{"id":1841,"date":"2014-09-01T21:13:05","date_gmt":"2014-09-01T21:13:05","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1841"},"modified":"2022-11-30T21:13:23","modified_gmt":"2022-11-30T21:13:23","slug":"septembre-2014-les-particules-elementaires-du-geste-formes-de-cognition-sonore-conversation-avec-isabelle-van-grimde-corps-secrets","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/septembre-2014-les-particules-elementaires-du-geste-formes-de-cognition-sonore-conversation-avec-isabelle-van-grimde-corps-secrets\/","title":{"rendered":"Septembre 2014 – Les particules \u00e9l\u00e9mentaires du geste: formes de cognition sonore – Conversation avec Isabelle Van Grimde | Corps secrets"},"content":{"rendered":"\n

Logique du corps articulaire\u00a0: l\u2019\u00e9criture chor\u00e9graphique<\/h2>\n\n\n\n

Votre pratique chor\u00e9graphique questionne les particules \u00e9l\u00e9mentaires du geste, les intensit\u00e9s du corps. Cette logique r\u00e9sonne d\u00e9j\u00e0 dans le titre de la pi\u00e8ce\u00a0Pour quatre corps et mille parts ins\u00e9parables (2000),\u00a0elle est explor\u00e9e dans\u00a0Les Chemins de traverse III, IV et V (2006-2006)\u00a0et elle revient dans d\u2019autres \u0153uvres. Quelle est votre approche dans la composition du mouvement ? Quel est le r\u00f4le de la perception dans votre vision de la chor\u00e9graphie?\u00a0<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Comme je l\u2019ai d\u00e9j\u00e0 soulign\u00e9 dans un livre r\u00e9cent sur mon travail1<\/sup><\/a> je construis mon langage chor\u00e9graphique selon un mod\u00e8le g\u00e9n\u00e9tique. Je d\u00e9construis et  reconstruis sans arr\u00eat le mat\u00e9riel, je cr\u00e9e des hybrides : je revisite certains gestes ou mouvements qui proviennent d\u2019une  pi\u00e8ce pr\u00e9c\u00e9dente en leur attribuant une nouvelle perception, une autre orientation et en les associant \u00e0 des \u00e9l\u00e9ments in\u00e9dits, ce qui cr\u00e9e une sorte d\u2019\u00e9volution organique. D\u2019une pi\u00e8ce \u00e0 l\u2019autre, j\u2019ensemence le travail d’\u00e9l\u00e9ments neufs et, quand il y a de nouveaux interpr\u00e8tes, de  nouvelles consciences s’ajoutent ou se greffent \u00e0 la pi\u00e8ce, selon un processus distinct qui r\u00e9pond aux directives du chor\u00e9graphe ou int\u00e8gre de la mati\u00e8re gestuelle.<\/p>\n\n\n\n

Le corps \u2013 tant dans sa qualit\u00e9 de mati\u00e8re premi\u00e8re, de mat\u00e9riau mall\u00e9able, que de corps pensant, sensible et int\u00e9rieur \u2013 est au c\u0153ur de mon travail de cr\u00e9ation. Pour approfondir ce sujet fascinant, j\u2019ai entam\u00e9 en 2004 une recherche sur la perception du corps intitul\u00e9e Le corps en question(s) <\/em>qui est l\u2019un des fondements chor\u00e9graphiques des projets courants de la compagnie. Cette d\u00e9marche m\u2019a permise d\u2019approfondir ma perception du corps dansant en la confrontant \u00e0 celle de sp\u00e9cialistes d\u2019autres disciplines (artistes, scientifiques, philosophes et \u00e9crivains), par le biais d\u2019entrevues sur la perception du corps humain r\u00e9alis\u00e9 dans cinq pays diff\u00e9rents. Elles ont cr\u00e9\u00e9 un foisonnement d\u2019images et d\u2019id\u00e9es desquelles a \u00e9merg\u00e9 un \u00ab autre corps \u00bb dans mon travail chor\u00e9graphique : cette recherche sur les multiples dimensions du corps (physique, m\u00e9canique, sensorielle, \u00e9motionnelle, historique, sensorielle, etc.) m\u2019am\u00e8ne \u00e0 travailler le corps de fa\u00e7on beaucoup plus visc\u00e9rale, primitive et sensible. C\u2019est presque comme si je d\u00e9couvrais, \u00e0 travers tous ces t\u00e9moignages sur le corps, un langage qui touche justement au-del\u00e0 des mots : un langage du corps d\u2019avant le langage parl\u00e9 et qui fait que l\u2019on est capable de se comprendre mutuellement de mani\u00e8re instantan\u00e9e avant de s\u2019expliquer par les mots. <\/p>\n\n\n\n

Dans cette logique chor\u00e9graphique, je trouve que la d\u00e9composition de la forme du corps passe par un travail sur les articulations et les plans horizontaux, du bassin en particulier. \u00c0 ce propos, vous parlez du\u00a0corps primal\u00a0et d\u2019un travail d\u00e9cisif de la colonne vert\u00e9brale par rapport au sol. Pouvez-vous donner plus de d\u00e9tails, en prenant comme exemples\u00a0Bodies to Bodies (2008-2009), Le corps en question(s) (2012)\u00a0et\u00a0Les gestes (2011-2013)?\u00a0<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Bodies to Bodies<\/em>, Le corps en question(s)<\/em> et Les gestes<\/em> sont tout trois cr\u00e9\u00e9s \u00e0 partir du corpus chor\u00e9graphique issu de mes entrevues sur le corps. Deux visions du corps ont \u00e9merg\u00e9 de ces explorations. D\u2019abord, celle du corps primitif<\/em>, m\u00fb et lu par des parties de notre cerveau qui se perdent dans la nuit de l’\u00e9volution humaine, voire de l’\u00e9volution d’esp\u00e8ces ant\u00e9rieures. En studio, \u00e7a se traduit par une exploration de nouveaux points de d\u00e9part dans l’impulsion des mouvements et dans la trajectoire de ceux-ci \u00e0 travers le corps. C’est un corps segment\u00e9, reptilien, visc\u00e9ral, animal… Beaucoup de mouvements sont transpos\u00e9s au sol, cr\u00e9ant une tension entre la position debout et les positions au sol. Ce corps primitif, dont certains sens semblent comme raviv\u00e9s, donne au danseur une perception exacerb\u00e9e de son corps, ce qui a un impact sur sa fa\u00e7on d\u2019habiter le mouvement et sur sa relation \u00e0 l\u2019espace.<\/p>\n\n\n\n

Paradoxalement, l\u2019autre vision issue de ces r\u00e9flexions est celle d\u2019un corps du futur<\/em>. Un corps propuls\u00e9 par un cerveau binaire, constamment reprogramm\u00e9 par un environnement technologique en pleine mutation. Cette tension entre corps du futur et corps primitif appara\u00eet d\u00e9j\u00e0 dans la cr\u00e9ation-exposition Le corps en question(s)<\/em> et est d\u00e9velopp\u00e9e dans Les gestes<\/em>. Comme si, justement, pour arriver \u00e0 exister dans ce nouvel environnement, l’\u00eatre humain doit puiser au plus profond de son corps des sensations, des forces et des impulsions ancestrales qui lui permettent de r\u00e9sister et de s’adapter.<\/p>\n\n\n\n

Dans\u00a0Saetta (2003),Vortex (2006)\u00a0et\u00a0Les gestes (2011-2013)\u00a0pouvez-vous apporter\u00a0quelques pr\u00e9cisions\u00a0sur : la question de l\u2019\u00a0\u00ab\u00a0anatomie\u00a0\u00bb et son rapport avec l\u2019espace. Cette question de l\u2019anatomie, dans son \u00e9tymologie grecque (anatom\u00e8), renvoie \u00e0 des directions, des vecteurs, des forces qui tracent l\u2019espace. Dans ce sens, consid\u00e9rer l\u2019anatomie comme une strat\u00e9gie op\u00e9ratoire signifie vectorialiser l\u2019espace et multiplier les directions dans l\u2019organisation des vecteurs corporels. Comment concevez-vous la relation corps-espace dans vos pi\u00e8ces?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Selon ma vision de la composition, la forme c\u2019est le sens : l\u2019architecture humaine est d\u00e9terminante. Dans le m\u00eame volume cit\u00e9 plus haut2<\/sup><\/a> j\u2019ai abord\u00e9 ces aspects, en soulignant que le corps dans son rapport \u00e0 l\u2019espace ext\u00e9rieur m\u2019a amen\u00e9e pendant plusieurs ann\u00e9es \u00e0 cr\u00e9er des formes architecturales. Ensuite, j\u2019ai progressivement per\u00e7u le corps de chaque danseur comme une architecture. Un espace interne qui dessine un espace externe.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 l\u2019int\u00e9rieur de ces corps\/architectures, des espaces sensibles se sont r\u00e9v\u00e9l\u00e9s, et il fallait les faire r\u00e9sonner de fa\u00e7on visc\u00e9rale, primale, vibratoire, organique. Ce rapprochement au corps et \u00e0 son humanit\u00e9 m\u2019a progressivement \u00e9loign\u00e9 d\u2019une gestuelle architecturale pour m\u2019amener \u00e0 une approche \u00e0 la fois plus visc\u00e9rale et sensible du corps, \u00e0 une \u00e9tude de ses pulsions et tensions \u00e9l\u00e9mentaires. Il y a maintenant dans mon travail une tension, un contrepoint entre ce corps\/architecture et ce qui l\u2019habite, soit les tensions et pulsions \u00e9l\u00e9mentaires. La forme \u00e9volue pour faire vibrer la chair, tracer le squelette et r\u00e9sonner les particules. Je suis int\u00e9ress\u00e9e \u00e0 la consistance dont cette forme est faite, par son contenu squelettique architectural, organique, vibratoire. Donc, la forme peut prendre plusieurs aspects et garder son sens. Les danseurs reproduisent ces formes dans une multiplicit\u00e9 de variations. Peu importe la variation qu\u2019ils cr\u00e9ent dans un contexte donn\u00e9 et selon la d\u00e9cision du moment, la signification profonde reste la m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n

La cognition sonore du geste<\/h2>\n\n\n\n

Il me semble\u00a0 \u2013 dans vos \u0153uvres \u2013 que la relation avec le son anticipe la pr\u00e9sence concr\u00e8te de la musique ou des sons \u00e9lectroacoustiques. Je pense \u00e0 l\u2019attention que vous portez \u00e0 la rythmicit\u00e9 organique du corps, ses acc\u00e9l\u00e9rations, ses ralentissements, ses battements, ses coupures au fil de la respiration, par exemple dans\u00a0Vortex\u00a0et\u00a0Bodies to Bodies. Pouvez-vous r\u00e9fl\u00e9chir sur votre rapport avec ces sonorit\u00e9s primaires?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Quand vous mentionnez  \u00ab la rythmicit\u00e9 organique du corps, ses acc\u00e9l\u00e9rations, ses ralentissements, ses battements, ses coupures au fil de la respiration \u00bb <\/em>\u00e7a me parle beaucoup, \u00e7a r\u00e9sonne profond\u00e9ment avec mon travail.Le corps a sa propre musique, et pour moi le concept de musicalit\u00e9 en danse n\u2019est pas d\u2019incarner une musique mais plut\u00f4t d\u2019entretenir une conversation avec elle, de trouver les points de r\u00e9sonnance et de ruptures entre la musique inh\u00e9rente du corps du danseur et celle propos\u00e9e par les musiciens.<\/p>\n\n\n\n

La musique est l\u2019incarnation du temps, sa perception. Elle sublime le temps, l\u2019an\u00e9antit et le d\u00e9vore dans ses rythmes, l\u2019\u00e9tire, le r\u00e9p\u00e8te, le d\u00e9construit, le subdivise, le d\u00e9multiplie.<\/p>\n\n\n\n

Le son rend le temps et l\u2019espace palpables tout comme le mouvement, pour moi, ce sont des incarnations diff\u00e9rentes de la m\u00eame chose.<\/p>\n\n\n\n

Depuis que je m\u2019int\u00e9resse \u00e0 l\u2019abstraction, la musique est devenue une puissante source d\u2019inspiration. Elle ne me sert pas de trame sur laquelle je cr\u00e9e des pas. C\u2019est la d\u00e9marche des musiciens et des compositeurs pour penser et cr\u00e9er la musique et ses structures, plut\u00f4t que la musique elle-m\u00eame qui inspire ma cr\u00e9ation.<\/p>\n\n\n\n

J\u2019ai \u00e9tudi\u00e9 la musique \u00e9tant enfant, mais surtout je vis avec un musicien depuis vingt-cinq ans et depuis le d\u00e9but de mon travail de chor\u00e9graphe, je collabore avec des compositeurs.<\/p>\n\n\n\n

De ce fait, j\u2019ai connu diff\u00e9rents types de musique et diverses approches de composition et d’interpr\u00e9tation, des plus \u00e9crites et conceptuelles aux plus organiques et improvis\u00e9es. Le fait de c\u00f4toyer ces musiciens et ces compositeurs  m\u2019a habitu\u00e9e et entra\u00een\u00e9e \u00e0 une perception diff\u00e9rente de la musique et de l\u2019art. J’ai cess\u00e9 de toujours chercher l\u2019histoire, le signifiant, ce qui se cache derri\u00e8re la musique ou une \u0153uvre d\u2019art, et je me suis int\u00e9ress\u00e9e davantage \u00e0 savoir comment c\u2019est construit, de quoi c\u2019est fait, au point de me rendre compte que la v\u00e9ritable histoire est l\u00e0.<\/p>\n\n\n\n

Cette perception diff\u00e9rente de l\u2019art et de la musique, en particulier, a \u00e9t\u00e9 et est encore tr\u00e8s lib\u00e9ratrice et inspirante pour moi. Je parle de l\u2019art, parce que je c\u00f4toie aussi des peintres, et ce qui m\u2019a le plus frapp\u00e9e dans leur fa\u00e7on de regarder la peinture, c\u2019est qu\u2019ils sont bien plus int\u00e9ress\u00e9s par la gen\u00e8se de la peinture qu\u2019ils regardent que par ce qu\u2019elle repr\u00e9sente.<\/p>\n\n\n\n

La relation avec la mat\u00e9rialit\u00e9 du son en sc\u00e8ne est au centre de votre recherche.\u00a0Duo pour un violoncelle et un danseur(2008-2009)\u00a0est un exemple pr\u00e9cis de cette logique et met en jeu votre collaboration avec le compositeur Sean Ferguson. Quels sont les principes qui r\u00e8glent la relation entre le son et le corps dans cette \u0153uvre?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Dans la pi\u00e8ce Duo pour un violoncelle et un danseur<\/em> (2008) la musique  \u00e9tait capt\u00e9e, transform\u00e9e et spatialis\u00e9e en temps r\u00e9el gr\u00e2ce \u00e0 un instrument de musique num\u00e9rique baptis\u00e9 T-Stick et manipul\u00e9 par un danseur.<\/p>\n\n\n\n

Cette collaboration avec Sean Ferguson3<\/sup><\/a>\u00a0vous a men\u00e9e ensuite \u00e0 collaborer \u00e0 la cr\u00e9ation d\u2019instruments de musique num\u00e9riques branch\u00e9s au corps des danseuses, dont un instrument qui est un v\u00e9ritable d\u00e9doublement de la colonne vert\u00e9brale. Ce processus a trouv\u00e9 sa concr\u00e9tion dans\u00a0Les Gestes (2011-2013).\u00a0Pouvez-vous expliquer le processus de cr\u00e9ation qui est \u00e0 la base de cette pi\u00e8ce et quelles sont les relations entre les \u00e9tats du corps en mouvement et la masse sonore spatialis\u00e9e dans la salle?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Le nom de la compagnie \u2013 Corps Secrets \u00ad\u2013 r\u00e9v\u00e8le \u00e0 quel point les myst\u00e8res que renferme le corps sont un  moteur de cr\u00e9ation pour moi. Inspir\u00e9 par mon travail de recherche th\u00e9orique sur la perception du corps, le design<\/em> des instruments num\u00e9riques op\u00e8re une rencontre entre le corps primal dans lequel s\u2019enracine ma gestuelle et une \u00e9vocation de ce que pourrait \u00eatre le corps du futur. Dans Les gestes<\/em>, d\u2019un b\u00e2ton (le T-stick), on passe \u00e0 des instruments dont les formes organiques \u00e9pousent le corps des danseurs et bougent avec lui. Pour le danseur, avoir un impact direct sur l\u2019environnement sonore cr\u00e9e un rapport beaucoup plus concret \u00e0 la musique et noue une relation encore plus \u00e9troite avec le musicien. Prolong\u00e9 d’une extension musicale, son corps devient instrument de musique et la chor\u00e9graphie se double d’une dimension sonore. Le choix de transposition d\u2019un quatuor \u00e0 cordes (ici violoncelle, violon et deux danseuses) n\u2019est pas anodin : les pr\u00e9ceptes de ce type de compositions prescrivent qu\u2019aucun des instruments ne domine les autres, ce qui tend \u00e0 favoriser l\u2019\u00e9quilibre recherch\u00e9 entre les forces respectives de la danse et de la musique.<\/p>\n\n\n\n

Par ailleurs, en spatialisant le son, le danseur sculpte litt\u00e9ralement son espace, \u00e9tablissant ainsi un autre dialogue avec le public. Quant aux musiciens, ils d\u00e9veloppent eux aussi, \u00e0 travers ce type d\u2019exp\u00e9riences, un autre rapport \u00e0 leur propre pratique, \u00e0 leur propre corps, \u00e0 la danse et \u00e0 l\u2019espace.<\/p>\n\n\n\n

Les fronti\u00e8res disciplinaires sont d\u2019autant plus poreuses que les musiciens peuvent aussi intervenir en direct sur la partition sonore et habiter l\u2019espace d’une pr\u00e9sence chor\u00e9graphique en d\u00e9laissant par moments leurs instruments respectifs pour venir jouer des instruments num\u00e9riques directement sur le corps des danseurs ou s\u2019en saisir quand ils sont simplement \u00e9l\u00e9ments sc\u00e9nographiques.<\/p>\n\n\n\n

Par exemple, tandis qu\u2019un instrument \u00e9pousant la colonne vert\u00e9brale souligne l\u2019ancestrale m\u00e9canique neurologique du corps humain, celui en forme de visi\u00e8re pr\u00e9figure les nouveaux pouvoirs dont ce m\u00eame corps pourrait \u00eatre nanti gr\u00e2ce aux nouvelles technologies. Loin de la froideur que g\u00e9n\u00e8rent souvent les environnements technologiques, Les gestes <\/em>amplifie la physicalit\u00e9 des danseuses.<\/p>\n\n\n\n

Il semble que, dans l\u2019utilisation des technologies que vous fa\u00eetes, la relation avec la perception est primordiale : comment les processus de feedback sonore (entre mouvement du corps et retour auditif) ont-ils modifi\u00e9s et r\u00e9organis\u00e9s la perception du corps des danseuses?\u00a0<\/strong><\/p>\n\n\n\n

En prolongeant les mouvements via les sons dans l\u2019espace, l\u2019hybridation vivant\/technologie donne une image de la r\u00e9sonnance de la musique dans les corps et offre de nouvelles pistes sur la fa\u00e7on de faire bouger les danseuses. Ces deux derni\u00e8res t\u00e9moignent de l\u2019impact des instruments sur leur fa\u00e7on de danser : \u00ab Cette contrainte cr\u00e9e une exp\u00e9rience \u00e9minemment sensorielle qui nous oblige \u00e0 trouver de nouveaux chemins pour accomplir les mouvements et \u00e0 \u00eatres plus concentr\u00e9s et pr\u00e9cis dans l\u2019interpr\u00e9tation \u00bb, commente la danseuse Soula Trougakos. \u00ab Elle nous rend encore plus sensibles et alertes \u00e0 l\u2019environnement physique, \u00e9largit notre conscience de l\u2019\u00e9nergie qui nous traverse et des limites corporelles ext\u00e9rieures, et nous conduit \u00e0 pousser le corps vers de nouveaux territoires pour explorer les possibilit\u00e9s sonores \u00bb, ajoute Sophie Breton, danseuse aussi.<\/p>\n\n\n\n

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Les gestes<\/em>\u00a0(2011-2013), Cr\u00e9dit : Foumalade, Danseuse : Sophie Breton Image<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n
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Les gestes<\/em>\u00a0(2011-2013), Cr\u00e9dit : Foumalade, Danseuse : Sophie Breton Image<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Atmosph\u00e8res audiovisuelles<\/h2>\n\n\n\n

Dans\u00a0les dispositifs de vos productions,\u00a0il y a un aspect que je trouve fascinant\u00a0: le croisement entre certains \u00e9l\u00e9ments des installations audiovisuelles et la sc\u00e8ne. Le projet\u00a0Le corps en question(s)\u00a0en est un exemple. Pouvez-vous le d\u00e9crire dans ses axes principaux en parlant du d\u00e9placement de formats?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Ici, la danse, source premi\u00e8re du projet, influence les arts visuels et m\u00e9diatiques ainsi que l\u2019\u00e9criture, ces derniers ont en retour une incidence sur le travail chor\u00e9graphique. En partant de la danse, on offre une exp\u00e9rience plus large au visiteur-spectateur, ouvrant ainsi de nouvelles voies \u00e0 sa propre perception du corps et de la danse.<\/p>\n\n\n\n

Le corps en question(s)<\/em>\u00a0est une cr\u00e9ation-exposition sur la th\u00e9matique du corps qui questionne la fa\u00e7on dont les profondes mutations sociales, culturelles et technologiques des soci\u00e9t\u00e9s modernes affectent notre fa\u00e7on de le conceptualiser et de le lire. Elle s\u2019appuie sur des recherches th\u00e9oriques sur la perception du corps que j\u2019ai r\u00e9alis\u00e9e entre 2004 et 2008 et sur le mat\u00e9riel chor\u00e9graphique qui en est issu.<\/p>\n\n\n\n

Devenue commissaire d\u2019exposition pour l\u2019occasion, j\u2019ai r\u00e9uni neuf artistes et deux scientifiques, les invitant \u00e0 transposer ces mat\u00e9riaux en \u0153uvres visuelles et m\u00e9diatiques, installations et essais \u00e9crits, la mise en espace visuel et sonore ayant \u00e9t\u00e9 assur\u00e9e par une architecte et un compositeur.<\/p>\n\n\n\n

Des s\u00e9quences chor\u00e9graphiques dans\u00e9es par cinq interpr\u00e8tes, aux \u00e2ges et formations vari\u00e9s font \u00e9cho \u00e0 ces cr\u00e9ations. Elles interrogent l\u2019avenir en pla\u00e7ant le corps vivant en dialogue avec son g\u00e9nome, sa transposition num\u00e9rique et sa dimension onirique. Elles mettent en sc\u00e8ne l\u2019\u00eatre humain dans un labeur physique o\u00f9 les outils d\u00e9cuplent ses capacit\u00e9s physiques, cyborg originel par opposition au cyborg actuel branch\u00e9 sur des ordinateurs qui prolongent le mental, permettent de se projeter dans diff\u00e9rents espaces et fa\u00e7onnent de nouvelles images du corps.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019\u00e9clairage est \u2013 ainsi que le son et les corps \u2013 une forme qui dessine l\u2019espace. Je pense \u00e0 la ligne de lumi\u00e8re blanche qui traverse d\u2019abord \u00e0 l\u2019horizontale, puis apr\u00e8s en diagonal, le plateau de\u00a0Les gestes,\u00a0en divisant en deux l\u2019espaces d\u2019action; ensuite je me r\u00e9f\u00e8re aux carr\u00e9s invisibles de\u00a0Vortex\u00a0qui d\u00e9limite l\u2019action des danseurs, jusqu\u2019aux carr\u00e9s de lumi\u00e8re dans Les gestes. Est-ce que l\u2019\u00e9clairage est con\u00e7u comme \u00e9l\u00e9ment de composition de l\u2019espace?\u00a0<\/strong><\/p>\n\n\n\n

C\u2019est exactement \u00e7a, je me sers de l\u2019\u00e9clairage (Je m\u2019implique beaucoup dans les conceptions lumi\u00e8re) comme fa\u00e7on de rendre l\u2019espace concret et tangible. Dans mon travail, on n\u2019\u00e9claire pas les danseurs mais la lumi\u00e8re leur propose des espaces \u00e0 habiter. La composition de l\u2019espace rentre en conversation avec celle de la musique et de la chor\u00e9graphie. L\u2019\u00e9clairage remplace la plupart du temps les d\u00e9cors, je m\u2019en sers aussi pour transporter les interpr\u00e8tes et le public dans divers espaces.<\/p>\n\n\n\n

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