{"id":3596,"date":"2003-12-01T15:04:23","date_gmt":"2003-12-01T15:04:23","guid":{"rendered":"https:\/\/archee.uqam.ca\/?p=3596"},"modified":"2023-02-20T15:04:35","modified_gmt":"2023-02-20T15:04:35","slug":"decembre-2003-monument-du-vide-la-voix","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/archee.uqam.ca\/decembre-2003-monument-du-vide-la-voix\/","title":{"rendered":"D\u00e9cembre 2003 – Monument du vide \/ la voix"},"content":{"rendered":"\n

Monument du vide\u00a0(MdeV) est une performance r\u00e9seau (Net Art) qui met en relation une communaut\u00e9 d’artistes dispers\u00e9es sur le territoire g\u00e9ographique. Il regroupe des participantes install\u00e9es \u00e0 Montr\u00e9al (QC), Hull (QC), Trois-Rivi\u00e8res (QC), Barcelone et Cologne. Le Monument du vide se construit via le r\u00e9seau Internet lors de sessions intensives qui se d\u00e9roulent pendant plusieurs heures, voire jours de travail. Le projet utilise la m\u00e9taphore du corps pour \u00e9laborer la structure narrative du projet num\u00e9rique. Chacun des\u00a0work-in-progress<\/em>\u00a0exploite un aspect diff\u00e9rent de la nature humaine. Jusqu’\u00e0 aujourd’hui le collectif d’artistes aura travaill\u00e9 sur le coeur, la circulation, la voix et la m\u00e9moire du monument. L’intention du projet reprend l’id\u00e9e de la figure techno-mythique que Dona Haraway proposait dans son essai\u00a0Cyborg\u00a0Manifesto<\/em>\u00a0c’est-\u00e0-dire, la construction d’un syst\u00e8me hybride constitu\u00e9 d’espaces r\u00e9els, virtuels, domestiques, \u00e9conomiques, publics, politiques et subjectifs lesquels interreli\u00e9s par les r\u00e9seaux d’information et les technologies num\u00e9riques se fusionnent dans une forme encore insaisissable.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Dans la pr\u00e9sentation du 26 octobre 2002, qui aura \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9 dans le cadre de SIGNAUX organis\u00e9 lors de la rencontre annuelle du Regroupement des centres d’artistes autog\u00e9r\u00e9s du Qu\u00e9bec (RCAAQ) au 3e Imp\u00e9rial1<\/sup>, le dispositif mis en place pour la pr\u00e9sentation du Monument du vide est compos\u00e9 d’un immense \u00e9cran en forme de demi ovale qui permet aux visiteurs de se sentir entour\u00e9s par les images en provenance des autres points du r\u00e9seau. Des haut-parleurs ont \u00e9t\u00e9 plac\u00e9s \u00e0 l’ext\u00e9rieur de cette enceinte pour permettre la diffusion des sons qui seront envoy\u00e9s tout au long de la journ\u00e9e par les artistes dispers\u00e9es sur le vaste territoire. L\u00e9onie Clermont et Marie-Christiane Mathieu (auteure du texte), sommes install\u00e9es dans ce lieu. On voit projeter sur notre \u00e9cran l’image en provenance de Hull o\u00f9 sont install\u00e9es Andr\u00e9e Pr\u00e9fontaine et laura jeanne lefave. Grace \u00e0 leur webcam, on voit qu’elles aussi ont am\u00e9nag\u00e9 leur espace pour le public r\u00e9el. Elles projettent les images des diff\u00e9rents points du r\u00e9seau sur un grand \u00e9cran dans le studio multim\u00e9dia de Da\u00efm\u00f5n2<\/sup>. On sent la grandeur du lieu par l’envergure de la projection, la hauteur du plafond et la proportion de leurs corps. L’espace est vaste. Tout au long de la journ\u00e9e, on apercevra des visiteurs circuler dans leur espace. On verra les deux artistes expliquer au public ce qu’elles font et ce qu’est le projet du MdeV.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

On voit sur une autre fen\u00eatre Gabriela Golder \u00e0 Cologne. Elle est chez elle et plie des v\u00eatements devant la cam\u00e9ra. Puis elle joue avec des images d\u00e9coup\u00e9es et cr\u00e9e des effets d’anamorphose qu’elle saisit avec sa webcam. Elle termine sa participation par un repas \u00e0 la chandelle avec des amis. Tout comme pour Julie Lapalme et St\u00e9phanie Lagueux install\u00e9es au Studio XX3<\/sup>, \u00c9lisabeth Mathieu \u00e0 Presse Papier4<\/sup>\u00a0recevra peu de visiteurs. Mariela Yeregui install\u00e9e \u00e0 Barcelone restera invisible. Elle nous \u00e9crira en utilisant l’interface de clavardage et nous fera parvenir beaucoup d’images et de s\u00e9quences vid\u00e9o. Tout au long de la journ\u00e9e, ces artistes se concentreront sur la production visuelle, sonore et interactive qui constitue la trace unique de l’\u00e9v\u00e9nement et le mat\u00e9riau de base dans la formation du Monument du vide.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Cette trans-apparence, cette vision trans-\u00e9cran perce la nature opaque de ce qui nous s\u00e9pare pour ouvrir sur le d\u00e9cor des autres. Ces fen\u00eatres r\u00e9v\u00e8lent aussi d’autres espaces, ceux des cyberpromeneurs qui interviennent dans les actions et les conversations entre les artistes. Dans certains cas, on voit qu’eux aussi am\u00e9nagent et organisent leur environnement. Certains cyberpromeneurs, t\u00e9moin de cette activit\u00e9 du Monument du vide passent des commentaires de surprise sur ce qu’il voit. Ce qui \u00e9tonne dans cette mise en r\u00e9seau est l’effet qu’ont les dispositifs de Da\u00efm\u00f5n et du 3e Imp\u00e9rial sur ceux-ci. Ces internautes voient par leur fen\u00eatre la m\u00eame chose que les artistes. Ils sont t\u00e9moins des activit\u00e9s et des \u00e9changes qui ont court. Ils passent des commentaires et posent des questions.<\/p>\n\n\n\n

Il y a dans ces fen\u00eatres projet\u00e9es sur l’\u00e9cran du 3e Imp\u00e9rial des actions parall\u00e8les et convergentes. Le dispositif re\u00e7oit et rassemble tous ces espaces dispers\u00e9s : ceux des artistes, ceux des internautes, celui de l’oeuvre qui est en train de se faire et finalement, celui des visiteurs r\u00e9els qui d\u00e9ambulent \u00e0 l’int\u00e9rieur de l’enceinte lumineuse. Ce dispositif soul\u00e8ve une question qui se rapporte \u00e0 la structure architecturale de l’espace que nous habitons. \u00c9tudi\u00e9e autour des valeurs de temps, d’histoire et de connaissances, l’architecture, comme nous l’avons toujours connue, ordonne, prot\u00e8ge et encadre les individus. L’architecture mise sur la p\u00e9rennit\u00e9, sur la r\u00e9sistance et la durabilit\u00e9 du mat\u00e9riau, bref sur la monumentalit\u00e9 de notre histoire. <\/p>\n\n\n\n

En revenant alors du c\u00f4t\u00e9 r\u00e9el, du c\u00f4t\u00e9 du lieu et du temps historique, celui du 3e Imp\u00e9rial o\u00f9 se d\u00e9ploie le Monument du vide, nous esp\u00e9rons faire vivre au public cette fusion des lieux que nous exp\u00e9rimentons. En d\u00e9couvrant l’architecture int\u00e9rieure de l’oeuvre, celle du r\u00e9seau, nous ressentons fortement le clivage de l’architecture qui nous abrite. Nous transformons malgr\u00e9 nous l’architecture que nous habitons, la r\u00e9elle, celle o\u00f9 nous avons install\u00e9 nos \u00e9crans et nos projecteurs en une machine d’exclusion. Nous constatons que les visiteurs entrent dans s’enceinte sans jamais vraiment p\u00e9n\u00e9trer ou comprendre ce qui se passe. En voyant les visiteurs entrer dans l’enceinte que nous avons \u00e9rig\u00e9e, Gabriela Golder install\u00e9e \u00e0 Cologne demande : Qui sont tous ces gens? Alors que nous faisions une mise en espace pour le public r\u00e9el, c’est celui des internautes qui r\u00e9agit. Alors que nous voulions int\u00e9resser le public sur place en \u00e9levant des \u00e9crans et en rendant les espaces de chaque artiste visibles, c’est le public qui arrive par en dedans qui se manifeste. Les cybervisiteurs deviennent visiblement le public potentiel. Ils posent un regard sur nos installations, nous sentons alors qu’un \u00e9change est possible. <\/p>\n\n\n\n

Dans l’exp\u00e9rience que nous vivons, l’architecture que nous habitons est retourn\u00e9e comme un gant vers l’ext\u00e9rieur. L’int\u00e9rieur c’est le r\u00e9seau et l’ext\u00e9rieur est l’espace r\u00e9el o\u00f9 d\u00e9ambulent les visiteurs. Cette condition int\u00e9rieure et ext\u00e9rieure est forc\u00e9ment induite par les modes diff\u00e9rents de communication. En 1996, Marcos Novak \u00e9crit \u00ab\u00a0Maintenant que l’image cin\u00e9matographique est habitable et interactive, nous avons d\u00e9finitivement travers\u00e9 les limites du r\u00e9el et du virtuel\u00a0\u00bb (traduction de l’auteure). Mais comment faire traverser le regardeur dans le virtuel et comment l’amener \u00e0 vivre un moment d’inclusion?<\/p>\n\n\n\n

Dans l’exp\u00e9rience du Monument du vide, l’artiste se voit malgr\u00e9 elle investie d’une mission suppl\u00e9mentaire, celle de faciliter ce passage entre ce qui est ext\u00e9rieur et ce qui est int\u00e9rieur. Elle doit alors op\u00e9rer une transition de son r\u00f4le de co-auteur \u00e0 celui d’animatrice culturelle, ce qui ne semble pas \u00e9vident \u00e0 faire. Dans cette volont\u00e9 de trouver l’esth\u00e9tique du Monument et sa forme, le dispositif doit permettre une meilleure ouverture et le r\u00f4le de l’artiste comme co-auteur et producteur de l’oeuvre doit alors \u00eatre repens\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Nicolas Bourriaud (Bourriaud, 1998) explique que la forme na\u00eet de la d\u00e9viation et de la rencontre al\u00e9atoire d’\u00e9l\u00e9ments tenus jusqu’alors en parall\u00e8le. Les \u00ab\u00a0composantes forment un ensemble dont le sens \u00ab\u00a0tient\u00a0\u00bb au moment de leur naissance, suscitant des \u00ab\u00a0possibilit\u00e9s de vie\u00a0\u00bb nouvelles\u00a0\u00bb. En citant Serge Daney, Bourriaud \u00e9crit\u00a0: \u00ab\u00a0toute forme est un visage qui nous regarde\u00a0\u00bb (Bourriaud, 1998). Le visage de l’autre qui appara\u00eet dans la\u00a0dimension du dialogue.\u00a0\u00a0<\/em>Dans\u00a0Ce que nous voyons, ce qui nous regarde<\/em>, George Didi-Huberman pose cette question : \u00ab\u00a0Qu’est-ce qu’un volume porteur, montreur de vide\u00a0(…) et comment faire de cet acte une forme – une forme qui nous regarde? \u00bb\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Et il r\u00e9pond plus loin : \u00ab\u00a0Les images de l’art savent en quelque sorte compacifier ce jeu (…) et d\u00e8s lors elles savent lui donner un statut de monument, quelque chose qui reste, qui se transmet, qui se partage (fut-ce dans le malentendu). \u00bb (Didi-Huberman, 1992)<\/p>\n\n\n\n

Car dans le dispositif mis en place au 3e Imp\u00e9rial, il s’agissait bien de r\u00e9gler ce malentendu, du moins de r\u00e9pondre \u00e0 l’attente du public r\u00e9el qui voulait comprendre. En constatant que le dispositif ne facilite pas l’inclusion, il faut alors reposer la question du visiteur et voir jusqu’\u00e0 quel point l’art r\u00e9seau doit consid\u00e9rer celui-ci dans la structure de ce qui se fait et de ce qui est \u00e0 voir…<\/p>\n\n\n\n

Notes<\/h2>\n\n\n\n

[1] Le 3e<\/sup>\u00a0Imp\u00e9rial, centre d’essais en arts visuels, Granby (Qu\u00e9bec).<\/p>\n\n\n\n

[2]\u00a0Da\u00efm\u00f5n, centre de production photo-vid\u00e9o-nouveaux-m\u00e9dias, Hull (Qu\u00e9bec).<\/p>\n\n\n\n

[3]\u00a0Studio XX\u00a0est un centre d’arts m\u00e9diatiques et de ressources multim\u00e9dia pour
femmes, Montr\u00e9al (Qu\u00e9bec).<\/p>\n\n\n\n

[4]\u00a0Presse Papier, atelier de gravure Trois-Rivi\u00e8res (Qu\u00e9bec).<\/p>\n\n\n\n

Bibliographie<\/h2>\n\n\n\n

\u2013 Bourriaud, Nicolas, Esth\u00e9tique relationnelle<\/em>, Presse du r\u00e9el, Paris, 1998, 128 p. <\/p>\n\n\n\n

\u2013 Didi-Huberman, Georges, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde<\/em>, Les \u00e9ditions de minuit, Paris, 1992, 208 p. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Monument du vide\u00a0(MdeV) est une performance r\u00e9seau (Net Art) qui met en relation une communaut\u00e9 d’artistes dispers\u00e9es sur le territoire g\u00e9ographique. Il regroupe des participantes install\u00e9es \u00e0 Montr\u00e9al (QC), Hull (QC), Trois-Rivi\u00e8res (QC), Barcelone et Cologne. Le Monument du vide se construit via le r\u00e9seau Internet lors de sessions intensives qui se d\u00e9roulent pendant plusieurs … Continued<\/a><\/p>\n","protected":false},"author":1,"featured_media":0,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[9],"tags":[221],"acf":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3596"}],"collection":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=3596"}],"version-history":[{"count":2,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3596\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":3598,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/3596\/revisions\/3598"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=3596"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=3596"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/archee.uqam.ca\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=3596"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}