{"id":3414,"date":"2006-03-01T18:36:22","date_gmt":"2006-03-01T18:36:22","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3414"},"modified":"2023-02-13T18:36:36","modified_gmt":"2023-02-13T18:36:36","slug":"mars-2006-ou-va-limage-quand-le-cadre-ne-larrete-plus-esthetique-et-cloture-de-la-representation","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mars-2006-ou-va-limage-quand-le-cadre-ne-larrete-plus-esthetique-et-cloture-de-la-representation\/","title":{"rendered":"Mars 2006 – O\u00f9 va l\u2019image quand le cadre ne l\u2019arr\u00eate plus\u00a0? Esth\u00e9tique et cl\u00f4ture de la repr\u00e9sentation"},"content":{"rendered":"\n

O\u00f9 va l\u2019image quand le cadre ne s\u2019arr\u00eate plus\u00a0? C\u2019est une question ent\u00eatante parce que ses domaines d’application sont infinis; si l’on d\u00e9cide de s’enqu\u00e9rir de son \u00e9cho dans le domaine de l\u2019art par exemple, nous sommes renvoy\u00e9s \u00e0 l\u2019art plastique aussi bien qu’au cin\u00e9ma, \u00e0 la photographie mais aussi aux nouvelles technologies. Il faut tenter de trouver les \u00e9l\u00e9ments communs \u00e0 ces formes d’expressions pour apporter les premiers \u00e9l\u00e9ments de r\u00e9ponse \u00e0 la simple mais essentielle question de savoir\u00a0: qu\u2019est-ce que le cadre\u00a0?<\/p>\n\n\n\n

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Kasimir Malevitch,\u00a0Carr\u00e9 rouge<\/em>, 1915<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

L’un des plus impressionnants, et pr\u00e9coces, exemples nous en fut fourni par le cin\u00e9aste Abel Gance avec son film muet Napol\u00e9on<\/em> datant de 1926. L’auteur s’y positionnait en d\u00e9miurge : il voulait tout voir, tout donner \u00e0 voir, tout enfermer dans l’image, \u00eatre partout \u00e0 la fois, \u00e9puiser la perception dans la multiplication des points de vue. Inventeur de la polyvision, son cin\u00e9ma embl\u00e9matique c\u00e9l\u00e8bre \u00e0 la fois la folie du cadre total et la pulv\u00e9risation du cadre. Plus que toute autre, son \u0153uvre s’empare des multiples langages du cadre, assumant les d\u00e9ferlements d’une image lib\u00e9r\u00e9e de la cl\u00f4ture de la repr\u00e9sentation mais toujours comme prise \u00e0 revers par l’essence du cadre, un cadre dont elle ne peut durablement s’affranchir qu’en l’accomplissant.<\/p>\n\n\n\n

Pour mieux comprendre la nature et les fonctions singuli\u00e8res du cadre, prenons d’abord celui-ci au sens large de bordure<\/em>, de limite<\/em> qui fut son premier sens. Consid\u00e9r\u00e9 sous cet angle, on s’aper\u00e7oit que la fin du support mat\u00e9riel de l\u2019image, le papier de la photographie ou le ch\u00e2ssis du tableau, constitue un cadre \u00e0 elle seule. Pourquoi le bord de cette table ne forme-t-il donc pas un cadre ? Pourquoi faut-il parler \u00e0 son propos de contour, de lin\u00e9ament ? Parce que la table appartient \u00e0 la classe des objets et non \u00e0 celle des repr\u00e9sentations. Cela nous m\u00e8ne \u00e0 une premi\u00e8re approche du cadre : le cadre a affaire avec la dimension repr\u00e9sentative. Par cadre, je dois donc entendre l’interface, le point de contact entre deux mondes, le monde de la repr\u00e9sentation d’un c\u00f4t\u00e9, le monde \u00ab\u00a0r\u00e9el\u00a0\u00bb de l’autre. La premi\u00e8re nature du cadre est d’exprimer un rapport, de figurer un \u00e9cart-type que l’on pourrait d\u00e9finir en disant que le cadre manifeste \u00e0 la fois une intention (la repr\u00e9sentation de) et le lieu de la manifestation de cette intention. <\/p>\n\n\n\n

D’o\u00f9 une nouvelle question surgissant \u00e0 cet endroit : peut-on \u00e9chapper au cadre ? Peut-on seulement penser \u00e0 lui \u00e9chapper ? Si tel \u00e9tait le cas, si la chose \u00e9tait possible, quelle serait la particularit\u00e9 de ce d\u00e9bordement du cadre ? Autrement dit, quelle serait la particularit\u00e9 de ce qui ne serait pas\/plus dans le cadre ? Par exemple, notre fa\u00e7on de r\u00e9fl\u00e9chir au cadre pourrait ne pas convenir aux intentions et aux objectifs de tel ou tel lecteur de cette \u00e9tude, voire \u00e0 la ligne \u00e9ditoriale m\u00eame de la revue qui l’abrite. Donc, cette approche pourrait ne pas convenir \u00e0 un contexte sp\u00e9cifique de production du sens. Une autre d\u00e9finition du cadre se pr\u00e9sente maintenant \u00e0 nous. Le cadre montre ses liens avec la convention et le contexte : il est une convention contextualis\u00e9e. En tant que tel, il rel\u00e8ve d\u2019un choix, il est subjectif; comme la loupe du collectionneur, il isole un ensemble d\u2019\u00e9l\u00e9ments qu’il contribuera par l\u00e0 m\u00eame \u00e0 rendre pertinents. Le cadre, au niveau o\u00f9 nous en sommes, tient donc un discours sur, un discours \u00e0 propos de ce qu\u2019il contient. Dans les ann\u00e9es 90, le groupe \u00b5u \u00e9laborait en ce sens une s\u00e9miotique et une rh\u00e9torique du cadre. Dans son Trait\u00e9 du signe visuel il mettait en avant les fonctions efficientes du cadre : indication, bornage, compartimentage, \u00e9cho, signature, d\u00e9bordement ou suppression.<\/p>\n\n\n\n

Le cadre s’avance donc vers nous sous la forme du commentaire<\/em> au sens o\u00f9 il fonctionne comme une note \u00e9crite en marge d\u2019un texte dans le but de l’interpr\u00e9ter et de lui donner un \u00e9clairage. Au point o\u00f9 nous en sommes, nous pouvons donc poser maintenant la nature doublement intentionnelle du cadre, en pr\u00e9cisant que par intention on ne d\u00e9signe pas ici un processus cognitif ou un \u00e9v\u00e9nement mental, mais un contexte de production doubl\u00e9 d\u2019un contexte de r\u00e9ception sachant que l’un et l’autre ne se superposent jamais exactement l’un sur l’autre. Le cadre, c\u2019est donc aussi la convention culturelle dominante, qui va d\u00e9border le cadre d\u2019une \u0153uvre donn\u00e9e et qui va lui octroyer une raisonnance<\/em>, lui donner une raison d\u2019\u00eatre et le l\u00e9gitimer. <\/p>\n\n\n\n

C\u2019est pourquoi la question du cadre constitue un lieu int\u00e9ressant de questionnement de l\u2019art, d\u2019abord, parce que l\u2019histoire de l\u2019art tout enti\u00e8re peut se d\u00e9crire, voire s\u2019\u00e9crire, comme l’\u00e9pop\u00e9e de la sortie du cadre, comme une tentative de d\u00e9border constamment le cadre, de s\u2019extraire de lui. Mais refuser la notion m\u00eame de cadre n\u2019est-ce pas encore ob\u00e9ir \u00e0 un cadre, c’est-\u00e0-dire demeurer sous l’emprise d’une d\u00e9finition, d’un sens donn\u00e9 a priori ? Un art sans cadre par exemple est-il envisageable\u00a0? Est-ce une proposition qui a un sens\u00a0? Est-ce que nos cadres th\u00e9oriques, nos postures id\u00e9ologiques ne nous prennent pas toujours au pi\u00e8ge du cadre\u00a0? On le comprend mieux ici : chercher \u00e0 d\u00e9finir le cadre, c’est voir surgir une infinit\u00e9 de cadres qui s\u2019embo\u00eetent tr\u00e8s ing\u00e9nieusement les uns dans les autres. Trois types de cadres nous int\u00e9resseront tout particuli\u00e8rement.<\/p>\n\n\n\n

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