{"id":1655,"date":"2015-05-01T15:01:50","date_gmt":"2015-05-01T15:01:50","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1655"},"modified":"2022-11-25T15:02:10","modified_gmt":"2022-11-25T15:02:10","slug":"mai-2015-une-approche-emergentiste-de-lexperience-esthetique","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mai-2015-une-approche-emergentiste-de-lexperience-esthetique\/","title":{"rendered":"Mai 2015 – Une approche \u00e9mergentiste de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique*"},"content":{"rendered":"\n

Depuis quelques ann\u00e9es, les th\u00e9ories de l\u2019\u00e9mergence proposent une vision non r\u00e9ductionniste radicalement diff\u00e9rente du monde et des lois qui le gouvernent. De la physique quantique aux sciences cognitives, de nombreuses disciplines tentent d\u2019importer ce concept dans leur aire de recherche. D\u2019o\u00f9 la question : les th\u00e9ories de l\u2019\u00e9mergence n\u2019offriraient-elles pas une approche novatrice dans la connaissance de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique ? J\u2019entends par exp\u00e9rience esth\u00e9tique l\u2019\u00e9mergence d\u2019un \u00e9tat mental et physiologique lors de la vision, de l\u2019\u00e9coute, du toucher, de l\u2019olfaction ou de la d\u00e9gustation d\u2019une forme ou d\u2019un agencement de formes sensibles se d\u00e9ployant dans l\u2019espace et le temps, rencontr\u00e9s dans la nature ou produits par l\u2019homme, provoquant un plaisir sp\u00e9cifique associ\u00e9 \u00e0 des \u00e9motions, des sentiments et des jugements. Une exp\u00e9rience partag\u00e9e par l\u2019ensemble de l\u2019esp\u00e8ce humaine, en tout lieu et \u00e0 toute \u00e9poque.<\/p>\n\n\n\n

Une d\u00e9finition triviale de l\u2019\u00e9mergence, mais qui permet de l\u2019apprivoiser, est que \u00ab\u00a0le tout est\u00a0plus<\/em>\u00a0que la somme des parties\u00a0\u00bb, ce qu\u2019avait d\u00e9j\u00e0 pressenti Aristote. Mais il a fallu attendre plusieurs si\u00e8cles pour que la science s\u2019interroge plus pr\u00e9cis\u00e9ment sur ce que signifiait ce\u00a0plus<\/em>. Je laisserai \u00e0 d\u2019autres plus instruits que moi en la mati\u00e8re le soin de retracer l\u2019histoire passionnante de ce concept. Pour Henri Atlan, biophysicien et philosophe, l\u2019\u00e9mergence caract\u00e9rise le fonctionnement des syst\u00e8mes dits \u00ab\u00a0auto-organisateurs\u00a0\u00bb. \u00ab\u00a0L\u2019auto-organisation, dit-il, est un m\u00e9canisme ou un ensemble de m\u00e9canismes par lequel des structures sont produites au niveau global d\u2019un syst\u00e8me \u00e0 partir d\u2019interactions entre ses constituants \u00e0 un niveau d\u2019int\u00e9gration inf\u00e9rieur. Les interactions entre constituants sont elles-m\u00eames produites localement sans aucune r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 une structure locale pr\u00e9con\u00e7ue. Au contraire, celle-ci est une propri\u00e9t\u00e9 \u00e9mergente du syst\u00e8me et non une propri\u00e9t\u00e9 impos\u00e9e de l\u2019ext\u00e9rieur du syst\u00e8me.\u00a0\u00bb (Atlan, 2011, p. 10) L\u2019\u00e9mergence est ce\u00a0plus<\/em>\u00a0de la d\u00e9finition triviale. Atlan distingue trois types d\u2019\u00e9mergence\u00a0: un type\u00a0faible<\/em>\u00a0o\u00f9 ce qui \u00e9merge est pr\u00e9dictible, un type\u00a0fort<\/em>\u00a0o\u00f9 l\u2019\u00e9mergence est en partie non d\u00e9termin\u00e9e \u2014 elle est alors le fruit du hasard et de la complexit\u00e9 \u2014, et un type\u00a0intentionnel \u2014<\/em>\u00a0o\u00f9 le syst\u00e8me s\u2019attribue lui-m\u00eame ses propres buts et les modifie \u00e9ventuellement. On ne peut pas pr\u00e9dire\u00a0facilement<\/em>\u00a0(en additionnant, par exemple, les propri\u00e9t\u00e9s des composants), fait remarquer Atlan, le r\u00e9sultat global de l\u2019activit\u00e9 d\u2019un syst\u00e8me auto-organisateur complexe \u2014 ce qui \u00e9merge \u2014 \u00e0 partir de ces propri\u00e9t\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

Il en r\u00e9sulte que, si l’on g\u00e9n\u00e9ralise le raisonnement \u00e0 tous les ph\u00e9nom\u00e8nes ob\u00e9issant \u00e0 de grandes lois fondamentales, comme le fait, parmi d’autres, le physicien Robert B. Laughlin1<\/sup>, l’explication du monde \u00e0 partir de ces lois, ainsi que le veut le r\u00e9ductionnisme, ne serait plus pertinente, car toutes les lois seraient d’origine collective et \u00e9mergeraient de chaque niveau d’organisation de la mati\u00e8re. Pour ce physicien, en effet, les lois fond\u00e9es sur la recherche de l’\u00e9l\u00e9ment ultime sur lequel se construirait l’univers ne sont pas fausses ou inutiles, mais plut\u00f4t d\u00e9faillantes dans de nombreuses situations et elles doivent c\u00e9der devant la pertinence les lois organisationnelles. \u00ab\u00a0Je souhaite moins attaquer le r\u00e9ductionnisme, dit Laughlin, que d\u00e9terminer sa juste place dans l’ordre des choses2<\/sup>.\u00a0\u00bb<\/p>\n\n\n\n

Pour s\u2019inspirer du mod\u00e8le \u00e9mergentiste, plut\u00f4t que de continuer \u00e0 rechercher l\u2019essence de l\u2019art et les lois suppos\u00e9es \u00e9ternelles de la cr\u00e9ation ou de la r\u00e9ception artistique, dans des \u00e9l\u00e9ments ultimes et d\u00e9terminants3<\/sup>, on cherchera \u00e0 d\u00e9crire et \u00e0 analyser le fonctionnement des syst\u00e8mes auto-organisateurs qui caract\u00e9riserait les processus de la cr\u00e9ation et de la r\u00e9ception artistiques et la relation que ces \u00e9l\u00e9ments \u2014 dont je ne nie pas la contribution \u00e0 ces processus \u2014 entretiennent entre eux au cours de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique. Il n\u2019en reste pas moins que l\u2019importation de ce nouveau paradigme dans le domaine de l\u2019esth\u00e9tique doit \u00eatre effectu\u00e9e avec prudence et d\u00e9passer le mode m\u00e9taphorique. Compte tenu de la complexit\u00e9 du sujet, les \u00e9l\u00e9ments th\u00e9oriques expos\u00e9s ici ne pr\u00e9tendent sugg\u00e9rer qu\u2019une approche pr\u00e9liminaire.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Qu\u2019est-ce qui fait syst\u00e8me\u00a0?<\/h2>\n\n\n\n

La premi\u00e8re t\u00e2che est\u00a0de d\u00e9finir ce qui fait syst\u00e8me, les niveaux qui composent ce syst\u00e8me et le milieu au sein duquel il fonctionne, lors de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique. Je distinguerai trois types d\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique. Le premier, le plus simple, met en contact un observateur et un objet, naturel ou artificiel. Paul prend du plaisir \u00e0 contempler des cristaux de roche\u00a0; il les collectionne et les trouve beaux. Jacques est romantique et prend un m\u00eame plaisir \u00e0 contempler les vieilles ruines\u00a0; il ne les collectionne pas mais il les trouve belles. Dans ces deux cas, le syst\u00e8me se compose d\u2019un observateur et d\u2019un objet (naturel ou artificiel). Le milieu o\u00f9 la rencontre s\u2019effectue ne joue pas ici de r\u00f4le d\u00e9terminant. Chaque observateur est un syst\u00e8me auto-organisateur intentionnel extr\u00eamement complexe et d\u2019une tr\u00e8s haute autonomie, fa\u00e7onn\u00e9 par les millions d\u2019ann\u00e9es de la s\u00e9lection darwinienne au cours de l\u2019\u00e9volution\u00a0; il d\u00e9finit lui-m\u00eame, du moins pour une tr\u00e8s large part, ses propres objectifs et poss\u00e8de la capacit\u00e9 de les modifier selon les changements du milieu. Cette s\u00e9lection a dot\u00e9 l\u2019esp\u00e8ce humaine d\u2019une certaine comp\u00e9tence mentale indispensable \u00e0 sa survie, l\u2019\u00ab\u00a0attention cognitive\u00a0\u00bb, qui pousse chaque individu \u00e0 exercer un regard vigilant vers les formes innombrables et vari\u00e9es que lui offre le milieu o\u00f9 il vit et d\u2019\u00e9prouver une satisfaction lorsqu\u2019elles sont identifi\u00e9es et d\u00e9clenchent alors les conduites ad\u00e9quates (cueillette, chasse,\u00a0 fuite, etc.). Lorsqu\u2019un observateur pose ses yeux sur l\u2019objet de son attention, la perception des formes de cet objet lui procure une satisfaction d\u2019un genre particulier\u00a0: le plaisir esth\u00e9tique4<\/sup>. Cette particularit\u00e9 tient dans le fait que les conduites qu\u2019il d\u00e9clenche cherchent \u00e0 s\u2019entretenir dans une boucle autot\u00e9l\u00e9ologique, la jouissance perceptive entra\u00eenant la recherche et le maintien de cette jouissance. Avec ce plaisir se d\u00e9ploie une large palette d\u2019\u00e9tats mentaux et physiologiques, d\u2019\u00e9motions, de sentiments et de jugements5<\/sup>. Mais le plaisir peut ne pas na\u00eetre\u00a0; dans ce cas, l\u2019objet ne r\u00e9pond pas \u00e0 l\u2019attente de l\u2019observateur. Il le laissera indiff\u00e9rent ou lui d\u00e9plaira. Quant \u00e0\u00a0 l\u2019objet lui-m\u00eame, il peut \u00eatre le produit d\u2019un syst\u00e8me auto-organisateur de type\u00a0faible<\/em>\u00a0pour les cristaux ou de type\u00a0fort<\/em>\u00a0pour les ruines, mais ne constitue pas un syst\u00e8me en soi. Il fait toutefois syst\u00e8me avec l\u2019observateur.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Le second type d\u2019exp\u00e9rience met en contact quatre constituants. Que l\u2019objet soit reconnu comme \u0153uvre d\u2019art, candidat \u00e0 cette reconnaissance ou ignor\u00e9 par la sph\u00e8re de l\u2019art, ne modifie pas la composition des constituants. La vision d\u2019un tableau, par exemple, que j\u2019appelle le \u00ab moment du voir \u00bb, n\u00e9cessite la rencontre temporaire d\u2019un artefact (le tableau), d\u2019un observateur (le regardeur), d\u2019un milieu de \u00ab pr\u00e9sentation \u00bb (galerie, mus\u00e9e, collection priv\u00e9e, etc.) et d\u2019un auteur (le peintre). Les trois premiers constituants, l\u2019artefact, l\u2019observateur et le milieu sont copr\u00e9sents au moment du voir, mais la pr\u00e9sence du peintre ne se manifeste qu\u2019indirectement \u00e0 travers certains \u00ab embrayeurs temporels \u00bb auxquels le regardeur est plus ou moins r\u00e9ceptif. Ces quatre constituants sont eux-m\u00eames des syst\u00e8mes auto-organisateurs int\u00e9grant plusieurs syst\u00e8mes sous-jacents plus ou moins complexes, empil\u00e9s en niveaux hi\u00e9rarchiquement int\u00e9gr\u00e9s \u2014 une sorte de \u00ab feuillet\u00e9 \u00bb syst\u00e9mique qui constitue un syst\u00e8me global. Les conduites du regardeur et du peintre \u00e9tant les plus complexes.  <\/p>\n\n\n\n

Mais si le peintre n\u2019est habituellement pas pr\u00e9sent au moment o\u00f9 le regardeur contemple le tableau, celui-ci peut en retrouver la pr\u00e9sence gr\u00e2ce aux embrayeurs temporels, comme je le montrerai plus loin6<\/sup>. Le peintre est lui aussi un syst\u00e8me auto-organisateur intentionnel extr\u00eamement complexe analogue \u00e0 celui du regardeur mais dot\u00e9 d\u2019intentions diff\u00e9rentes visant le faire plut\u00f4t que le ressenti. Il d\u00e9finit lui-m\u00eame ses propres objectifs au cours de l\u2019acte de cr\u00e9ation, les corrige, les adapte, en vue de produire un artefact destin\u00e9 \u00e0 provoquer chez autrui une activit\u00e9 cognitive produisant du plaisir esth\u00e9tique7<\/sup>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Le milieu, troisi\u00e8me constituant, l\u2019espace-temps8<\/sup>\u00a0au sein duquel l\u2019artefact se\u00a0pr\u00e9sente<\/em>\u00a0au regardeur, est aussi un syst\u00e8me auto-organisateur qui agit fortement sur les conditions de perception et de r\u00e9ception. En outre, ce sous-syst\u00e8me r\u00e9inscrit le syst\u00e8me global au sein d\u2019un autre supersyst\u00e8me, le syst\u00e8me culturel propre \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Le tableau, quant \u00e0 lui, est compos\u00e9 en tant qu\u2019objet physique d\u2019\u00e9l\u00e9ments stimulant la perception : des formes (surfaces, contours, couleurs, lumi\u00e8res, textures, composition, etc.) diversement organis\u00e9es mais incapables d\u2019une quelconque \u00e9volution autonome, donc d\u2019auto-organisation, s\u2019il s\u2019agit d\u2019un tableau r\u00e9alis\u00e9 avec des techniques traditionnelles ; les \u00e9l\u00e9ments physiques du tableau ne peuvent que subir les d\u00e9gradations de l\u2019entropie. En revanche, le tableau peut faire syst\u00e8me si, comme le veut sa fonction, il interagit avec le syst\u00e8me cognitif du r\u00e9cepteur par le biais des organes et des processus neuronaux de la vision. Les taches rouges et vertes juxtapos\u00e9es dans une peinture impressionniste resteront identiques \u00e0 elles-m\u00eames sous le regard, mais elles provoqueront chez le r\u00e9cepteur une sensation de jaune \u2014 couleur qui n\u2019existe pas sur le tableau mais qui \u00e9merge du syst\u00e8me \u0153il-artefact aussi nettement que si elle \u00e9tait r\u00e9elle. Parlant d\u2019une \u0153uvre de Monet, Laughlin dit que si la peinture est physiquement compos\u00e9e de taches al\u00e9atoires et d\u00e9sordonn\u00e9es, ce que nous voyons \u2014 c\u2019est-\u00e0-dire ce qui en \u00e9merge \u2014 est un tableau figurant un champ de fleurs. C\u2019est donc en tant qu\u2019il est coupl\u00e9 \u00e0 un syst\u00e8me auto-organisateur complexe dot\u00e9 d\u2019une intentionnalit\u00e9 (le peintre) que l\u2019artefact participe indirectement \u00e0 l\u2019\u00e9mergence d\u2019une forme qui ne pr\u00e9existe ni en lui ni dans l\u2019esprit du regardeur. <\/p>\n\n\n\n

Tous ces syst\u00e8mes interagissent entre eux en s\u2019ajustant les uns aux autres en sorte que la derni\u00e8re couche du feuillet\u00e9, le syst\u00e8me global conserve sa stabilit\u00e9. Cette stabilit\u00e9 est elle-m\u00eame l\u2019objet d\u2019une correction et d\u2019une adaptation permanente \u00e0 la fluctuation des sous-syst\u00e8mes, du moins aussi longuement que dure le temps du voir et de son prolongement dans la m\u00e9moire du r\u00e9cepteur\u00a0: on ne revoit jamais le m\u00eame tableau. Le feuillet\u00e9 est un syst\u00e8me m\u00e9tastable qui \u0153uvre \u00e0 conqu\u00e9rir et \u00e0 entretenir sa stabilit\u00e9. Replac\u00e9 au sein du r\u00e9seau de r\u00e9seaux constituant la sph\u00e8re de l\u2019art, le syst\u00e8me global fait \u00e9merger ce qui est le propre d\u2019une exp\u00e9rience esth\u00e9tique du second type telle que celles que nous avons l\u2019occasion de vivre avec les \u0153uvres\u00a0 d\u2019art. D\u2019o\u00f9 la question\u00a0: qu\u2019est-ce qui \u00e9merge9<\/sup>\u00a0?<\/p>\n\n\n\n

Qu\u2019est-ce qui \u00e9merge\u00a0?<\/h2>\n\n\n\n

Qu\u2019est-ce qui \u00e9merge \u00e0 la surface du feuillet\u00e9 qui n\u2019est pas contenu dans les niveaux inf\u00e9rieurs\u00a0? Atlan dirait\u00a0: \u00ab\u00a0de la nouveaut\u00e9\u00a0\u00bb (Atlan, 2011, p. 274). Quelque chose qui n\u2019existait pas auparavant. Au niveau du syst\u00e8me auto-organisateur regardeur-tableau, quelles sont ces choses qui n\u2019existaient pas avant le moment du voir\u00a0? D\u2019abord les formes vari\u00e9es qui \u00e9mergeront plus tard dans l\u2019esprit du regardeur. Ces formes n\u2019existent en tant que formes et ne sont nouvelles que dans la mesure o\u00f9 elles \u00e9mergent elles-m\u00eames du couplage regardeur-tableau. Contrairement \u00e0 une id\u00e9e tr\u00e8s r\u00e9pandue qui veut que la perception d\u2019un tableau se r\u00e9duise \u00e0 une contemplation passive, qu\u2019elle n\u2019engage aucune action de la part du regardeur, la perception est toujours un processus mental \u00e9troitement li\u00e9 \u00e0 l\u2019action. La perception est un ph\u00e9nom\u00e8ne exploratoire. Au cours de cette exploration, c\u2019est l\u2019action qui guide la perception qui \u00e0 son tour guide l\u2019action dans une boucle r\u00e9troactive auto-entretenue. Regarder un tableau avec une certaine attention et une certaine intention, c\u2019est mettre en branle toute une s\u00e9rie d\u2019actions (balayer la surface de ses yeux, aller et venir pour choisir le meilleur point de vue, s\u2019isoler de l\u2019environnement pour se concentrer), c\u2019est solliciter non seulement la vue mais le sens du mouvement, ce sixi\u00e8me sens qui fait coop\u00e9rer entre eux les autres sens10<\/sup>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

De ces formes \u00e9mergent quasi simultan\u00e9ment, sans hi\u00e9rarchie chronologique, des affects au centre desquels pointe le plaisir esth\u00e9tique. Un plaisir qui s\u2019associe \u00e0 un encha\u00eenement d\u2019\u00e9motions d\u00e9pendant elles-m\u00eames des informations issues du syst\u00e8me auto-organisateur regardeur-tableau. Tel tableau \u00e9veillera de la joie, tel autre de l\u2019horreur, mais cette horreur sera ressentie paradoxalement comme du plaisir. Ces \u00e9motions seront associ\u00e9es \u00e0 leur tour \u00e0 une large gamme de sentiments, \u00e0 savoir, selon le neurologue Antonio Damasio (Damasio, 1999, p. 83), des \u00e9tats cognitifs sup\u00e9rieurs qui sont des repr\u00e9sentations d\u2019\u00e9tats \u00e9motionnels. Lesquels feront \u00e9merger des id\u00e9es, des questions, des hypoth\u00e8ses, des inf\u00e9rences, des jugements.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Mais l\u2019\u00e9mergence du sentiment esth\u00e9tique et du plaisir qui l\u2019accompagne ne suffisent pas \u00e0 cr\u00e9er une exp\u00e9rience esth\u00e9tique pleine et enti\u00e8re. Du couplage regardeur-tableau \u00e9merge un \u00e9tat cognitif et physiologique \u2014 l\u2019empathie \u2014 qui incite le regardeur \u00e0 partager certains \u00e9tats mentaux et corporels propres \u00e0 l\u2019auteur de l\u2019artefact. Pour le neurobiologiste Jean Decety, l\u2019empathie repose sur une simulation mentale de la subjectivit\u00e9 d\u2019autrui\u00a0: la capacit\u00e9 \u00e0 se mettre mentalement \u00e0 la place d\u2019autrui, tout en restant soi-m\u00eame (Decety, 2004). L\u2019empathie nous permet d\u2019appr\u00e9hender le monde de son point de vue, de pouvoir \u00e9ventuellement partager ses sentiments, sans que cela soit syst\u00e9matique. C\u2019est alors une exp\u00e9rience de troisi\u00e8me type que vit le regardeur. Une d\u00e9couverte r\u00e9cente a montr\u00e9 que l\u2019empathie \u00e9tait corr\u00e9l\u00e9e au niveau du syst\u00e8me cognitif par une cat\u00e9gorie de neurones appel\u00e9s neurones-miroirs11<\/sup>. L\u2019empathie comprend deux composantes fondamentales. La premi\u00e8re est une r\u00e9sonance motrice et \u00e9motionnelle d\u00e9clench\u00e9e automatiquement, la seconde une prise de perspective subjective de l\u2019autre contr\u00f4l\u00e9e et intentionnelle.<\/p>\n\n\n\n

Au cours de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique, quand un spectateur assiste \u00e0 une\u00a0jam session<\/em>\u00a0o\u00f9 \u00e0 une pi\u00e8ce de th\u00e9\u00e2tre de rue du genre\u00a0comedia dell arte<\/em>, ou quand il assiste aux gesticulations de Georges Mathieu projetant des pigments sur une toile, les musiciens, les com\u00e9diens ou le peintre qui improvisent sont les propres auteurs du spectacle qu\u2019ils offrent aux spectateurs et ces derniers entrent directement en empathie motrice et \u00e9motionnelle avec eux, \u00e9ventuellement prolong\u00e9e en une prise de perspective subjective. Mais comment la r\u00e9sonance empathique peut-elle avoir lieu si, dans le cas de la vision d\u2019un tableau, le peintre est absent\u00a0? Je propose l\u2019hypoth\u00e8se que la r\u00e9sonance se ferait alors par le biais d\u2019une sorte de relais, les \u00ab\u00a0embrayeurs temporels\u00a0\u00bb qui, gardant la trace physique des actions du peintre au moment o\u00f9 il a peint (touches, projections, emp\u00e2tement, superposition de glacis, lac\u00e9rations12<\/sup>, position du peintre dans l\u2019espace, etc.), renverraient indirectement \u00e0 sa pr\u00e9sence13<\/sup>. C\u2019est le partage empathique de la temporalit\u00e9 v\u00e9cue par le peintre au moment du faire et de la temporalit\u00e9 v\u00e9cue par le regardeur au moment du voir qui inscrit l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique dans le temps et ses trois directions (pr\u00e9sent, pass\u00e9, futur), instaurant ainsi un lien intersubjectif puissant entre l\u2019auteur et le r\u00e9cepteur, au-del\u00e0 de l\u2019\u00e9cart temporel qui les s\u00e9pare. Cette r\u00e9sonance temporelle donnerait \u00e0 l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique une dimension relationnelle ouvrant alors l\u2019acc\u00e8s \u00e0 l\u2019intelligibilit\u00e9 de l\u2019\u0153uvre\u00a0: ouverture, mais non r\u00e9v\u00e9lation compl\u00e8te du sens qui fait l\u2019objet d\u2019une qu\u00eate sans fin14<\/sup>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Le syst\u00e8me auto-organisateur auteur-artefact-r\u00e9cepteur n\u2019est pas un produit de la culture humaine. C\u2019est un h\u00e9ritage g\u00e9n\u00e9tique qui s\u2019est constitu\u00e9 peu \u00e0 peu au cours de la phylog\u00e9n\u00e8se de notre esp\u00e8ce et dont on retrouve des traces chez certaines esp\u00e8ces animales15<\/sup>. Ce syst\u00e8me reste identique \u00e0 lui-m\u00eame \u00e0 travers le temps et l\u2019espace, mais c\u2019est en vain qu\u2019on y chercherait les lois \u00e9ternelles de la beaut\u00e9 ou de la cr\u00e9ation artistique. Il d\u00e9termine seulement les conditions sous-jacentes de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique sans lesquelles celle-ci ne saurait avoir lieu, mais il ne d\u00e9termine pas ce qui en \u00e9merge, ce qui fait de chaque exp\u00e9rience, de chaque artefact, une singularit\u00e9 dont les propri\u00e9t\u00e9s sont impr\u00e9dictibles.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

J\u2019avancerai pour conclure quelques \u00e9l\u00e9ments de r\u00e9ponse \u00e0 la question introductive : les th\u00e9ories de l\u2019\u00e9mergence n\u2019offriraient-elles pas une approche novatrice dans la connaissance de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique ?<\/p>\n\n\n\n

Cette approche se caract\u00e9rise par une prise de position nettement non r\u00e9ductionniste. Aucune th\u00e9orie scientifique ne saurait d\u00e9crire et expliquer de son seul point de vue la nature de l\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique en invoquant quelque loi ultime et unique sur laquelle elle se fonderait. Les th\u00e9ories de l\u2019\u00e9mergence font appel \u00e0 un tr\u00e8s vaste ensemble de disciplines \u2014 les sciences et technologies de la cognition \u2014 qui s\u2019ignoraient jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent et ne faisaient pas partie des savoirs de l\u2019esth\u00e9tique classique. En ce sens, l\u2019esth\u00e9tique n\u2019est plus un domaine privil\u00e9gi\u00e9 de la philosophie. Il en r\u00e9sulte que les th\u00e9ories de l\u2019\u00e9mergence rompent avec la vision d\u2019une esth\u00e9tique qui voudrait que l\u2019art soit un fait d\u00e9miurgique et la cr\u00e9ation artistique inconnaissable par essence, que le plaisir esth\u00e9tique soit un pur produit de la culture libre de tout enracinement biologique, et que l\u2019esp\u00e8ce humaine occupe sur ce point une place exceptionnelle dans le vivant. Tout en reconnaissant le poids de l\u2019h\u00e9ritage g\u00e9n\u00e9tique sur les comportements humains, les th\u00e9ories de l\u2019\u00e9mergence montrent comment ce poids est contrebalanc\u00e9 par la culture \u00e9pig\u00e9n\u00e9tique et la subjectivit\u00e9 des individus. Elles participent d\u2019un tr\u00e8s vaste mouvement de la connaissance qui r\u00e9unit sous le m\u00eame paradigme les activit\u00e9s de l\u2019homme les plus hautement symboliques et les processus les plus divers caract\u00e9risant l\u2019univers physique et la vie.<\/p>\n\n\n\n

Mais le plus remarquable sans doute est que ces sciences ont pour objet non seulement l\u2019ensemble des \u00eatres vivants et la nature enti\u00e8re, mais \u00e9galement tous les syst\u00e8mes artificiels traitant de l\u2019information con\u00e7us par l\u2019homme. Les th\u00e9ories \u00e9mergentistes n\u2019alimentent pas seulement la r\u00e9flexion des th\u00e9oriciens de l\u2019art, elles fournissent aux artistes, du moins \u00e0 quelques-uns d\u2019entre eux, des sources d\u2019inspiration et des moyens technologiques originaux qui renouvellent les modes de cr\u00e9ation et de r\u00e9ception des \u0153uvres d\u2019art. De nouvelles relations, sans pr\u00e9c\u00e9dent historique quant \u00e0 leur intrication et leur interr\u00e9sonnance, se tissent d\u00e9sormais entre l\u2019art et la science.<\/p>\n\n\n\n

*Les processus de r\u00e9ception et de cr\u00e9ation des \u0153uvres d\u2019art.
Approches \u00e0 la premi\u00e8re et \u00e0 la troisi\u00e8me personne (partie 2)<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Robert B. Laughlin est physicien (Prix Nobel 1998). Voir, de cet auteur,\u00a0Un univers diff\u00e9rent<\/em>, Paris, Fayard, 2005, pour la traduction fran\u00e7aise.<\/p>\n\n\n\n

[2] Ibid.<\/em>, p. 18.<\/p>\n\n\n\n

[3] Telles les propri\u00e9t\u00e9s intrins\u00e8ques de l\u2019objet, les intentions ou la psychologie du cr\u00e9ateur, la subjectivit\u00e9 de l\u2019amateur d\u2019art, les processus de m\u00e9diation, l\u2019influence du milieu culturel ou la capacit\u00e9 des \u0153uvres artistiques \u00e0 faire parler d\u2019elles.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[4] S\u2019il existe bien dans le cerveau un centre du plaisir, il n\u2019existe pas de centre d\u00e9di\u00e9 au plaisir esth\u00e9tique. \u00ab\u00a0Chaque syst\u00e8me anatomo-fonctionnel du cerveau participe \u00e0 la gen\u00e8se de la pens\u00e9e esth\u00e9tique, constitue un instrument de sa production, dit Roger Vigouroux. \u00bb (La Fabrique du Beau<\/em>, Paris, Odile Jacob, 1992, p. 217).<\/p>\n\n\n\n

[5] Voir, Edmond Couchot,\u00a0La Nature de l\u2019art. Ce que les sciences cognitives nous r\u00e9v\u00e8lent sur le plaisir esth\u00e9tique<\/em>,\u00a0op. cit.<\/em>, chapitre II, L\u2019exp\u00e9rience esth\u00e9tique.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[6] Certains peintres, comme Georges Mathieu, ont ex\u00e9cut\u00e9 des tableaux sous les yeux des spectateurs et des cameras, marquant ainsi de leur pr\u00e9sence physique l\u2019acte pictural. Picasso a peint devant la camera de Clouzot pour le film\u00a0Le myst\u00e8re Picasso.<\/em>\u00a0Si dans ce cas le public qui visionne le film n\u2019est pas en pr\u00e9sence directe avec Picasso, il assiste n\u00e9anmoins avec un d\u00e9calage temporel \u00e0 l\u2019acte m\u00eame du faire et le partage empathiquement.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[7] Voir\u00a0La Nature de l\u2019art<\/em>,\u00a0op. cit.<\/em>, chapitre IV, Les processus de la cr\u00e9ation artistique.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[8] Voir Edmond Couchot,\u00a0Des images<\/em>,\u00a0du temps et des machines dans les arts et la communication<\/em>, N\u00eemes, Actes Sud-Chambon, 2007, chap. 1, Temps et espace de pr\u00e9sentation.<\/p>\n\n\n\n

[9] On parle aussi d\u2019enaction<\/em>. Le terme fait alors r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 l\u2019approche de l\u2019auto-organisation d\u00e9velopp\u00e9e par les biologistes Francisco Varela et Humberto Maturana.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[10] Voir Alain Berthoz,\u00a0Le sens du mouvement<\/em>, Paris, Odile Jacob, 1999, chapitre 2.<\/p>\n\n\n\n

[11] Voir, sur le sujet, Giacomo Rizzolatti, Corrado Sinigaglia,\u00a0Les neurones miroirs<\/em>, Paris, Odile Jacob, 2008, p. 10. Voir \u00e9galement Rizzolatti G., Fadiga L., Gallese V. et Fogassi L., \u00ab\u00a0Premotor cortex and the recognition of motor actions\u00a0\u00bb,\u00a0Cognitive Brain Research<\/em>, 1996.<\/p>\n\n\n\n

[12] La touche picturale est souvent assez caract\u00e9ristique pour que les experts s\u2019y r\u00e9f\u00e8rent quand ils veulent identifier l\u2019auteur d\u2019un tableau. Elle est l\u2019un des vecteurs physiques de la relation intersubjective entre le peintre et le spectateur. En tant que trace, elle est un micro-\u00e9v\u00e9nement temporel qui renvoie \u00e0 un acte, \u00e0 un faire propre \u00e0 un certain style de peinture. Elle signale, sans m\u00e9diation discursive, que le peintre s\u2019est effectivement tenu l\u00e0,\u00a0devant<\/em>\u00a0le tableau, de m\u00eame que le regardeur se tient l\u00e0, lui aussi,\u00a0devant<\/em>\u00a0ce m\u00eame tableau, bien que le lieu r\u00e9el o\u00f9 le tableau a \u00e9t\u00e9 peint et celui o\u00f9 il est donn\u00e9 \u00e0 voir soient le plus souvent diff\u00e9rents. Le regardeur change alors de point vue, de r\u00e9f\u00e9rentiel spatial, et occupe mentalement le point de vue du peintre en substituant son propre regard \u00e0 celui de l\u2019autre.<\/p>\n\n\n\n

[13] Un embrayeur extr\u00eamement puissant est la perspective \u00e0 projection centrale qui permet au regardeur d\u2019occuper r\u00e9trospectivement la position spatiale du peintre face \u00e0 l\u2019objet \u00e0 peindre et de retrouver sa pr\u00e9sence en ce lieu au moment du faire.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[14] Voir\u00a0Des images, du temps et des machine, op. cit.<\/em>, chapitre I, La dimension temporelle de l\u2019image.<\/p>\n\n\n\n

[15] Certains oiseaux, au moment de la saison des amours, d\u00e9corent avec beaucoup de soin leurs nids afin d\u2019y attirer les femelles. L\u2019aspect esth\u00e9tique de la d\u00e9coration, associ\u00e9 aux chants et aux parades du m\u00e2le, contribue au choix de la femelle. Voir\u00a0La Nature de l\u2019art<\/em>,\u00a0op. cit.<\/em>, chapitre VIII, p. 232-243.<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Atlan,\u00a0Henri, Le vivant post-g\u00e9nomique ou Qu\u2019est-ce que l\u2019auto-organisation\u00a0?<\/em>, Paris, Odile Jacob,\u00a0 2011, 336 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Damasio, Antonio,\u00a0Le sentiment m\u00eame de soi. Corps<\/em>,\u00a0\u00e9motion<\/em>,\u00a0conscience<\/em>, Paris, Odile Jacob, 1999, 384 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Damasio, Antonio,\u00a0L\u2019erreur de Descartes<\/em>, Paris, O. Jacob, 1996, 396 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Decety, Jean, \u00ab\u00a0L\u2019empathie est-elle une simulation mentale de la subjectivit\u00e9 d\u2019autrui?\u00a0\u00bb, dans Alain Berthoz et G\u00e9rard Jorland,\u00a0L\u2019Empathie<\/em>, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 19-49. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Depuis quelques ann\u00e9es, les th\u00e9ories de l\u2019\u00e9mergence proposent une vision non r\u00e9ductionniste radicalement diff\u00e9rente du monde et des lois qui le gouvernent. De la physique quantique aux sciences cognitives, de nombreuses disciplines tentent d\u2019importer ce concept dans leur aire de recherche. D\u2019o\u00f9 la question : les th\u00e9ories de l\u2019\u00e9mergence n\u2019offriraient-elles pas une approche novatrice dans la … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[96],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1655"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=1655"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1655\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1657,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1655\/revisions\/1657"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=1655"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=1655"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=1655"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}