{"id":3332,"date":"2006-11-01T17:27:47","date_gmt":"2006-11-01T17:27:47","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3332"},"modified":"2023-02-13T17:28:01","modified_gmt":"2023-02-13T17:28:01","slug":"novembre-2006-deplacements-intimes-installations-infographiques-de-marcia-lorenzato","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/novembre-2006-deplacements-intimes-installations-infographiques-de-marcia-lorenzato\/","title":{"rendered":"Novembre 2006 – D\u00e9placements intimes. Installations infographiques de Marcia Lorenzato"},"content":{"rendered":"\n
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Marcia Lorenzato a pr\u00e9sent\u00e9 sa derni\u00e8re exposition, qui se tient actuellement \u00e0 la Maison de la Culture Ahuntsic-Cartierville Montr\u00e9al, comme des \u00ab d\u00e9placements intimes \u00bb. Ce titre se justifie dans la mesure o\u00f9 le parcours que l\u2019on fait au travers de ces dix images infographiques dessine bel et bien un voyage impr\u00e9visible. D\u2019embl\u00e9e, on peut situer une relation dans le ludique, entre le r\u00e9el et le r\u00eave. Les images op\u00e8rent par un perp\u00e9tuel jeu de miroir et de symbole dans lequel le monde des objets clairs et articul\u00e9s se trouve aboli. Celles-ci dessinent une spatialit\u00e9 sans choses, mais avec le souvenir de l\u2019enfance br\u00e9silienne et de l\u2019identit\u00e9 nomade de l\u2019artiste. Ici, deux enfants basculent tout habill\u00e9s dans un jeu de miroirs. C\u2019est que l\u2019artiste, telle Alice de Lewis Carroll dans son Voyage au Pays des merveilles<\/em>, nous entra\u00eene au-del\u00e0 des apparences dans une travers\u00e9e symbolique qui prend forme avec le motif r\u00e9current du jardin et ses multiples territoires d\u2019explorations. Dans ce monde v\u00e9g\u00e9tal onirique, r\u00e9gi par des r\u00e8gles de jeu particuli\u00e8res, l\u2019artiste nous invite \u00e0 franchir la surface de l\u2019image pour en d\u00e9couvrir la face cach\u00e9e. Au fond, c\u2019est ce que semble nous souffler le titre de l\u2019exposition, des d\u00e9placements \u00e0 travers le miroir et \u00e0 travers l\u2019image.<\/p>\n\n\n\n

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Double-jeu<\/em>, 2002, de Marcia Lorenzato
Photo : Ren\u00e9 Funk<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Parmi ces \u00e9tranges images, se r\u00e9v\u00e8le un monde factice, \u00ab une construction de ch\u00e2teaux d\u2019air \u00bb comme le dit Freud pour le r\u00eave: Trois lits, trois enfants, trois paysages, trois fen\u00eatres, trois lieux de passage des eaux. L\u2019image pose cet \u00e9pineux probl\u00e8me qui n\u2019est pas tant de pr\u00e9senter des objets visuels, tant\u00f4t tableaux-lit bloqu\u00e9s dans l\u2019acte pictural, exp\u00e9rience de fragmentation, sortes de po\u00e9tique de l\u2019\u00e9ph\u00e9m\u00e8re, que d\u2019enclaver un monde fr\u00e9missant dans ses d\u00e9rives intimes. Pas \u00e9tonnant, car l\u2019espace de sollicitation des images de Marcia Lorenzato ne cesse de creuser le m\u00eame sillon, conviant des formules complexes de m\u00e9moire. \u00c9clair\u00e9es par l\u2019arri\u00e8re, les images photographiques montrent une r\u00e9alit\u00e9 en transparence. Efficaces esth\u00e9tiquement, elles sont, par moment, plastiquement transpos\u00e9es dans l\u2019objet mat\u00e9riel et physique du lit accroch\u00e9 verticalement au mur. Ch\u00e2ssis, format ou cadre, cette monstration m\u00e9taphorise l\u2019espace du r\u00eave, mais l\u2019\u0153uvre devient autre. Constat plus flagrant, l\u2019image est elle-m\u00eame constitu\u00e9e de bribes d\u2019objet provenant de souvenirs d\u2019enfance (une planche en bois, des chaussons d\u2019enfants, par exemple), cr\u00e9ant une mise en sc\u00e8ne muette dont la r\u00e9ception r\u00e9clame pr\u00e9cis\u00e9ment le silence pour \u00eatre efficace. Voil\u00e0 que nous semblons tendre, au travers de cette tripartition entre la pr\u00e9sence de l\u2019objet, sa signification et sa repr\u00e9sentation, vers une \u00e9trange conception d\u2019une mise en sc\u00e8ne qui se d\u00e9voile \u00e0 travers l\u2019ensemble de l\u2019exposition. Il faut alors glisser dans l\u2019incr\u00e9dulit\u00e9 d\u2019un saint Thomas qui a besoin de toucher les plaies du Christ pour croire \u00e0 ce qu\u2019il n\u2019a pas vu. Que ce soit par l\u2019installation des images dans l\u2019espace, o\u00f9 par le travail informatique de la mati\u00e8re photographique, les images ne se verbalisent pas, elles sont gardiennes de la mati\u00e8re intime des souvenirs enfouis. Mati\u00e8re impalpable que celle de la m\u00e9moire, mais bien pr\u00e9sente comme le v\u00e9hicule le plus \u00e9vident des images de Marcia Lorenzato. L\u2019artiste les d\u00e9crit comme des \u00ab marques du temps \u00bb qui seraient avant toute chose \u00ab des empreintes et des miroirs. \u00bb<\/p>\n\n\n\n

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Fen\u00eatre<\/em> de Marcia Lorenzato<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

L\u2019image photographique est \u00e0 la base d\u2019un paradigme essentiel pour l\u2019artiste, mais aussi une singuli\u00e8re po\u00e9tique, celle qui lui fait aborder le travail de la m\u00e9moire. Ce \u00ab il a \u00e9t\u00e9 une fois \u00bb pourrait \u00e9galement \u00eatre appr\u00e9hend\u00e9 comme le \u00ab \u00e7a a \u00e9t\u00e9 \u00bb de la photographie. Mais si la photographie est un miroir qui se souvient, il faut sans doute la comprendre en tant que m\u00e9moire de la forme, car le contenu du souvenir n\u2019est pas photographiable. Curieusement, il semble que ce point en dise beaucoup plus long sur l\u2019un des traits sp\u00e9cifiques du travail infographique de Marcia Lorenzato. Aussi nous pr\u00e9cise t-elle, \u00ab l\u2019objet, tel que je le per\u00e7ois en atelier, est la condensation d\u2019exp\u00e9riences constamment en voie de disparition \u00e0 force de temps. Il peut comporter plusieurs couches de fonctions et de sens, qui varient dans l\u2019imaginaire de celui qui l\u2019observe \u00bb. En cela, quelque peu diff\u00e9rente du r\u00e9seau proustien d\u2019associations d\u2019id\u00e9es dans lequel un nouvel \u00e9tat en appellerait un autre semblable ou diff\u00e9rent, la m\u00e9moire dans l\u2019\u0153uvre de Marcia Lorenzato ne peut \u00eatre fix\u00e9e, dans la mesure o\u00f9 elle est faite de travers\u00e9es perp\u00e9tuelles. <\/p>\n\n\n\n

En toute rigueur, la notion propos\u00e9e par Pierre Fedida, celle du \u00ab souffle indistinct de l\u2019image \u00bb devrait nous aider \u00e0 comprendre les images de Marcia Lorenzato. Elles se pensent dans le r\u00eave, le symbolique, le psychanalytique et l\u2019\u00e9tranget\u00e9, se d\u00e9ployant comme de grandes ondes venant sur d\u2019autres ondes. L\u2019eau, l\u2019\u00e9l\u00e9ment liquide est toujours au premier plan, ici une main tend un bouquet de fleurs, l\u00e0 tout d\u2019un coup les reflets de lumi\u00e8res, espace abstrait, ni milieu ni mati\u00e8re dans lequel s\u2019\u00e9parpillent les mouvements si agr\u00e9ables des corps d\u2019enfants. Il semble bien que s\u2019illustre ici le lien de toute chose avec toute chose, harmonie malgr\u00e9 toutes les complexit\u00e9s. Le langage sous-jacent des images ne semble \u00eatre pour l\u2019artiste qu\u2019un dispositif symbolique.<\/p>\n\n\n\n

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Co\u00efncidence-lit<\/em> de Marcia Lorenzato<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Car plus que tout, c\u2019est de l\u2019invisibilit\u00e9 m\u00eame dont il est question, et de sa perception. Mais comment rendre sensible une telle d\u00e9marche, qui consiste \u00e0 mettre en sc\u00e8ne un d\u00e9placement, celui d\u2019un monde fictionnel que l\u2019on ne voit pas ? Le m\u00e9dium, l\u2019infographie utilis\u00e9e par l\u2019artiste comme m\u00e9taphore de la r\u00e9alit\u00e9 fictive de l\u2019\u0153uvre est ici d\u2019une aide pr\u00e9cieuse dans la mesure o\u00f9 il met en relation l\u2019aspect formel et symbolique. Il permet d\u2019\u00e9tablir cette fiction partag\u00e9e en tant que telle par le spectateur, dont le r\u00e9f\u00e9rent serait non existant, de maintenir l\u2019autonomie de la fiction comprise comme r\u00e9alit\u00e9 \u00e0 part enti\u00e8re. Oscillant entre le v\u00e9ridique et l\u2019illusion, le m\u00e9dium fait appara\u00eetre possible ce qui n\u2019existe aucunement. Nous retrouvons le th\u00e8me de l\u2019opposition compl\u00e9mentaire entre la r\u00e9alit\u00e9 et l\u2019art : parce que toute illusion ne peut se fonder que sur la facult\u00e9 de ce qui fut r\u00e9el. Cela est d\u2019autant plus vrai, que chez Marcia Lorenzato, l\u2019invisible, cette factualit\u00e9 qui n\u2019est rien d\u2019autre que l\u2019inqui\u00e9tude d\u2019\u00eatre<\/em>1<\/sup>,circule dans l\u2019\u0153uvre comme une m\u00e9taphore. La difficult\u00e9 semble consister \u00e0 pointer, \u00e0 indexer cette capacit\u00e9 de disparition des images, plus ou moins visible plus ou moins palpable dans l\u2019accumulation de leurs \u00e9l\u00e9ments de r\u00e9alit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

En ce sens, cet invisible qui constitue la mouvance de ces \u00ab d\u00e9placements intimes \u00bb, correspondrait dans le travail de Marcia Lorenzato \u00e0 la difficile question de l\u2019errance, difficile parce que non r\u00e9solue. Mais elle se r\u00e9v\u00e8le d\u00e9cisive lorsque sans pr\u00e9venir, elle nous propose d\u2019aller jusqu\u2019au bout de l\u2019isthme r\u00eav\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Nous faisons r\u00e9f\u00e9rence indirectement au titre d\u2019une exposition pr\u00e9c\u00e9dente de l\u2019artistique. \u00ab\u00a0Inqui\u00e9tante intimit\u00e9\u00a0\u00bb, Galerie Art M\u00fbr, Espace 4, (8-23 septembre 06), Montr\u00e9al.<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Fedida, Pierre, \u00ab\u00a0Le souffle indistinct de l\u2019image\u00a0\u00bb, Le site de l\u2019\u00e9tranger. La situation psychanalytique<\/em>, Paris, PUF, 1995, 320 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Freud, Sigmund,\u00a0L\u2019interpr\u00e9tation des r\u00eaves<\/em>, Paris, PUF, 1967, 768 p. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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