{"id":2959,"date":"2009-12-01T14:36:04","date_gmt":"2009-12-01T14:36:04","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=2959"},"modified":"2023-02-03T14:36:17","modified_gmt":"2023-02-03T14:36:17","slug":"decembre-2009-les-effets-synesthesiques-de-la-danse-dans-les-scenographies-multimedias","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2009-les-effets-synesthesiques-de-la-danse-dans-les-scenographies-multimedias\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2009 – Les effets synesth\u00e9siques de la danse dans les sc\u00e9nographies multim\u00e9dias"},"content":{"rendered":"\n
Dans les sc\u00e9nographies multim\u00e9dias pour la danse, les corps des danseurs \u00e9voluent dans des environnements constitu\u00e9s d\u2019images projet\u00e9es, desquelles ils se d\u00e9tachent ou auxquelles ils se fondent. Du point de vue de la perception visuelle, la distinction cat\u00e9gorique entre le corps et l\u2019image importe peu; tout ce qui s\u2019imprime sur la r\u00e9tine de l\u2019\u0153il est une image, sans \u00e9gard \u00e0 sa source. Au niveau \u00e9l\u00e9mentaire de la perception visuelle, ce qui compte d\u2019abord est la stimulation des photor\u00e9cepteurs de la r\u00e9tine ainsi que la perception des contours, ce qui permet de distinguer la figure du fond. <\/p>\n\n\n\n
Depuis des si\u00e8cles, le spectateur assistant \u00e0 une repr\u00e9sentation th\u00e9\u00e2trale ou au ballet observait les interpr\u00e8tes \u00e9voluer devant un fond fixe. Au XXe<\/sup> i\u00e8cle, les projections cin\u00e9matographiques, capables de donner l\u2019apparence de mobilit\u00e9 au fond, sont assez rarement int\u00e9gr\u00e9es au spectacle th\u00e9\u00e2tral, pour des raisons qui nous semblent aujourd\u2019hui partiellement fond\u00e9es sur des dogmes. En effet, \u00e0 l\u2019\u00e8re des grandes id\u00e9ologies modernistes, on se gardait g\u00e9n\u00e9ralement d\u2019associer le th\u00e9\u00e2tre au cin\u00e9ma, genre mineur, pour ne pas dire vulgaire, dans l\u2019esprit de certains. D\u2019une part, l\u2019autonomie des disciplines artistiques importait consid\u00e9rablement et, d\u2019autre part, le th\u00e9\u00e2tre \u00e9tait essentiellement centr\u00e9 sur le texte, le reste \u00e9tant contingent. Dans les faits, le th\u00e9\u00e2tre est depuis toujours un art de la rencontre des disciplines, et le texte n\u2019en est pas n\u00e9cessairement une composante primordiale. Th\u00e9\u00e2tre, danse, performance, danse-th\u00e9\u00e2tre, op\u00e9ra, th\u00e9\u00e2tre de l\u2019image : ces cat\u00e9gories apparaissent aujourd\u2019hui comme \u00e9tant plus ou moins arbitraires, leur maintien r\u00e9pondant davantage \u00e0 des imp\u00e9ratifs administratifs, promotionnels et financiers qu\u2019artistiques.<\/p>\n\n\n\n Les premi\u00e8res rencontres du cin\u00e9ma et du th\u00e9\u00e2tre se sont surtout produites dans des spectacles de genre mineur (vaudeville, revue, f\u00e9erie) et sont contemporains de l\u2019apparition du cin\u00e9ma1<\/sup>. Les premiers films furent souvent pr\u00e9sent\u00e9s dans le contexte du vaudeville, qui ne survivra d\u2019ailleurs pas au septi\u00e8me art. Les projections cin\u00e9matographiques sont incluses dans les ann\u00e9es 1920 dans des repr\u00e9sentations th\u00e9\u00e2trales destin\u00e9es au prol\u00e9tariat, que ce soit chez les constructivistes russes, notamment avec Vsevolod Meyerhold2<\/sup>, ou du c\u00f4t\u00e9 de la gauche allemande, principalement avec Erwin Piscator3<\/sup>. Walter Gropius se rem\u00e9morait ainsi l\u2019utilisation des projections par Piscator\u00a0:<\/p>\n\n\n\n \u00ab\u00a0Dans ses mises en sc\u00e8ne, Piscator s\u2019est servi du cin\u00e9ma, de fa\u00e7on g\u00e9niale, pour renforcer l\u2019illusion de la repr\u00e9sentation sc\u00e9nique. J\u2019ai accord\u00e9 un grand int\u00e9r\u00eat au fait que Piscator exigea de voir dispos\u00e9s partout des surfaces et des appareils de projection, car le proc\u00e9d\u00e9 de la projection lumineuse m\u2019appara\u00eet comme la technique la plus simple et la plus efficace parmi tous les dispositifs modernes.\u00a0\u00bb4<\/sup>\u00a0\u00a0<\/p>\n\n\n\n En 1910, les signataires du Manifesto tecnico della pittura futurista<\/em> (Boccioni, Carr\u00e0, Russolo, Balla et Severini) estimaient que le dynamisme universel devait \u00eatre rendu en peinture en tant que sensation dynamique. Les futuristes cherchaient \u00e0 lib\u00e9rer le th\u00e9\u00e2tre de la tyrannie du texte et de la psychologie des personnages, et appr\u00e9ciaient l\u2019apport de l\u2019art cin\u00e9matographique en termes de dynamisme lumineux. Arnaldo Ginna r\u00e9alisa en 1916 le premier film futuriste, Vita Futurista<\/em>, auquel aurait particip\u00e9 Lo\u00efe Fuller avec sa Danse de la splendeur g\u00e9om\u00e9trique<\/em>. Cette nouvelle sensibilit\u00e9 esth\u00e9tique s\u2019affirme aussi avec les constructivistes Naum Gabo et Anton Pevsner qui affirmaient dans leur Manifeste r\u00e9aliste <\/em>de 1920 que le rythme cin\u00e9tique, nouvel \u00e9l\u00e9ment des arts plastiques et picturaux, est la forme fondamentale de notre perception du temps r\u00e9el. Les conventions sc\u00e9nographiques h\u00e9rit\u00e9es de la Renaissance s\u2019av\u00e8rent de plus en plus insatisfaisantes pour les r\u00e9formateurs du th\u00e9\u00e2tre, au parfum des nouvelles conceptions scientifiques et des innovations technologiques. Jacques Polieri \u00e9crivait en 1963 :<\/p>\n\n\n\n \u00ab\u00a0Mais l\u2019image projet\u00e9e qui d\u2019abord d\u00e9borde du cadre de sc\u00e8ne \u00e0 l\u2019italienne et semble vouloir envahir la salle m\u00eame para\u00eet ensuite comme r\u00e9sorb\u00e9e par le rectangle. Il faudra attendre ces toutes derni\u00e8res ann\u00e9es et les possibilit\u00e9s r\u00e9centes de diffusion du son et de l\u2019image pour assister \u00e0 des tentatives qui signifient la red\u00e9couverte d\u2019un ordre fonctionnel.\u00a0\u00bb5<\/sup><\/p>\n\n\n\n Dans les ann\u00e9es 1980, on retrouve souvent des t\u00e9l\u00e9viseurs ou moniteurs vid\u00e9o sur sc\u00e8ne, produisant un effet d\u2019\u00e9tranget\u00e9, voire de distanciation brechtienne (Verfremdungseffekt<\/em>), car les images affich\u00e9es sur \u00e9cran cathodique sont d\u2019abord associ\u00e9s \u00e0 leur support et \u00e0 leur format, issu d\u2019un contexte extra th\u00e9\u00e2tral. En d\u2019autre mots, ce qui fait signe (et persiste!) alors, c\u2019est l\u2019objet en forme de bo\u00eete, charg\u00e9 de connotations relatives \u00e0 la banalit\u00e9 du quotidien et des mass media \u00e9lectroniques. Pour des raisons analogues, la vid\u00e9ographie et l\u2019installation vid\u00e9o avaient mis un certain temps \u00e0 se faire admettre au mus\u00e9e. Le postmodernisme a cependant rendu acceptable, voire convenu, le m\u00e9lange des genres, l\u2019impuret\u00e9 n\u2019offusquant pratiquement plus personne. Tout cela a certainement contribu\u00e9 \u00e0 l\u2019apparition de nouvelles esth\u00e9tiques \u00e0 la sc\u00e8ne, notamment au \u00ab\u00a0\u00a0th\u00e9\u00e2tre des images\u00a0\u00bb. En 1987,\u00a0Cahiers de th\u00e9\u00e2tre<\/em>\u00a0Jeu<\/em>\u00a0proposait un num\u00e9ro intitul\u00e9 \u00ab\u00a0\u00a0\u00ab\u00a0Th\u00e9\u00e2tre et technologies\u00a0\u00bb: dossier consacr\u00e9 \u00e0 la m\u00e9diatisation actuelle du th\u00e9\u00e2tre (\u00ab\u00a0la sc\u00e8ne peupl\u00e9e d\u2019\u00e9crans\u00a0\u00bb)\u00a0\u00bb<\/em>6<\/sup>. \u00c0 partir des ann\u00e9es 1990, les projections d\u2019images en mouvement deviennent courantes au th\u00e9\u00e2tre, \u00e0 l\u2019op\u00e9ra et en danse, la raison principale \u00e9tant que les dispositifs sont devenus suffisamment abordables, r\u00e9pandus, et l\u00e9gers. Depuis la mise en march\u00e9 du Portapak\u00a9 de Sony en 1967, la technologie vid\u00e9ographique devient beaucoup plus d\u00e9mocratique et conviviale que la technologie cin\u00e9matographique.<\/p>\n\n\n\n