani\u00e8re relativement \u00e9vidente parce qu\u2019elle s\u2019inscrit sur un \u00e9difice connu et fr\u00e9quent\u00e9 du patrimoine, o\u00f9 les hommes se retrouvent autour des arts de la sc\u00e8ne depuis plusieurs g\u00e9n\u00e9rations. Ensuite et surtout parce que le th\u00e9\u00e2tre ext\u00e9rieur de la fa\u00e7ade accueille et allie, dans ses balayages et ses miroitements sombres et lumineux, les spatiotemporalit\u00e9s r\u00e9f\u00e9rant aux corps vivants et au monde v\u00e9cu des hommes, en les tissant dans l\u2019horizon de la cit\u00e9 ou de la\u00a0polis<\/em>. Le processus de la projection filmique permet ici, par sa dimensionnalit\u00e9 existentielle et les pr\u00e9misses des choix narratifs, d\u2019affirmer la coexistence charnelle des spectateurs et des acteurs (qui peuvent d\u2019ailleurs \u00eatre en partie les m\u00eames), \u00e0 travers le chevauchement des trames narratives converties en sons et en images\u00a0par les facult\u00e9s imaginatives de l\u2019artiste. Car : \u00ab\u00a0Si l\u2019exp\u00e9rience du temps et celle de l\u2019espace sont indissociables pour nous, c\u2019est aussi qu\u2019elles sont l\u2019une et l\u2019autre v\u00e9cues au foyer d\u2019un corps situ\u00e9, \u00e0 partir duquel s\u2019ouvrent les perspectives spatio-temporelles\u00a0: \u00ab\u00a0je ne suis pas dans l\u2019espace et dans le temps\u00a0; je suis \u00e0 l\u2019espace et au temps, mon\u00a0corps\u00a0<\/em>s\u2019applique \u00e0 eux et les embrasse\u00a0\u00bb.\u00a0\u00bb (Merleau-Ponty, 1945, p. 164)\u00a0Autrement dit, la conversion et le tissage des r\u00e9cits des Havanais op\u00e9r\u00e9s par l\u2019interpr\u00e9tation cr\u00e9atrice de l\u2019\u0153uvre se pr\u00e9sentent comme ces \u00ab\u00a0perspectives spatio-temporelles\u00a0\u00bb ouvertes \u00e0 l\u2019or\u00e9e de leurs corps de temps et d\u2019espace et ils actualisent ainsi un vivre ensemble incarn\u00e9 \u00e0 mi-chemin entre l\u2019espace commun du b\u00e2timent et la mati\u00e8re cin\u00e9matographique qui lui est superpos\u00e9e. De la m\u00eame mani\u00e8re, aux spectateurs observant,\u00a0in situ<\/em>, ce th\u00e9\u00e2tre d\u2019outre-monde fait de la fibre de leur existence, s\u2019ouvrent les horizons des corps de temps et d\u2019espace des Havanais, qui constituent des perspectives et le sens de ce carrefour de pr\u00e9sence.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

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Les corps des Cubains narrant leurs r\u00e9cits \u00e9taient film\u00e9s et d\u00e9terminaient les fantasmagories de la fa\u00e7ade<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Cette intercorpor\u00e9it\u00e9 du th\u00e9\u00e2tre de S\u00e9vigny, qui n\u2019est autre que la sc\u00e8ne par o\u00f9 l\u2019artiste introduit et exprime son propre corps dans la ville \u00e9trang\u00e8re et fascinante, transpara\u00eet de mani\u00e8re plus \u00e9vidente si on consid\u00e8re que les silhouettes qui gravitent, surgissent et parlent dans les pi\u00e8ces et sur les parois de la construction sont celles des hommes et des femmes qu\u2019il a rencontr\u00e9s, \u00e9cout\u00e9s et film\u00e9s, souvent dans leurs propres demeures. Cette fantasmagorie plastique, qui rappelle \u00e0 plusieurs \u00e9gards l\u2019univers singulier (idios kosmos<\/em>) du r\u00eave surr\u00e9aliste, r\u00e9v\u00e8le donc en r\u00e9alit\u00e9, sous une apparente surface solipsiste caress\u00e9e par les ombres et les apparitions, dans la profondeur d\u00e9voil\u00e9e de la fa\u00e7ade, un travail nourri par une \u00e9thique de la communaut\u00e9, qui convoque et fait surgir un monde partag\u00e9 (idios koinos<\/em>) et qui trouve son expression dans l\u2019affirmation la plus profonde de son\u00a0com-para\u00eetre<\/em>. Le terme esth\u00e9tique de \u00ab\u00a0r\u00e9alit\u00e9 augment\u00e9\u00a0\u00bb prend ainsi tout son sens dans la r\u00e9v\u00e9lation des horizons int\u00e9rieurs, d\u2019ordinaire occult\u00e9s de la pr\u00e9sence et dans le renversement orphique de leur imperceptibilit\u00e9 en perceptions.<\/p>\n\n\n\n

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composition d\u2019horizons, l\u2019\u0153uvre se d\u00e9ployait tel un carrefour de pr\u00e9sence<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Un miroir de l’\u00e9tranget\u00e9 de l’homme et de l’\u00e9trange devenir de l’\u00eatre<\/h2>\n\n\n\n
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