{"id":2216,"date":"2013-05-01T21:54:38","date_gmt":"2013-05-01T21:54:38","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=2216"},"modified":"2022-12-07T21:55:04","modified_gmt":"2022-12-07T21:55:04","slug":"mai-2013-fossilisation-du-futur-avec-gregory-chatonsky","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mai-2013-fossilisation-du-futur-avec-gregory-chatonsky\/","title":{"rendered":"Mai 2013 – Fossilisation du futur avec Gregory Chatonsky"},"content":{"rendered":"\n
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Dance with us<\/em>\u00a0(2008), Installation interactive \/ Interactive installation
Programmation \/ Software:Vadim Bernard<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Dans votre texte explicatif, vous d\u00eetes vouloir explorer une eschatologie contemporaine avec cette production. Pouvez-vous nous expliquer le concept de T\u00e9lofossiles<\/em> ?<\/p>\n\n\n\n

L’exposition, qui a eu lieu au mus\u00e9e d’art contemporain de Taipei entre f\u00e9vrier et avril 2013, rassemblait 15 installations qui portaient sur le th\u00e8me de la destruction. Elle se d\u00e9composait en deux parties : la premi\u00e8re reprenait une s\u00e9rie de travaux sur la dislocation, que celle-ci prenne des formes politiques, \u00e9conomiques, \u00e9cologiques ou organiques. La dislocation modifie radicalement la relation entre la forme et la mati\u00e8re, et interroge notre perception autant que le statut des objets techniques.<\/p>\n\n\n\n

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America & America<\/em>\u00a0(2012), Installation<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Il y a le spectre du 11 septembre 20011<\/sup>\u00a0et d\u2019un monde qui m\u00eale le conspirationnisme et la surveillance. Puis, la crise \u00e9conomique avec une s\u00e9quence de Fred Astaire qui danse contre une machine \u00e0 vapeur selon les variations des cours du NASDAQ2<\/sup>. Puis vient l\u2019amn\u00e9sie num\u00e9rique et cette exp\u00e9rience que nous avons tous faite : que ressentons-nous lorsque notre disque dur tombe en panne ?\u00a0Notre m\u00e9moire<\/em>3<\/sup>\u00a0est un disque dur en panne qui fait du bruit ce qui va permettre de chercher des images sur Flickr, cr\u00e9ant ainsi un \u00e9trange r\u00e9cit \u00e0 partir d\u2019un incident. Cette premi\u00e8re partie se cl\u00f4t par une nouvelle installation4<\/sup>\u00a0qui capte le battement de c\u0153ur de l\u2019utilisateur et qui \u00e0 chaque palpitation va lui montrer l\u2019image de l\u2019utilisateur qui pr\u00e9c\u00e8de. Ainsi ce c\u0153ur qui s\u2019arr\u00eate et qui repart, cette destruction en chacun de nous, va retracer l\u2019histoire du dispositif lui-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n

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Archives of disappearance<\/em>\u00a0(2013), Interactive installation,
Avec le soutien du \/ With the support of FQRSC\u00a0(\u00ab\u00a0Mapping fictions\u00a0\u00bb)<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

La seconde partie, qui a donn\u00e9 son nom \u00e0 l’exposition5<\/sup>, est une installation monumentale r\u00e9alis\u00e9e en collaboration avec Dominique Sirois et Christophe Charles. Elle propose un renversement radical de la destruction par le biais d’une sp\u00e9culation\u00a0: dans quelques milliers d’ann\u00e9es, l’esp\u00e8ce humaine aura, sans doute, disparu, ind\u00e9pendamment m\u00eame de notre action sur l’environnement, peut-\u00eatre m\u00eame ce que nous nommons la vie ne sera plus. La terre sera alors d\u00e9sertique et grise, elle reviendra \u00e0 sa min\u00e9ralit\u00e9 silencieuse originaire. Si une conscience organique ou machinique extra-terrestre d\u00e9couvre cette plan\u00e8te et creuse sa surface, elle d\u00e9couvrira des milliards et des milliards d’objets fossilis\u00e9s. Que pensera-t-elle de cette vertigineuse densit\u00e9\u00a0? Que pourra-t-elle d\u00e9duire de ce que nous avons \u00e9t\u00e9\u00a0? Et comment verra-t-elle ces objets qui ne seront plus fonctionnels\u00a0? Il s’agit d’une fiction\u00a0 anticipant notre disparition et nous pla\u00e7ant devant un paradoxe esth\u00e9tique\u00a0: si nous ne sommes plus, fut-ce imaginairement, \u00e0 quelle place sommes-nous? Mon hypoth\u00e8se est que cette absence \u00e0 soi-m\u00eame est la condition de la perception. Il s’agit de se placer dans l’hypoth\u00e8se post-apocalyptique.<\/p>\n\n\n\n

Si la surproduction d\u2019objets et leur surconsommation dans une ali\u00e9nante spirale \u00e9conomique conduisent l\u2019humanit\u00e9 \u00e0 sa perte cela veut-il dire que la destruction fait partie inconsciemment du vaste projet de mondialisation, car, pendant que l\u2019on est occup\u00e9 \u00e0 produire et \u00e0 consommer, on ne se pr\u00e9occupe pas ou peu des changements climatiques, des menaces nucl\u00e9aires, des actions terroristes qui nous conduiront s\u00fbrement \u00e0 notre disparition ?<\/p>\n\n\n\n

On peut concevoir la destruction comme le r\u00e9sultat de l’activit\u00e9 humaine : c’est le sens de la formule \u00ab conduire l’humanit\u00e9 \u00e0 SA perte \u00bb. Il suffirait alors de prendre conscience des probl\u00e8mes et d’adopter les bonnes d\u00e9cisions pour \u00e9chapper \u00e0 ce destin funeste. On peut aussi penser que cette mani\u00e8re de concevoir les choses reste anthropocentrique et nous place encore au centre de toute causalit\u00e9 et de toutes choses. Nous serions responsable de la terre en tant que terre. N’est-ce pas justement ce privil\u00e8ge de l’esp\u00e8ce humaine qui fait probl\u00e8me ? Il ne s’agit aucunement de nier notre responsabilit\u00e9, mais seulement de prendre en compte que tout ne d\u00e9pend pas de nous et que nous pouvons fort bien dispara\u00eetre du fait d’un ph\u00e9nom\u00e8ne cosmologique d’une grande ampleur. Le paradoxe c’est que nous savons que l’esp\u00e8ce humaine dispara\u00eetra, mais nous ne savons ni quand, ni comment il y a une certitude de la contingence.<\/p>\n\n\n\n

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Archives of disappearance<\/em>\u00a0(2013), Interactive installation,
Avec le soutien du \/ With the support of FQRSC\u00a0(\u00ab\u00a0Mapping fictions\u00a0\u00bb)<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n
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Telofossiles I<\/em>\u00a0(2013)
Environnement en collaboration avec Dominique Sirois
Solo Show at MOCA, Taipei (TW)
Avec le soutien du \/ With the support of CALQ & CAC<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Cette pr\u00e9carit\u00e9 absolue de notre esp\u00e8ce avait \u00e9t\u00e9 mise en sc\u00e8ne dans\u00a0Melancholia<\/em>\u00a0(2011)\u00a0: que reste-t-il quand nous ne pouvons plus rien faire\u00a0? Quelle est cette contingence absolue de la vie\u00a0? Cette fin, dont Jean-Fran\u00e7ois Lyotard avait fait le point de d\u00e9part de sa r\u00e9flexion dans\u00a0L’Inhumain<\/em>\u00a0(1986), en anticipant la fin du soleil et donc la destruction des conditions factuelles de la pens\u00e9e (et en particulier de cette pens\u00e9e qui pense la fin), est un horizon que les sciences d\u00e9veloppent en nous confrontant \u00e0 des dimensions qui nous surpassent radicalement. Lorsqu’on pense l’univers en milliards d’ann\u00e9es lumi\u00e8res, notre solitude et notre disparition deviennent sensibles. La solitude et la disparition, la conjonction de ces deux concepts orientent l’exposition de part en part.<\/p>\n\n\n\n

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Archives of disappearance<\/em>\u00a0(2013), Interactive installation,
Avec le soutien du \/ With the support of FQRSC\u00a0 (\u00ab\u00a0Mapping fictions\u00a0\u00bb)<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

En adoptant ce point de vue ahumain, et m\u00eame si cela va \u00e0 contrario du sens commun, on peut estimer que le discours \u00e9cologique est structurellement complice de la mondialisation \u00e9conomique, financi\u00e8re et industrielle. Dans les deux cas, l’\u00e9cologie, c’est-\u00e0-dire l’\u03bf\u03b9\u03ba\u03bf\u03c2, le milieu en tant que demeure, est envisag\u00e9e comme une egologie. Cette relation entre le sujet et l’objet, entre l’esth\u00e9tique et l’ontologie, que Quentin Meillassoux a nomm\u00e9 le corr\u00e9lationisme dans son livre Apr\u00e8s la finitude<\/em> (2006) est extr\u00eamement probl\u00e9matique.<\/p>\n\n\n\n

\u00c0 propos de votre esth\u00e9tique, contrairement \u00e0 d\u2019autres dont la vision laisse entrevoir un monde futur dans une esth\u00e9tique mis\u00e9rabiliste et chaotique o\u00f9 pullulent des d\u00e9tritus, je pense \u00e0 Thomas Hischhorn, par exemple, vous semblez vouloir magnifier les vestiges dans une esth\u00e9tique ou ordre et beaut\u00e9 sont de mise, comme si la terre par son travail de fossilisation se chargeait de chasser la laideur de nos productions industrielles. Pouvez-vous nous en parler ?<\/p>\n\n\n\n

Les objets techniques proviennent de la terre et y reviennent. Nous extrayons des \u00e9nergies fossiles et des m\u00e9taux qui ont \u00e9t\u00e9 transform\u00e9s pendant des millions d’ann\u00e9es. Cette excavation est une \u00e9l\u00e9vation. Nous les transformons pour les utiliser. Cette instrumentalisation anthropologique dure quelques d\u00e9cennies \u00e0 peine, puis les objets tombent en panne ou deviennent obsol\u00e8tes du fait de l’organisation du d\u00e9sir par l’industrie.<\/p>\n\n\n\n

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Laocoon<\/em>\u00a0(2011), Sculptures<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Nous les jetons, mais une fois \u00ab\u00a0hors service\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0out of order\u00a0\u00bb, une fois jet\u00e9s \u00e0 la poubelle, ils ne disparaissent pas pour autant, ils reviennent \u00e0 la terre, c’est un enfouissement. Les objets techniques restent mat\u00e9riels, ils sont seulement devenus inutilisables et ils retournent d\u00e8s lors \u00e0 un processus lent, que je nomme un flux \u00e0 basse fr\u00e9quence\u00a0: sous terre, ils se durcissent, se m\u00ealent \u00e0 d’autres mati\u00e8res, se fossilisent, se min\u00e9ralisent, r\u00e9int\u00e8grent la plan\u00e8te. La pierre semble immobile, mais elle ne l’est que pour nos syst\u00e8mes nerveux et perceptif.<\/p>\n\n\n\n

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Laocoon<\/em>\u00a0(2011), Sculptures<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Imaginons maintenant les milliards d’objets produits. R\u00eavons cette terre avec tous ces objets, certains identiques, certains diff\u00e9rents, qui auront \u00e9t\u00e9 des projections de nos d\u00e9sirs, c’est-\u00e0-dire de ce qui lie notre chair et notre psych\u00e9, pendant quelques infimes fractions de temps. Il y a une beaut\u00e9 silencieuse, autonome, sans nous.<\/p>\n\n\n\n

Chez Hischhorn ou Kiefer, il y a une esth\u00e9tique qui reste humaniste : les objets deviennent des d\u00e9tritus parce que ces artistes restent attach\u00e9s \u00e0 une conception anthropocentrique. Leurs d\u00e9chets sont nostalgiques, les choses ne sont consid\u00e9r\u00e9es qu’en relation avec nous, et quand elles perdent ce contact, elles sont alors d\u00e9figur\u00e9es. Quelque chose du drame s’y d\u00e9roule : c’est le r\u00e9cit classique de la d\u00e9cadence et du cr\u00e9puscule.<\/p>\n\n\n\n

Je me place sur une \u00e9chelle de temps diff\u00e9rente qui signe l’impossibilit\u00e9 de tout regret.<\/p>\n\n\n\n

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Dislocation VII\u00a0: Suspension of Attention<\/em>\u00a0(2013)
Interactive robotic installation with headset and moving door
Avec le soutien du \/ With the support of CRSH
Programmation : David St-Onge & Jason Lee
Robotique : David St-Onge<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Il ne s’agit pas de magnifier les objets abandonn\u00e9s, mais de laisser les objets comme objets, le silence comme silence. N’y aura-t-il pas une certaine beaut\u00e9, pour une conscience extra-terrestre, dans ces objets fossilis\u00e9s6<\/sup>\u00a0? N’y aura-t-il pas une certaine pens\u00e9e \u00e0 sp\u00e9culer sur les causes de ces traces mat\u00e9rielles\u00a0?\u00a0 Peut-\u00eatre pouvons-nous imaginairement regarder tout ce qui nous entoure, jusqu’\u00e0 la banalit\u00e9 des objets industriels, comme des \u00e9ternit\u00e9s\u00a0et \u00eatre touch\u00e9s par cette puissance infime ? Qu’est-ce que la beaut\u00e9\u00a0? Qu’est-ce que la pens\u00e9e\u00a0?<\/p>\n\n\n\n

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Telofossiles I<\/em>\u00a0(2013)
Environnement en collaboration avec Dominique Sirois
Solo Show at MOCA, Taipei (TW)
Avec le soutien du \/ With the support of CALQ & CAC<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Les ruines ne sont pas une question r\u00e9gionale dans le champ artistique puisque, comme le rappelle Georges Didi-Huberman dans\u00a0l’Image survivante<\/em>\u00a0(2003), l’un des premiers historiens de l’art, Vasari, estimait qu’\u00e0 sa propre \u00e9poque l’art v\u00e9ritable avait disparu dans l’antiquit\u00e9. Le sentiment esth\u00e9tique que nous ressentons face \u00e0 certaines \u0153uvres n’est-il pas li\u00e9 \u00e0 cette id\u00e9e que, puisque des civilisations pass\u00e9es ont disparu, nous dispara\u00eetrons \u00e0 notre tour\u00a0? Cette pr\u00e9carit\u00e9, c’est-\u00e0-dire la possibilit\u00e9 absolue de la contingence, n’est-elle pas ce qui nous \u00e9meut\u00a0?<\/p>\n\n\n\n

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Telofossiles I<\/em>\u00a0(2013)
Environnement en collaboration avec Dominique Sirois
Solo Show at MOCA, Taipei (TW)
Avec le soutien du \/ With the support of CALQ & CAC<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Ce projet a n\u00e9cessit\u00e9 l\u2019imbrication de technologies de pointe avec des technologies plus traditionnelles comme le travail de sculpture de Dominique Sirois. Comment se sont impos\u00e9s ces choix, et comment avez-vous g\u00e9r\u00e9 ces diff\u00e9rentes composantes ? Il semble que processus et dispositifs technologiques font partie int\u00e9grante des \u0153uvres ? Ils ne sont pas dissimul\u00e9s mais mis en sc\u00e8ne.<\/p>\n\n\n\n

La division moderniste par type de m\u00e9diums, et principalement la faille qui s\u00e9pare encore pour certains le num\u00e9rique et l’analogique, ne correspond pas \u00e0 mon travail, qui a toujours m\u00eal\u00e9 diff\u00e9rents supports. Je n’ai jamais cess\u00e9 de faire de la photographie, du dessin, de la gravure et de la peinture, tout en exp\u00e9rimentant avec l’ordinateur.<\/p>\n\n\n\n

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Intrus \/ Intruders<\/em>\u00a0(2012)
Installation interactive \/ Interactive installation
Avec le soutien du \/ With the support of FQRSC
Programmation : Jason Lee et St\u00e9phane Sikora<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Avec\u00a0T\u00e9lofossiles<\/em>, il s’agit de rendre inop\u00e9rantes ces divisions en montrant que l’analogique et le num\u00e9rique sont hant\u00e9s l’un par l’autre et qu’aujourd’hui il est probl\u00e9matique de les tenir s\u00e9par\u00e9s. L’exposition se pr\u00e9sente comme une fiction sp\u00e9culative sur un champ de fouille arch\u00e9ologique\u00a0: la question de savoir comment une conscience extra-terrestre va archiver nos traces a \u00e9t\u00e9 un des moteurs du projet. Ceci nous a amen\u00e9s \u00e0 travailler la relation entre les images num\u00e9riques et la sculpture analogique. Celle-ci a \u00e9t\u00e9 photographi\u00e9e pour int\u00e9grer ces images comme des textures dans le vid\u00e9o panoramique de 25 m\u00e8tres de long qui repr\u00e9sente un voyage au-dessus de la cro\u00fbte terrestre7<\/sup>. Elle a \u00e9t\u00e9 \u00e9galement num\u00e9ris\u00e9e en 3D et le r\u00e9sultat est diffus\u00e9 dans un dispositif,\u00a0Archives of a\u00a0 disappearance<\/em>8<\/sup>, qui permet de naviguer dans ces fragments sculpturaux comme dans des univers. Ces deux strat\u00e9gies sont une mani\u00e8re de rendre inextricables les m\u00e9diums, de montrer que la mat\u00e9rialit\u00e9 est multiple et feuillet\u00e9e, hant\u00e9e par un contexte.<\/p>\n\n\n\n

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Paume II<\/em>\u00a0(2012)
Sculpture<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

La plupart des artistes, quelque soient \u00ab leur \u00bb m\u00e9dium et leur posture par rapport \u00e0 cette question, travaillent avec un ordinateur, m\u00eame s’ils ne questionnent pas ce monde. Pourquoi l’informatique s’est-elle g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e \u00e0 une telle vitesse ? Avons-nous d\u00e9j\u00e0 vu une technique s’immiscer dans toutes nos sph\u00e8res existentielles et mat\u00e9rielles ? Sans doute le num\u00e9rique n’est-il pas un support comme un autre parce qu’il se comporte comme un m\u00e9ta-outil qui organise une grande part de la production contemporaine. Le num\u00e9rique n’est-il pas l’impens\u00e9 de l’art contemporain ?<\/p>\n\n\n\n

La bande sonore est particuli\u00e8rement expressive et recr\u00e9e bien l\u2019atmosph\u00e8re d\u2019un temps futur inqui\u00e9tant. Comment a-t-elle \u00e9t\u00e9 \u00e9labor\u00e9e ? Comment s\u2019est fait votre collaboration avec Christophe Charles ?<\/p>\n\n\n\n

J’avais travaill\u00e9 une premi\u00e8re fois avec Christophe Charles pour Sur Terre<\/em> (2006), une fiction variable sur Internet et \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision, qui avait \u00e9t\u00e9 produite par Arte, et pour laquelle je lui avais command\u00e9 une composition sonore. En imaginant T\u00e9lofossiles<\/em>, son travail s’est impos\u00e9  parce qu’il est compos\u00e9 de sons concrets, comme des strates de souvenirs, et qu’il est narratif sans que l’objet du r\u00e9cit soit d\u00e9termin\u00e9. Nous partageons sans doute avec Christophe une certaine conception du fragment intotalisable.<\/p>\n\n\n\n

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Telofossiles<\/em>\u00a0(2013)
Environnement en collaboration avec Dominique Sirois
Solo Show at MOCA, Taipei (TW)
Avec le soutien du \/ With the support of CALQ & CAC<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Christophe Charles est venu du Japon, o\u00f9 il enseigne, pendant une petite semaine. L’environnement \u00e9tait enti\u00e8rement install\u00e9, ce qui lui a permis de travailler dans l’espace m\u00eame. Il a pu composer en s’inspirant de l’atmosph\u00e8re du lieu et en prenant en compte la physicalit\u00e9 de l’installation. Il a dispos\u00e9 tr\u00e8s pr\u00e9cis\u00e9ment des enceintes et a cr\u00e9\u00e9 une bande son g\u00e9n\u00e9rative sur 6 canaux diff\u00e9rents, de sorte que quand on se d\u00e9place on passe d’un univers \u00e0 un autre.<\/p>\n\n\n\n

Je crois que notre collaboration s’est apparent\u00e9e \u00e0 celle d’un r\u00e9alisateur de cin\u00e9ma et d’un compositeur de musique : j’avais cr\u00e9\u00e9 le d\u00e9cor du film, les personnages et les dialogues, et en regardant l’ensemble il y a investi son propre imaginaire : l’environnement sonore est comme un souvenir lointain d’une vie terrestre, elle exprime la densit\u00e9 grise de toutes ces existences disparues, tandis que des vents glacials balayent la surface min\u00e9rale de la plan\u00e8te.<\/p>\n\n\n\n

Le travail de Christophe Charles a \u00e9t\u00e9 subtil, le son n’est pas tr\u00e8s fort, parfois il est ponctu\u00e9 de silence et de suspend. Il ne s’agissait pas de surjouer l’univers de T\u00e9lofossiles<\/em>.<\/p>\n\n\n\n

Comment fonctionne l\u2019installation robotique Dislocation VII <\/em>? C\u2019est celle qui appara\u00eet comme \u00e9tant la plus agressive par rapport \u00e0 la destruction de la m\u00e9moire, est-ce que je me trompe ?<\/p>\n\n\n\n

Cette installation cl\u00f4t l’exposition et r\u00e9alise un ultime renversement\u00a0: le visiteur dispose sur sa t\u00eate un capteur neurologique (EEG)9<\/sup>. Il a face \u00e0 lui une lourde porte en m\u00e9tal typique de Taipei. S’il se concentre, la porte commence \u00e0 bouger puis progressivement se d\u00e9place de plus en plus vite et percute dans un grand fracas le mur blanc. Pour que la porte frappe \u00e0 nouveau la surface du lieu d’exposition, le spectateur doit se d\u00e9tendre\u00a0; cette relaxation fait reculer la porte, et ainsi de suite. \u00c0 mesure que l’exposition se d\u00e9roule, le mur est de plus en plus marqu\u00e9 par l’impact de la porte.<\/p>\n\n\n\n

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Notre memoire \/ Our Memory<\/em>\u00a0(2011)
Installation en r\u00e9seau \/ network installation<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n
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Dislocation II<\/em>\u00a0(2006)
Video tryptic<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n
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Dislocation IV<\/em>\u00a0(2010)
Dessins au feutre \/ Drawings
Logiciel de destruction urbaine et dessins \/ Destructive urbanism software and drawings
Avec le soutien \/ With the support of FQRSC (\u00ab\u00a0Mapping fictions\u00a0\u00bb)<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n
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Dislocation IV<\/em>\u00a0(2010)
Dessins au feutre \/ Drawings
Logiciel de destruction urbaine et dessins \/ Destructive urbanism software and drawings
Avec le soutien \/ With the support of FQRSC (\u00ab\u00a0Mapping fictions\u00a0\u00bb)<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Dislocation VII<\/em>\u00a0est ambigu\u00eb parce que si, au d\u00e9part, on a le sentiment de contr\u00f4ler par notre intensit\u00e9 mentale un objet mat\u00e9riel, rejouant par l\u00e0 le fantasme de la t\u00e9l\u00e9kin\u00e9sie, on se rend rapidement compte que c’est aussi la machine qui induit en nous certains \u00e9tats mentaux en nous obligeant \u00e0 alterner deux \u00e9tats contradictoires. Cassou-Nogu\u00e8s dans\u00a0Lire le cerveau<\/em>\u00a0(2012) \u00e9crit\u00a0:<\/p>\n\n\n\n

Pour rendre possible un lecteur c\u00e9r\u00e9bral qui lise la pens\u00e9e dans le cerveau, il suffit que, collectivement, nous nous convainquions de sa possibilit\u00e9, cela dans la mesure ou l\u2019appareil nous offre une forme de vie sans incoh\u00e9rences manifestes. (…) La pens\u00e9e c\u2019est ce qui lit la machine…<\/p>\n\n\n\n

Dans le contexte de l’exposition, ceci signifie que l’esth\u00e9tique ahumaine, la dislocation de toutes choses, rel\u00e8ve non seulement de ph\u00e9nom\u00e8nes lointains de type cosmologique, mais aussi de ph\u00e9nom\u00e8nes proches, qu’ils soient organiques, mentaux et\/ou technologiques\u00a0: le cerveau du dehors.<\/p>\n\n\n\n

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Transcription<\/em>\u00a0(2013)
Network installation
Avec le soutien du \/ With the support of CRSH<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Pouvez-vous expliquer cette phrase en fin de parcours : \u00ab You miss me \u00bb, qui peut \u00eatre interpr\u00e9t\u00e9e de fa\u00e7on nostalgique ou ludique, c\u2019est selon ?<\/p>\n\n\n\n

L’espace de l’exposition est s\u00e9par\u00e9 par trois escaliers dans lesquels j’ai plac\u00e9 des n\u00e9ons qui racontent une histoire parall\u00e8le \u00e0 toutes les autres histoires racont\u00e9es :<\/p>\n\n\n\n

\u00ab\u00a0I miss you\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0Missing\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0You miss me\u00a0\u00bb10<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

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I miss you\u00a0<\/em>\u00a0(2012)
N\u00e9ons<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n


On ne sait pas qui est \u00ab\u00a0I\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0You\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0Me\u00a0\u00bb. On suppose qu’il s’agit de l’artiste et du public, une exposition \u00e9tant alors consid\u00e9r\u00e9e comme une rencontre qui n’aura pas lieu, ou alors d’un homme et d’une femme, ou de deux hommes, ou de deux femmes qui s’aiment, qui se sont rencontr\u00e9s et qui se sont perdus. On sp\u00e9cule sur l’identit\u00e9 de ces trois sentences.<\/p>\n\n\n\n

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I miss you\u00a0<\/em>\u00a0(2012)
N\u00e9ons<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Or, quand on dit \u00ab\u00a0Tu me manques\u00a0\u00bb, on signifie deux sens diff\u00e9rents du fait de la polys\u00e9mie du verbe. Tu me manques au sens ou tu n’es pas l\u00e0 et je ressens un manque de cette absence. Mais ceci peut aussi vouloir dire, tu m’as manqu\u00e9, tu es pass\u00e9 \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de moi sans me voir, sans savoir qui j’\u00e9tais. J’aime \u00e0 penser qu’il y a une solidarit\u00e9 profonde entre ces deux significations dans la relation amoureuse, dans ce qui lie et d\u00e9lie le moment de la rencontre et celui de la s\u00e9paration, le moment o\u00f9 on ne conna\u00eet pas encore l’autre mais o\u00f9 on sait sp\u00e9culativement qu’il existe quelque part sur terre, qu’il respire et expire, qu’il dort et marche, ouvre et ferme les yeux. Ce possible de l’amour est sans temps, et il entretient une affinit\u00e9 secr\u00e8te avec le silence de la terre.<\/p>\n\n\n\n

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I miss you\u00a0<\/em>\u00a0(2012)
N\u00e9ons<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] http:\/\/chatonsky.net\/projects\/911\/<\/p>\n\n\n\n

[2]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/project\/dance-with-us-\/<\/p>\n\n\n\n

[3]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/projects\/notre-memoire\/<\/p>\n\n\n\n

[4]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/projects\/intrus–intruders\/<\/p>\n\n\n\n

[5]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/projects\/telofossiles\/<\/p>\n\n\n\n

[6]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/projects\/laocoon\/<\/p>\n\n\n\n

[7]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/projects\/landfill\/<\/p>\n\n\n\n

[8]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/projects\/archives-of-a-disappearence\/<\/p>\n\n\n\n

[9]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/projects\/suspension-of-attention\/<\/p>\n\n\n\n

[10]\u00a0http:\/\/chatonsky.net\/projects\/tu-me-manques\/<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Dans votre texte explicatif, vous d\u00eetes vouloir explorer une eschatologie contemporaine avec cette production. Pouvez-vous nous expliquer le concept de T\u00e9lofossiles ? L’exposition, qui a eu lieu au mus\u00e9e d’art contemporain de Taipei entre f\u00e9vrier et avril 2013, rassemblait 15 installations qui portaient sur le th\u00e8me de la destruction. Elle se d\u00e9composait en deux parties : la premi\u00e8re … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[8],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2216"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=2216"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2216\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":2240,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2216\/revisions\/2240"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=2216"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=2216"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=2216"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}