{"id":3476,"date":"2005-02-01T15:24:35","date_gmt":"2005-02-01T15:24:35","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3476"},"modified":"2023-02-14T15:24:42","modified_gmt":"2023-02-14T15:24:42","slug":"fevrier-2005-espaces-intermediaires","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/fevrier-2005-espaces-intermediaires\/","title":{"rendered":"F\u00e9vrier 2005 – Espaces interm\u00e9diaires"},"content":{"rendered":"\n
Rien n\u2019arrive n\u2019importe o\u00f9. Un \u00e9v\u00e9nement se d\u00e9termine en fonction du lieu o\u00f9 il se produit. Et avant d\u2019en toucher le c\u0153ur, il faut parfois traverser une ville improbable. Une ville tellement pleine qu\u2019on a l\u2019impression qu\u2019elle va bient\u00f4t d\u00e9border. Sao Paulo est comme \u00e7a.<\/p>\n\n\n\n
Pas un bout de trottoir qui ne soit occup\u00e9 par son lot de vendeurs ambulants, de pi\u00e9tons inquiets, de chiens bien ou mal portants, de vrais ou faux gardiens, de petites, moyennes ou grandes promesses. Pas une ouverture qui ne soit tout de suite referm\u00e9e par une devanture. Pas le moindre espace laiss\u00e9 vacant. M\u00eame le dessus des tours est occup\u00e9. M\u00eame les poubelles sont habit\u00e9es. Mais Sao Paulo n\u2019est peut-\u00eatre pas une ville. C\u2019est peut-\u00eatre un petit pays construit \u00e0 la va-vite et en hauteur. Un assemblage d\u2019improvisations. Rien ne semble avoir \u00e9t\u00e9 pr\u00e9vu, mais tout est l\u00e0. Et tout a un petit air de trop. Trop de murs, de fa\u00e7ades, de rues et de voitures, de bruits, de cris, de commerces, de vendeurs, de chaleur, de pollution, d\u2019injustice, de richesse et de mis\u00e8re. Et trop de monde, oui, beaucoup trop de monde \u00e0 Sao Paulo. Au moins un million de personnes en trop que la ville recrache dans ses favelas. Et pourtant la ville en veut encore. En novembre dernier, elle accueillait les artistes Bill Vorn, Philom\u00e8ne Longpr\u00e9, Peter Horvath, Lynn Hugues, Fran\u00e7ois Qu\u00e9villon, Val\u00e9rie Lamontagne, Simon Laroche, Jean Dubois et d\u2019autres encore en leur donnant comme pr\u00e9texte FILE, le Festival Internacional de Linguagem Eletr\u00f4nica.<\/p>\n\n\n\n
Cr\u00e9\u00e9 en 2000 par Paula Perissinotto et Ricardo Barreto, FILE doit son existence \u00e0 l\u2019engouement de ses fondateurs pour les r\u00e9seaux informatiques et pour les formes artistiques qu\u2019ils peuvent h\u00e9berger. La premi\u00e8re \u00e9dition de FILE, exclusivement consacr\u00e9e \u00e0 l\u2019art web, fut mont\u00e9e avec les moyens du bord, soit un espace pr\u00eat\u00e9 par un mus\u00e9e d\u2019art et une commandite d\u2019Apple en pr\u00eat d\u2019ordinateurs. 15 ou 20, chacun d\u2019eux accumulant son nombre de propositions esth\u00e9tiques interactives. Esp\u00e9rant cr\u00e9\u00e9 une r\u00e9volution dans le paysage artistique de Sao Paulo, FILE s\u2019est donc implant\u00e9 dans la ville en opposant \u00e0 sa g\u00e9ographie \u2013 physique, politique, \u00e9conomique – l\u2019espace cybern\u00e9tique. Espace \u00ab anarchique et illimit\u00e9 \u00bb o\u00f9 \u00ab tous les mondes virtuels sont possibles \u00bb, r\u00eave encore Ricardo Barreto dans la pr\u00e9face au catalogue de FILE 2004, 5e \u00e9dition du festival. <\/p>\n\n\n\n
Dr\u00f4le de fa\u00e7on de parler du r\u00e9seau informatique en 2004. S\u2019il a fait voir bien des mirages au d\u00e9but des ann\u00e9es 90, l\u2019espace cybern\u00e9tique est aujourd\u2019hui connu pour son \u00e9tendu, sa rapidit\u00e9 de transmission\/r\u00e9ception, son indiff\u00e9rence aux langues ou langages et ses possibilit\u00e9s quasi-illimit\u00e9s de stockage. Mais il y a longtemps qu\u2019il a perdu sa r\u00e9putation \u00ab d\u2019anarchique \u00bb. Et si, parce qu\u2019il est enti\u00e8rement scripturaire, bien des formes nouvelles y sont possibles, elles ne peuvent prendre corps qu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9preuve du r\u00e9el. Hors, dans le discours emport\u00e9 de Ricardo Barreto, pas un mot sur les frottements entre l\u2019espace cybern\u00e9tique et celui dans lequel nous vivons. Pas un mot sur la pr\u00e9sence, toujours insaisissable, du visiteur devant l\u2019\u00e9cran d\u2019ordinateur. Comme si ce dernier pouvait se d\u00e9sint\u00e9grer et suivre les m\u00e9andres \u00e9lectroniques sans r\u00e9sistance. <\/p>\n\n\n\n
Dans sa volont\u00e9 exacerb\u00e9e de d\u00e9fendre les vertus de l\u2019espace cybern\u00e9tique et de l\u2019art sur le web, Ricardo Barreto manque une coche. Il ne voit pas que c\u2019est entre l\u2019espace du virtuel et l\u2019espace du vivant que se jouent de nouvelles exp\u00e9riences esth\u00e9tiques. Il ne prend en consid\u00e9ration que le web, sans voir que ce dernier nous ram\u00e8ne toujours dans le monde r\u00e9el, l\u00e0 m\u00eame o\u00f9 la conscience s\u2019exerce. <\/p>\n\n\n\n
Les croyances cybern\u00e9tiques de Ricardo Barreto, partag\u00e9es semble-t-il par Paula Perissinotto, ne freinent cependant pas la croissance de FILE, qui jouit depuis quelques ann\u00e9es de la complicit\u00e9 du Goethe Institut et du British Council de Sao Paulo, partenaires auxquels se sont ajout\u00e9s cette ann\u00e9e le Conseil des arts et des lettres du Qu\u00e9bec, le Conseil des arts du Canada, le Groupe Molior, Hexagram et le SESI de Sao Paulo. Au fil des partenariats, l\u2019\u00e9v\u00e9nement s\u2019est transform\u00e9. S\u2019il r\u00e9serve encore la part belle aux formes esth\u00e9tiques sur le web – les entassant sur un nombre restreints d\u2019ordinateurs sans souci pour leur visibilit\u00e9 – il ouvre aujourd\u2019hui plus largement sur l\u2019art interactif. La programmation de FILE 2004 d\u00e9clinait art web, art m\u00e9diatique et art robotique. Par ailleurs, un symposium et un \u00e9v\u00e9nement d\u00e9di\u00e9 aux nouvelles musiques \u00e9lectroniques (Hypersonica) s\u2019ajoutaient \u00e0 l\u2019\u00e9v\u00e9nement qui, pour la premi\u00e8re fois de son histoire, s\u2019est d\u00e9ploy\u00e9 dans un des lieux culturels les plus en vue \u2013 et les mieux dot\u00e9s – de Sao Paulo : le SESI, propri\u00e9t\u00e9 des Services sociaux de l\u2019industrie de Sao Paulo, une fondation priv\u00e9e. Bref, en 5 ans, FILE est sorti de l\u2019espace cybern\u00e9tique, a diversifi\u00e9 sa programmation et accru son rayonnement dans et hors la ville de Sao Paulo.<\/p>\n\n\n\n