{"id":1831,"date":"2014-09-01T20:47:58","date_gmt":"2014-09-01T20:47:58","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1831"},"modified":"2022-11-30T20:58:25","modified_gmt":"2022-11-30T20:58:25","slug":"septembre-2014-paysage-animisme-et-technologie-nymphaea-alba","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/septembre-2014-paysage-animisme-et-technologie-nymphaea-alba\/","title":{"rendered":"Septembre 2014 – Paysage, animisme et technologie : Nymphaea Alba (Partie 2) \u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0\u00a0"},"content":{"rendered":"\n
Au-del\u00e0 de sa complexit\u00e9 technologique, Nymphaea Alba Ballet <\/em>engage \u00e0 une relation esth\u00e9tique au monde. Nous imaginons les interactions non comme une collection de prouesses techniques ou d’effets esth\u00e9tiques mais comme des moyens d\u2019immerger le corps du performer dans les profondeurs magiques du paysage, dans les \u00e9nergies sous-jacentes du lac, de la for\u00eat, la fleur, le r\u00eave. Cela soul\u00e8ve quelques questions : La technologie est omnipr\u00e9sente dans notre vie quotidienne. Comment lier le d\u00e9veloppement technologique et une conception plus respectueuse et responsable de la nature ?<\/p>\n\n\n\n a- Pr\u00e9sence et t\u00e9l\u00e9pr\u00e9sence, l’espace animiste d’un monde connect\u00e9<\/p>\n\n\n\n La technologie a permis que se d\u00e9veloppent les m\u00e9dias de la communication, de la permanente connexion, elle a permis ce maillage plan\u00e9taire. L’ouverture technologique avec le r\u00e9seau est synonyme d’ubiquit\u00e9, de porosit\u00e9, d’\u00e9change en temps r\u00e9el d’informations, qu’il nous faut apprendre \u00e0 saisir, comprendre et interpr\u00e9ter. C’est de Roumanie par exemple que Iori Mochizuchi tient le \u00ab Fukushima Diary7<\/sup> \u00bb, collectant, recoupant et diffusant en temps r\u00e9el les informations sanitaires et m\u00e9t\u00e9orologiques concernant le lieu de la catastrophe japonaise, \u00e9chappant \u00e0 la pression des journalistes rest\u00e9s sur place. La question la plus urgente que nous nous posons est\u00a0: Comment conserver dans un monde technologis\u00e9 un rapport \u00e0 la nature ?\u00a0<\/p>\n\n\n\n Pour r\u00e9pondre \u00e0 cette question, il nous faut pr\u00e9ciser ce que veut dire \u00ab un rapport \u00e0 la nature \u00bb. Il s\u2019agit pour nous de revendiquer, en mettant en r\u00e9seau des fleurs, des lieux et des gens d\u2019abord, une conception animiste du r\u00e9seau et de la technologie, en imaginant des objets esth\u00e9tiques qui utilisent les technologies de contact \u00e0 distance ensuite, une conception chamanique du monde. Nous travaillons sur ce qui relie en permanence chaque \u00e9l\u00e9ment \u00e0 des forces invisibles, ce qui nous relient les uns aux autres et qui attribuent \u00e0 toute manifestation ou toute action de l’homme des \u00e9quivalents magiques pr\u00e9sents dans la nature, plantes, animaux ou autres principes de correspondance. D\u00e9finissons maintenant plus pr\u00e9cis\u00e9ment ce que nous entendons par \u00ab conception animiste du r\u00e9seau \u00bb ou m\u00eame, plus g\u00e9n\u00e9ralement, pourquoi nous int\u00e9ressons-nous \u00e0 la pens\u00e9e animiste, \u00e0 propos des technologies contemporaines ?<\/p>\n\n\n\n Achille Mbembe fait remarquer que le capitalisme transforme tout en chose et les choses en \u00eatres\u00a0: \u00ab\u00a0gr\u00e2ce au capitalisme, nous ne sommes plus fondamentalement diff\u00e9rents des choses. Nous les transformons en personnes. Nous tombons amoureux d\u2019elles. Nous avons des relations sexuelles avec elles pr\u00e9cis\u00e9ment parce qu\u2019elles ne sont pas des personnes et nous ne sommes plus fondamentalement diff\u00e9rents d\u2019elles. \u00bb. Il note ensuite que \u00ab\u00a0l\u2019animisme effectuera une t\u00e2che historique si elle est comprise comme une tra\u00een\u00e9e de mouvement qui retrace une relation \u2013 non pas une relation entre une chose et une autre, mais un sentier le long duquel la vie est v\u00e9cue\u00a0; un sentier des lignes entrelac\u00e9es\u00a0; plusieurs sentiers constamment en ramification\u00a0; les lignes de croissance issues de sources multiples et enchev\u00eatr\u00e9es les unes aux autres. Ce domaine d\u2019enchev\u00eatrement, a-t-il soulign\u00e9, est ce que les Europ\u00e9ens ont pris pour culte des idoles ou pour animisme \u2013 un enchev\u00eatrement de pistes entrelac\u00e9es, continuellement effilochant et d\u00e9m\u00ealant les lignes de leurs relations. Cet enchev\u00eatrement, les pens\u00e9es des peuples primitifs, \u00e9tait la texture du monde8<\/sup>\u00a0\u00bb.<\/p>\n\n\n\n Les relations entre la pens\u00e9e animiste, et les technologies num\u00e9riques nous apparaissent \u00e9videntes. H\u00e9ritiers d\u2019une pens\u00e9e dualiste nous avons du mal \u00e0 concevoir ensemble le \u00ab\u00a0r\u00e9el\u00a0\u00bb et le \u00ab\u00a0virtuel\u00a0\u00bb (Joseph Nechvatal propose le concept du \u00ab\u00a0viractuel\u00a0\u00bb, m\u00ealant informatique et biologie). Le r\u00e9seau permet l\u2019\u00e9mergence d\u2019une \u00ab\u00a0r\u00e9alit\u00e9\u00a0\u00bb, d\u2019un \u00ab\u00a0espace\u00a0\u00bb augment\u00e9s, associ\u00e9 aux capteurs, senseurs, interfaces diverses, il nous dote d\u2019un organisme augment\u00e9, de perception surnaturelles, de m\u00e9moires, de capacit\u00e9s d\u2019interpr\u00e9tations, d\u2019actions que notre corps biologique -dans son \u00e9tat originel- et notre esprit rationnel ne nous autorisent pas. Il se passe, dans les artefacts produits par le num\u00e9rique, dans les processus \u00e0 l\u2019\u0153uvre, des \u00e9v\u00e9nements que nous ne soup\u00e7onnions pas, des d\u00e9rives que nous avons parfois du mal \u00e0 analyser, c\u2019est que pour \u00ab\u00a0virtuelles\u00a0\u00bb qu\u2019elles soient, ces technologies reposent sur une mat\u00e9rialit\u00e9 \u00e9nerg\u00e9tique et mol\u00e9culaire qui a ses propres conditions d\u2019existence. Au niveau du silicium, des \u00ab\u00a0informations\u00a0\u00bb sont sans cesse perdues, \u00ab\u00a0oubli\u00e9es\u00a0\u00bb, reconstitu\u00e9es. Dans les m\u00e9andres des programmes, des logiques sont perturb\u00e9es par une fr\u00e9quence de processeur qui parfois va induire une oscillation des r\u00e9sultats. Plus simplement, ces technologies sont tellement complexes qu\u2019il n\u2019est plus possible d\u2019en pr\u00e9dire et contr\u00f4ler parfaitement la conduite. Nous devons face \u00e0 ces \u00ab\u00a0bo\u00eetes noires\u00a0\u00bb nous comporter comme dans une for\u00eat inconnue, explorer, exp\u00e9rimenter, nous insinuer dans son langage, \u00e9prouver son rythme, pressentir ses r\u00e9actions. Nous n\u2019avons pas \u00e0 choisir entre -d\u2019un c\u00f4t\u00e9- la nature et -de l\u2019autre- la technologie qui serait une seconde nature. La technologie en r\u00e9alit\u00e9 recouvre la nature en indexant, en augmentant, en se superposant au monde r\u00e9el. Ce r\u00e9seau que tisse la technologie en reliant chacun des postes, des appareils, des programmes les uns aux autres n\u2019a rien de \u00ab naturel \u00bb, de m\u00eame que les structures-fleurs de Nymphaea Alba Ballet<\/em> n\u2019ont rien de naturel. C\u2019est \u00e0 un niveau m\u00e9taphorique que le r\u00e9seau des fleurs nous int\u00e9resse. Dans un entretien pour la revue Quaderni avec Felix Guattari, Piotr Kowalski d\u00e9clare10<\/sup>: b- L’Orient et le D\u00e9luge : quelques donn\u00e9es climatologiques11<\/sup><\/p>\n\n\n\n L’Asie du Sud-Est est particuli\u00e8rement expos\u00e9e \u00e0 des menaces climatiques. Les d\u00e9sastres sont li\u00e9s aux inondations, \u00e0 la mont\u00e9e du niveau de la mer, aux temp\u00eates. Il faut savoir que \u00ab\u00a0quatre nations parmi les plus pauvres du monde sont en t\u00eate de la liste des douze pays les plus \u00e0 risque12<\/sup>. \u00bb Le Bangladesh est le pays qui risque le plus les inondations13<\/sup>. Le Vietnam est le pays le plus menac\u00e9 par l\u2019\u00e9l\u00e9vation du niveau des oc\u00e9ans14<\/sup>. Et les Philippines sont en t\u00eate de la liste des \u00c9tats les plus menac\u00e9s par des temp\u00eates fr\u00e9quentes et intenses15<\/sup>. Mais cette r\u00e9gion du monde est \u00e9galement sujette \u00e0 des menaces g\u00e9osismiques importantes (S\u00e9isme-Volcanisme-Tsunami). Les zones les plus dangereuses, situ\u00e9es aux fronti\u00e8res entre les plaques, sont connues : le pourtour de l’oc\u00e9an Pacifique (ce qui explique que les Andes soient connect\u00e9es au Japon), les cha\u00eenes de montagnes r\u00e9centes comme l’Himalaya16<\/sup>. Quant au s\u00e9isme indon\u00e9sien de d\u00e9cembre 2004, s’il n’est pas le plus puissant de l’Histoire17<\/sup>, la puissance du tsunami qui a suivi et la forte concentration de populations dans les pays voisins en font l’un des plus meurtriers.<\/p>\n\n\n\n Les journaux fran\u00e7ais parlaient de Fukushima. Un lieu aux antipodes de Paris. An\u00e9anti par un raz-de-mar\u00e9e, suivi d’un accident nucl\u00e9aire. Des articles pr\u00e9sentaient les zones \u00e0 risques sismiques en France. Les gens s’inqui\u00e9taient en se demandant si un tel accident pouvait survenir chez eux. Chez eux ? Ils semblaient vouloir ignorer que cet \u00e9v\u00e9nement touchait l’ensemble du vivant, affecterait notre \u00e9cosyst\u00e8me en ignorant les fronti\u00e8res symboliques, politiques… C\u2019est donc pour nous informer, que nous avons consult\u00e9 le journal de bord de Iori Mochizuchi18<\/sup>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n Lorsque nous avons d\u00e9cid\u00e9 de travailler sur ce projet, nous voulions investir deux th\u00e8mes particuliers : l’augmentation des catastrophes climatiques dans le Sud-Est asiatique (mont\u00e9e du niveau de la mer, inondations, temp\u00eates, tsunamis) et le sentiment qu\u2019il existe une ontologie partag\u00e9e par l’ensemble du Vivant, une continuit\u00e9 de la vie, au-del\u00e0 des genres et des esp\u00e8ces. Les arbres communiquent : lors d\u2019une invasion de parasites il arrive que dans les zones entourant l\u2019\u00e9mergence de la maladie, les arbres non encore contamin\u00e9s \u00e9mettent des substances r\u00e9pulsives les pr\u00e9munissant contre l\u2019envahisseur. Comment rendre sensible cette porosit\u00e9 souvent invisible d’espaces naturels, auxquels il arrive que l\u2019on attribue parfois une \u00e9tanch\u00e9it\u00e9 absolue (ainsi lorsque la catastrophe de Tchernobyl eut lieu, les pouvoirs publics en France pr\u00e9tendirent, au m\u00e9pris de la sant\u00e9 publique, que le nuage radioactif n\u2019avait pas franchi la fronti\u00e8re fran\u00e7aise) ?<\/p>\n\n\n\n Comment d\u00e9noncer le d\u00e9calage entre un monde-totalit\u00e9 o\u00f9 tout communique, les flux comme les organismes, les semences et les masses d\u2019air, les courants marins et les ph\u00e9nom\u00e8nes climatiques, les mouvements tectoniques et les crises boursi\u00e8res, les migrations diverses et la fiction soci\u00e9tale que le monde politique et \u00e9conomique propose ? Pour les humains et les informations, les fronti\u00e8res symboliques de nos cartes tendent \u00e0 devenir r\u00e9elles, en m\u00eame temps qu\u2019elles sont remodel\u00e9es au gr\u00e9 des besoins et des rapports de force id\u00e9ologiques, elles contraignent les gens, elles obstruent la v\u00e9rit\u00e9. Pour pr\u00e9server des int\u00e9r\u00eats \u00e9conomiques particuliers, nous n\u00e9gligeons les cons\u00e9quences humaines, \u00e9thologiques, environnementales sur le monde, que nos r\u00e9glementations et d\u00e9r\u00e9glementations provoquent.<\/p>\n\n\n\n Nous avons imagin\u00e9 mettre en relation les fleurs avec des stations m\u00e9t\u00e9orologiques car cela permettait d\u2019inscrire notre projet pr\u00e9cis\u00e9ment dans une \u00e9chelle d’espace-temps mondialis\u00e9e. Par ailleurs les informations diffus\u00e9es par les stations m\u00e9t\u00e9orologiques ne sont pas de nature \u00ab\u00a0romantiques\u00a0\u00bb, il s\u2019agit souvent de donn\u00e9es objectives, issues de relev\u00e9s et de pr\u00e9visions locales. Cela nous oblige \u00e0 revenir \u00e0 des consid\u00e9rations tr\u00e8s pragmatiques et \u00e0 une certaine id\u00e9e de l’environnement et de la relation de l’\u00eatre humain \u00e0 la nature. Cela nous permet \u00e9galement de nous impliquer dans des lieux r\u00e9els en nous laissant imaginer comment et pourquoi ce projet peut avoir une r\u00e9sonance. Nous avons s\u00e9lectionn\u00e9 provisoirement huit r\u00e9gions d\u2019Asie, d\u2019Asie du Sud-Est\u00a0et d\u2019Oc\u00e9anie, soit parce qu’elle a initi\u00e9 le projet, soit qu’un partenariat semblait possible, soit parce qu’elles sont tristement embl\u00e9matiques d’un risque naturel r\u00e9el19<\/sup> : Fukushima (Japon), Chiayi ou Tainan (Taiwan), Vall\u00e9es du Gange et du Brahmapoutre (Bangladesh), Plaine du M\u00e9kong (Fa\u00e7ade littoral du Vietnam), Manille \/Philippines : Typhons (comme cette ann\u00e9e), Merapi (Indon\u00e9sie), Fleuve Yangzi\u00a0 Jiang (Chine), Fleuve Chao Phraya, Bangkok (Tha\u00eflande).<\/p>\n\n\n\n Nous avons song\u00e9 que les fleurs pouvaient servir de relais symbolique et diffuser en temps r\u00e9el des informations climatologiques et environnementales que leur transmettraient les stations m\u00e9t\u00e9o install\u00e9es dans ces r\u00e9gions. Autant de signaux qu\u2019il nous faut apprendre \u00e0 saisir, auxquels donner une forme plastique dans un spectacle-performance, \u00e0 rendre sensible via le r\u00e9seau, le projet. Ces informations r\u00e9colt\u00e9es par chaque fleur pourraient \u00eatre diffus\u00e9es en temps r\u00e9el durant la performance.<\/p>\n\n\n\n c- L\u2019exp\u00e9rimentation de l\u2019espace par le corps <\/p>\n\n\n\n Dans nos performances et notre travail en g\u00e9n\u00e9ral, il existe une r\u00e9partition assez claire des r\u00f4les, qui \u00e9voque certaines pratiques chamaniques, en Indon\u00e9sie notamment, o\u00f9 des chamanes \u00e9voluent par deux, l’un entrant en contact avec les forces de la Nature et l’autre assurant la communication de l’exp\u00e9rience v\u00e9cue par le premier avec les gens du village. Notre duo Hantu<\/em> fonctionne autour de ce double principe dynamique pr\u00e9sence\/repr\u00e9sentation qui nous permet en permanence de nous d\u00e9caler par rapport \u00e0 nos certitudes et nos acquis : Il nous semble primordial en tant qu’artistes de d\u00e9velopper nos actions dans le paysage, en engageant notre corps et sans agir sur le paysage en continuant de le d\u00e9naturer<\/em>, de performer \u00ab respectueusement \u00bb dans le paysage. Notre duo sait, dans un contexte technologique d\u2019ing\u00e9nierie industrielle, qu\u2019il est n\u00e9cessaire de prot\u00e9ger ce qui ne rel\u00e8ve pas pr\u00e9cis\u00e9ment de la technologie : le corps d\u2019abord, son rapport au temps, \u00e0 l’espace, au sentiment de pr\u00e9sence\u2026 ; le lieu ensuite, son \u00e9quilibre \u00e9cologique, son \u00e9conomie et l’organisation du travail de la population autochtone. d- Des mat\u00e9riaux bio-inspir\u00e9s pour une nature r\u00e9invent\u00e9e<\/p>\n\n\n\n Nymphaea Alba Ballet<\/em>\u00a0parle d\u2019espace, espace naturel, lieu de m\u00e9ditation et paysage manufactur\u00e9. Les performances que nous chor\u00e9graphions sont des exp\u00e9rimentations de l\u2019espace par le corps, et l\u2019espace ne se limite pas \u00e0 ce qui nous entoure. La technologie est seconde, elle est pr\u00e9sente dans notre projet parce qu\u2019elle appartient \u00e0 notre monde. Mais d\u2019abord et finalement il y a l\u2019exp\u00e9rience et la po\u00e9sie du lieu. Nous avons d\u00e9couvert des textures (des tissus interactifs et communicants) permettant des manifestations et vibrations lumineuses et color\u00e9es (texture luminescente, phosphorescente\u00a0; texture color\u00e9e et visuelle), de produire une ambiance sonore (texture sonore), capables de ressentir la chaleur (feu, radiation, \u00e9nergie), d\u2019agir sur comportement de la structure (vitesse de d\u00e9placement, amplitude des mouvements). Nous avons d\u00e9couvert des mat\u00e9riaux \u00ab\u00a0communicants \u00bb capables d\u2019\u00e9mettre des informations, dot\u00e9s de capteurs, capables de mesurer en temps r\u00e9el la temp\u00e9rature ext\u00e9rieure et les param\u00e8tres vitaux des corps pr\u00e9sents sur le n\u00e9nuphar\u00a0: temp\u00e9rature corporelle, respiration et rythme cardiaque21<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n La nature inspire, elle est souvent un objet de fantasme. Des personnes fabriquent en Suisse et aux USA, des mat\u00e9riaux qui tentent de reproduire les qualit\u00e9s d’autres mat\u00e9riaux existants comme l’effet \u00ab\u00a0feuille de lotus \u00bb. Il y a tant de possibilit\u00e9s, comment ne pas s\u2019\u00e9garer\u00a0? C\u2019est ainsi que nous avons imagin\u00e9 trois diff\u00e9rents dispositifs qui chacun n\u00e9cessite une mise en \u0153uvre, des mat\u00e9riaux et des techniques particuli\u00e8res. Le premier met en pr\u00e9sence des corps vivants et des machines, le second chor\u00e9graphie la relation entre une fleur et un corps, le troisi\u00e8me enfin, en prenant une sorte de contre-pied \u00e0 la d\u00e9monstration technologique nous permet, au sein de\u00a0Hantu,<\/em>\u00a0de travailler directement avec des personnes vivant et travaillant en diff\u00e9rents lieux d\u2019Asie, qui r\u00e9aliseraient elles-m\u00eames des cellules, en utilisant les savoir-faire, les technologies et les mat\u00e9riaux locaux.<\/p>\n\n\n\n
Comment associer le spectateur \u00e0 cette m\u00e9ditation ? En quel lieu ? Suivant quelles modalit\u00e9s ?
Comment dire dans notre langage plastique et chor\u00e9graphique l\u2019interconnexion de nos corps, l\u2019interconnexion de l\u2019Europe et de l\u2019Asie, de toutes les parties du monde ? <\/p>\n\n\n\n
\u00ab\u00a0[\u2026] la notion d\u2019animisme ne devrait pas \u00eatre coll\u00e9e aux peuples primitifs. Elle devrait plut\u00f4t \u00eatre mobilis\u00e9e pour produire une critique de cette nouvelle \u00e8re du capitalisme et rendre compte de ce qui semble \u00eatre un \u00e9v\u00e9nement majeur de notre temps \u2013 l\u2019extension proth\u00e9tique des sens dans un monde plus que jamais m\u00e9diatis\u00e9 par toutes sortes d\u2019abstractions qui, elles-m\u00eames, sont profond\u00e9ment ancr\u00e9es dans la mati\u00e8re9<\/sup>.\u00bb<\/p>\n\n\n\n
La flotte de Nymphaea Alba Ballet<\/em> est pour nous la m\u00e9taphore d’un r\u00e9seau humain, mais aussi d’un r\u00e9seau de production technologique, \u00e9cosyst\u00e9mique \u00e0 visage humain, c’est-\u00e0-dire d’une organisation des territoires \u00e0 \u00e9chelle mondiale qui tiendrait compte de la relation de la production au lieu, aux gens, aux modes de vie et de construction, aux croyances, aux symboles, aux relations, aux cultures. <\/p>\n\n\n\n
\u00ab [\u2026] la science et la technique m\u2019ont toujours sembl\u00e9, sinon \u00eatre elles-m\u00eames l\u2019inconscient collectif, \u00eatre le chemin privil\u00e9gi\u00e9 qui y m\u00e8ne, car c\u2019est l\u00e0 que la soci\u00e9t\u00e9 en tant qu\u2019organisme est la plus vuln\u00e9rable et qu\u2019elle a form\u00e9 le moins de d\u00e9fenses.\u00a0\u00bb
Guattari r\u00e9pond\u00a0:
\u00ab\u00a0Les \u00e9l\u00e9ments technico-scientifiques hantent la subjectivit\u00e9\u00a0 [\u2026] aujourd\u2019hui, il me semble int\u00e9ressant de revenir, je dirais \u00e0 une conception animiste de la subjectivit\u00e9, de repenser l\u2019Objet, l\u2019Autre, comme pouvant \u00eatre porteur de dimensions de subjectivation partielle; le cas \u00e9ch\u00e9ant \u00e0 travers des ph\u00e9nom\u00e8nes n\u00e9vrotiques, des rituels religieux, ou des ph\u00e9nom\u00e8nes esth\u00e9tiques, par exemple.\u00bb<\/p>\n\n\n\n
\u2022 \u00catre dans la pr\u00e9sence c’est aussi dans la tradition chamanique, \u00eatre en contact avec l’\u00e2me de tout \u00e9l\u00e9ment vivant, l’\u00e2me de tout objet, l’\u00e2me de tout ph\u00e9nom\u00e8ne naturel (car les tremblements de terre aussi ont une \u00e2me pour les chamanes de Siberut). \u00catre dans la pr\u00e9sence c’est pouvoir restaurer l’\u00e9quilibre des corps dont l’\u00e2me se saurait sauv\u00e9e (par peur, par surprise, par accident), par des incantations, dans des rituels, des mouvements dans\u00e9s, une exp\u00e9dition dans la for\u00eat puis une discussion avec les \u00e2mes…
\u2022 \u00catre dans la repr\u00e9sentation, non pas voir le monde comme une image mais \u00eatre capable de rendre visible l\u2019infinie profondeur, c’est \u00eatre capable d’une attention particuli\u00e8re, pouvoir capter les signes des d\u00e9s\u00e9quilibres, rep\u00e9rer le papillon qui annonce la maladie, entendre le cri du singe qui annonce la mort, le chant de l’oiseau qui interdit d’avancer davantage, lire les entrailles d’un animal sacrifi\u00e9 pour v\u00e9rifier que le rituel se d\u00e9roule normalement…<\/p>\n\n\n\n
Aucun dispositif technique n\u2019est neutre, ni pour son utilisateur, ni pour l’observateur, car il produit, induit ses propres effets esth\u00e9tiques. <\/p>\n\n\n\n
La nature a toujours \u00e9t\u00e9 source d’inspiration pour les inventeurs. Dans le domaine des mat\u00e9riaux innovants, des firmes con\u00e7oivent des films protecteurs pour rendre les textiles hydrofuges en s\u2019inspirant de la peau de requin, des ailes de papillon, ou encore des feuilles de lotus20<\/sup>.\u00a0Il est aujourd’hui possible de r\u00e9aliser des p\u00e9tales en tissus-interactifs int\u00e9grant les technologies mobiles : t\u00e9l\u00e9phonie, Internet GPS\u2026, en tissus auto-d\u00e9coratifs par modification de l\u2019aspect de la surface des fibres, en tissus \u00e0 base de fibres sources d\u2019\u00e9nergie ou conductrices d\u2019\u00e9nergie. Il est possible de r\u00e9aliser des fleurs dont les p\u00e9tales disparaissent, confectionn\u00e9s tels des v\u00eatements de camouflage actif \u00e0 absorption des ondes lumineuses et \u00e9lectromagn\u00e9tiques. Nous savons \u00e9galement fabriquer des fleurs \u00e0 partir de tissus \u00ab\u00a0\u00e9motions\u00a0\u00bb ou olfactifs.<\/p>\n\n\n\n3. Les \u00e9tapes \u00e0 venir\u00a0: trois dispositifs de performance dans\u00e9e<\/h2>\n\n\n\n