{"id":3026,"date":"2009-05-01T18:58:55","date_gmt":"2009-05-01T18:58:55","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3026"},"modified":"2023-02-13T17:58:49","modified_gmt":"2023-02-13T17:58:49","slug":"mai-2009-nathalie-daoust-haute-photographie","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mai-2009-nathalie-daoust-haute-photographie\/","title":{"rendered":"Mai 2009 – Nathalie Daoust\u00a0: haute-photographie"},"content":{"rendered":"\n

Depuis une dizaine d\u2019ann\u00e9es, Nathalie Daoust prom\u00e8ne son \u0153il aux quatre coins de la plan\u00e8te pour capter l\u2019essence de lieux de passage, en particulier les chambres d\u2019h\u00f4tels o\u00f9 des sujets f\u00e9minins, beaux, jeunes et d\u2019\u00e2ge m\u00fbr, se laissent photographier en toute simplicit\u00e9. Une fois dans la chambre noire, Daoust travaille \u00e0 faire de ces femmes des mod\u00e8les et de ses photos de v\u00e9ritables tableaux. Jeune photographe, elle semble pr\u00e9f\u00e9rer, pendant un temps, des compositions \u00e9labor\u00e9es qui ne sont pas sans rappeler le mouvement surr\u00e9aliste et le conte illustr\u00e9. Des heures durant, elle manipule les images pour obtenir des compositions en 3-D, toute en transparence et en raffinement.<\/p>\n\n\n\n

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H\u00f4tel Jump<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

\u00c0 cette \u00e9poque, le r\u00e9sultat s\u2019apparente plus \u00e0 l\u2019illustration qu\u2019\u00e0 la simple prise de vue et le spectateur, qui est tent\u00e9 d\u2019attribuer \u00e0 l\u2019artiste une parfaite ma\u00eetrise de logiciels tels Photoshop ou Studio Pro, est flou\u00e9. Aussi ma surprise fut-elle grande d\u2019apprendre que Nathalie Daoust n\u2019avait jamais utilis\u00e9 quelque logiciel que ce soit. Ses photographies, r\u00e9alis\u00e9es selon des m\u00e9thodes les plus traditionnelles, repr\u00e9sentent des heures de travail laborieux dans la chambre noire. Son \u0153uvre d\u00e9mentit l\u2019id\u00e9e ma\u00eetresse qui r\u00e9git le d\u00e9bat opposant \u00ab la force et la l\u00e9gitim\u00e9 des arts num\u00e9riques [\u2026] leur contemporan\u00e9it\u00e9 \u00e0 la \u00ab m\u00e9diocrit\u00e9 \u00bb des \u00ab beaux-arts [\u2026] qui ne nous parlent que du vieux monde\u2026 \u00bb. Mutatis mutandis, elle corrobore l\u2019id\u00e9e avanc\u00e9e par Herv\u00e9 Fischer, selon laquelle \u00ab Ce ne sont pas les technologies num\u00e9riques qu\u2019il faut c\u00e9l\u00e9brer, mais l\u2019audace des artistes qui les explorent. Les d\u00e9fis ne sont pas dans les ordinateurs, mais dans la t\u00eate des artistes. \u00bb1<\/sup><\/p>\n\n\n\n

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Baiser 3<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Plut\u00f4t que d\u2019interroger Daoust sur le choix d\u2019un travail de longue haleine en laboratoire au regard de l\u2019usage des nouvelles technologies, je me suis appliqu\u00e9e \u00e0 penser cette posture de l\u2019ext\u00e9rieur, en partant du postulat que toute nouvelle technologie \u2013 \u00e0 travers les si\u00e8cles \u2013 se devait d\u2019ajouter quelque chose \u00e0 la pratique existante2<\/sup>. Certains artistes ont exp\u00e9riment\u00e9, parfois de fa\u00e7on excessive, toutes les innovations technologiques et ont ainsi transform\u00e9 leur mani\u00e8re de faire ; d\u2019autres les ont appliqu\u00e9es \u00e0 leurs \u0153uvres pour modifier le grain de ces derni\u00e8res, leur \u00e9paisseur, leur transparence ou quelque autre qualit\u00e9 esth\u00e9tique. Des artistes s\u2019en servent pour explorer des mondes virtuels, insaisissables \u00e0 l\u2019\u0153il nu, tournant le dos \u00e0 des mani\u00e8res de faire devenues, aux yeux des plus innovateurs, obsol\u00e8tes.<\/p>\n\n\n\n

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Slow Storm<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Mais la plupart des artistes \u2013 surtout \u00e0 partir de 1995 \u2013 ont voulu en faire l\u2019exp\u00e9rience, quitte \u00e0 les d\u00e9laisser ensuite. Entre Quatre Murs<\/em> et New York H\u00f4tel Story <\/em>nous laissent croire que la photographe n\u2019aurait pas \u00e9t\u00e9 insensible aux r\u00e9sultats qu\u2019elle aurait pu en tirer sur le plan esth\u00e9tique. Les photos de ces s\u00e9ries se situent quelque part entre la peinture de Magritte et la photo composite (prises de vue \/ manipulations \u00e0 l\u2019aide de logiciels) de photographes comme Greg Girard ou Yang Yi3<\/sup>. Or, Nathalie Daoust s\u2019emploie aujourd\u2019hui \u00e0 photographier ses sujets \u00e0 vif, je dirais de plus en plus \u00e0 nous les livrer nus. Le travail sur l\u2019image se fait plus discret, imperceptible \u00e0 l\u2019\u0153il, hormis la colorisation \u00e0 la main, telle que le montre la s\u00e9rie Baiser de rue : les filles de Nicacio<\/em>, dans laquelle la photographe s\u2019applique \u00e0 faire tomber les pr\u00e9jug\u00e9s, voire les tabous, plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 enjoliver ou surligner la r\u00e9alit\u00e9, ou, au contraire \u00e0 mythifier la prostitution et la prostitu\u00e9e. Le seul artifice qu\u2019utilise Daoust dans cette \u0153uvre r\u00e9cente4 <\/sup>\u2013 la colorisation pastel \u2013 ravive, au contraire, une m\u00e9thode souvent utilis\u00e9e dans les ann\u00e9es 30 jusqu\u2019\u00e0 la fin des ann\u00e9es 50, et la teinte d\u2019une note nostalgique en m\u00eame temps qu\u2019elle temp\u00e8re la duret\u00e9 des lieux clos ou exalte la grandeur des paysages et de l\u2019espace. Rien de num\u00e9rique non plus dans Frozen in Time<\/em> \u2013 photographi\u00e9 \u00e0 l\u2019aide d\u2019une cam\u00e9ra st\u00e9nop\u00e9e5<\/sup>. Pour rendre la rugosit\u00e9 des premi\u00e8res et le sublime des secondes, rien ne semblait valoir les bonnes vieilles planches argentiques.<\/p>\n\n\n\n

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Pilatus<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Quoique le regard sans a priori moral de Daoust sur les femmes \u2013 fussent-elles effeuilleuses dans un bar ou prostitu\u00e9es \u2013 est int\u00e9ressant d\u2019un point de vue social, c\u2019est sur son incursion du c\u00f4t\u00e9 de la nature que je voudrais m\u2019attarder ici, car Frozen in Time<\/em> semble \u00eatre un d\u00e9tour, un interm\u00e8de particulier dans sa production. Malgr\u00e9 l\u2019humour, qui impr\u00e8gne la quasi-totalit\u00e9 des photos de cette s\u00e9rie permettant de nous tenir \u00e0 distance de l\u2019insaisissable grandeur de l\u2019univers ainsi que de la saisissante petitesse de l\u2019homme \u2013 comme pour mieux en mesurer le gouffre entre les deux \u2013, Frozen in Time<\/em> aborde le sublime et tente de circonscrire l\u2019infigurable perception sensible de l\u2019espace. <\/strong>Impossible d\u2019affronter un tel lieu, de s\u2019imaginer y vivre, de s\u2019y mesurer. L\u2019artiste cr\u00e9e ainsi une distance qui s\u00e9pare l\u2019avant et l\u2019arri\u00e8re-plan. La magnificence du paysage naturel se transforme en d\u00e9cor de th\u00e9\u00e2tre devant lequel, au premier plan, le sujet f\u00e9minin culbute, s\u2019affaisse, s\u2019\u00e9tale, s\u2019\u00e9crase et se d\u00e9sarticule. La s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 premi\u00e8re du paysage se v\u00eat alors d\u2019une \u00ab inqui\u00e9tante \u00e9tranget\u00e9 \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

\"\"<\/figure>\n\n\n\n
\"\"<\/figure>\n\n\n\n

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