{"id":1872,"date":"2014-06-01T22:07:46","date_gmt":"2014-06-01T22:07:46","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=1872"},"modified":"2022-11-30T22:08:19","modified_gmt":"2022-11-30T22:08:19","slug":"juin-2014-last-room-un-cinema-de-poesie-entrevue-avec-pierre-carniaux","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/juin-2014-last-room-un-cinema-de-poesie-entrevue-avec-pierre-carniaux\/","title":{"rendered":"Juin 2014 – Last Room <\/i>, un \u00abcin\u00e9ma de po\u00e9sie\u00bb – Entrevue avec Pierre Carniaux"},"content":{"rendered":"\n

Dans votre long m\u00e9trage,\u00a0Last Room,<\/em>\u00a0ce qui est int\u00e9ressant et surprenant en m\u00eame temps c\u2019est d\u2019avoir r\u00e9ussi \u00e0 p\u00e9n\u00e9trer dans la vie personnelle et intime des acteurs choisis et de les amener \u00e0 parler d\u2019un \u00e9v\u00e9nement historique par lequel ils ont \u00e9t\u00e9 affect\u00e9s de pr\u00e8s ou de loin. Leur avez-vous donn\u00e9 des directives \u00e0 ce sujet, ou bien leurs confidences les ont conduit immanquablement vers cette trag\u00e9die qui les a marqu\u00e9s\u00a0?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

La relation aux acteurs s’est tiss\u00e9e dans le fil d’une longue histoire avec le Japon. J\u2019y ai pass\u00e9 beaucoup de temps entre 2002 et 2007, presque deux ann\u00e9es. Les hommes et les femmes \u00e0 l\u2019\u00e9cran sont membres de compagnies th\u00e9\u00e2trales que j\u2019ai rencontr\u00e9s durant cette p\u00e9riode et qui m’ont donn\u00e9 leur confiance.\u00a0Last Room<\/em>\u00a0propose un aller-retour entre leurs r\u00e9cits personnels et l’histoire collective. Gunkanjima, \u00eele d\u00e9serte au large de Nagasaki1<\/sup>\u00a0qui ouvre et irrigue le film, est une sorte de miniature de l’histoire du XXe<\/sup>\u00a0si\u00e8cle au Japon. Les interpr\u00e8tes n’ont pas de lien direct avec ce lieu mais chacun de leur parcours peut y r\u00e9sonner. Ainsi, j’ai donn\u00e9 \u00e0 Gunkanjima le r\u00f4le d’une chambre d’\u00e9cho pour les paroles et les destin\u00e9es qui constellent le film.<\/p>\n\n\n\n

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Le d\u00e9cor est tr\u00e8s important pour chacune des sc\u00e8nes, il cr\u00e9e des atmosph\u00e8res diff\u00e9rentes, mais il est surtout film\u00e9 avec un regard esth\u00e9tique que l\u2019on n\u2019a pas habituellement dans des films dit non fictionnels. Qui a choisi les lieux\u00a0? Les protagonistes ou vous\u00a0 ou les deux ensemble afin de conserver un aspect authentique de leur personnalit\u00e9 ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Une question centrale pos\u00e9e aux acteurs et aux spectateurs de Last Room<\/em> est celle de l’identit\u00e9. La chambre d’h\u00f4tel est un espace qui me donne le vertige. Lieu impersonnel et sans m\u00e9moire, je m’y sens toujours comme dissous dans la foule de vies qui y a transit\u00e9. C\u2019est probablement \u00e0 l\u2019h\u00f4tel que j\u2019ai lu pour la premi\u00e8re fois ces mots de Henri Michaux qui m\u2019ont accompagn\u00e9 pendant tout le film : \u00ab je r\u00eave aux images \u00e9l\u00e9mentaires, aux r\u00eaves que d’autres en d’autres situations, d’autres temps et lieux, en des corps diff\u00e9rents surtout… ont pu avoir. \u00bb En pla\u00e7ant les acteurs dans ces chambres, j’ai souhait\u00e9 leur donner un \u00e9crin po\u00e9tique propice \u00e0 cette introspection.<\/p>\n\n\n\n

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L\u2019esth\u00e9tique du film, qui nous fait penser aux\u00a0 films de Wong Kar Wai ou de Bel\u00e0 Tarr,\u00a0 a ceci de particulier qu\u2019elle permet de fusionner la sensualit\u00e9 de l\u2019un et la rudesse de l\u2019autre dans l\u2019\u00e9tranget\u00e9 d\u2019une temporalit\u00e9 \u00e9tir\u00e9e, qui fait qu\u2019on n\u2019est pas dans une histoire dont on veut conna\u00eetre l\u2019issue, mais dans laquelle on appr\u00e9cie chaque instant avec sa port\u00e9e philosophique, psychologique et politique et ses effets sensuels et \u00e9motionnels. Est-ce pour cela que vous avez privil\u00e9gi\u00e9 le genre documentaire ? Peut-on parler de docu-fiction\u00a0?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Je n’ai pas privil\u00e9gi\u00e9 de genre en particulier mais Last Room <\/em>peut appartenir \u00e0 ce que Pasolini appelle \u00ab cin\u00e9ma de po\u00e9sie \u00bb. La recherche est celle de ma propre \u00e9criture avec pour ambition de proposer une exp\u00e9rience cin\u00e9matographique singuli\u00e8re. \u00c0 travers ce m\u00e9dium, j’interroge ma pr\u00e9sence au monde et ma relation au r\u00e9el. Il m’importe avant tout d’en restituer le trouble.<\/p>\n\n\n\n

Est-ce que la s\u00e9quence on l\u2019on voit\u00a0 l\u2019\u00cele de Gunkanjima en noir et blanc est un extrait d\u2019archive ? Vous avez utilis\u00e9 plusieurs extraits de film d\u2019archives. Est-ce que cela s\u2019est av\u00e9r\u00e9 difficile d\u2019obtenir l\u2019autorisation de les int\u00e9grer dans votre film vu la dimension politique et critique du sujet\u00a0? Quelles ont \u00e9t\u00e9 les r\u00e9actions qui ont suivi la projection du film au Japon\u00a0?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Le plan s\u00e9quence o\u00f9 l’on voit Gunkanjima surgir au milieu des flots est le mien. Mais \u00e0 l’\u00e9poque du tournage, l’acc\u00e8s \u00e0 l’\u00eele nous a \u00e9t\u00e9 refus\u00e9 pour des raisons de s\u00e9curit\u00e9. Il a effectivement \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s compliqu\u00e9 d’obtenir des images de la pr\u00e9fecture de Nagasaki, ce qui est d’autant plus surprenant aujourd’hui maintenant que le site est ouvert au tourisme. L’histoire de Gunkanjima reste peu connue, y compris dans son propre pays, et beaucoup de spectateurs japonais l’on d\u00e9couverte en voyant le film.<\/p>\n\n\n\n

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Comment s\u2019est d\u00e9roul\u00e9 le tournage ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Le tournage s’est d\u00e9roul\u00e9 sur trois courtes p\u00e9riodes entre 2005 et 2007. Nous avons collect\u00e9 soixante heures de rush. A travers cette succession d’autoportraits et de paysages, j’ai aussi cherch\u00e9 mon propre autoportrait et mon propre paysage int\u00e9rieur. Au montage, j’ai veill\u00e9 \u00e0 ne pas coudre de fil narratif d\u00e9finitif dans le tissu des images, afin que le spectateur soit invit\u00e9 \u00e0 recomposer une identit\u00e9 sans cesse interrog\u00e9e, que le futur film s\u2019offre \u00e0 la fois comme un miroir et une fen\u00eatre sur l\u2019autre. <\/p>\n\n\n\n

Comment voyez vous\u00a0D\u00e9pli<\/em>\u00a0de Thierry par rapport \u00e0\u00a0Last Room\u00a0<\/em>?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

D\u00e9pli<\/em> a \u00e9t\u00e9 con\u00e7u par Thierry parall\u00e8lement et simultan\u00e9ment au montage de Last Room <\/em>avec la m\u00eame matrice d’images, mais l’\u0153uvre interactive ne prolonge ni ne compl\u00e8te le film. La nature de la relation entre les deux \u0153uvres est celle du dialogue. Mon questionnement sur l’identit\u00e9 et la r\u00e9alit\u00e9 a trouv\u00e9 un \u00e9cho imm\u00e9diat dans le travail de Thierry sur la relation aux spectateurs, la temporalit\u00e9 et les comportements collectifs. Au del\u00e0 des images de Last Room<\/em>, ce que D\u00e9pli<\/em> interroge ce sont les possibles du cin\u00e9ma.<\/p>\n\n\n\n

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En ce sens\u00a0D\u00e9pli<\/em>\u00a0a-t-il interf\u00e9r\u00e9 avec la production ou sur la conception du film\u00a0?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Tout le monde sait ou peut imaginer \u00e0 quel point il peut-\u00eatre d\u00e9licat d’arr\u00eater de peindre. J’ai le sentiment comme cin\u00e9aste d’avoir v\u00e9cu sur ce sujet une exp\u00e9rience singuli\u00e8re. Je savais que les images continueraient \u00e0 vivre dans un au-del\u00e0 de la forme lin\u00e9aire. Ainsi, lors du montage du film, envisager la parole, les mots, les images et les sons, \u00e0 travers le prisme de D\u00e9pli<\/em> m’a aid\u00e9 \u00e0 penser et \u00e0 lib\u00e9rer mon geste. Car D\u00e9pli <\/em>est comme le paradis de Last Room<\/em> dans lequel vivent encore tous les possibles de son devenir sous sa forme de long m\u00e9trage singulier.<\/p>\n\n\n\n

Last Room,\u00a0<\/em>que vous avez r\u00e9alis\u00e9 avec Matthieu Carniaux, votre fr\u00e8re, est votre premier long m\u00e9trage. Quels\u00a0sont vos projets \u00e0 venir\u00a0?<\/strong><\/p>\n\n\n\n

Nous travaillons actuellement \u00e0 l’\u00e9criture d’un long m\u00e9trage de science-fiction. Il sera question de se projeter dans l’avenir pour mieux questionner le pr\u00e9sent, \u00e9couter nos r\u00eaves pour mieux mettre en crise la notion de r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

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Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Situ\u00e9e \u00e0 20 km au large de Nagasaki, Gunkanjima abrita la plus intensive exploitation mini\u00e8re du Japon au XXe si\u00e8cle. Des milliers de prisonniers chinois et cor\u00e9ens y furent d\u00e9port\u00e9s pendant la seconde guerre mondiale. Une population enti\u00e8re y fut ensuite d\u00e9plac\u00e9e pour l\u2019exploitation de la mine. Construit comme une ville autonome avec ses \u00e9coles, temples, th\u00e9\u00e2tre, boutiques, le site \u00e9tait dans les ann\u00e9es 60 le plus dense du monde. La chute des exportations de charbon japonais eut raison de la mine qui ferma ses portes en 1974. Tous les habitants furent alors red\u00e9plac\u00e9s sur le continent. Depuis, Gunkanjima est une \u00eele d\u00e9serte en ruines, forteresse fant\u00f4me en mer. Trente ann\u00e9es de temp\u00eates ont eu raison des constructions humaines.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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