{"id":1662,"date":"2015-05-01T15:58:43","date_gmt":"2015-05-01T15:58:43","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1662"},"modified":"2022-11-25T15:59:04","modified_gmt":"2022-11-25T15:59:04","slug":"mai-2015-lemergence-du-dessin","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mai-2015-lemergence-du-dessin\/","title":{"rendered":"Mai 2015 – L’\u00e9mergence du dessin*"},"content":{"rendered":"\n

Je conduis depuis quatre ou cinq ans cette pratique graphique, qui ressortit au dessin automatique, ou, plus pr\u00e9cis\u00e9ment, \u00e0 une forme dessin automatique qui s\u2019apparente aux griffonnages qu\u2019on appelle dessins t\u00e9l\u00e9phone, Il s\u2019agit de dessins \u00e0 l\u2019encre noire avec un stylobille sur des feuilles de papier blanc. Ces dessins \u00e9mergent dans le m\u00eame type de conditions que le dessin t\u00e9l\u00e9phone, \u00e0 savoir une \u00e9coute que l\u2019activit\u00e9 non d\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment dirig\u00e9e de la main sur la feuille permet paradoxalement de renforcer, un peu comme le fait de tricoter pendant une conversation. Ils sont produits dans des r\u00e9unions o\u00f9 j\u2019ai besoin d\u2019avoir une attention captive. En fait, ils n\u2019\u00e9taient \u00e0 l\u2019origine, \u00e0 la toute premi\u00e8re origine, qu\u2019une succession de traits trac\u00e9s de fa\u00e7on plus ou moins compulsive qui donnait des patterns \u00e9voquant un peu le principe de l\u2019arabesque. Ces griffonnages n\u2019avaient pas d\u2019autre avenir que le classement \u00e9ventuel de la feuille en fonction des notes que j\u2019y avais d\u00e9pos\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

Les choses ont r\u00e9ellement commenc\u00e9 \u00e0 \u00e9voluer lorsque, de fa\u00e7on fortuite probablement, je ne saurais pas dire pr\u00e9cis\u00e9ment comment c\u2019est venu, je me suis mis \u00e0 accompagner ces traits de micro-surfaces dans lesquelles j\u2019ai vari\u00e9 la pression du stylo sur la feuille. Je ne pense pas que les fr\u00e8res B\u00edr\u00f3, \u00e0 qui on doit la mise en forme technique d\u00e9finitive du stylo \u00e0 bille, aient pens\u00e9 que leur outil pouvait avoir une telle diversit\u00e9 de trace graphique \u00e0 son usage, mais le fait est qu\u2019il permet une tr\u00e8s grande modulation qui n\u2019est pas sans rappeler celle de la mine graphite. Les modulations dans ces micro-surfaces sont rapidement devenues des model\u00e9s. Je rappelle pour m\u00e9moire que le model\u00e9 renvoie, selon le Larousse, \u00e0\u00a0: \u00ab\u00a0Relief r\u00e9el ou simul\u00e9 des formes en sculpture, en peinture, etc.1<\/sup>\u00a0\u00bb Nous n\u2019\u00e9tions donc plus dans le domaine de l\u2019arabesque, qui renvoie au plan, mais dans une structuration tridimensionnelle, simul\u00e9e, du moins, pour reprendre les termes du Larousse.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

D\u00e8s lors, naissait quelque chose qui posait probl\u00e8me en ce sens que se cr\u00e9ait un micro-univers fig\u00e9 (hors du processus d\u2019effectuation, bien s\u00fbr) qui, en peu d\u2019espace, fait appara\u00eetre une structure plastique fortement structur\u00e9e qui tient de la germination dans son processus et de la lithification dans son r\u00e9sultat. Ces structures acqu\u00e9raient ainsi une personnalit\u00e9 plastique forte au point que je ne pouvais plus les \u00e9vacuer comme je le faisais avec les quasi-arabesques. Ces dessins \u00e9taient des mondes et, en tant que tels, avaient leur propre autonomie s\u00e9miotique. J\u2019ai donc conserv\u00e9 les feuilles non plus pour ce qui \u00e9tait \u00e9crit dessus mais pour ce qui \u00e9tait dessin\u00e9 dessus. <\/p>\n\n\n\n

Si, au d\u00e9but, ces dessins ne duraient, dans le temps de leur construction, que le temps de la r\u00e9union qui les avait impuls\u00e9s, certaines r\u00e9unions pouvant durer parfois toute une journ\u00e9e, je me suis retrouv\u00e9 avec des dessins qui couvraient une surface relativement importante. D\u2019ailleurs, assez rapidement, le dessin occupait le centre de la feuille et les notes la p\u00e9riph\u00e9rie. Depuis un an maintenant, ces dessins sont l\u2019objet d\u2019une feuille particuli\u00e8re, rapidement pass\u00e9e au format 21×29,7 centim\u00e8tres. Le dispositif est le m\u00eame, ce sont toujours des dessins effectu\u00e9s sans intention initiale autre que le fait de faire un dessin, mais leur effectuation s\u2019effectue sur plusieurs s\u00e9ances et que le dessin s\u2019interrompt d\u00e9finitivement lorsque j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 que la fa\u00e7on dont il occupe la feuille justifie cette interruption.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 ce stade du processus, ces dessins n\u2019ont pas pour fonction de faire \u0153uvre en tant que telle. Ils sont syst\u00e9matiquement num\u00e9ris\u00e9s \u00e0 tr\u00e8s haute r\u00e9solution sans que leur destination ne soit n\u00e9cessairement d\u00e9termin\u00e9e. J\u2019ai fait un premier travail de monstration il y a trois ans pour une exposition personnelle. Les dessins en tout petit format avaient \u00e9t\u00e9 agrandis sur de grandes b\u00e2ches blanches de 2×1,5 m\u00e8tres. Le r\u00e9sultat \u00e9tait int\u00e9ressant visuellement mais ne me convenait pas tout \u00e0 fait. Il y a une dimension d\u2019ordre virtuel dans ces dessins que le tirage sur b\u00e2che figeait un peu trop. J\u2019y reviendrai. La derni\u00e8re exp\u00e9rimentation que j\u2019ai mise en \u0153uvre tout r\u00e9cemment, pour les dessins de plus grand format, consiste \u00e0 les laisser sur support \u00e9lectronique en les diffusant sur des \u00e9crans plats grand format pos\u00e9s verticalement et d\u2019incruster dans une zone pr\u00e9cise, d\u00e9termin\u00e9e apr\u00e8s coup, une courte s\u00e9quence vid\u00e9o plus ou moins rep\u00e9rable. Elles sont pr\u00e9vues pour \u00eatre accompagn\u00e9e d\u2019une cr\u00e9ation sonore.<\/p>\n\n\n\n

En revoyant ces dessins pour la r\u00e9daction de ce texte, me vient \u00e0 l\u2019esprit une r\u00e9flexion que je m\u2019\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 faite auparavant, d\u2019ailleurs, c\u2019est que dans la continuit\u00e9 stylistique qui marque indubitablement cette s\u00e9rie, il y a au moins un \u00e9l\u00e9ment r\u00e9current c\u2019est l\u2019\u00e9vocation du repli cutan\u00e9. Certes, il s\u2019agit d\u2019une peau d\u2019une tr\u00e8s grande flaccidit\u00e9. Heureusement pour chacun de nous, cet \u00e9tat de flaccidit\u00e9 est exceptionnel. De fait, il renvoie plut\u00f4t \u00e0 l\u2019id\u00e9e de la peau d\u00e9shabit\u00e9e des \u00e9corch\u00e9s comme on peut le voir encore sur les gravures de Valverde. Mais il peut \u00eatre int\u00e9ressant ici de faire un d\u00e9tour par l\u2019ap\u00f4tre Barth\u00e9l\u00e9my dont le martyr a consist\u00e9 \u00e0 \u00eatre \u00e9corch\u00e9 vivant. La l\u00e9gende veut que l\u2019objectif de cet \u00e9corchage f\u00fbt de rendre apparent le corps de chair et de sang que cachait cette peau et, du coup, du moins peut-on le supposer, de montrer \u00e0 tout le monde que le saint n\u2019\u00e9tait somme toute qu\u2019un homme comme les autres et qu\u2019il n\u2019\u00e9tait qu\u2019un imposteur. On en retrouve l\u2019image dans Le jugement dernier <\/em>de Michel Ange, mais aussi, semble-t-il, \u00e0 travers cette statue abrit\u00e9e par la cath\u00e9drale de Milan et qui date aussi de la Renaissance. \u00c0 noter pour l\u2019anecdote et avec un peu de chauvinisme, que Saint Barth\u00e9l\u00e9my fut aussi d\u00e9capit\u00e9 et que sa t\u00eate est \u00e0 Toulouse. <\/p>\n\n\n\n

Ces esp\u00e8ces de restes cutan\u00e9s, mais certaines figures peuvent faire penser a aussi \u00e0 des restes organiques, pourraient \u00e9voquer une sorte de d\u00e9position sur la feuille de couches dermiques ou organiques. Balzac disait de la photographie qu\u2019elle consistait \u00e0 chaque fois un pr\u00e9l\u00e8vement des multiples couches qui composent le corps. Peut-\u00eatre pourrait-on \u00e9voquer alors l\u2019id\u00e9e que ces d\u00e9positions cutan\u00e9es et organiques sont \u00e0 chaque fois des couches du corps de l\u2019artiste. Non pas de l\u2019individu anecdotique plong\u00e9 dans le continuum de son histoire, mais le corps symbolique de l\u2019artiste dans son rapport \u00e0 l\u2019\u0153uvre en train de se faire.<\/p>\n\n\n\n

On pourrait faire aussi l\u2019analogie entre la trace laiss\u00e9e par l\u2019encre sur la feuille et la trace laiss\u00e9e par l\u2019encre sur la peau lors des tatouages. Il y a certes un peu de \u00e7a. Mais, comme pour les tatouages de Culture de peaux d\u2019artistes<\/em>, la trace laiss\u00e9e par l\u2019encre sur la feuille est en quelque sorte destin\u00e9e \u00e0 \u00eatre pr\u00e9lev\u00e9e. Non pas physiquement mais num\u00e9riquement. Les dessins sont scann\u00e9s \u00e0 haute r\u00e9solution et nettoy\u00e9s de toutes les traces que laisse in\u00e9vitablement le grain du papier \u00e0 de telles r\u00e9solutions. C\u2019est donc d\u2019un dessin v\u00e9ritablement d\u00e9mat\u00e9rialis\u00e9 qu\u2019il s\u2019agit, d\u00e9mat\u00e9rialis\u00e9 par l\u2019\u00e9limination logicielle des traces de la mati\u00e8re papier et d\u00e9mat\u00e9rialis\u00e9 car ce qui reste en fin de compte, \u00e0 ce stade du processus, n\u2019est qu\u2019un fichier virtuel. Les dessins ont pour finalit\u00e9 th\u00e9orique d\u2019\u00eatre agrandis consid\u00e9rablement pour \u00eatre imprim\u00e9s, mais pas seulement, sur de grandes surfaces. J\u2019ai tir\u00e9 et expos\u00e9 une dizaine des ces dessins sur des b\u00e2ches blanches, mais \u00e0 dire vrai, il ne s\u2019agit que d\u2019un support \u00e0 un moment donn\u00e9 qui n\u2019engage en rien d\u2019autres possibilit\u00e9s. La matrice est stock\u00e9e en m\u00e9moire et peut \u00eatre indiff\u00e9remment utilis\u00e9e par la suite.<\/p>\n\n\n\n

On pourrait faire l\u2019analogie aussi avec la peau. La matrice virtuelle constitue une sorte de peau qui peut se greffer sur le support choisi par d\u00e9position. Mais, au m\u00eame titre que toute \u0153uvre d\u2019art, cette matrice, et surtout son actualisation sur un support, n\u2019est que la peau de l\u2019\u0153uvre. Elle l\u2019est pour les raisons que j\u2019ai \u00e9voqu\u00e9es pr\u00e9c\u00e9demment, \u00e0 savoir qu\u2019elle ne constitue que la partie visible du processus qui lui a permis d\u2019\u00e9merger. Mais ce qui me semble int\u00e9ressant dans ce processus n\u2019est pas tant la dimension graphique en tant que telle, que  l\u2019\u00e9mergence esth\u00e9tique des formes sur le papier. De fait, ces dessins sont autant une production artistique que scientifique.<\/p>\n\n\n\n

Ils m\u2019ont permis de d\u00e9velopper une analyse syst\u00e9mique sur les processus po\u00ef\u00e9tiques qui ont permis leur \u00e9mergence. Et l\u2019analyse que je propose de ces processus n\u2019est pas seulement technique ou s\u00e9miotique, mais tente d\u2019aller au plus profond du rapport entre le corps cr\u00e9ant et l\u2019\u0153uvre en train de se faire. Et quand je parle de corps cr\u00e9ant, c\u2019est y compris dans sa dimension physiologique. C\u2019est-\u00e0-dire les processus physiques et mentaux mis en \u0153uvre dans leur articulation relative, et la fa\u00e7on dont ils font sens au regard de la po\u00ef\u00e8se de l\u2019\u0153uvre prise comme syst\u00e8me. <\/p>\n\n\n\n

La rigueur que suppose une d\u00e9marche scientifique s\u2019accommode mal de l\u2019introspection, aussi l\u2019analyse que je propose de ces processus dans le cadre de cette recherche qui a \u00e9t\u00e9 amorc\u00e9e il y a bient\u00f4t quatre ans proc\u00e8de d\u2019une ips\u00e9it\u00e9 qui m\u2019efface \u00e0 moi-m\u00eame en tant que sujet \u00e9motionnel. Ce qui m\u2019int\u00e9resse donc \u00e0 l\u2019occasion de cette pratique, n\u2019est pas d\u2019explorer les manifestations de l\u2019inconscient \u00e0 travers ses pulsions. Je ne cherche pas \u00e0 prolonger le proc\u00e9d\u00e9 surr\u00e9aliste dans ses relations \u00e0 la psychanalyse. Ce qui m\u2019int\u00e9resse davantage ici, c\u2019est la dimension po\u00ef\u00e9tique du dispositif, en quoi le processus po\u00ef\u00e9tique peut faire syst\u00e8me, et en quoi cette dimension syst\u00e9mique peut nous conduire \u00e0 interroger la cr\u00e9ation artistique en articulation avec les paradigmes contemporains. <\/p>\n\n\n\n

Le dessin sans desse<\/em>in<\/h2>\n\n\n\n

Ce qui caract\u00e9rise le dessin automatique, c\u2019est le fait que l\u2019\u0153uvre se construit sans dessein pr\u00e9alable. En dehors du fait que le stylo-bille s\u2019est logiquement impos\u00e9 parce qu\u2019il sert initialement \u00e0 prendre des notes et que, par glissement, c\u2019est le m\u00eame outil qui sert \u00e0 dessiner, il n\u2019y avait aucune volont\u00e9 d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e dans son emploi. Il s\u2019est n\u00e9anmoins rapidement av\u00e9r\u00e9 que cet outil offre des possibilit\u00e9s techniques tr\u00e8s riches dans le d\u00e9veloppent des dessins par le fait qu\u2019il permet un travail de model\u00e9s tr\u00e8s \u00e9tendu en m\u00eame temps que l\u2019encre noire d\u00e9finit des contrastes marqu\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n

Le principe m\u00eame de ces dessins rel\u00e8ve selon moi d\u2019allers-retours permanents entre ce que Damasio nomme le \u00ab\u00a0protosoi<\/em>\u00a0\u00bb, le \u00ab\u00a0soi-noyau<\/em>\u00a0\u00bb, et le \u00ab\u00a0soi autobiographique<\/em>\u00a0\u00bb. Damasio distingue en effet trois types de soi\u00a0: \u00ab\u00a0le protosoi et ses sentiments primordiaux, le soi-noyau orient\u00e9 vers l’action ; et enfin le soi autobiographique qui incorpore les dimensions sociales et spirituelles. \u00bb (Damasio, 2012, p. 18) Damasio insiste bien sur le fait que ce ne sont pas des structures fig\u00e9es mais des processus dynamiques qui se mod\u00e8lent au gr\u00e9 des circonstances.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Pour d\u00e9finir ce type de pratique, je dirais que nous sommes dans un processus d\u2019\u00e9mergence, et plus pr\u00e9cis\u00e9ment, de complexit\u00e9 \u00e9mergente. Le processus initiateur consiste en quelques traits qui n\u2019ont aucune signification repr\u00e9sentationnelle. Ce sont des traits jet\u00e9s au hasard. Un trait noir sur un fond blanc d\u00e9finit d\u00e9j\u00e0, en soi, un espace, m\u00eame s\u2019il ne constitue pas une figure ferm\u00e9e, un espace \u00e0 trois dimensions. Ce n\u2019est pas seulement une surface, quelle que soit son \u00e9paisseur, mais, il cr\u00e9e visuellement un espace qui s\u2019inscrit sur deux plans diff\u00e9rents. La pression vari\u00e9e des doigts sur le stylo, et donc sur la feuille, permet d\u2019obtenir des gris vari\u00e9s qui, en fonction de leur organisation, donnent une impression de model\u00e9 et renforcent ainsi l\u2019illusion de tridimensionnalit\u00e9 de l\u2019espace figur\u00e9. Le trait, par cet effet de model\u00e9, se trouve ainsi visuellement transform\u00e9 en pli, en interstice et inverse le rapport spatial en inscrivant le blanc de la feuille non plus en arri\u00e8re plan, mais dans un premier plan que le model\u00e9 exhausse. Le stylobille pr\u00e9sente l\u2019avantage d\u2019une grande souplesse d\u2019utilisation, mais il peut avoir l\u2019inconv\u00e9nient de l\u2019irr\u00e9versibilit\u00e9. La souplesse permet, en fonction de la pression exerc\u00e9e, d\u2019obtenir des valeurs de gris diff\u00e9rentes qui peuvent donner lieu \u00e0 des apparences de model\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Il y a donc irr\u00e9versibilit\u00e9 dans le dispositif. Elle, est due au fait que la mati\u00e8re d\u00e9pos\u00e9e par la bille est de l\u2019encre et que son d\u00e9p\u00f4t est d\u00e9finitif. Il s\u2019agit donc de deux param\u00e8tres qui, avec la feuille blanche comme fond, vont contribuer \u00e0 d\u00e9terminer les conditions d\u2019\u00e9mergence de l\u2019\u0153uvre. Ce sont des param\u00e8tres mat\u00e9riels. S\u2019y ajoute un param\u00e8tre de principe, les dessins ne r\u00e9pondent \u00e0 aucun projet initial plus ou moins formalis\u00e9, ce qui n\u2019exclut pas l\u2019\u00e9mergence d\u2019un style, mais j\u2019y reviendrai plus loin. Un trait en entraine un autre, une forme en entraine une autre, sans que cela s\u2019inscrive dans un pattern<\/em> pr\u00e9\u00e9tabli. Ce sont des dessins sans desse<\/em>in. L\u2019organisation des traits, des formes, entre eux ne r\u00e9pond \u00e0 aucune autre logique que celle de l\u2019\u00e9mergence dialectique qui na\u00eet de l\u2019autonomie s\u00e9miotique de l\u2019\u0153uvre. Un trait noir sur le blanc de la feuille d\u00e9finit un espace, aussi peu \u00e9pais que soit ce trait. D\u00e8s lors que ce trait est augment\u00e9 d\u2019un model\u00e9, il induit virtuellement un espace en trois dimensions. La logique interne de l\u2019\u0153uvre en train de se faire implique son propre d\u00e9veloppement par adjonction d\u2019autres \u00e9l\u00e9ments, mais chaque trait suppl\u00e9mentaire intervient comme un bruit qui perturbe l\u2019agencement obtenu. <\/p>\n\n\n\n

Rien d\u2019exceptionnel dans ce proc\u00e9d\u00e9 qui est caract\u00e9ristique de tout proc\u00e9d\u00e9 graphique qui s\u2019\u00e9labore sur un fond clair. Mais, de mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale, ce proc\u00e9d\u00e9 est utilis\u00e9 pour repr\u00e9senter une image figurative qui renvoie, analogiquement ou fictionnellement, \u00e0 une r\u00e9alit\u00e9 acceptable, c\u2019est-\u00e0-dire que les \u00e9l\u00e9ments constitutifs de l\u2019image ainsi cr\u00e9\u00e9e sont nommables, rep\u00e9rables, formant de fa\u00e7on plus ou moins directe des analogons au monde physique qui nous entoure. La composition s\u2019organise relativement \u00e0 la fonction figurative de chacun des \u00e9l\u00e9ments repr\u00e9sent\u00e9s, m\u00eame lorsque cette fonction proc\u00e8de d\u2019un glissement s\u00e9mantique (je pense notamment aux \u0153uvres surr\u00e9alistes d\u2019un Magritte ou d\u2019un Dali).<\/p>\n\n\n\n

La s\u00e9rie Tentative de lecture cristalline<\/em> rel\u00e8ve d\u2019une autre logique. La composition s\u2019organise sur un principe automorphe. Chaque intervention graphique, loin de s\u2019inscrire dans une articulation logique r\u00e9pondant \u00e0 un projet initial, va intervenir comme un bruit qui perturbe \u00e0 chaque instant le dispositif graphique qui se construit petit \u00e0 petit. Ce bruit va informer le dispositif en l\u2019obligeant, de fa\u00e7on coactive avec l\u2019auteur, \u00e0 se r\u00e9organiser pour int\u00e9grer le bruit de fa\u00e7on \u00e0 r\u00e9tablir l\u2019\u00e9quilibre rompu. On retrouve ici la description que fait   Atlan des syst\u00e8mes auto-organisateurs :<\/p>\n\n\n\n

\u00ab\u00a0Si, sous l’effet de ces perturbations al\u00e9atoires, le syst\u00e8me, au lieu d’\u00eatre d\u00e9truit ou d\u00e9sorganis\u00e9, r\u00e9agit par un accroissement de complexit\u00e9 et continue de fonctionner, nous disons alors que le syst\u00e8me est auto-organisateur. Bien s\u00fbr, il est vrai qu’il ne s’agit pas non plus, strictement, d\u2019auto-organisation, puisque le syst\u00e8me re\u00e7oit des impulsions de l\u2019ext\u00e9rieur\u00a0; mais ces impulsions \u00e9tant al\u00e9atoires, sans relation causale avec l’organisation pass\u00e9e ou future du syst\u00e8me, nous pouvons dire du syst\u00e8me qu’il s’auto-organise en ce qu’il y r\u00e9agit n\u00e9anmoins sans \u00eatre d\u00e9sorganis\u00e9, mais au contraire en accroissant sa complexit\u00e9 et son efficacit\u00e9. En d’autres termes, la propri\u00e9t\u00e9 d’auto-organisation para\u00eet li\u00e9e \u00e0 la possibilit\u00e9 de se servir de perturbations al\u00e9atoires, de \u201cbruit\u201d – pour produire de l’organisation.\u00a0\u00bb (Atlan, 1979, p. 166-167)<\/p>\n\n\n\n

Dire que le dispositif mis en place ici est un syst\u00e8me auto-organisateur, stricto sensu<\/em>, est sans doute aller un peu vite en besogne. N\u00e9anmoins, il est une r\u00e9alit\u00e9, c\u2019est que ce dispositif fait syst\u00e8me dans la mesure o\u00f9 il s\u2019articule \u00e0 un processus m\u00e9thodologique p\u00e9renne dont les variables sont constitutives du syst\u00e8me lui-m\u00eame. Ce qui fait syst\u00e8me, c\u2019est l\u2019\u00e9mergence chaotique de figures qui se construisent dans un d\u00e9roulement qui va de l\u2019entropie \u00e0 la n\u00e9guentropie pour revenir \u00e0 l\u2019entropie. L\u2019entropie initiale, c\u2019est la feuille blanche. C\u2019est un espace o\u00f9 la tension des forces du chaos originel que repr\u00e9sente l\u2019acte cr\u00e9ateur en puissance proc\u00e8de d\u2019un \u00e9quilibre maximal. Et ce jusqu\u2019\u00e0 l\u2019apparition du premier trait qui va servir de d\u00e9terminant inchoatif \u00e0 la mise en route du syst\u00e8me processuel qu\u2019est l\u2019\u0153uvre en train de se faire. La po\u00ef\u00e8se du proc\u00e8s, elle, est d\u2019ordre n\u00e9guentropique. Elle proc\u00e8de d\u2019un d\u00e9s\u00e9quilibre constitutif. Chaque trait, chaque geste graphique, s\u2019inscrit dans une articulation dialectique d\u00e9s\u00e9quilibre\/\u00e9quilibre. Jusqu\u2019\u00e0 un nouvel \u00e9tat entropique, du point de vue du syst\u00e8me lui-m\u00eame, qui est le stade o\u00f9 la logique compositionnelle intrins\u00e8que, l\u2019autonomie s\u00e9miotique du syst\u00e8me graphique \u00e9merg\u00e9, ne permet plus d\u2019intervention suppl\u00e9mentaire.<\/p>\n\n\n\n

Chaque trait fonctionne comme un germe cristallin qui produit un ensemencement  d\u2019\u00e9l\u00e9ments qui vont s\u2019organiser en formes plus ou moins complexes dans une esp\u00e8ce de processus de polym\u00e9risation. Toute la po\u00ef\u00e8se de l\u2019\u0153uvre s\u2019organise sur une relation extr\u00eamement m\u00eal\u00e9e entre action non d\u00e9termin\u00e9e et processus d\u2019\u00e9valuation. Pour l\u2019essentiel, les interventions sont de l\u2019ordre de l\u2019inconscient, mais avec des degr\u00e9s divers. Puisqu\u2019il n\u2019y a pas de dessein initial, l\u2019\u00e9mergence de l\u2019\u0153uvre d\u00e9pend essentiellement de processus al\u00e9atoires. Rien ne justifie a priori <\/em> que tel trait, ou tel griffonnage, apparaisse \u00e0 tel endroit plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 tel autre, la seule r\u00e8gle \u00e9tant une r\u00e8gle de proximit\u00e9 territoriale du fait du principe de germination et encore, ne s\u2019agit-il pas d\u2019une r\u00e8gle clairement d\u00e9finie ni \u00e9nonc\u00e9e. L\u2019ensemble se construit par contamination prox\u00e9mique. L\u2019espace est petit \u00e0 petit envahi par un mode de d\u00e9veloppement qui n\u2019est pas sans rappeler celui des cultures biologiques (cultures de bact\u00e9ries, cultures tissulaires\u2026, c\u2019est-\u00e0-dire selon une auto-organisation (de type faible, d\u00e9terministe). Il s\u2019agit d\u2019une croissance extensive qui s\u2019organise en fonction des n\u00e9cessit\u00e9s internes de l\u2019\u0153uvre li\u00e9es \u00e0 son autonomie s\u00e9miotique. <\/p>\n\n\n\n

La main ne sait pas a priori ce qu’elle dessine jusqu’\u00e0 ce qu’une forme \u00e9merge qui soit comprise comme forme, au moins potentielle, sans qu’elle renvoie n\u00e9cessairement, c’est m\u00eame g\u00e9n\u00e9ralement le cas, \u00e0 un proc\u00e8s figuratif. Quand je dis \u00ab\u00a0comprise\u00a0\u00bb, il ne s’agit en aucun cas de processus conscient. Le cerveau analyse les traits qui naissent sous le stylo essentiellement d’un point de vue vaguement connotatif qui renvoie \u00e0 des patterns routiniers, ceux de la dext\u00e9rit\u00e9 inconsciente, de la dext\u00e9rit\u00e9 qui doit son efficacit\u00e9 \u00e0 l’inconscience du geste. Nous sommes incontestablement dans un dispositif d’\u00e9volution g\u00e9n\u00e9rative, avec les processus de r\u00e9troaction que cela implique, y compris avec le principe de r\u00e9compense que cela induit. Il y a une co-\u00e9volution dialectique du local au global caract\u00e9ristique des boucles de r\u00e9troaction (le local \u00e9tant l\u2019espace et le moment pr\u00e9cis d\u2019inscription du trait et le global, \u00e0 la fois l\u2019ensemble s\u00e9miotique qui se construit en m\u00eame temps que le syst\u00e8me corporel dans lequel s\u2019inscrit le processus) comme l’explique Varela : \u00ab\u00a0C\u2019est cette notion de boucle qui fait que le local et le global ne sont pas s\u00e9parables. Le global va contraindre et m\u00eame d\u00e9finir les agents locaux et, en m\u00eame temps, les agents locaux sont les seuls responsables de l\u2019\u00e9mergence de la totalit\u00e9.\u00a0\u00bb (Varela, 2002)<\/p>\n\n\n\n

La part de l\u2019inconscient<\/h2>\n\n\n\n

Il y a un aller-retour dialectique permanent entre l\u2019\u0153uvre en train de se faire et mon intervention en tant qu\u2019artiste. Si je parle de l\u2019\u0153uvre en train de se faire, il faut rappeler que nous ne sommes pas dans un processus g\u00e9n\u00e9ratif au sens num\u00e9rique du terme. L\u2019ordinateur n\u2019a rien \u00e0 voir dans le processus en tant que tel, \u00e0 l\u2019exception de la num\u00e9risation du dessin et de son agrandissement. Mais je peux n\u00e9anmoins parler de l\u2019\u0153uvre comme un sorte de processus autonome car, dans le dispositif que j\u2019ai choisi en tout cas, l\u2019\u0153uvre s\u2019organise sur sa propre logique, ce que j\u2019appelle donc l\u2019autonomie s\u00e9miotique. L\u2019\u0153uvre se construit par une logique de prise de possession de l\u2019espace dans un \u00e9change qui fait intervenir \u00e0 la fois des rapports graphiques (noir, gris, blanc), des rapports de volume (profondeur, surface) et des rapports de composition (\u00e9quilibre, d\u00e9s\u00e9quilibre). Cela n\u2019exclut bien s\u00fbr pas une forme de jugement, ne serait-ce que d\u2019ordre esth\u00e9tique, mais nous verrons plus loin que la nature de ce jugement est en grande partie de l\u2019ordre de la fonction fitness<\/em>. Un espace blanc, par exemple, peut ou ne peut pas \u00eatre investi par de nouveaux model\u00e9s. Il peut m\u00eame ne pas l\u2019\u00eatre \u00e0 un moment donn\u00e9 et le devenir par la suite, sachant que le processus inverse est impossible. De la m\u00eame fa\u00e7on, un espace blanc, qui, dans la logique de l\u2019\u0153uvre renvoie \u00e0 des volumes au premier plan, peut n\u00e9cessiter la pr\u00e9sence contigu\u00eb d\u2019espaces fonc\u00e9s, voire compl\u00e8tement noirs qui renvoient, eux, \u00e0 un arri\u00e8re plan plus ou moins \u00e9loign\u00e9. Les dispositifs graphiques utilis\u00e9s ont eux-m\u00eames \u00e9merg\u00e9 sans parti-pris initial. Ils ont \u00e9t\u00e9 retenus dans leur relative vari\u00e9t\u00e9, par essai-r\u00e9compense, pour la possibilit\u00e9 qu\u2019ils offrent, en fonction de la pression exerc\u00e9e sur le stylobille, d\u2019une palette importante de valeurs de gris qui contribue \u00e0 l\u2019organisation de l\u2019espace.<\/p>\n\n\n\n

Ici, l\u2019inconscient n\u2019est abord\u00e9 que comme \u00e9l\u00e9ment constitutif du syst\u00e8me que constitue l\u2019\u0153uvre en train de se faire dans sa relation avec l\u2019artiste actant. Il y a inconscient parce qu\u2019il n\u2019y a pas volont\u00e9 d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e de construire un ensemble formel qui actualise de fa\u00e7on plus ou moins satisfaisante une, ou des, images mentales pr\u00e9alables plus ou moins \u00e9labor\u00e9es. L\u2019inconscient serait plut\u00f4t ici de la non conscience, mais les choses sont plus complexes, car il va de soi qu\u2019un tel travail n\u00e9cessite au moins d\u2019\u00eatre conscient que je suis en train de le faire, m\u00eame si tout ce que je fais n\u2019est pas d\u00e9lib\u00e9r\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Ces dessins m\u2019ont permis de d\u00e9velopper une analyse syst\u00e9mique sur les processus po\u00ef\u00e9tiques qui ont permis leur \u00e9mergence. Et l\u2019analyse que je propose de ces processus n\u2019est pas seulement technique ou s\u00e9miotique, mais tente d\u2019aller au plus profond du rapport entre le corps cr\u00e9ant et l\u2019\u0153uvre en train de se faire. Et quand je parle de corps cr\u00e9ant, c\u2019est y compris dans sa dimension physiologique. C\u2019est-\u00e0-dire les processus physiques et mentaux mis en \u0153uvre dans leur articulation relative, et la fa\u00e7on dont ils font sens au regard de la po\u00ef\u00e8se de l\u2019\u0153uvre prise comme syst\u00e8me. La rigueur que suppose une d\u00e9marche scientifique s\u2019accommode mal de l\u2019introspection, aussi l\u2019analyse que je propose de ces processus dans le cadre de cette recherche qui a \u00e9t\u00e9 amorc\u00e9e il y a bient\u00f4t quatre ans proc\u00e8de d\u2019une ips\u00e9it\u00e9 qui m\u2019efface \u00e0 moi-m\u00eame en tant que sujet \u00e9motionnel.<\/p>\n\n\n\n

Si le cours de la pointe du stylo sur la feuille n\u2019est pas un acte dont la direction ni l\u2019orientation ne semblent v\u00e9ritablement d\u00e9lib\u00e9r\u00e9es, et en ce sens, il pourrait ressortir au soi-noyau, l\u2019\u00e9mergence cr\u00e9e des formes qui impliquent des choix allant d\u2019une simple organisation spatiale locale \u00e0 des choix compositionnels plus complexes et plus globaux qui introduisent des comportement cognitifs relativement primitifs tels que l\u2019\u00e9quilibre de l\u2019ensemble. On retrouve d\u00e9j\u00e0 ce comportement chez les primates. Lestel relate l\u2019exp\u00e9rience d\u2018un chimpanz\u00e9 qui produit des \u0153uvres picturales en notant \u00ab\u00a0Un sens certain de la conception s’en d\u00e9gage, ainsi qu’une capacit\u00e9 r\u00e9elle \u00e0 d\u00e9velopper des structures qui insistent sur les arrangements sym\u00e9triques.\u00a0\u00bb (Lestel, 2001-2003, p. 227). L\u2019intervention du soi-autobiographique dans le processus permet que les compositions propos\u00e9es ici ne rel\u00e8vent pas que de la simple sym\u00e9trie, mais d\u2019une organisation plus complexe qui inclut des connaissances culturelles, notamment. Mais le soi-auto-biographique permet aussi de donner sens, plus ou moins formalis\u00e9, plus ou moins complexe, \u00e0 un ensemble graphique et aura n\u00e9cessairement une incidence sur le cours de la production autant que sur l\u2019image finale en d\u00e9terminant par exemple le point pr\u00e9cis o\u00f9 le processus est consid\u00e9r\u00e9 comme achev\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Cela ne signifie pas pour autant que tout le proc\u00e8s soit guid\u00e9 par l\u2019inconscient. Certes, la dimension al\u00e9atoire est un \u00e9l\u00e9ment d\u00e9terminant du proc\u00e8s. \u00c0 la fois parce que ce que je nomme plus haut les actions spontan\u00e9es ne s\u2019inscrivent pas dans une action volitionnelle dont les sch\u00e8mes auraient \u00e9t\u00e9 relativement d\u00e9finis. Il y a forc\u00e9ment volont\u00e9 de tracer un trait ou une forme avec le stylo en soi. Le stylo n\u2019atterrit pas par hasard sur la feuille, il faut bien qu\u2019il y ait eu, \u00e0 un instant donn\u00e9, la volont\u00e9 d\u2019initier l\u2019\u0153uvre. Toute action volitionnelle suppose une formalisation virtuelle de cette action par le cerveau. Si je peux me saisir de tel objet, c\u2019est parce qu\u2019au pr\u00e9alable j\u2019ai organis\u00e9 mentalement, la repr\u00e9sentation de cet acte. Idem, donc, pour le stylo sur la feuille. Les actions n\u00e9cessaires au trait que je trace ressortissent \u00e0 des sch\u00e8mes particuliers qui associent feuille, stylo, dessin, et qui ne sont pas n\u00e9cessairement les m\u00eames que ceux qui associent feuille, stylo, \u00e9criture. Berthoz et Petit expliquent bien ce processus :<\/p>\n\n\n\n

\u00ab\u00a0[\u2026] le cerveau, pendant cette p\u00e9riode pr\u00e9cise, s\u00e9lectionne les \u00e9l\u00e9ments du r\u00e9pertoire moteur qui vont \u00eatre les plus pertinents pour l’action, ce qui suppose que le but de l’action soit en quelque sorte d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9sent (sans quoi on ne pourrait pas parler de d\u00e9cision), puisque c’est lui qui va diriger ce processus de s\u00e9lection. Donc il ne s’agit pas simplement d’une mont\u00e9e d’activit\u00e9, mais de toute une s\u00e9rie de processus qui impliquent des comparaisons.\u00a0\u00bb (Berthoz et Petit, 2006, p. 68)<\/p>\n\n\n\n

Mais ces sch\u00e8mes sont suffisamment globaux pour ouvrir de multiples possibles quant \u00e0 leur mise en \u0153uvre. C\u2019est ce que Berthoz et Petit mettent en \u00e9vidence du point de vue physiologique :<\/p>\n\n\n\n

\u00ab\u00a0[\u2026] le cerveau n’a \u00e0 contr\u00f4ler que des variables globales du mouvement et non chaque muscle individuellement. Des simplifications semblables sont trouv\u00e9es dans les syst\u00e8mes perceptifs, comme la similarit\u00e9 des plans de l’espace dans lesquels est analys\u00e9 le mouvement du monde visuel par la vision et le syst\u00e8me vestibulaire.\u00a0\u00bb (Berthoz et Petit, 2006, p. 157-158)<\/p>\n\n\n\n

Mais, dans le d\u00e9roulement du proc\u00e8s de l\u2019\u0153uvre, en ce qui nous concerne ici, il y a une part d\u2019intervention qui, si elle n\u2019est pas totalement d\u00e9lib\u00e9r\u00e9e, suppose une relative conscience des gestes mis en \u0153uvre et des raisons pour lesquelles ils sont mis en \u0153uvre. C\u2019est ce que j\u2019appellerai les actions computationnelles semi-conscientes ou conscientes. L\u2019autonomie s\u00e9miotique de l\u2019\u0153uvre exige de faire des choix quant \u00e0 l\u2019organisation des signes qui la composent. Il y a une logique interne de composition qui implique de revenir sur telle ou telle forme, ou de faire \u00e9merger d\u2019autres formes pour des questions d\u2019harmonie globale. Certes, nous sommes d\u2019accord pour admettre que cette n\u00e9cessit\u00e9 est dict\u00e9e par une co\u00e9volution de l\u2019\u0153uvre et de la perception que j\u2019en ai en tant qu\u2019artiste actant. Et que cette perception est parfaitement subjective, comme toute perception d\u2019ailleurs. Elle est li\u00e9e \u00e0 la fa\u00e7on dont ma singularit\u00e9 d\u2019artiste me permet \u00e0 la fois d\u2019int\u00e9grer et de prendre mes distances avec le substrat culturel, les repr\u00e9sentations du monde, que j\u2019ai construit ou assimil\u00e9 dans ma construction en tant qu\u2019artiste.<\/p>\n\n\n\n

Mais dans le cadre pr\u00e9cis du complexe syst\u00e9mique \u0153uvre-artiste que je d\u00e9veloppe ici, tout ce qui ressortit au bruit peut, \u00e0 un moment donn\u00e9 du processus, fonctionner comme une erreur qu\u2019il convient de rectifier. L\u2019erreur est inh\u00e9rente au processus de cr\u00e9ation artistique, elle le nourrit, m\u00eame, puisqu\u2019il s\u2019organise sur un principe d\u2019exp\u00e9rimentations. Mais ici, l\u2019erreur est constitutive m\u00eame du processus.  Elle l\u2019alimente en ouvrant un nouveau champ de possibles. Atlan nous propose une analyse des syst\u00e8mes qui d\u00e9roule un processus similaire : <\/p>\n\n\n\n

\u00ab\u00a0Soit un syst\u00e8me expos\u00e9 \u00e0 un certain nombre de perturbations diff\u00e9rentes possibles. Il a \u00e0 sa disposition un certain nombre de r\u00e9ponses. Chaque succession perturbation-r\u00e9ponse met le syst\u00e8me dans un certain \u00e9tat. Parmi tous les \u00e9tats possibles, seuls certains sont \u00ab acceptables\u00bb du point de vue de la finalit\u00e9 (au moins apparente) du syst\u00e8me, qui peut \u00eatre sa simple survie ou l’accomplissement d’une fonction. La r\u00e9gulation consiste \u00e0 choisir parmi les r\u00e9ponses possibles, celles qui mettront le syst\u00e8me dans un \u00e9tat acceptable.\u00a0\u00bb (Atlan, 1979, p. 42-43)<\/p>\n\n\n\n

Ce qui caract\u00e9rise tout syst\u00e8me auto-organisateur, c\u2019est sa capacit\u00e9 \u00e0 int\u00e9grer les perturbations sans qu\u2019elles constituent un danger pour la survie du syst\u00e8me lui-m\u00eame, \u00e9tant entendu que le syst\u00e8me trouve sa limite quand il n\u2019est pas en capacit\u00e9 d\u2019int\u00e9grer certaines perturbations. J\u2019ai, pr\u00e9c\u00e9demment \u00e9mis une r\u00e9serve sur la qualit\u00e9 auto-organisationnelle du dispositif mis en place dans le cadre de ces \u0153uvres. Les \u0153uvres, en tant que telles, ne proc\u00e8dent pas de ce type de dispositif. Mais le couple artiste-\u0153uvre qui se construit \u00e0 cette occasion forme ind\u00e9niablement syst\u00e8me, et la logique propre qu\u2019il fait \u00e9merger, conduit \u00e0 temp\u00e9rer cette r\u00e9serve. Dans le temps de l\u2019effectuation, le syst\u00e8me d\u00e9passe l\u2019\u0153uvre et l\u2019artiste, pris isol\u00e9ment, pour constituer une entit\u00e9 \u00e0 part enti\u00e8re. On retrouve ici l\u2019interrogation que portait Foucault dans Des mots et des choses<\/em>, o\u00f9 il annon\u00e7ait la fin de l\u2019humain, en tant que concept historique, du fait de  son d\u00e9passement, de sa dilution, par les syst\u00e8mes (psychanalyse et linguistique \u00e0 l\u2019\u00e9poque, mais la pens\u00e9e syst\u00e9mique a beaucoup avanc\u00e9 depuis). <\/p>\n\n\n\n

Le dessin se construit  sans projet, nous l\u2019avons vu, dans une situation de \u00ab l\u00e2cher prise \u00bb o\u00f9 le corps, la main en l\u2019occurrence, s\u2019active en dehors de toute information consciente du cerveau. Le stylobille appareill\u00e9 \u00e0 la main, ou la main appareill\u00e9e au stylobille, forment une unit\u00e9 proth\u00e9tique qui semble se d\u00e9solidariser du cerveau tout occup\u00e9 qu\u2019il est, concentr\u00e9, m\u00eame, sur le discours que tient l\u2019orateur, ou que tiennent les orateurs, dans le temps et l\u2019espace de la r\u00e9union (de travail g\u00e9n\u00e9ralement) qui contextualise ce proc\u00e8s.<\/p>\n\n\n\n

Que le stylobille fonctionne comme proth\u00e8se, c\u2019est chose relativement logique, on peut consid\u00e9rer quelque part que tout outil a une fonction proth\u00e9tique par le fait qu\u2019il prolonge le corps, il suppl\u00e9e m\u00eame aux insuffisances du corps dans l\u2019accomplissement de t\u00e2ches sp\u00e9cialis\u00e9es, aussi rudimentaires soient-elles. En l\u2019occurrence, le stylobille est un outil graphique \u00e0 partir du moment o\u00f9 il est conduit avec la main dans l\u2019ex\u00e9cution d\u2019un geste sp\u00e9cialis\u00e9, dans ce cadre l\u00e0, celui qui consiste \u00e0 faire \u00e9merger des lignes, des formes qui finiront par constituer un dessin. Lorsque l\u2019utilisation de l\u2019outil\u00a0 s\u2019effectue avec une ma\u00eetrise technique \u00e9lev\u00e9e, le dispositif proth\u00e9tique form\u00e9 par la main prolong\u00e9e par l\u2019outil graphique, quel qu\u2019il soit, permet une connexion quasi directe du cerveau \u00e0 la surface d\u2019inscription de sorte que l\u2019effectuation du geste n\u2019est parasit\u00e9e ni par une r\u00e9sistance de la main qui peine \u00e0 effectuer le projet, ni par celle de l\u2019outil qui r\u00e9siste \u00e0 la manipulation. Le cerveau ne pense pas le bloc main-stylo, en l\u2019occurrence,\u00a0 parce que le geste attendu n\u2019a plus besoin du processus computationnel inh\u00e9rent \u00e0 tout processus de ma\u00eetrise, mais on peut consid\u00e9rer que dans le temps de l\u2019effectuation, le stylo est plus qu\u2019un prolongement de la main et que le couple ainsi form\u00e9 est un v\u00e9ritable hybride. \u00ab\u00a0Nous sentons la pointe du stylo comme le bout d’un doigt.\u00a0\u00bb (Berthoz, 2002, p. 169), nous dit Berthoz. M\u00eame si les choses sont loin d\u2019\u00eatre aussi simples parce que l\u2019actualisation d\u2019un projet d\u2019intervention graphique est rarement le r\u00e9sultat mim\u00e9tique du projet qui l\u2019initie \u2014 notamment parce que le projet qui l\u2019initie est rarement formalis\u00e9 au point de permettre cette mim\u00e9sis \u2014 l\u2019ad\u00e9quation entre le r\u00e9sultat et l\u2019intention est suffisamment performante pour \u00eatre acceptable en tant que telle dans la logique du processus.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

M\u00e9taphoriquement, au moins, mais ne sommes-nous que dans la m\u00e9taphore ?, l\u2019\u0153uvre proc\u00e8de d\u2019un processus co-\u00e9volutif. M\u00eame si nous ne sommes pas dans la m\u00eame logique syst\u00e9mique, il y a une parent\u00e9 qui me semble \u00e9vidente entre le dispositif mis en \u0153uvre dans ces dessins automatiques et le syst\u00e8me de construction de niches qu\u2019utilise McCormack pour le dessin g\u00e9n\u00e9ratif. J\u2019\u00e9mets l\u2019hypoth\u00e8se que le dispositif que j\u2019ai mis en \u0153uvre est un dispositif qui fait syst\u00e8me en tant que tel, m\u00eame si, comme toute \u0153uvre d\u2019art, il n\u2019est pas r\u00e9ductible \u00e0 cet aspect. Et qui plus est, c\u2019est un syst\u00e8me non ferm\u00e9 puisqu\u2019il se d\u00e9roule sur un sch\u00e9ma \u00e9volutionniste du fait de l\u2019interaction constante de ses \u00e9l\u00e9ments constituants, et du fait que cette interaction, par l\u2019\u00e9change r\u00e9ciproque d\u2019informations dont elle proc\u00e8de, entraine une \u00e9volution r\u00e9ciproque de ses composants dans le temps de l\u2019\u0153uvre en train de se faire. J\u2019\u00e9voquais plus haut l\u2019hypoth\u00e8se d\u2019une nature auto-organisationnelle de ce syst\u00e8me \u00e0 partir de la d\u00e9finition qu\u2019en donne Atlan. Il me semble que du point de vue du fonctionnement du syst\u00e8me d\u2019un point de vue cognitif, cette hypoth\u00e8se est finalement tout \u00e0 fait v\u00e9rifiable.<\/p>\n\n\n\n

La main proth\u00e9tique<\/h2>\n\n\n\n

Tout cela est vrai quelle que soit la nature du processus graphique. Le corps proth\u00e8se est en tension permanente avec le support d\u2019\u00e9mergence. Mais l\u00e0 o\u00f9 le processus d\u00e9crit ici inscrit en quelque sorte une relation lin\u00e9aire\u00a0 du cerveau \u00e0 l\u2019espace d\u2019inscription, le processus que je mets en \u0153uvre dans le cadre des dessins automatiques qui m\u2019int\u00e9resse ici, s\u2019il conserve nombre des \u00e9l\u00e9ments du processus d\u00e9crit plus haut, en diff\u00e8re n\u00e9anmoins pour une raison essentielle, c\u2019est que le cerveau n\u2019est pas dans une dimension d\u2018intentionnalit\u00e9 dans son rapport au bloc proth\u00e9tique main-stylobille. M\u00eame si on ne peut \u00e9videmment pas \u00e9liminer totalement l\u2019\u00e9veil du cerveau \u00e0 telle ou telle \u00e9tape du processus, il n\u2019en reste pas moins globalement absent d\u2019un point de vue volitionnel puisqu\u2019il est tendu par l\u2019\u00e9coute attentive. Les formes \u00e9mergent donc\u00a0in abstracto\u00a0<\/em>et se construisent sur un pattern relativement autonome. Nous ne sommes plus ici dans un processus lin\u00e9aire, mais dans un processus de diffraction (davantage que dans le processus fractal dont parle Stelarc). La construction formelle du dessin se fait par saccades territoriales o\u00f9 le cerveau n\u2019intervient que par un ph\u00e9nom\u00e8ne de d\u00e9flexion2<\/sup>, quand le geste butte, qu\u2019une forme particuli\u00e8re \u00e9merge r\u00e9f\u00e9rentiellement, ou que la structure en proc\u00e8s s\u2019\u00e9puise localement.<\/p>\n\n\n\n

Le fait qu\u2019il n\u2019y ait pas de desse<\/em><\/strong>in au dessin le fait \u00e9merger dans une logique de diss\u00e9mination m\u00e9tastasique qui renvoie plus \u00e0 une structure r\u00e9ticulaire qu\u2019\u00e0 une structure lin\u00e9aire. Les figures se d\u00e9veloppent dans une articulation qui \u00e9voque le principe de la construction des niches tel que l\u2019a d\u00e9velopp\u00e9 McCormack pour ses dessins g\u00e9n\u00e9ratifs. Le dessin se construit dans un espace territorial qu\u2019il colonise jusqu\u2019\u00e0 saturation de cet espace. La saturation n\u2019est pas n\u00e9cessairement une surabondance de traits noirs mais elle peut r\u00e9sulter de l\u2019impossibilit\u00e9 structurelle de faire \u00e9merger une nouvelle forme pour des raisons li\u00e9es aux n\u00e9cessit\u00e9s internes de la composition.<\/p>\n\n\n\n

Le couplage main-stylo saute comme cela d\u2019un micro espace \u00e0 un autre micro espace, investissant de nouveaux territoires, r\u00e9intervenant dans des territoires d\u00e9j\u00e0 conquis, prolongeant des motifs provisoirement bloqu\u00e9s, etc. En fait, l\u2019absence de desse<\/em><\/strong>in en m\u00eame temps que la structure r\u00e9ticulaire font qu\u2019il n\u2019y a pas de centre au dessin, que chaque op\u00e9ration fait na\u00eetre de nouveaux possibles et que l\u2019ensemble de la composition co-\u00e9volue de fa\u00e7on dialectique. La seule limite \u00e9tant fix\u00e9e par le temps, chaque composition ne se cristallise r\u00e9ellement qu\u2019au moment o\u00f9 j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 que la construction avait atteint un stade d\u2019\u00e9quilibre compositionnel satisfaisant. Mais c\u2019est une limite parfaitement arbitraire et on pourrait tr\u00e8s bien imaginer que les m\u00e9tastases continuent \u00e0 se d\u00e9velopper de fa\u00e7on quasi infinie si tant est qu\u2019elles ne soient pas limit\u00e9es par la surface d\u2019inscription.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est la raison pour laquelle le cerveau est \u00e0 la fois oblig\u00e9 de d\u00e9-penser la proth\u00e8se \u2013 si on admet que la pens\u00e9e est n\u00e9cessairement consciente \u2013 pour que les conditions d\u2019\u00e9mergence du dessin soient r\u00e9unies, mais aussi de se d\u00e9tourner tr\u00e8s fr\u00e9quemment de l\u2019attention fix\u00e9e sur le discours de l\u2019intervenant sans perdre pour autant le fil de ce discours. Le processus est \u00e0 chaque fois de l\u2019ordre de la milliseconde et l\u2019attention port\u00e9e par le cerveau \u00e0 chaque micro \u00e9v\u00e9nement est g\u00e9n\u00e9ralement de l\u2019ordre de l\u2019inconscient. Mais il peut se faire qu\u2019un moment d\u2019attention un peu plus soutenu soit n\u00e9cessaire lorsque le cerveau doit op\u00e9rer des choix graphiques ou spatiaux qui, sans n\u00e9cessairement convoquer une op\u00e9ration consciente, exige plus qu\u2019une simple transmission neuronale pour activer le couple proth\u00e9tique main-stylobille. Des formes \u00e9mergent, parfois, qui \u00e9voquent des images r\u00e9f\u00e9renciables, par exemple, et il y a \u00e0 faire un choix sur le fait d\u2019\u00e9liminer cette r\u00e9f\u00e9renciabilit\u00e9, l\u2019assumer, jusqu\u2019o\u00f9 ?<\/p>\n\n\n\n

Dans le cas pr\u00e9cis des dessins automatiques dont il est question ici, la proth\u00e9tisation du corps s\u2019inscrit dans un processus de diss\u00e9mination. La diffraction du corps qu\u2019implique cette pratique s\u2019inscrit dans le paradigme rhizomatique tel que l\u2019ont d\u00e9fini Deleuze et Guattari\u00a0: \u00ab Le rhizome proc\u00e8de par, variation, expansion, conqu\u00eate, capture, piq\u00fbre. \u00c0 l\u2019oppos\u00e9 du graphisme, du dessin ou de la photo, \u00e0 l\u2019oppos\u00e9 des calques, le rhizome se rapporte \u00e0 une carte qui doit \u00eatre produite, construite, toujours d\u00e9montable, connectable, renversable, modifiable, \u00e0 entr\u00e9es multiples, avec ses lignes de fuite. \u00bb (Deleuze et Guattari, 1980, p. 32) Si le dessin ou la photo, ou le calque, proc\u00e8dent d\u2019un dispositif proth\u00e9tique non rhizomatique, c\u2019est parce qu\u2019ils s\u2019\u00e9noncent dans une relation lin\u00e9aire \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 visible, m\u00eame s\u2019ils ne le\u00a0pr\u00e9cisent pas, en ce qui concerne le dessin, le fait que Deleuze et Guattari l\u2019aient associ\u00e9 \u00e0 la photo et au calque indique bien dans quel champ ils le situent.<\/p>\n\n\n\n

Or, dans les dessins automatiques que je propose, nous sommes bien dans un processus de \u00ab\u00a0variation, expansion, conqu\u00eate, capture, piq\u00fbre\u00a0\u00bb. C\u2019est visiblement ce qui se passe au niveau de la feuille de papier qui sert de support d\u2019inscription, mais c\u2019est aussi ce qui se passe au niveau du corps dans son rapport au couple proth\u00e9tique main-stylobille. Le corps s\u2019instaure dans deux espaces connexes et poreux. Connexes, parce que ce qui se passe dans l\u2019espace du dessin est dissoci\u00e9 de ce qui se passe dans l\u2019espace du cerveau attentif. Poreux parce que ce qui se passe dans l\u2019espace du dessin induit un comportement d\u00e9flexif3<\/sup>\u00a0de la part du cerveau. Mais, par del\u00e0, on peut consid\u00e9rer que la relative autonomie du processus graphique instaure la proth\u00e8se main-stylobille non pas dans un prolongement organique du corps, mais comme une connexion d\u2019ordre r\u00e9ticulaire. M\u00eame si, biologiquement, la main reste attach\u00e9e au corps, et surtout au cerveau qui l\u2019anime, nous sommes \u00e0 un niveau d\u2019\u00e9change informationnel bas entre la main et le cerveau au m\u00eame titre que les proth\u00e8ses technologiques (Smartphones, Internet, etc.). En effet, plus l\u2019\u00e9change informationnel est bas entre la proth\u00e8se en tant que telle (je ne parle pas ici de l\u2019information \u00e0 laquelle donne acc\u00e8s le dispositif) et le corps, plus le rapport entre le corps et le dispositif est efficace.<\/p>\n\n\n\n

Reste que, du point de vue du processus, ces dessins ne constituent qu\u2019une \u00e9tape par rapport \u00e0 l\u2019ensemble, m\u00eame si c\u2019est une \u00e9tape d\u00e9terminante. Les dessins au stylobille ne recouvrent qu\u2019une toute petite surface de quelques cm2. Les conditions l\u2019imposent en m\u00eame temps que le dispositif graphique choisi. Comme nous l\u2019avons vu pr\u00e9c\u00e9demment, les dessins sont imprim\u00e9s sur b\u00e2ches. Le processus m\u00e9canico-num\u00e9rique qui aboutit \u00e0 ces b\u00e2ches implique une transformation, si ce n\u2019est une perte partielle, des informations que contiennent les dessins originaux \u00e0 la fois par le changement d\u2019\u00e9chelle, et par les contraintes techniques du dispositif. Dans le m\u00eame temps, ces dessins num\u00e9ris\u00e9s sont soumis \u00e0 deux op\u00e9rations compl\u00e9mentaires. <\/p>\n\n\n\n

*Les processus de r\u00e9ception et de cr\u00e9ation des \u0153uvres d\u2019art.
Approches \u00e0 la premi\u00e8re et \u00e0 la troisi\u00e8me personne (partie 4)<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Dictionnaire de fran\u00e7ais Larousse,\u00a0http:\/\/www.larousse.fr\/dictionnaires\/francais\/model\u00e9\/51918<\/a>, consult\u00e9 le 12\/01\/14<\/p>\n\n\n\n

[2] Se dit d\u2019une d\u00e9viation inconsciente en-dehors du domaine o\u00f9 l’attention \u00e9tait fix\u00e9e\u00a0<\/p>\n\n\n\n

[3] On appelle d\u00e9flexion, en physique, le mouvement par lequel un corps abandonne la ligne qu\u2019il d\u00e9crivait pour en suivre une autre<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Atlan,\u00a0Henri, Entre le cristal et la fum\u00e9e, Essai sur l’organisation du vivant<\/em>, Paris, Seuil, 1979, 286 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Berthoz, Alain et Jean-Luc Petit,\u00a0ph\u00e9nom\u00e9nologie et physiologie de l’action<\/em>, Paris, Odile Jacob, 2006, 368 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Berthoz, Alain,\u00a0La<\/em>\u00a0d\u00e9cision<\/em>, Paris, Odile Jacob, 2002, 400 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Damasio,\u00a0Antonio,\u00a0L’autre moi-m\u00eame – Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des \u00e9motions<\/em>, Paris, Odile Jacob, \u00a02012, 416 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Deleuze, Gilles et F\u00e9lix Guattari,\u00a0Capitalisme et schizophr\u00e9nie 2. Mille plateaux<\/em>, Paris, de Minuit, 1980, 648 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Lestel, Dominique,\u00a0Les origines animales de la culture<\/em>, Paris, Flammarion, 2001-2003, 368 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Varela, Francisco, dans R\u00e9da Benkirane,\u00a0La complexit\u00e9, vertiges et promesses<\/em>, Paris, Le Pommier, 2002, 416 p. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Je conduis depuis quatre ou cinq ans cette pratique graphique, qui ressortit au dessin automatique, ou, plus pr\u00e9cis\u00e9ment, \u00e0 une forme dessin automatique qui s\u2019apparente aux griffonnages qu\u2019on appelle dessins t\u00e9l\u00e9phone, Il s\u2019agit de dessins \u00e0 l\u2019encre noire avec un stylobille sur des feuilles de papier blanc. Ces dessins \u00e9mergent dans le m\u00eame type de … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[96],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1662"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=1662"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1662\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":1664,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/1662\/revisions\/1664"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=1662"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=1662"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=1662"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}