{"id":3419,"date":"2006-03-01T18:40:08","date_gmt":"2006-03-01T18:40:08","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3419"},"modified":"2023-02-13T18:40:25","modified_gmt":"2023-02-13T18:40:25","slug":"mars-2006-photographe-de-linvisible","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/mars-2006-photographe-de-linvisible\/","title":{"rendered":"Mars 2006 – Photographe de l\u2019invisible"},"content":{"rendered":"\n

Le monde de Jean-Pierre Aub\u00e9 est bien r\u00e9el, quoi qu\u2019intangible. Photographe, il capte \u00e0 l\u2019aide de r\u00e9cepteurs d\u2019ondes de tr\u00e8s basses fr\u00e9quences (VLF) des paysages sonores imperceptibles aux sens. Le 17 f\u00e9vrier 2005, il d\u00e9barquait au Studio d\u2019essai du complexe M\u00e9duse avec\u00a0Save the Waves<\/em>, une installation con\u00e7ue dans le brouhaha de la ville pour faire entendre ce qui nous \u00e9chappe habituellement.<\/p>\n\n\n\n

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Dispositif de la performance de Jean-Pierre Aub\u00e9 dans le cadre du Mois multi (Qu\u00e9bec, 2005)<\/figcaption><\/figure>\n\n\n\n

Jean-Pierre Aub\u00e9 est entr\u00e9 dans le monde de l\u2019art avec une cam\u00e9ra entre les mains. Lui qui aime rester pr\u00e8s de la nature comptait sur sa cam\u00e9ra pour capter des parcelles de paysages. Mais quelle que soit la photo prise, il n\u2019en a jamais vraiment \u00e9t\u00e9 satisfait. Par ailleurs, tout artiste qu\u2019il est, il a toujours port\u00e9 un regard attentif sur les d\u00e9veloppements de la science. La science qui tente d\u2019expliquer, de d\u00e9crire et de comprendre les ph\u00e9nom\u00e8nes d\u2019ordres naturels, comme les perturbations que subit la magn\u00e9tosph\u00e8re, le champ magn\u00e9tique qui entoure la terre. Et puis un beau jour, Jean-Pierre Aub\u00e9 a mis de c\u00f4t\u00e9 sa cam\u00e9ra et, sans d\u00e9laisser sa nature de photographe, a d\u00e9velopp\u00e9 des outils qui lui permettent de capter des morceaux de paysages invisibles \u00e0 nos yeux. Il s\u2019est mis \u00e0 fabriquer des r\u00e9cepteurs d\u2019ondes hertziennes de tr\u00e8s basses fr\u00e9quences (Very Low Frequency<\/em>) capables de capter les sons de ph\u00e9nom\u00e8nes naturels qui troublent la magn\u00e9tosph\u00e8re, comme les orages \u00e9lectriques, les aurores bor\u00e9ales ou le vent solaire. Travail de photographe ? Oui, selon lui, puisqu\u2019il s\u2019agit toujours de cr\u00e9er une repr\u00e9sentation du r\u00e9el \u00e0 l\u2019aide d\u2019un proc\u00e9d\u00e9 technologique, en renversant toutefois l\u2019id\u00e9e que tout ph\u00e9nom\u00e8ne appartient \u00e0 l\u2019ordre du visible. <\/p>\n\n\n\n

Impossible de capter les sons VLF en pleine ville ou dans n\u2019importe quel milieu habit\u00e9 ; ils sont enfouis sous les ondes \u00e9lectromagn\u00e9tiques produites par nos appareils \u00e9lectriques, les lignes et transformateurs d\u2019Hydro-Qu\u00e9bec, etc. Pour arriver \u00e0 capter les oscillations de la magn\u00e9tosph\u00e8re lorsque frappe un \u00e9clair, Jean-Pierre Aub\u00e9 a voyag\u00e9 tr\u00e8s loin et march\u00e9 tr\u00e8s longtemps, au Qu\u00e9bec, en Finlande, en \u00c9cosse ou ailleurs. Au beau milieu d\u2019un lac gel\u00e9, il a un jour install\u00e9 ses capteurs VLF pour capter les sons d\u2019une aurore bor\u00e9ale. Sur une \u00eele du Saint-Laurent, il a encore capt\u00e9 une autre parcelle de paysage invisible, mais pourtant bien r\u00e9elle et tout aussi pr\u00e9sente dans l\u2019environnement que les montagnes, les cours d\u2019eau et les vall\u00e9es. Pendant des ann\u00e9es, il s\u2019est ainsi lanc\u00e9 \u00e0 la recherche de territoires vierges d\u2019ondes \u00e9lectromagn\u00e9tiques, territoires plut\u00f4t difficiles \u00e0 trouver, surtout aux \u00c9tats-Unis, o\u00f9 \u00ab on ne peut s\u2019\u00e9loigner jamais plus de 14 kilom\u00e8tres des lignes \u00e9lectriques <\/em>\u00bb, dit-il en entrevue t\u00e9l\u00e9phonique En r\u00e9ponse \u00e0 cette difficult\u00e9, il a un jour install\u00e9 ses capteurs VLF au centre m\u00eame de la ville et a ainsi cr\u00e9\u00e9 l\u2019installation Save the Waves<\/em>. <\/p>\n\n\n\n

Le frigo, le grille-pain, l\u2019ordinateur, la radio ou la t\u00e9l\u00e9vision, tous les appareils \u00e9lectroniques \u00e9mettent des ondes \u00e9lectromagn\u00e9tiques. On ne les per\u00e7oit pas vraiment, mais on nage dedans.\u00a0Save the Waves<\/em>\u00a0\u00ab capte le son dans lequel nous vivons, mais que nous entendons plus ou moins<\/em>\u00a0\u00bb, d\u00e9crit Jean-Pierre Aub\u00e9. Un son omnipr\u00e9sent et que l\u2019artiste qualifie de \u00ab bande sonore du quotidien \u00bb, comme on dit d\u2019un film qu\u2019il a une bande sonore, qu\u2019elle se fasse remarquer ou non. Si elle nous \u00e9chappe, la \u00ab bande sonore du quotidien \u00bb retient l\u2019attention de la science depuis quelques temps, qui s\u2019inqui\u00e8te des effets qu\u2019elle peut avoir sur notre sant\u00e9. Est-elle canc\u00e9rig\u00e8ne ? \u00ab On en a parl\u00e9 encore aujourd\u2019hui dans les journaux \u00bb, fait remarquer Jean-Pierre Aub\u00e9. De son c\u00f4t\u00e9, il utilise ses r\u00e9cepteurs VLF pour rendre cette bande sonore imperceptible, perceptible. Les r\u00e9cepteurs d\u2019ondes hertziennes de\u00a0Save the Waves<\/em>\u00a0sont les m\u00eames qu\u2019utilise l\u2019artiste pour capter les aurores bor\u00e9ales. Quatre r\u00e9cepteurs VLF seront dispos\u00e9s dans le studio d\u2019Essai de M\u00e9duse. Les sons capt\u00e9s, apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 trait\u00e9s et amplifi\u00e9s, seront diffus\u00e9s par huit grands haut-parleurs assembl\u00e9s en forme de tour. Pourquoi huit ? \u00ab Pour faire tourner le son\u00bb, explique Aub\u00e9, intarissable lorsqu\u2019il parle de son travail, mais assez pr\u00e9cis lorsqu\u2019on lui demande \u00e0 quoi devra s\u2019attendre le visiteur. \u00ab La seule chose que j\u2019aimerais que les gens retiennent en sortant de\u00a0Save the Waves<\/em>, c\u2019est que ce qu\u2019ils viennent d\u2019entendre existe vraiment et qu\u2019aujourd\u2019hui, ils en ont per\u00e7u une parcelle \u00bb. D\u2019habitude, ce n\u2019est pas l\u2019art, mais la science qui s\u2019occupe de nous pr\u00e9senter le r\u00e9el. Et lorsqu\u2019elle nous parle de l\u2019environnement, c\u2019est pour nous dire qu\u2019il se porte mal, tr\u00e8s mal m\u00eame et qu\u2019il faudrait bien faire quelque chose pour l\u2019aider un peu. Bien des gens sont \u00e0 l\u2019\u00e9coute, sans doute, car un peu partout sur la plan\u00e8te, on entend les m\u00eames cris : \u00ab sauvons les loups \u00bb, \u00ab sauvons les dauphins \u00bb et plus souvent encore \u00ab save the Whales \u00bb. Un appel retentissant auquel il suffit de changer deux lettres et d\u2019en faire dispara\u00eetre une pour se retrouver dans\u00a0Save the Waves<\/em>\u00a0de Jean-Pierre Aub\u00e9. Le 17 f\u00e9vrier 2005, \u00e0 18h, l\u2019artiste poussait les vagues \u00e0 leur paroxysme. Personne n\u2019y a vraiment flott\u00e9. Il y manquait la po\u00e9sie d\u2019une aurore bor\u00e9ale ou du vent solaire.<\/p>\n\n\n\n

Le site de Jean-Pierre Aub\u00e9 sur lequel on peut voir et entendre une performance (dans les espaces du Quartier \u00c9ph\u00e9m\u00e8re, Montr\u00e9al) qui amplifie la pollution \u00e9lectromagn\u00e9tique du lieu\u00a0:\u00a0http:\/\/www.kloud.org\/<\/a><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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