{"id":2256,"date":"2013-05-01T22:15:58","date_gmt":"2013-05-01T22:15:58","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=2256"},"modified":"2022-12-08T22:16:15","modified_gmt":"2022-12-08T22:16:15","slug":"mai-2013-loeuvre-dart-a-lepoque-de-la-reproduction-informatique-de-la-receptivite","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mai-2013-loeuvre-dart-a-lepoque-de-la-reproduction-informatique-de-la-receptivite\/","title":{"rendered":"Mai 2013 – L’\u0153uvre d\u2019art \u00e0 l\u2019\u00e9poque de la reproduction informatique de la r\u00e9ceptivit\u00e9"},"content":{"rendered":"\n

La litt\u00e9rature en sociologie et psychanalyse, autour du c\u00e9l\u00e8bre essai de Walter Benjamin \u00ab L’oeuvre d’art \u00e0 l’\u00e9poque de sa reproduction m\u00e9canis\u00e9e \u00bb est immense. Pour notre part, en y constatant un certain d\u00e9faut d’approches objectivantes, nous avons essay\u00e9 de nous concentrer sur les bases \u00e9pist\u00e9mologiques des affirmations de Benjamin et de relever le d\u00e9fi des concepts servant de fond \u00e0 ses spectaculaires figures de pens\u00e9e en art et en communication. C’est par cette d\u00e9marche, et dans le cadre d’un vaste projet d’esth\u00e9tique\u00a0cognitiviste,\u00a0<\/em>au-del\u00e0 des seules extrapolations socio-politiques et communicationnelles, que nous esp\u00e9rons proc\u00e9der \u00e0 l’actualisation de la pens\u00e9e benjaminienne et par l\u00e0 \u00e0 la reformulation des crit\u00e8res esth\u00e9tiques applicables \u00e0 la situation de l’art et de la pens\u00e9e actuelles.<\/p>\n\n\n\n

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Figure 1, photo Marcin Sobieszczanski<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Sur le mod\u00e8le des diff\u00e9rentes \u00e9tapes historiques des techniques de production, la donn\u00e9e sociologique pertinente est devenue celle qui param\u00e8tre \u00ab les masses \u00bb. Habituellement, la m\u00e9thode de Benjamin consiste \u00e0 cheminer depuis les proc\u00e9d\u00e9s artistiques vers les techniques de diffusion, tout en d\u00e9finissant, \u00e0 l’endroit de ce passage, les processus sociaux dont les masses sont \u00e0 la fois acteurs, instruments et patients. Un sous-entendu marxiste pr\u00e9side \u00e0 l’observation de ces parall\u00e9lismes, le constat d’une sorte de solidarit\u00e9 entre diff\u00e9rents processus socialement imp\u00e9ratifs et inconscients, hors des volont\u00e9s particuli\u00e8res, incarnant une intelligence du collectif. Mais \u00ab marxiste \u00bb ne veut pas dire plus que \u00ab scientiste \u00bb car un autre sous-entendu, socio-cognitif, forg\u00e9 sur la base de la biologie comportementale des \u00ab populations \u00bb, r\u00e8gle les rapports des masses \u00e0 l’objet. L’usage, c’est-\u00e0-dire l’action au moyen de l’objet, fa\u00e7onne les masses, tout autant que les masses fa\u00e7onnent l’usage, c’est-\u00e0-dire agissent sur le monde au moyen des outils recelant diverses strat\u00e9gies d’action.<\/p>\n\n\n\n

\u00ab L’action des masses sur la r\u00e9alit\u00e9 et de la r\u00e9alit\u00e9 sur les masses repr\u00e9sente un processus d’une port\u00e9e illimit\u00e9e, tant pour la pens\u00e9e que pour la r\u00e9ceptivit\u00e9 \u00bb. Pens\u00e9e et r\u00e9ceptivit\u00e9 vont de pair. La r\u00e9ceptivit\u00e9 c’est l’art. L’art est affaire de perception et non de symbolisme ou de signification des formes.<\/p>\n\n\n\n

Dans sa circulation sociale, l’art est communication, et la communication est, encore une fois, non affaire de grammaire des formes, mais l’inter-perception, c’est\u00ad-\u00e0-dire le processus de monstrations et de r\u00e9ceptions, d’exhibition de la vue et du regard. On d\u00e9chiffre assez facilement l’encha\u00eenement intellectuel figurant sous l’enseigne de la r\u00e9ceptivit\u00e9, ainsi que son fondement, le r\u00e9ductionnisme biologico\u00adsociologique. Benjamin, dans son esth\u00e9tique, suit la lign\u00e9e de Riegl et W&Ifflin, et outrepassant son ami Adorno, se projette, par la pens\u00e9e de Scholem et d’Arnheim, vers les balbutiements des sciences cognitives des ann\u00e9es 50. Mais le domaine de la pens\u00e9e pr\u00e9cise, c’est-\u00e0-dire la th\u00e9orie de la science, ne se clarifie pas, chez Benjamin, avec la m\u00eame \u00e9vidence. Nous sommes particuli\u00e8rement marqu\u00e9s quand Benjamin, presque sans n\u00e9cessit\u00e9, apporte \u00e0 sa th\u00e9orie de diffusion d’images, un compl\u00e9ment d’argumentation \u00e9pist\u00e9mologique.<\/p>\n\n\n\n

La nature du lien entre, d’un c\u00f4t\u00e9, l’exercice social de la souverainet\u00e9 auto\u00adcoercitive des masses et, de l’autre, l’\u00e9pist\u00e9mologie des sciences, rel\u00e8ve de la \u00ab juridiction \u00bb d’une \u00e9pist\u00e9m\u00e8 institutionnalis\u00e9e, ou en phase de l’\u00eatre. Ce serait alors, de nouveau, affaire de communication, de diffusion et de r\u00e9ception des id\u00e9es scientifiques. Mais cette communication peut \u00eatre pens\u00e9e de deux mani\u00e8res diff\u00e9rentes.<\/p>\n\n\n\n

Au premier abord, on peut dire que la diffusion serait le facteur de l’affaiblissement \u00e9pist\u00e9mologique du contenu de la science. On observera qu’\u00e0 l’issue du processus de socialisation, le r\u00e9sultat, au niveau du \u00ab produit \u00bb scientifique, s’impr\u00e8gne du principe qui anime le milieu social qui en est le r\u00e9ceptacle. Les masses sont de nature <\/em>statistique et la science, en se divulguant, change sa position \u00e9pist\u00e9mologique absolue et devient un jeu d’\u00e9chantillonnage. Serait-ce l\u00e0 l’explication de la relativisation sociale de l’objectivit\u00e9 scientifique ?<\/p>\n\n\n\n

L’analyse plus \u00ab objectiviste \u00bb r\u00e9v\u00e8le n\u00e9anmoins, que les r\u00e9gimes respectifs des relations sociales et des contenus scientifiques seraient disjoints. La science se diffuse-t-elle en gardant son noyau \u00e9pist\u00e9mologique intact, au risque de ne pas pouvoir se diffuser au-del\u00e0 d’un certain seuil d’intelligibilit\u00e9 sociale ? L’affaiblissement \u00e9pist\u00e9mologique est affaire de limites subjectives, \u00e9ventuellement socialement motiv\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

La conciliation de ces deux conceptions vient des intelligences que la science de la nature pourrait entretenir avec la science sociale. II y va du partage de la force \u00e9pist\u00e9mique entre les concepts sociaux et les concepts naturels. II y va donc de l’\u00e9lucidation r\u00e9elle des raccourcies scientistes imputables \u00e0 la pens\u00e9e philosophique de Benjamin.<\/p>\n\n\n\n

Examinons la teneur \u00e9pist\u00e9mologique de la formulation \u00ab Ainsi se manifeste dans le domaine de la r\u00e9ceptivit\u00e9 ce qui d\u00e9j\u00e0, dans le domaine de la th\u00e9orie, fait l’importance toujours croissante de la statistique. \u00bb (Benjamin, 1991). D’abord, le \u00ab ce \u00bb de Benjamin est amodal et commun \u00e0 tous les \u00e9lans de l’esprit humain. C’est le \u00ab ce \u00bb de l’h\u00e9ritage mutualis\u00e9 des poste-h\u00e9g\u00e9liens, une sorte de supra-instance, une inclination du sens, en dehors des sp\u00e9cificit\u00e9s domaniales. Ce supra-domaine est le rapport du sujet \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9, l’affectation la plus primitive d’un \u00eatre par ce qui n’est pas lui. Cette disposition g\u00e9n\u00e9rale que l’homme \u00e9prouve dans son rapport au monde, se traduit simultan\u00e9ment, selon Benjamin, sur l’ensemble des plans de l’implication pr\u00e9sentielle et consciente de l’homme dans le monde. C’est pour nous faire sortir des consid\u00e9rations vagues, bien que pertinentes, que Benjamin introduit le terme concret de statistique. Mais qu’est alors la statistique dans notre rapport au monde, dans notre science, dans nos communications et nos manifestations artistiques ? Pour y r\u00e9pondre, nous avons besoin d’une doctrine de la contingence, c’est-\u00e0-dire d’une th\u00e9orie de l’advenu, de la rencontre, de l’unique et du momentan\u00e9, du particulier et du privatif. Remarquons, toutefois, que le fond oppos\u00e9 \u00e0\u00a0 toutes ces notions est le concept d’infini.<\/p>\n\n\n\n

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Figure 2, photo Marcin Sobieszczanski<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Le monde rendu infini, s’est d\u00e9tach\u00e9 d\u00e9finitivement des sujets qui le pensent. Le concept d’infini est faramineux, comme l’\u00e9tait, dans les fondements scolastiques des croyances jud\u00e9o-chr\u00e9tiennes, le concept de Dieu Tout-puissant. C’est un concept qui consacre la cession de l’objet, son abandon en tant que partie de notre monde, de notre environnement. La pens\u00e9e magique et cosmologique \u00e9tendait le monde de l’homme bien au-del\u00e0 de la\u00a0perception sensorielle\u00a0<\/em>et offrait au sujet une prise quasi\u00adinfinie sur le r\u00e9el, en participant au domaine couvert par ce que Benjamin appelle\u00a0l’inconscient optique.\u00a0<\/em>Le grand d\u00e9faut de cette prise a \u00e9t\u00e9 son manque de pr\u00e9cision et la pauvret\u00e9 des concepts sp\u00e9cifiques qui en d\u00e9coulait. La science objective, au sens kantien, manipule les concepts plus riches qui portent donc sur des domaines plus restreints et d\u00e9montent la na\u00efvet\u00e9 des termes infinis non pr\u00e9cis. Elle est plus proche de l’environnement humain et accuse m\u00eame une tendance \u00e0 se replier dans une nomenclature symbolique qui repr\u00e9sente sans reste cet environnement. Pourtant, misant sur le versant empirique de ses \u00e9pist\u00e9mologies historiques, la science contemporaine multiplie ses concessions \u00e0 l’objectivit\u00e9 et tend, \u00e0 partir de statistiques des cas constat\u00e9s, vers la probabilit\u00e9 th\u00e9orique globale. Le monde est connu \u00e0 travers l’environnement dont la pens\u00e9e circonscrit les limites. On parle alors de l’ouverture de la pens\u00e9e mais c’est, en r\u00e9alit\u00e9, du rafra\u00eechissement des circonf\u00e9rences des pensables, \u00e0 l’int\u00e9rieur du domaine environnemental, qu’il s’agit. Les pensables, une fois renouvel\u00e9s, restent d\u00e9lib\u00e9r\u00e9ment \u00e0 l’\u00e9chelle des capacit\u00e9s cognitives, perceptives, th\u00e9oriques et m\u00eame imaginatives, du sujet humain. Le r\u00e9sultat est alors toujours frapp\u00e9 d’un certain finitisme, tandis que le m\u00e9canisme de rafra\u00eechissement ne s’arr\u00eate pas. Le moteur de cette objectivation est le monde lui\u00ad-m\u00eame, \u00e0 travers l’id\u00e9e d’infinie. C’est donc \u00e0 travers le concept de probabilit\u00e9, dont les origines sont statistiques, que la science \u00ab\u00a0adoucit \u00bb son \u00e9pist\u00e9mologie. Elle r\u00e9adh\u00e8re, tel un n\u00e9o-mysticisme, \u00e0 l’id\u00e9e de totalit\u00e9 ouverte1<\/sup>\u00a0(Buci-Glucksmann, 2002), par la r\u00e9gulation de la pens\u00e9e environnementale sur l’infinit\u00e9 du monde. Mais, si la magie rejoint la totalit\u00e9 en se r\u00e9f\u00e9rant aux f\u00e9tiches pr\u00e9cis qui n’ont que de vagues r\u00e9f\u00e9rences au monde, la science proc\u00e8de avec ceux des repr\u00e9sentants du monde qui garantissent des r\u00e9f\u00e9rences pr\u00e9cises. En m\u00eame temps, pour ne pas se laisser scl\u00e9roser dans le cercle environnemental, la science exerce une sorte de \u00ab veille \u00e9pist\u00e9mologique \u00bb, \u00e0 travers diff\u00e9rents r\u00e9ductionnismes scientifiques. Son astuce consiste justement en ceci, que les objets sur lesquels elle a une prise par les op\u00e9rations d’observation, de mesure ou de reconnaissance causale, les objets de l’environnement humain, tout en offrant des r\u00e9f\u00e9rences pr\u00e9cises au monde en tant que totalit\u00e9, c\u00e8dent et abdiquent devant l’imp\u00e9rieuse force du monde en tant qu’Objet. De ce fait d\u00e9coule l’infinie interchangeabilit\u00e9 progressive, et pas forcement ascendante, des r\u00e9ductionnismes. La science place \u00e0 la limite de sa vis\u00e9e un\u00a0horizon,\u00a0<\/em>la fronti\u00e8re de notre environnement qui s’\u00e9loigne \u00e0 mesure de son rapprochement, jusqu’\u00e0 devenir le monde.<\/p>\n\n\n\n

Le r\u00e9el est infini non seulement par son \u00e9tendue spatiale, en tant qu’Univers physique, mais par l’infinitude de ses attributs et de leurs caract\u00e9ristiques. Nous parlons ainsi de l’in\u00e9puisable richesse du monde. L’infinit\u00e9 du monde r\u00e9el est aussi une infinit\u00e9 originelle, c’est sur elle que se r\u00e8glent les concepts math\u00e9matiques de l’infinit\u00e9 absolue. En revanche, ce que l’on appelle notre environnement, rel\u00e8ve d’un autre concept de l’infini. L’infini du monde r\u00e9el constitue le fond de l’infini de l’environnement. Dynamiquement, ce dernier est en posture de poursuite par rapport \u00e0 ce premier. Alors que les moments et les param\u00e8tres du monde n’ont pas de r\u00e9f\u00e9rents pr\u00e9cis, distinguables ou d\u00e9nombrables, ils sont absolus, au sens qu’au\u00ad-del\u00e0 d’eux il n’y a proprement rien \u00e0 rechercher, les unit\u00e9s de l’environnement adh\u00e8rent aux items du monde. L’environnement des \u00eatres (si on pr\u00eatait \u00e0 l’ensemble des choses la facult\u00e9 d’\u00eatre un soi par rapport \u00e0 un non-soi, <\/em>c’est-\u00e0-dire \u00e0 un contexte, soit-il externe ou interne) et en particulier des \u00eatres vivants, est indexable, d’une mani\u00e8re pr\u00e9cise, dans les \u00e9l\u00e9ments formant le corps ouvert du monde. C’est ainsi qu’il nous arrive de stabiliser ou de refermer momentan\u00e9ment notre monde puisque le lieu de notre demeure n’est pas \u00e0 proprement parler un monde mais un environnement. La notion de contingence exprime peut-\u00eatre le mieux le sens de l’infini propre \u00e0 l’environnement. Le contingent, li\u00e9 \u00e0 l’unicit\u00e9 momentan\u00e9e et spatialement circonscrite de l’\u00eatre (vivant), procure la r\u00e9f\u00e9rence pr\u00e9cise \u00e0 un ou des \u00e9l\u00e9ments du monde, \u2013 de cette relation d\u00e9coule le b\u00e9n\u00e9fice de l’ouverture vers l’infini absolu. Le contingent qui inscrit l’\u00eatre dans une situation donn\u00e9e, tronque les r\u00e9f\u00e9rents possibles de l’\u00eatre et l’enveloppe dans une s\u00e9quence limit\u00e9e de circonstances, \u2013 de cette relation d\u00e9coule le b\u00e9n\u00e9fice de la stabilisation du monde. L’infinit\u00e9 pr\u00e9cise et index\u00e9e est alors \u00e0 l’origine de l’unicit\u00e9. Est unique quelque chose qui, \u00e0 la fois, puise dans l’infinit\u00e9 absolue du monde et op\u00e8re dans cette infinit\u00e9 une identification, une s\u00e9lection, non par le choix mais par la force d’occuper une position dans le site o\u00f9 elle se trouve. Quelle soit s\u00e9dentaire et auto-concentrique ou qu’elle progresse sans rep\u00e8res fixes, dans une sorte de couloir \u00e0 travers l’\u00e9paisseur du monde, la situation produit une stabilisation de l’environnement par rapport au monde. Autrement dit, la situation, le fait de faire \u00e9tablir un soi dans l’exercice des fonctions d’un sujet, en stabilisant le monde, cr\u00e9e l’environnement \u2013 l’union du monde infini et de la station.<\/p>\n\n\n\n

L’infini de l’environnement est un infini de l’ouverture vers le monde, mais chaque ouverture advenue r\u00e9ellement conduit \u00e0 une immobilisation, \u00e0 une saisie, une demeure aupr\u00e8s des choses (cohaerere <\/em>latin).<\/p>\n\n\n\n

C’est ce dernier processus qui conduit \u00e0 la typicalisation des objets. Comme l’exprime Petitot (Petitot, 2000), sur le terrain des relations entre le jugement et la perception : \u00ab[…] la perception singularise et permet d\u2019individualiser alors que le jugement d\u00e9singularise et typifie. \u00bb. L’action m\u00e9morielle du sujet n’est pas la m\u00eame quand il s’agit du monde et quand il s’agit de l’environnement. Si c’est le monde qui est vis\u00e9, le sujet\u00a0enregistre\u00a0<\/em>son parcours perceptif \u00e0 travers les diff\u00e9rences distingu\u00e9es, si c’est l’environnement qui est l’objet de l’attention, le sujet reconna\u00eet ses objets, objets qui se r\u00e9p\u00e8tent ou se ressemblent \u00e0 travers des situations. La pluralit\u00e9 de situations d\u00e9bouche sur les types tandis que la vis\u00e9e du monde d\u00e9bouche sur la diff\u00e9rence ultime. La diff\u00e9rence est un concept mondain, le type est un concept environnemental. Les deux sont intimement consign\u00e9s dans le concept\u00a0d’item\u00a0<\/em>statistique.<\/p>\n\n\n\n

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Figure 3, photo Marcin Sobieszczanski<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

L’exp\u00e9rience perceptive, en tant que rafra\u00eechissement des donn\u00e9es du monde, glisse sur les diff\u00e9rences et s’attache aux types. Elle progresse autant qu’elle s’alourdit d’acquisitions. J.-F. Lyotard explicite, en 1971, dans\u00a0Discours, figure,\u00a0<\/em>les principes de la perception en tant que tension entre type et diff\u00e9rence : \u00ab Essayons de rep\u00e9rer la modalit\u00e9 de la diff\u00e9rence dans l’espace perceptif. Le champ visuel fait l’objet d’une \u00ab\u00a0correction\u00a0\u00bb, d’un aplatissement constant, qui visent \u00e0 \u00e9liminer la diff\u00e9rence et \u00e0 homog\u00e9n\u00e9iser l’espace en syst\u00e8me d’oppositions. Pour l’animal qui parle, le traitement le plus spontan\u00e9 de l’espace perceptif, c’est l’\u00e9criture, c’est-\u00e0-dire l’abstraction. La spontan\u00e9it\u00e9 conduit \u00e0 construire le champ comme un fragment de syst\u00e8me qui \u00ab\u00a0parle\u00a0\u00bb par couleurs, lignes, valeurs. L’attention a pour fin de reconna\u00eetre. Reconna\u00eetre ne va pas sans comparer. L’oeil court ici et l\u00e0, et compose sa toile famili\u00e8re. Par cette course qui consiste \u00e0 la fois dans le balayage du champ et dans l’accommodation de l’appareil optique, chaque partie est tour \u00e0 tour plac\u00e9e au foyer, identifi\u00e9e en vision centrale et ordonn\u00e9e aux autres dans une composition de part en part intelligible, qui est euclidienne. L’attention \u00e9crit l’espace ; elle y trace des lignes, des triangles ; les couleurs pour elle sont comme des phon\u00e8mes, unit\u00e9s valant par opposition et non par motivation. \u00bb (Lyotard, 1971). On verra les d\u00e9tails de cette \u00e9bauche du programme cognitiviste fonctionner dans les simulations pratiqu\u00e9es par les sciences cognitives.<\/p>\n\n\n\n

C’est pr\u00e9cis\u00e9ment \u00e0 la jonction de l’infini mondain et de la s\u00e9lectivit\u00e9 environnementale que se situe la contingence porteuse de l’aura <\/em>des choses. L’Objet kantien et la statistique en tant qu’elle est le concept co-axial des sciences de la nature et des sciences de la soci\u00e9t\u00e9, pr\u00e9parent la nouvelle intelligibilit\u00e9 de l’objet sui generis. <\/em>Nous nous trouvons dans une situation \u00e9pist\u00e9mique \u00e0 sens unique, o\u00f9 <\/em>le retour pur et simple \u00e0 la conscience magique serait, ou plut\u00f4t est, une d\u00e9mission intellectuelle, avec laquelle on flirte, certes, mais avec laquelle, raisonnablement, on ne se marie pas. Nous sommes alors oblig\u00e9s de suivre les vicissitudes de l’aura, analyser le ph\u00e9nom\u00e8ne de son actuelle d\u00e9ch\u00e9ance <\/em>qui avait ses raisons propres, annonc\u00e9es par Benjamin, en 1935, et qui continue \u00e0 en avoir, non sous une forme chang\u00e9e <\/em>mais plut\u00f4t d’une mani\u00e8re \u00e9volu\u00e9e, <\/em>\u00e0 partir de la nouvelle r\u00e9volution technique qui est l’invention de l’informatique, accomplie aux alentours de l’ann\u00e9e de la mort de l’\u00e9crivain.<\/p>\n\n\n\n

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Figure 4. Simon Greenwold,\u00a0EyeBox,\u00a0<\/em>Whole Box<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Tout d’abord, de quoi, pr\u00e9cis\u00e9ment, parle Benjamin dans l’exemple heuristique qu’il donne de l’\u00ab apparition unique d’un lointain, si proche soit-il \u00bb ? La figure de la pr\u00e9sence inatteignable rec\u00e8le un fond philosophique largement discut\u00e9 depuis la premi\u00e8re d\u00e9cade du 20\u00e8me si\u00e8cle. La dialectique du proche et du lointain n’a rien d’une banalit\u00e9. Elle r\u00e9alise le lien intime qu’ont, dans la perception, l’immanence et la transcendance. Merleau-Ponty dit ceci de ce paradoxe :\u00ab[…] si nous r\u00e9fl\u00e9chissons sur cette notion de perspective, si nous reproduisons en pens\u00e9e l’exp\u00e9rience perspective, nous verrons que l’\u00e9vidence propre du per\u00e7u, l’apparition de \u00ab\u00a0quelque chose\u00a0\u00bb exige indivisiblement cette pr\u00e9sence et cette absence. \u00bb (Merleau-Ponty, 1947). Le croquis minimaliste que Benjamin fait, enferme une situation, du point de vue cognitif, tr\u00e8s complexe. L’homme\u00a0suit du regard\u00a0<\/em>la montagne et l’arbre qui jette sur lui son ombre. Sur les deux plans, dont il est le centre, il suit respectivement le\u00a0profil d’un horizon\u00a0<\/em>et la\u00a0ligne d’une branche.\u00a0<\/em>Le regard qui en tant que\u00a0sens distant,\u00a0<\/em>aussi rapproch\u00e9 soit-il, est un m\u00e9dium de\u00a0distance,\u00a0<\/em>c’est-\u00e0-dire un m\u00e9dium \u00e0 transformation projective de l’information, organise la projection qui permettra de pr\u00e9lever l’information cognitivement exploitable. Cette derni\u00e8re s’agence diff\u00e9remment quand il s’agit de la\u00a0figure\u00a0<\/em>(ligne) et quand il s’agit du\u00a0fond\u00a0<\/em>(horizon )2<\/sup> (Simonis, 2001). C’est une sc\u00e8ne spatiale \u00e0 plusieurs \u00e9paisseurs et avec un cadre temporel dynamique. La singularit\u00e9 de la\u00a0trame de temps et d’espace\u00a0<\/em>est la condition de\u00a0l’apparition\u00a0<\/em>de l’objet. C’est aussi l’espace de r\u00e9solution du probl\u00e8me\u00a0pratique\u00a0<\/em>fondamental, dont la philosophie des sensations, depuis la Gr\u00e8ce Antique jusqu’\u00e0 nos jours, en passant par toutes les \u00e9poques, distingue la signification et la difficult\u00e9 capitale, le probl\u00e8me du hiatus entre la limitation ponctuelle et momentan\u00e9e de notre position spatio-temporelle et la pl\u00e9nitude de l’\u00eatre en tant que connaissable. S’il est encore impossible de parler, autrement qu’en termes flous, des singularit\u00e9s du temps, si le temps n’est pas quelque chose de manipulable autrement qu’\u00e0 l’\u00e9chelle subjective3<\/sup>, au sens banal, la dimension spatiale de la perception, et notamment de la perception visuelle, est l’objet des recherches concluantes, depuis les travaux pionniers de David Marr, dans les ann\u00e9es 1970 (Marr, 1982). On sait, que l’information utile sur l’objet volumique se recueille \u00e0 partir des\u00a0singularit\u00e9s\u00a0<\/em>math\u00e9matiques de la fonction de luminosit\u00e9 sur la\u00a0ligne\u00a0<\/em>du contour apparent de l’objet projet\u00e9 sur la r\u00e9tine. Une branche offrant son ombre en est un cas simple et exemplaire, l’horizon montagnard \u00e9tant plus compliqu\u00e9 puisque l’apparition d’une\u00a0cha\u00eene\u00a0<\/em>de montagnes r\u00e9sulte d’une projection secondaire de plusieurs contours apparents se trouvant \u00e0 des distances diff\u00e9rentes de l’observateur.<\/p>\n\n\n\n

En quelque sorte, la branche nous impose son temps par la p\u00e9r\u00e9grination de son ombre, et nous, nous imposons notre temps perceptif en d\u00e9ambulant sur la cr\u00eate de plusieurs montagnes align\u00e9es par la projection.<\/p>\n\n\n\n

En dialecticien, Benjamin distingue alors plusieurs p\u00e9riodes <\/em>de la perception consid\u00e9r\u00e9e comme m\u00e9canisme objectif, comme instrument de possession du monde par distanciation. Sur le terrain social, cet aboutissement stabilis\u00e9 de l’\u00e9volution biologique, ne cesse, en effet, d’\u00e9voluer et de fluctuer. Tout d’abord, dans le travail d’enrichissements souterrains, la r\u00e9ceptivit\u00e9 subit le retour du milieu humain, de cet artifice auquel elle a contribu\u00e9 grandement. A force de fabriquer ce milieu, les techniques successives apposent \u00e0 la r\u00e9ceptivit\u00e9 leurs contraintes directionnelles. La production et la reproduction sont ainsi intimement attach\u00e9es \u00e0 la cognition. Les techniques deviennent interpr\u00e9tables en termes de solution des rapports dans le couple, massifi\u00e9, du sujet et de l’objet. C’est la p\u00e9riode moderne, <\/em>la pratique simultan\u00e9e de la peinture, de la photographie et du cin\u00e9ma, qui est le th\u00e9\u00e2tre de ces processus historiques. C’est aussi le moment de l’\u00e9mancipation de l’art en dehors des moyens de production de la culture. Dans le cas de ces derniers, l’aura est irr\u00e9m\u00e9diablement d\u00e9chue. Ils s’objectivent dans leur institutionnalisation et deviennent instruments de r\u00e9pression. C’est l\u00e0, \u00e9galement, par le fait de la conservation de la propri\u00e9t\u00e9 par l’\u00e9tat totalitaire, qu’advient le processus d’esth\u00e9tisation de la politique qui culmine dans la guerre, dans la destruction du corps social. L’art seul garde sa r\u00e9activit\u00e9 et il peut r\u00e9pondre \u00e0 l’esth\u00e9tisation de la politique par sa propre politisation. Sur le terrain de l’art, la question de l’aura reste ouverte, sauf dans l’univers de l’art-marchandise o\u00f9 <\/em>elle se r\u00e9duit \u00e0 l’\u00e9preuve de l’original et de la copie, et ne concerne plus que les commissaires priseurs. Sur le terrain des moyens de diffusion, tels les journaux illustr\u00e9s, la photographie publicitaire ou la signal\u00e9tique graphique, l’aura est irr\u00e9parablement trahie.<\/p>\n\n\n\n

Le dernier \u00e9pisode de cette dialectique s’est d\u00e9roul\u00e9 devant les yeux de Benjamin. \u00ab\u00a0Seule la guerre permet de mobiliser la totalit\u00e9 des moyens techniques de l’\u00e9poque actuelle en maintenant les conditions de propri\u00e9t\u00e9. \u00bb Ce qui fut fait. Suite \u00e0 la formidable mobilisation des math\u00e9maticiens, des logiciens, des linguistes, des physiciens, des biologistes, et d’autres, tous affect\u00e9s de pr\u00e8s ou de loin au\u00a0g\u00e9nie\u00a0<\/em>militaire, la machine \u00e0 simuler le syst\u00e8me nerveux et les contr\u00f4les qu’il peut exercer sur les diff\u00e9rents aspects du r\u00e9el, a vu le jour. Le programme intellectuel et pragmatique de la premi\u00e8re cybern\u00e9tique atteint, encore assez na\u00efvement, l’objectif de la recr\u00e9ation de l’intelligence humaine. \u00ab L’intelligence humaine demeure toujours tr\u00e8s \u00e9loign\u00e9e de l’intelligence divine qui\u00a0embrasse tout ; de m\u00eame l’intelligence du Golem [lire : ordinateur] est tr\u00e8s en-dessous de l’intelligence humaine, il lui manque cette spontan\u00e9it\u00e9 qui, seule, fait que l’homme est ce qu’il est. Cependant, m\u00eame \u00e0 son niveau infra-humain, le Golem est une figuration du pouvoir cr\u00e9ateur de l’homme. \u00bb dit Scholem (Scholem, 1974), avant d’\u00e9voquer la lign\u00e9e spirituelle de Johann von Neumann et de Norbert Wiener.<\/p>\n\n\n\n

Quant \u00e0 la culture et \u00e0 l’art, jusqu’\u00e0 une \u00e9poque tr\u00e8s r\u00e9cente, l’informatisation des m\u00e9tiers artistiques atteignait principalement la dimension de simulation des outils de production traditionnels. Mais en plongeant les arts post-avant-gardistes dans un nouveau syst\u00e8me technique (num\u00e9risation-convergence des supports), dans une nouvelle \u00e9conomie (mondialisation) et, depuis la fin des ann\u00e9es 1970, dans un nouveau mod\u00e8le de communication (r\u00e9seau), l’informatique demande \u00e0 r\u00e9interroger justement la question de l’aura. La dialectique de l’aura est aujourd’hui, de nouveau possible. On peut trouver ici le m\u00eame clivage qu’\u00e0 l’\u00e9poque moderne. En se d\u00e9pla\u00e7ant depuis les conditions de production vers les conditions de r\u00e9ception, on voit deux processus pratiquement sym\u00e9triques. D’un c\u00f4t\u00e9, avec la possibilit\u00e9 accrue de reproduction des codes num\u00e9riques, la question de l’aura est d\u00e9finitivement close. D’un autre c\u00f4t\u00e9, on entrevoit plusieurs ouvertures qui laissent la question en suspens, et donc aptes \u00e0 devenir un enjeu politique, une sc\u00e8ne encore instable, sujette aux actions et non au d\u00e9terminisme techniciste. Les ouvertures qui se dessinent aujourd’hui portent sur le rapport que le r\u00e9cepteur pourrait avoir \u00e0 l’objet d’art. Plusieurs types d’interaction sont envisageables. Maignien (Maignien, 1996) en analyse un large \u00e9ventail, mais en se cantonnant \u00e0 la valeur \u00ab m\u00e9diatique \u00bb du r\u00e9seau num\u00e9rique. Le langage (code) et la logistique du syst\u00e8me num\u00e9rique distribu\u00e9 ordonnent le vecteur du jeu d’interpr\u00e9tations qu’effectuera l’instance de r\u00e9ception publique. Rieusset-Lemari\u00e9 apporte quelques hypoth\u00e8ses semblables (Rieusset-Lemari\u00e9, 1998).<\/p>\n\n\n\n

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Figure 5. Simon Greenwold,\u00a0EyeBox,\u00a0<\/em>Calibration software<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Or, pour Couchot, le travail accompli dans cette sph\u00e8re de nouvelle r\u00e9ceptivit\u00e9 de l’oeuvre am\u00e9nage la valeur cr\u00e9ative m\u00eame de cette oeuvre, et la fait progresser sur une pente ascendante de classement de mod\u00e8les d’inspiration :\u00ab[…] tandis que la premi\u00e8re interactivit\u00e9 s’int\u00e9ressait aux interactions entre l’ordinateur et l’homme sur le mod\u00e8le stimulus-r\u00e9ponse ou action-r\u00e9action, la seconde interactivit\u00e9 s’int\u00e9resse davantage \u00e0 l’action en tant qu’elle est guid\u00e9e par la perception (I\u00a0\u00bb‘\u00e9naction\u00a0\u00bb), \u00e0 la corpor\u00e9it\u00e9 et aux processus sensori-moteurs, \u00e0 l’autonomie (mais on dira aussi plus pr\u00e9cis\u00e9ment I\u00a0\u00bb‘autopo\u00ef\u00e8se\u00a0\u00bb, concept que l’on doit au neurobiologiste Francisco J. Varela). Aux mod\u00e8les physiques de la premi\u00e8re s’opposent et\/ou s’ajoutent les mod\u00e8les issus des sciences cognitives ou des sciences du vivant. \u00bb (Couchot, 2003). Reconna\u00eetre ce qui donne sens \u00e0 cette derni\u00e8re affirmation, c’est rejoindre ce qui semble \u00eatre l’ultime et le plus complet \u00e9difice th\u00e9orique d’une vision \u00ab additionnelle \u00bb du rapprochement entre l’art et la technologie. Le rapprochement en question s’accomplit, pour l’art, \u00e0 partir des op\u00e9rations heuristiques qui lui sont propres. Il s’agit, d’un c\u00f4t\u00e9, de l’aboutissement cr\u00e9atif \u00e0 l’oeuvre finale, et d’un autre c\u00f4t\u00e9, du d\u00e9voilement spectatoriel de l’oeuvre, par diff\u00e9rents modes de sa donation, allant depuis celui du couple oeuvre\/spectateur immobiles, jusqu’aux sc\u00e9narios interactifs et ouverts de l’oeuvre fluctuant sous les impulsions externes et internes. C’est la cons\u00e9quence directe de la pens\u00e9e de cr\u00e9ation et de r\u00e9ception, forg\u00e9e par les avanc\u00e9es th\u00e9oriques et exp\u00e9rimentales des \u00e9coles de Berlyne, de Franc\u00e8s et de Moles, et revaloris\u00e9e \u00e0 la lumi\u00e8re des technologies num\u00e9riques actuelles. Mais si les mod\u00e8les scientifiques de la perception et de la cognition devaient s’appliquer aux relations, productrice et r\u00e9ceptrice, \u00e0 l\u2019\u0153uvre, l’artiste ne saurait que les c\u00f4toyer, avec plus ou mois de comp\u00e9tences personnelles. Tout change du moment o\u00f9 ces m\u00eames mod\u00e8les coexistent avec la d\u00e9marche de l’artiste et de son partenaire social. La d\u00e9marche qui se tient \u00e0 l’endroit-m\u00eame de l’exercice de la perception et de la cognition produit directement des m\u00e9thodes participatives, non d’une oeuvre maisd’un monde qui se d\u00e9ploie de notre milieu vers l’univers. Ici, l’artiste, qui \u00e9ventuellement accuse une tendance \u00e0 penser explicitement par mod\u00e8les et par simulations, n’am\u00e9nage pas, tel un sc\u00e9nographe, l’acc\u00e8s \u00e0 sa production, mais il progresse sur la voie d’un autre statut de la r\u00e9ceptivit\u00e9 dans l’art. La jouissance du statut inh\u00e9rent de la r\u00e9ceptivit\u00e9 assure \u00e0 l’agent esth\u00e9tique sa place de concepteur et d’exp\u00e9rimentateur de mod\u00e8les, et ceci \u00e0 partir d’une position intime, c’est-\u00e0-dire propre, subjective et originale. Dans cette situation, il n’y a plus lieu de parler des relations science-art, puisque les deux n’ont plus \u00e0 \u00e9changer leurs l\u00e9gitimit\u00e9s respectives : ils concourent \u00e0 croiser leurs vis\u00e9es cognitivistes. Au lieu de leurs intelligences historiques, on peut parler d’une union structurelle, de l’\u00e9pist\u00e9mologie et de la praxie.<\/p>\n\n\n\n

Si cette coh\u00e9rence de deux grands flots d’\u00e9nergies spirituelles de l’humain pr\u00e9sente le trait de g\u00e9n\u00e9ricit\u00e9, il n’en est pas moins que l’histoire leur donne des impulsions conjoncturelles. Ainsi, depuis l’\u00e9poque benjaminienne, ce n’est pas l’aura qui est d\u00e9chue, mais c’est l’oeuvre comme condition indispensable de l’exp\u00e9rience artistique qui est d\u00e9pos\u00e9e \u2013 et en son absence, il n’y a plus lieu de parler de l’aura. L’art est un proc\u00e9d\u00e9 soutenu de perceptibilit\u00e9, dans son essence-m\u00eame, et en tant que tel il n’est peut pas \u00eatre producteur d’objets (de repr\u00e9sentants du monde). L’art est un rapport au monde et n’offre gu\u00e8re de terminaux auxquels s’attacher. L’objet d’art accomplit le myst\u00e8re du fait que l’instance subjective, dont l’identit\u00e9 est \u00e0 la fois stable et historicis\u00e9e, assume cognitivement la versatilit\u00e9 du flux incessant de la donn\u00e9e \u2013 l’objet <\/em>d’art est un sujet. Il <\/em>l’\u00e9tait toujours \u00e0 la mani\u00e8re de l’inconscient optique, <\/em>et l’\u00e9poque dont Benjamin a \u00e9t\u00e9 le t\u00e9moin l’a tir\u00e9 de cet inconscient au grand jour de l’esth\u00e9tique politis\u00e9e. L’art de la plus r\u00e9cente r\u00e9volution technique ne saura pas \u00eatre la v\u00e9ritable r\u00e9ceptivit\u00e9 s’il ne renoue pas avec ce qui a \u00e9t\u00e9 le projet le plus intime de l’informatique : la reproduction du rapport du subjectif \u00e0 l’objectif, de la condition de l’unique \u00e0 l’ouverture de l’universel.<\/p>\n\n\n\n

Cet art est autant une science. Non seulement parce que la technologie participe du contrat de mutuelle stimulation de la technique et de la science, mais aussi et avant tout parce qu’elle institue des relations perceptives pr\u00e9cises. Si on bascule du\u00a0pr\u00e9cis\u00a0<\/em>scientifique vers le\u00a0singulier\u00a0<\/em>artistique, c’est de l’aura-m\u00eame que l’on parle ; non de\u00a0l’aura de l’couvre,\u00a0<\/em>mais de\u00a0l’aura \u00e0 l’couvre.\u00a0<\/em>Ce fait constitue l’apport in\u00e9dit et original de cet art \u00e0 l’histoire. Inversement, si \u00e0 travers du\u00a0singulier\u00a0<\/em>de l’art on envisage d’appr\u00e9hender le\u00a0pr\u00e9cis\u00a0<\/em>de la science, en surpassant les anciennes craintes de d\u00e9termination apodictique, on rencontre une science\u00a0cognitiviste,\u00a0<\/em>adapt\u00e9e au traitement de l’entremise mondaine de l’\u00eatre sensible, une science dont l’objectivit\u00e9, et c’est une premi\u00e8re dans l’histoire de l’\u00e9pist\u00e9mologie, est r\u00e9gl\u00e9e sur la condition subjectale4<\/sup>.<\/p>\n\n\n\n

Les exemples de cette osmose intime de l’art et de la science manquent ou plut\u00f4t, en tant que\u00a0processus, ils\u00a0<\/em>sont diss\u00e9min\u00e9s dans des r\u00e9alisations partielles, et il est aujourd’hui extr\u00eamement d\u00e9licat de les chosifier en les d\u00e9ferant sur la place publique de la critique d’art qualifiante. La difficult\u00e9 de les exposer est irr\u00e9ductible. Ce ne sont pas des\u00a0works in progress\u00a0<\/em>mais des situations organisant une progression de la sensibilit\u00e9 \u00e0 travers le monde : des dispositifs processuels dans leur fonctionnement et, en cons\u00e9quence, instables dans leur fa\u00e7on d’agir. Il est aussi bien de les\u00a0suivre \u00e0\u00a0<\/em>partir de certains faits artistiques qu’\u00e0 partir d’agissements qui ne se r\u00e9clament pas de l’art. En effet, l’exp\u00e9rience esth\u00e9tique de ce type est aujourd’hui v\u00e9cue dans les laboratoires de la sensorialit\u00e9 artificielle, surtout ceux de la vision. Le temps est venu que l’esth\u00e9tique, elle aussi fasse sienne la formule de\u00a0L’oeil et l’Esprit\u00a0<\/em>de Merleau-Ponty : \u00ab Il faut prendre \u00e0 la lettre ce que nous enseigne la vision \u00bb (Merleau-Ponty, 1964). Qui pourrait mieux que les inventeurs de la r\u00e9tine artificielle ou des syst\u00e8mes experts de reconnaissance d’objets et de personnes, affirmer aujourd’hui que l’esth\u00e9tique, d’apr\u00e8s la le\u00e7on de son fondateur, Alexandre Gottlieb Baumgarten, est la\u00a0connaissance sensible (sinnliche Erkenntnis).<\/em><\/p>\n\n\n\n

Essayons d’apercevoir ce principe dans les objectifs d\u00e9clar\u00e9s de la r\u00e9alisation\u00a0EyeBox\u00a0<\/em>de Simon Greenwold d’Aesthetics and Computation group au MIT Media Lab, qui trente ans plus tard, r\u00e9pondent en d\u00e9tail (voir les pr\u00e9cisions sur le site de MIT (Greenwold, 1995)) au programme proc\u00e9dural trac\u00e9 par Lyotard : diff\u00e9rence \/ type, extraction de l’information pertinente \u00e0 partir des couleurs, contours \/ plages chromatiques, discrimination \/ identification, reconnaissance et comparaison, balayage du champ et accommodation, vision centrale et ordonnancement euclidien de l’espace visuel.<\/p>\n\n\n\n

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Figure 6. Simon Greenwold,\u00a0EyeBox,\u00a0<\/em>Calibration object<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

\u00ab EyeBox is <\/em>a component technology in a larger project under development called The Associate, <\/em>which aims to use physical objects instead of names as referents for digital information. You place an object from your environment into The Associate (a <\/em>box much like EyeBox). <\/em>The object is quickly scanned and matched against other objects that have been placed in before. If the object is new, you are prompted to pull on top of it any set of files or information that you want to permanently associate with it.<\/p>\n\n\n\n

The problem that EyeBox <\/em>solves is the recognition problem that The Associate <\/em>poses: How can we quickly recognize any object that you place into the system regardless of its orientation, having seen it perhaps only once before from a diff\u00e8rent angle? We know that objects look radically diff\u00e8rent from diff\u00e8rent viewpoints. We need some invariant property to use for recognition. Options include, color, mass, spatial moments, or volume envelope. EyeBox <\/em>uses quickly computed spatial properties of the object’s volume for recognition. […]<\/p>\n\n\n\n

I tested the similarity of two volume signatures by comparing them with a Euclidean distance norm. I would, however, iterate, shifting the comparison over by one value at a time to find the least distance for two signatures because if the object was in a diff\u00e8rent orientation I expected the volume histogram to be arbitrarily translated. \u00bb [13]<\/p>\n\n\n\n

R\u00e9flexions sur l’art \u00ab objectal \u00bb, \u00e0 l’\u00e9poque de sa conqu\u00eate de l’informatique<\/h2>\n\n\n\n

Il existe plusieurs m\u00e9taphores de l’intelligibilit\u00e9 de l’informatique dans le domaine de l’art.<\/p>\n\n\n\n

La m\u00e9taphore m\u00e9cano-computationnelle correspond \u00e0 la refonte des anciennes techniques de repr\u00e9sentation sur le fond de l’unification du format des diff\u00e9rents supports. La dynamique de la machine informatique \u00e9pouse ici les dynamiques inh\u00e9rentes aux supports traditionnels, les stimule et les \u00e9tend au-del\u00e0 de certaines limites, circonscrites d’ailleurs, pour la plupart, par les exp\u00e9rimentations des mouvements avant-gardistes de la premi\u00e8re moiti\u00e9 du 20\u00e8me si\u00e8cle. Des transformateurs et des g\u00e9n\u00e9rateurs d’images et de sons font partie de ce type d’usage artistique de l’ordinateur. Mais on n’y d\u00e9nombre aussi les g\u00e9n\u00e9rateurs d’espaces sonores, de formes graphiques et d’objets volumiques, de vid\u00e9o et d’univers virtuels. Dans le domaine des arts du langage, l’informatique procure le support et les g\u00e9n\u00e9rateurs d’hypertextes.<\/p>\n\n\n\n

La m\u00e9taphore communicationnelle replace les productions num\u00e9ris\u00e9es ou celles dont la conception \u00e0 \u00e9t\u00e9 assist\u00e9e par l’ordinateur, dans le contexte de la communication r\u00e9seautique. Ici, on rejoue les exp\u00e9riences du mail art, <\/em>de l’esth\u00e9tique de la communication ou <\/em>de l’art relationnel, <\/em>dans le cadre politique et \u00e9thique de l’\u00e9mergence d’une intelligence collective et distribu\u00e9e des r\u00e9seaux num\u00e9riques.<\/p>\n\n\n\n

La m\u00e9taphore robotique semble couronner cet \u00e9difice du nouveau syst\u00e8me des beaux-arts, puisque sans se d\u00e9sister des avantages des pr\u00e9c\u00e9dentes elle ach\u00e8ve et parfait la conception objectale de l’oeuvre d’art dans la civilisation occidentale. L’oeuvre qui devient un sc\u00e9nario ou encore un programme g\u00e9n\u00e9ratif et \u00e9volutif de l’interaction avec son milieu d’accueil et de r\u00e9ception \u00e9tend, explicite, dynamise et agence les circonstances de sa production, de son \u00eatre et de la production de son sens. En tant qu’entreprise d’usinage de nouveau type, l’informatique a su se rendre solidaire des processus collaboratifs et duratifs de la gen\u00e8se de l’oeuvre. En tant qu’outil de connaissance, c’est-\u00e0-dire technique de m\u00e9morisation et de calcul logique, le principe de son rapport au r\u00e9el, la simulation, a \u00e9pous\u00e9 et stimul\u00e9 les caract\u00e8res de l’\u00e9ph\u00e9m\u00e8re, de l’ubiquit\u00e9 et de l’instabilit\u00e9 de l’oeuvre d’art. Dans sa dimension cr\u00e9ative, l’informatique a consacr\u00e9, finalement, l’\u00e9mancipation hom\u00e9ostatique et l’autonomie quasi-morale de l’oeuvre, qui s’engage en tant qu’agent dans l’exp\u00e9rience de l’interactivit\u00e9 herm\u00e9neutiquement ouverte.<\/p>\n\n\n\n

L’oeuvre fluctuant et \u00e9voluant, \u00e9changeant avec les individus et avec le tissu social, est un Super-Objet qui incarne et chosifie le plus ancien r\u00eave de l’esth\u00e9tique occidentale – celui de la v\u00e9racit\u00e9 atteinte dans le processus de compl\u00e9tion des attributs objectaux.<\/p>\n\n\n\n

Rappelons nous de la pens\u00e9e platonicienne. L’oeuvre d’art de la Gr\u00e8ce Antique est un objet, un vrai objet, tellement vrai que vivant. Le peintre et le po\u00e8te sont exclus de ce syst\u00e8me des beaux-arts. Le premier, par son incompl\u00e9tude, de par le caract\u00e8re partiel de sa r\u00e9ceptivit\u00e9, et en cons\u00e9quence, de sa production, le seconde, \u00e0 cause de son attitude irr\u00e9ductiblement non-objective. Le programme du rendement r\u00e9aliste dans la repr\u00e9sentation et le postulat de l’objectivation scientiste, ainsi que la r\u00e9pression des attitudes contraires, sont inscrits dans le premier trait\u00e9 de la politique esth\u00e9tique, la R\u00e9publique.<\/em><\/p>\n\n\n\n

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Figure 7. Simon Greenwold,\u00a0EyeBox,\u00a0<\/em>Reconstruction of a small flexible camera tripod<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Si on repla\u00e7ait cette discussion dans notre situation contemporaine, il faudrait relever la diff\u00e9rence philosophique entre, d’une part l’id\u00e9e de l’autonomie auto\u00adapprenante et \u00e9volutive, et d’une autre part l’exercice souverain de l’exp\u00e9rience cognitive \u00e0 vis\u00e9e limit\u00e9e et radicalement subjective. Les avantages de la premi\u00e8re position sont \u00e9vidents. Mais quel gain gnosique peut-on escompter en affirmant la limitation et la localisation subjective de la connaissance ? Rien d’autre que la sauvegarde du caract\u00e8re exp\u00e9rientielle de toute intramise mondaine. Certes, on perd la force de l’objet qui r\u00e9siste du haut de son hom\u00e9ostasie de complexit\u00e9 et de compl\u00e9tude, on perd la rationalit\u00e9 sociale de l’intelligence collective (des insectes), mais \u00e0 la place de cela, \u00e0 la place de la v\u00e9racit\u00e9, on renoue avec la possibilit\u00e9 de v\u00e9rification gnosique de tous les sens d’\u00eatre \u00e9tablis. La limitation de la vis\u00e9e et l’unicit\u00e9 de la propre situation du sujet, sont les caract\u00e9ristiques essentielles de toute action gnosique et en tant que telles elles sont le m\u00e9canisme local le plus \u00e0 m\u00eame <\/em>de garantir au vivant, au niveau individuel et au niveau de populations, la fabrication des hom\u00e9ostasies non seulement interactives, mais r\u00e9ellement adaptatives. C’est de l’adaptation universelle, pardessus des g\u00e9n\u00e9rations, mais \u00e9prouv\u00e9e \u00e0 la dimension de la sph\u00e8re intime, qu’il s’agit. Ce n’est pas une fatalit\u00e9 ou une vuln\u00e9rabilit\u00e9, c’est un principe protensionnel.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Si l’informatique devait prendre part dans la connaissance sensible, elle doit se r\u00e9approprier sa premi\u00e8re vocation cybern\u00e9tique d’\u00eatre une technique de contr\u00f4le du milieu. Sa m\u00e9taphore la plus puissante est celle du syst\u00e8me nerveux et c’est en tant que telle que l’informatique peut participer \u00e0 la vocation politique de l’art de ne pas \u00eatre un objet mais \u00eatre un sujet.<\/p>\n\n\n\n

La conception objectale de l’oeuvre d’art a provoqu\u00e9, \u00e0 l’\u00e9poque des avant-gardes, une farouche r\u00e9action r\u00e9volutionnaire visant \u00e0 de-chosifier la production artistique par la remise en question de sa mat\u00e9rialit\u00e9 et de sa dimension repr\u00e9sentationnelle. L’\u00e9poque post-moderne a instaur\u00e9, \u00e0 l’endroit de l’oeuvre d\u00e9pos\u00e9e, l’objectivation des processus cr\u00e9atifs, communicationnels et interpr\u00e9tatifs.<\/p>\n\n\n\n

La conqu\u00eate de la techno-science et de la techno-culture informatique par les artistes, depuis le computer-art, les environnements immersifs, jusqu’au web-art et la vie artificielle, est un processus parall\u00e8le aux deux pr\u00e9c\u00e9dents. Pourtant, sa signification politique est loin d’\u00eatre d\u00e9finitivement fix\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

Les adversaires et les partisans de l’art num\u00e9rique citent souvent Paule Val\u00e9ry et Walter Benjamin. Les premiers pour avertir de l’ubiquit\u00e9 d\u00e9mat\u00e9rialisante et de la fin de l’oeuvre propre et originale, les seconds pour affirmer que les attributs non-triviaux, communicationnels, interactifs, hybrides et polys\u00e9miques de l’oeuvre num\u00e9rique, procurent \u00e0 cette oeuvre le caract\u00e8re auratique, perdu par l’\u00e9poque de reproductibilit\u00e9 m\u00e9canique.<\/p>\n\n\n\n

Ou bien, l’aura en tant qu’accompagnement de l’objet-substitut authentifi\u00e9 par l’informatique r\u00e9put\u00e9e non standard, ou bien, l’action du sujet sensible \u00e0 travers le monde auratique de la poursuite respectueuse de l’infini – tel est l’enjeu de la question de l’art qui s’avise \u00e0 investir les potentialit\u00e9s th\u00e9oriques et pratiques de l’informatique. C’est, d’ailleurs, l’informatique elle-m\u00eame qui sugg\u00e8re la r\u00e9ponse. Non l’informatique du syst\u00e8me technique ou celle du montage social du consensus de fabrication d’usages massifs, mais le domaine de la \u00ab r\u00e9flexion pratique pure \u00bb. Depuis son programme original, elle se voulait une technique dressant la richesse s\u00e9mantique limit\u00e9e des alg\u00e8bres en face d’une infinie richesse du monde. Sa vis\u00e9e et son probl\u00e8me fondateur sont alors analogues \u00e0 ceux du peintre de Merleau-Ponty : le mod\u00e9lisable et le simulable de l’informatique sont \u00e0 l’image du perceptible d’un peintre qui poss\u00e8de uniquement un \u00ab\u00a0monde visible, rien que visible, un monde presque fou, puisqu’il est complet n’\u00e9tant cependant que partiel \u00bb5<\/sup>\u00a0[12].<\/p>\n\n\n\n

L’informatique se voulait bio-inspir\u00e9e et en tant que telle elle a inscrit en elle le principe \u00e9volutif de r\u00e9activit\u00e9. Ce programme, sans se pr\u00e9valoir, pour l’instant, des r\u00e9sultats d\u00e9cisifs et sans pouvoir s’imposer dans l’\u00e9conomie mondiale de la recherche, est en train de se r\u00e9aliser dans des laboratoires des sensorialit\u00e9s artificielles o\u00f9 s’\u00e9labore la naturalisation du ph\u00e9nom\u00e8ne originel de la conscience. Ses moments philosophiques les plus forts sont : les simulations progressives et \u00e9cologiques des m\u00e9canismes biologiques de contr\u00f4le, l’introduction des logiques floues et des op\u00e9rations s\u00e9mantiques, le d\u00e9passement des traducteurs num\u00e9riques au profit des solutions analogiques, et finalement l’horizon de l’informatique de particules \u00e9l\u00e9mentaires et de tissus vivants. Si, alors, une discipline technoscientifique est oblig\u00e9e aujourd’hui de prendre en son sein des d\u00e9cisions politiques pour op\u00e9rer ce tournant encore hautement incertain, il n’est pas \u00e9tonnant que l’art soit confront\u00e9 \u00e0 ce genre de choix avec d’autant plus d’acuit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

On a pourtant l’impression que la plupart des r\u00e9alisations artistiques convaincantes sont des tentatives de rattraper le progr\u00e8s scientifique afin de pourvoir les oeuvres des caract\u00e9ristiques \u00ab humaines \u00bb (human factor)… <\/em>Nous faut-il rappeler que l’humain est humain non par sa capacit\u00e9 d’interagir, mais par sa position d’\u00eatre un champ sensible coexistant avec le monde, un moment de bascule de la manifestation de l’\u00eatre vers la r\u00e9ceptivit\u00e9, \u00e0 une \u00e9tape pr\u00e9cise et toujours \u00e0 d\u00e9passer de l’\u00c9volution Universelle ?<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1]\u00a0La discussion r\u00e9cente des principaux th\u00e8mes benjaminiens ainsi que de la notion d’ouvert chez Rilke est propos\u00e9e par Christine Buci-Glucksmann [2].<\/p>\n\n\n\n

[2]\u00a0Les liens entre Benjamin et la gestalt-th\u00e9orie sont discut\u00e9s r\u00e9cemment par Annette Simonis [6].<\/p>\n\n\n\n

[3]\u00a0Comme cela est le cas dans la\u00a0Machine \u00e0 renverser le temps<\/em>\u00a0de Pierre Kowalski, expos\u00e9e en 1996 \u00e0 la Biennale de Lyon.<\/p>\n\n\n\n

[4]\u00a0Qu\u2019il faudra d\u00e9velopper, en termes philosophiques, ceci n\u2019est pas un enseignement du\u00a0sujet\u00a0<\/em>ou de la\u00a0subjectivit\u00e9<\/em>\u00a0consciente absolue mais de l\u2019unicit\u00e9<\/em>\u00a0sensitive universelle.<\/p>\n\n\n\n

[5]\u00a0Maurice Merleau-Ponty, 1964a,\u00a0L\u2019\u0153il et l\u2019esprit<\/em>, Gallimard, Paris [12].<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Benjamin, Walter, \u00ab L’oeuvre d’art \u00e0 l’\u00e9poque de sa reproduction m\u00e9canis\u00e9e \u00bb dans Walter Benjamin,\u00a0Ecrits fran\u00e7ais,\u00a0<\/em>Paris, Gallimard, 1991 [1936], 400 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Buci-Glucksmann, Christine,\u00a0La folie du voir. Une esth\u00e9tique du virtuel,\u00a0<\/em>Paris, Galil\u00e9e, 2002, 280 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Couchot, Edmond et Norbert Hillaire,\u00a0L’art num\u00e9rique. Comment la technologie vient au monde de l’art,\u00a0<\/em>Paris, Flammarion, 2003, 288 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Greenwold, Simon,\u00a0Spatial Computing,\u00a0<\/em>Thesis of Master, MIT, 1995. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Lyotard, Jean-Fran\u00e7ois,\u00a0Discours, figure,\u00a0<\/em>Paris, Klincksieck, 1971, 461 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Maignien, Yannick, \u00ab L’oeuvre d’art \u00e0 l’\u00e9poque de sa reproduction num\u00e9ris\u00e9e \u00bb,\u00a0Bulletin de la Biblioth\u00e8que nationale de France,\u00a0<\/em>vol. 41, n\u00b0 1, Paris, 1996, p. 16-24.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Marr, David,\u00a0Vision. A Computational Investigation into the Human Representation and Processing of Visual Information,\u00a0<\/em>W.H. Freeman, 1982. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Merleau-Ponty, Maurice,\u00a0L’oeil et l’Esprit ,\u00a0<\/em>Paris, Gallimard, 1964, cit\u00e9 dans Charles Daniel, \u00ab Esth\u00e9tique – L’exp\u00e9rience esth\u00e9tique \u00bb,\u00a0l’Encyclopxdia Universalis<\/em>, 1995. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Merleau-Ponty, Maurice, \u00ab Le primat de la perception et ses cons\u00e9quences philosophiques \u00bb,\u00a0Bulletin de la Soci\u00e9t\u00e9 fran\u00e7aise de Philosophie,\u00a0<\/em>tome XLI, n\u00b0 4, 1947, p. 119-135.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Petitot, Jean, \u00ab Les nervures du marbre. Remarques sur le \u00ab\u00a0socle dur de l’\u00eatre\u00a0\u00bb chez Umberto Eco \u00bb, dans Jean Petitot et Paolo Fabbri,\u00a0Au nom du sens. Autour de l’couvre d’Umberto Eco,\u00a0<\/em>Paris, Grasset, 2000, p. 83-102.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Rieusset-Lemari\u00e9, Isabelle, \u00ab L’unicit\u00e9 de l’oeuvre \u00e0 l’\u00e9preuve de la reproduction multim\u00e9dia \u00bb dans les actes du colloque\u00a0Le concept de Rupture dans les couvres produites par les Nouvelles Technologies,\u00a0<\/em>7 mars 1998, Paris-7 Denis Diderot.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Scholem, Gershom G.,\u00a0Le Messianisme juif. Essais sur la spiritualit\u00e9 du juda\u00efsme,\u00a0<\/em>Paris, Calmann-L\u00e9vy, 1974, p. 471-478.<\/p>\n\n\n\n

\u2013 Simonis, Annette,\u00a0Gestalttheorie von Goethe bis Benjamin, <\/em>B\u00f4hlau, 2001. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

La litt\u00e9rature en sociologie et psychanalyse, autour du c\u00e9l\u00e8bre essai de Walter Benjamin \u00ab L’oeuvre d’art \u00e0 l’\u00e9poque de sa reproduction m\u00e9canis\u00e9e \u00bb est immense. Pour notre part, en y constatant un certain d\u00e9faut d’approches objectivantes, nous avons essay\u00e9 de nous concentrer sur les bases \u00e9pist\u00e9mologiques des affirmations de Benjamin et de relever le d\u00e9fi … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[1],"tags":[32],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2256"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=2256"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2256\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":2265,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2256\/revisions\/2265"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=2256"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=2256"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=2256"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}