{"id":3547,"date":"2004-02-01T16:31:07","date_gmt":"2004-02-01T16:31:07","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3547"},"modified":"2023-02-14T16:36:33","modified_gmt":"2023-02-14T16:36:33","slug":"re-configurations-du-travail-artistique-avec-linternet-et-les-technologies-numeriques-texte-contributif-et-incremental","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/re-configurations-du-travail-artistique-avec-linternet-et-les-technologies-numeriques-texte-contributif-et-incremental\/","title":{"rendered":"F\u00e9vrier 2004 – Re-configurations du \u00ab travail artistique \u00bb avec l\u2019Internet et les technologies num\u00e9riques. Texte contributif et incr\u00e9mental"},"content":{"rendered":"\n
J.-P.-Fourmentraux: La conception des \u0153uvres d\u2019art pour ordinateur promeut une hybridation des savoirs par le d\u00e9ploiement, dans l\u2019acte de cr\u00e9ation, de comp\u00e9tences composites. Les diff\u00e9rentes contributions, artistiques et informatiques, instaurent un morcellement de l\u2019activit\u00e9 cr\u00e9atrice et des modes pluriels de d\u00e9signation ou de localisation de ce qui pourra, dans ce contexte, \u00ab faire \u0153uvre \u00bb. Autrement dit, l’activit\u00e9 promeut une polyphonie \u00e9nonciative et un travail de n\u00e9gociation permanent qui confronte deux logiques d’actions et deux formes d’\u00e9criture : l’\u00e9criture de l’id\u00e9e ou du concept artistique et l’\u00e9criture de l’algorithme de programmation. La notion de dispositif permet ici de rendre compte de l\u2019ench\u00e2ssement ainsi que de l\u2019agencement artistique de ces multiples fragments d\u2019une \u0153uvre qui appara\u00eet bel et bien partag\u00e9e entre un algorithme, une interface et un contenu, aux devenirs souvent instables et incertains.<\/p>\n\n\n\n
S’il y a (souvent) s\u00e9paration entre deux logiques (artistique et algorithmique), c’est surtout en raison de la difficult\u00e9 apparente de la technique de la programmation. C\u2019est-\u00e0-dire que c’est une s\u00e9paration d’ordre pratique et non intrins\u00e8que aux deux logiques. Il se trouve que la programmation est \u00e0 la mode, et que c’est une technique inhabituelle. La s\u00e9paration entre les deux processus est vou\u00e9e \u00e0 \u00eatre temporaire : lorsque les artistes auront pris la mesure exacte de la technique de programmation, soit ils programmeront eux-m\u00eames, soit ils feront autre chose. Ce clivage \u00e9trange, qui tend \u00e0 tirer les \u0153uvres programm\u00e9es vers l’art conceptuel dans lequel l’id\u00e9e prime sur la forme, ne r\u00e9sistera pas au temps.<\/p>\n\n\n\n
La distinction entre le concept artistique et la pratique programmatique est pour le moins probl\u00e9matique dans le domaine artistique qui est parfois celui qui remet en cause la distinction entre \u00ab tekhne \u00bb et \u00ab \u00e9pist\u00e8me \u00bb (Bernard Stiegler). Si une telle distinction appara\u00eet c’est simplement que l’\u00e9nonciation sociale d’un projet pour trouver des moyens de r\u00e9alisation (financement, coop\u00e9ration, diffusion, etc.) prend in\u00e9vitablement des voies conceptuelles. Ce qui est en jeu avec une \u0153uvre d’art est moins un concept qu’une ant\u00e9-forme et il faudrait voir comment dans cette anticipation non langagi\u00e8re de la forme, la programmation (qui est un langage structur\u00e9 sur des fondements logicomath\u00e9matiques) intervient non pas a posteriori mais a priori, non pas comme un simple instrument de r\u00e9alisation mais comme une mati\u00e8re \u00e0 part enti\u00e8re. Ceci suppose que nous n’envisagions plus les technologies (programmatiques) du point de vue instrumental, comme le moyen de certaines fins, et que nous ne pensions plus l’art du point vue id\u00e9aliste h\u00e9rit\u00e9 du romantisme allemand.<\/p>\n\n\n\n
Devons-nous distinguer la mise en \u0153uvre de l’\u0153uvre elle-m\u00eame? On aimerait simplifier en nous r\u00e9f\u00e9rant \u00e0 des mod\u00e8les traditionnels et alors tout s’encha\u00eenerait. Cela est toujours possible : \u00e9nonciation, sp\u00e9cification, impl\u00e9mentation, prototypage, tests et corrections, mise en public. Et d\u00e9j\u00e0 on remarque que la scission entre langage d’\u00e9nonciation et de programmation n’est pas si simple. D\u00e8s lors que la description devient sp\u00e9cification, elle passe dans le champ performatif (o\u00f9 dire c’est faire, et m\u00eame faire faire). La n\u00e9gociation entre \u00ab\u00a0id\u00e9e\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0programme\u00a0\u00bb va donc passer d’un registre de langage \u00e0 un autre avec des tensions entre logiques aff\u00e9rentes \u00e0 chacun d’eux, au croisement de m\u00e9thodologies ascendantes ou descendantes (bottom-up<\/em>ou top-down<\/em>). Outre cette stratification du langage (on parle d’ailleurs de bas niveau, etc.) qui induit des formes m\u00e9thodologiques de travail (que l’on trouve d\u00e9j\u00e0 dans beaucoup d’arts temporels et en particulier dans la production cin\u00e9matographique), le travail en collectif et en particulier avec et sous l’influence des r\u00e9seaux court-circuite la lin\u00e9arit\u00e9, la s\u00e9quentialit\u00e9, la cons\u00e9cutivit\u00e9<\/em>. Un des points sensibles est alors l’initiation, l’\u00e9nonciation premi\u00e8re : qui parle le premier? Et est-ce que celui-ci va se poser en \u00ab g\u00e9n\u00e9ral \u00bb 7<\/a>? Mais le court-circuit va plus loin, il boucle de la conception \u00e0 l’utilisation, ce qui par exemple remet consid\u00e9rablement en cause la question de l’exposition abord\u00e9e comme finalit\u00e9. Et ce n’est pas l\u00e0 une nouveaut\u00e9 d\u00e9couverte seulement par le champ artistique mais tout autant par le champ manag\u00e9rial, voir par exemple le concept de P.L.M. (Product<\/em> Life Management<\/em>) particuli\u00e8rement soutenu par IBM.<\/p>\n\n\n\n Avec IIWU, nous avons rencontr\u00e9 nombre de difficult\u00e9s depuis l’initiation de ce projet. Des difficult\u00e9s principalement d’ordre m\u00e9thodologique car nous avions opt\u00e9 pour une m\u00e9thodologie ascendante que nous avions cru l\u00e9gitim\u00e9e par le travail en \u00ab\u00a0open source\u00a0\u00bb ; c’\u00e9tait un leurre. Bref, pour ma part, pas de recette, mais avoir conscience de ces questions et surtout \u00eatre en mesure de naviguer entre les diff\u00e9rents niveaux de langage pour finalement \u00eatre capable de trouver les distances justes et appropri\u00e9es (du synoptique \u00e0 la sp\u00e9cification la plus pr\u00e9cise) avec le projet. S’entendre avec l’autre, en l’occurrence, commence par savoir faire co\u00efncider les strates de langage et m\u00eame, dans la mesure du possible, les partager.<\/p>\n\n\n\n Je ne peux que confirmer l’h\u00e9sitation de mes coll\u00e8gues devant cette distinction entre une \u00e9criture conceptuelle artistique et une \u00e9criture algorithmique. Aujourd’hui ces termes se sont d\u00e9plac\u00e9s. On t\u00e9moigne de plus en plus d\u2019une ambigu\u00eft\u00e9 institutionnelle entre artiste et chercheur, o\u00f9 l’art et l’exploration technoscientifique ne se confondent pas, mais \u00e9changent quelques a priori. Il faudrait ajouter que les termes comme \u00ab\u00a0art\u00a0\u00bb ou \u00ab\u00a0oeuvre\u00a0\u00bb ont \u00e9t\u00e9 \u00e9branl\u00e9s ou repositionn\u00e9s au cours du vingti\u00e8me si\u00e8cle, et que les transformations d\u2019aujourd\u2019hui se trouvent quelque part h\u00e9rit\u00e9es de ce repositionnement. C’est assez ironique, parce que les travaux actuellement visibles dans les gall\u00e9ries et les mus\u00e9es sont encore sous le choc de ces \u00e9branlements, alors que sur le web et dans la culture des \u00ab\u00a0hackers\u00a0\u00bb on voit le prolongement et la r\u00e9ponse \u00e0 ces repositionnements entre art, oeuvre et soci\u00e9t\u00e9. On n’a jamais eu de meilleur exemple de Situationnisme que Netochka Nezvanova, alors que NN est *avant tout* une manifestation sp\u00e9cifique aux changements du mill\u00e9naire et au d3M\u00d8 (ULtUr3).<\/p>\n\n\n\n Maintenant, pour r\u00e9pondre plus sp\u00e9cifiquement \u00e0 la formulation (\u00e9criture de l’id\u00e9e\/concept artistique, \u00e9criture de l’algorithme), dans mon cas les deux p\u00f4les font partie du m\u00eame mouvement. Je retrouve facilement, \u00e0 l’int\u00e9rieur du travail, des r\u00e9flexions conceptuelles, des intuitions artistiques, et des r\u00e9flexes technologiques. Ils arrivent tous les trois en m\u00eame temps sans h\u00e9sitation.<\/p>\n\n\n\n Peut-\u00eatre le probl\u00e8me vient du fait que l’on repr\u00e9sente trop souvent la programmation comme un langage formaliste, abstrait, ou purement logique ; du coup on ne comprend plus comment elle peut traverser une oeuvre plastique. Il est vrai, bien s\u00fbr, que les langages de programmation utilisent souvent des signes formalistes, que ces signes sont \u00e9crits \u00ab\u00a0d’avance\u00a0\u00bb, et que l’ordinateur fait abstraction des choses. Mais que faire du jeu vid\u00e9o alors, \u00e0 la fois de son code (programme), de sa repr\u00e9sentation ou manifestation physique, et de son actualisation \u00e0 travers l’interactivit\u00e9? Ces trois p\u00f4les font partie d’un m\u00eame pseudorganisme dans le jeu. Un jeu vid\u00e9o est un langage de manipulation (interactivit\u00e9), c’est-\u00e0-dire qu’il n’est pas si loin d’\u00eatre lui-m\u00eame un langage de programmation. Du coup on contredit le postulat d’a priori de la programmation. Et pour revenir sur l’\u00e9criture, je vois dans un jeu vid\u00e9o de l’\u00e9criture partout. Cette \u00e9criture est non seulement active, actualisante, concr\u00e8te, elle est \u00e9galement r\u00e9cursive : elle est de tous les c\u00f4t\u00e9s de la cha\u00eene de production. Elle prend comme objet de traitement, son traitement ; elle en joue. Je vois dans des structures de jeu comme le classique DOOM, un labyrinthe de donn\u00e9es – ou de ce qu’on pourrait tout simplement appeler des images – face \u00e0 des strat\u00e9gies informes de manipulation, d’alt\u00e9ration et de d\u00e9territorialisation de ces donn\u00e9es. Le joueur d\u00e9joue le labyrinthe \u00e9crit par le programmeur, le joueur d\u00e9programme donc la machine. Dans le jeu, on d\u00e9couvre la programmation comme un processus joyeux, c’est une v\u00e9ritable \u00ab\u00a0machine\u00a0\u00bb qui se d\u00e9finit dans un processus d’articulation et de d\u00e9sarticulation. On est loin du constat froid et d\u00e9sengag\u00e9 d’un langage formaliste *impos\u00e9* sur des contenus, *impos\u00e9* sur des savoirs. J’ai toujours aim\u00e9 le slogan \u00ab\u00a0programming is fun\u00a0\u00bb. On devrait le comprendre \u00e0 la fois comme une invitation \u00e0 jouer et une d\u00e9finition ontologique.<\/p>\n\n\n\n En ce qui concerne la confrontation de l\u2019\u00e9criture de l\u2019id\u00e9e ou concept artistique avec l\u2019\u00e9criture algorithmique de programme, on peut dire que l\u2019\u00e9criture du sc\u00e9nario anticipe la conception du programme et offre deux strat\u00e9gies possibles. Partir tout d\u2019abord d\u2019une id\u00e9e d\u2019interactivit\u00e9 (l\u2019algorithme) pour aller vers une production d\u2019image ad\u00e9quate, ou \u00e0 l\u2019inverse, trouver intuitivement pour une image l\u2019interactivit\u00e9 la plus sensible.<\/p>\n\n\n\n Pour ce qui est de l\u2019hybridation de savoirs, nous faisons l\u2019exp\u00e9rience d\u2019un espace d\u2019\u00e9criture (narration + interactivit\u00e9) en ligne pouvant \u00e0 tout moment \u00eatre compl\u00e9t\u00e9 et modifi\u00e9. Ce mode d\u2019\u00e9criture permet d\u2019appr\u00e9hender la notion de transition, alors que le multim\u00e9dia se penche aujourd\u2019hui encore peu sur les diff\u00e9rentes modalit\u00e9s de liaison qu\u2019offre l\u2019interactivit\u00e9, pr\u00e9f\u00e9rant des coupures s\u00e8ches aux passages r\u00e9fl\u00e9chis.<\/p>\n\n\n\n Dans cette perspective – \u00e9criture puis r\u00e9alisation – la phase de programmation s\u2019inscrit dans une phase de concr\u00e9tisation. Autrement dit, c\u2019est l\u2019image qui g\u00e9n\u00e8re l\u2019algorithme et non l\u2019inverse.<\/p>\n\n\n\nDouglas Edric Stanley :<\/h2>\n\n\n\n
Anonymes :<\/h2>\n\n\n\n